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10 février — Sainte Scholastique

Je vais t’enlever le Royaume -



Salomon sacrifiant aux idoles,

Jacques Stella (Lyon, 1596 - Paris, 1657),

Huile sur toile, 98 x 142 cm, 1647,

Musée des Beaux-Arts, Lyon (France)


Lecture du premier livre des Rois (1 R 11, 4-13)

Salomon vieillissait ; ses femmes le détournèrent vers d’autres dieux, et son cœur n’était plus tout entier au Seigneur, comme l’avait été celui de son père David. Salomon prit part au culte d’Astarté, la déesse des Sidoniens, et à celui de Milcom, l’horrible idole des Ammonites. Il fit ce qui est mal aux yeux du Seigneur, et il ne lui obéit pas aussi parfaitement que son père David. Il construisit alors, sur la montagne à l’est de Jérusalem, un lieu sacré pour Camosh, l’horrible idole de Moab, et un autre pour Milcom, l’horrible idole des Ammonites. Il en fit d’autres pour permettre à toutes ses femmes étrangères de brûler de l’encens et d’offrir des sacrifices à leurs dieux. Le Seigneur s’irrita contre Salomon parce qu’il s’était détourné du Seigneur Dieu d’Israël. Pourtant, celui-ci lui était apparu deux fois, et lui avait défendu de suivre d’autres dieux ; mais Salomon avait désobéi. Le Seigneur lui déclara : « Puisque tu t’es conduit de cette manière, puisque tu n’as pas gardé mon alliance ni observé mes décrets, je vais t’enlever le royaume et le donner à l’un de tes serviteurs. Seulement, à cause de ton père David, je ne ferai pas cela durant ta vie ; c’est de la main de ton fils que j’enlèverai le royaume. Et encore, je ne lui enlèverai pas tout, je laisserai une tribu à ton fils, à cause de mon serviteur David et de Jérusalem, la ville que j’ai choisie. »


La peinture


La notice du Musée de Lyon


Le Livre des Rois de l'Ancien Testament relate que dans sa vieillesse, le roi d'Israël Salomon se détourna du Dieu unique des Hébreux et, sous l'influence des femmes de son harem, adora différents dieux d'Orient (1Rs 11, 7-8). Dans un temple dont la rigoureuse architecture antique est ornée de motifs évoquant l'art égyptien, femmes et enfants se livrent à une joyeuse danse au son du sistre, du cor et du tambourin. Salomon à genoux prie un dieu à tête bovine qui trône sous un dais, entouré de vases précieux. Le tableau conçu en pendant, également conservé au musée des Beaux-Arts de Lyon, présente en contrepoint le même Salomon dans sa jeunesse, recevant la reine de Saba , venue écouter ses conseils de sagesse.


Le peintre Jacques Stella, né à Lyon en 1596, fit carrière à Rome puis à Paris, où il connut un succès important à la cour comme auprès d'une clientèle privée. Dans ces deux tableaux qu'on peut dater de la fin de sa carrière, vers 1650, il rend avec une particulière dextérité une ambiance de fête nocturne mêlant solennité religieuse et divertissement païen. La flamme des hautes torches illumine le chœur, et modèle les formes frénétiques des danseuses drapées de vêtements aux couleurs vives et aux multiples nuances.


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Sainte Scholastique, née vers 480 à Nursie et morte en 543 au Mont-Cassin

Scholastique est la sœur jumelle de saint Benoît et nous allons voir comme son caractère tendre et quelque peu malicieux vient adoucir l'austère figure du père des moines d'Occident. On sait peu de choses à son sujet, sinon qu'elle grandit à Rome dans une famille noble et eut très jeune le goût de la prière. Pour saint Grégoire le Grand, c'est une sainte femme qui vit à proximité du monastère fondé par son frère vers 530 au pied du mont Cassin ; d'autres biographes relatent qu'elle a établi un monastère de femmes près de celui des hommes et font ainsi de Scholastique la première religieuse bénédictine. Tous s'accordent à établir qu'elle ne voit son frère qu'une journée par an. En 543, le jour où elle rencontre son frère, le temps passe très vite. Le soir venu, Benoît veut partir. Saisie du pressentiment qu'ils ne se reverront plus, sa sœur lui demande de rester encore quelques moments avec elle. Devant son refus, elle invoque le Seigneur dans une courte prière. À peine a-t-elle relevé la tête que le tonnerre éclate, des éclairs zèbrent le ciel tandis que des trombes d'eaux s'abattent soudain sur la maison. « Ma soeur, qu'avez-vous fait là ? » s'écrie Benoît. Elle réplique : « Je vous ai supplié et vous n'avez pas voulu m'écouter. Dieu, lui, m'a exaucée. » Ils passent donc toute la nuit à parler. Trois jours plus tard, Scholastique meurt et, de sa fenêtre, Benoît voit l'âme de sa sœur monter au ciel. Il envoie chercher son corps qu'il enterre dans le caveau qu'il avait préparé pour lui-même, et où il la rejoindra quatre ans plus tard.



Mort de sainte Scholastique, soeur de saint Benoît,

Jean II Restout dit le jeune (Rouen, 1692 - Paris, 1768),

Huile sur toile, 338 x 190 cm, 1730,

Musée des Beaux-Arts, Tours (France)


Le tableau

Ce tableau et son pendant, représentant L'Extase de saint Benoît, ont été commandés à Jean Restout par la congrégation de Saint-Maur pour son abbaye bénédictine de Bourgueil. Sainte Scholastique et son frère jumeau saint Benoît sont fondateurs de l'ordre bénédictin. Au moment de sa mort, l'âme de sainte Scholastique s'envole vers le ciel sous la forme d'une colombe. Cette oeuvre, considérée comme l'un des maillons essentiels de la peinture française du XVIIIe siècle, révèle le génie de Restout dans un genre pictural pourtant très codifié.


Méditation

Les jours prochains encore, nous verrons le pauvre roi Salomon céder aux idoles et faire fondre deux veaux d’or pour des sanctuaires du pays. Mais dès aujourd’hui, il prend le chemin des idoles, comme le dit le psaume (Ps 138, 24) : « Vois si je prends le chemin des idoles, et conduis-moi sur le chemin d’éternité. » Mais pourquoi donc fit-il cela ? Le texte nous en donne les raisons : il vieillit et… il cède aux sirènes de ses concubines ! Ça me rappelle ce que disait toujours un vieux curé : « De la peste et des femmes, délivre-nous, Seigneur ! » (Aujourd’hui, on dirait : du Covid…) Ce n’est pas bien gentil, tout ça ! On a l’impression qu’il est entouré d’une série de Dalila, chacune plus machiavélique que l’autre. Mais en fait, ne font-elles pas que profiter de la situation ? Car le véritable problème est que Salomon vieillit. Et comme le disait le Général de Gaulle (au sujet du Maréchal Pétain) : « la vieillesse est un naufrage ». Salomon est en train de couler…


Pourtant, il fut un bon roi. Mais il prend le même chemin que son père. Peut-être a-t-il peur de la mort et espère-t-il quelques soulagements auprès de nouvelles idoles qui pourraient, par magie, prolonger ses jours ? Il semble bien qu’il n’ait pas suffisamment médité les psaumes de son père David :

  • Ps 36, 25 : Jamais, de ma jeunesse à mes vieux jours, je n'ai vu le juste abandonné ni ses enfants mendier leur pain.

  • Ps 38, 5 : Seigneur, fais-moi connaître ma fin, quel est le nombre de mes jours : je connaîtrai combien je suis fragile.

  • Ps 70, 18 : Aux jours de la vieillesse et des cheveux blancs, ne m'abandonne pas, ô mon Dieu ; et je dirai aux hommes de ce temps ta puissance, à tous ceux qui viendront, tes exploits.

  • Ps 89, 12 : Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos coeurs pénètrent la sagesse.

  • Ps 76, 6 : Je pense aux jours d'autrefois, aux années de jadis.

Ce dernier versets est peut-être le plus révélateur : je pense aux jours d’autrefois. Vieillir est difficile pour tout le monde. Encore plus quand les souvenirs refont surface et que la nostalgie enserre notre coeur. Car nous tenons à la vie, plus que nous ne pouvons le croire. Ainsi, j’entendais un jour à la radio un médecin expliquer que beaucoup de ceux qui demandaient le droit à l’euthanasie, lorsqu’ils se trouvaient dans une clinique en Suisse, faisaient demi-tour : la vie est plus forte que tout !


La grande erreur de Salomon n’est pas de ressentir de la nostalgie, ni d’avoir peur de la mort (qui ne l’a pas ?), mais de ne pas se tourner vers le Seigneur, de manquer de foi en sa puissance et sa bonté. « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos coeurs pénètrent la sagesse. » Lui qui avait demandé la Sagesse à Dieu a oublié sa prière… Il a peur, il tremble. Alors, peut-être tend-il une oreille complaisante aux fausses promesses des femmes, comme Ève écouta le serpent (Gn 3, 1-5) et ses mensonges. Y croit-il vraiment ? Pas sûr… Mais en dernier recours, il tente tout, même l’idolâtrie. Regardez-le sur le tableau : le voilà entouré d’une jeunesse dont la folie n’égale que la vigueur. Et lui, vieil homme, se retrouve à genoux, le visage crispé, tendant les mains vers une statue diaboliques, espérant être sauvé de la mort. Comme le montre la fenêtre au-dessus de la porte, la nuit est venue, et lui, refuse une telle nuit de sa vie !


Comment lui reprocher sa peur, ses craintes devant la mort ? Même si je n’en ai pas encore fait l’expérience, je ne crois pas qu’il existe de morts faciles. Elle est et restera toujours un combat, comme l’homme qui s’accroche désespérément à un ressaut de la falaise pour éviter de tomber. Mais au bout d’un moment, la force manque et les doigts lâchent. Le plus dur n’est pas de tomber, mais de vouloir rester accroché envers et contre tout. S’il est un signe positif à cela, c’est bien que nous aimons cette vie que Dieu nous a offert. J’ai déjà mis ce petit poème de Jacques Prévert (Pater Noster) : « Notre Père qui êtes au Cieux, restez-y, Et nous, nous resterons sur la Terre qui est quelquefois si jolie »…


Mais, maintenant, la fin est inéluctable. Nul n’y échappe, à moins que ce ne soit la parousie, la venue en Gloire du Christ Rédempteur. En ce cas, les morts ressusciteront et les vivants seront jugés sans passer par la case « défunt ». Alors, poussons le cri final de la Bible (Ap 22, 20) : « Oui, je viens sans tarder. » – Amen ! Viens, Seigneur Jésus !


Car, comme je l’écrivais plus haut, c’est bien là le noeud gordien auquel s’affronte Salomon : il a oublié de se tourner vers Dieu. J’entends souvent dire que plus on vieillit, plus on devient sage. À la suite de Corneille, je n’en suis pas convaincu. Par contre, je pense que l’on pense plus souvent à la mort, qu’on se tourne plus facilement vers notre passé, au risque de croire que notre avenir est trop morne. Et l’on sombre dans la mélancolie. Victor Hugo disait que « la mélancolie, c’est le bonheur d’être triste. » Cependant il me semble que, même si la mélancolie nous habitera toujours, nous pouvons changer notre regard. D’abord, se rappeler que le bonheur est toujours à venir et jamais définitivement passé. Arrêtons de regretter un passé qui ne sera plus, d’espérer un futur qui ne sera pas celui que nous craignons, et donnons du poids, de la densité à l’instant présent, là où Dieu nous attend. S’il est une sagesse que la vieillesse devrait nous donner, c’est celle de vivre le moment présent. Et un moment présent où le Christ passe, discrètement, certes, mais il passe : il est le Dieu qui passe dans nos vies, sans s’arrêter, nous appelant à le suivre en confiance. Il est celui qui chaque jour nous appelle à venir à sa suite, et qui un jour nous dira avec confiance : « Viens ! » Pour que nous entrions dans son Royaume. Alors, nul besoin d’idoles, nul besoin de chants, de danses et de flutes à des statues magiques ; non, simplement la confiance en un Dieu qui nous aime et nous attend patiemment.


Salomon l’a oublié. Il recule, essaye d’éviter, au lieu d’avancer avec confiance vers son Créateur. Pour terminer, je vous laisse cette prière que nos aïeux avaient l‘habitude d’adresser à saint Joseph (dommage que Salomon ne la connût pas) :


Saint Joseph, père nourricier de Notre-Seigneur Jésus-Christ, père si riche en grâces, époux de la bienheureuse Vierge Marie, toute votre vie était sainte et juste, voilà pourquoi aucune crainte ne pouvait troubler, au moment de votre trépas, votre désir du ciel. Saint Joseph, patron spécial des mourants, nous vous recommandons notre heure ultime d'ici-bas. Quand notre âme devra sortir de ce monde, implorez pour nous, en union avec Marie, votre sainte épouse et notre Mère, la grâce de votre fils divin, afin que, munis d'une foi ferme, d'une espérance inébranlable et d'une charité ardente, nous puissions vaincre les tentations de l'ennemi malin et remettre notre âme dans la paix la plus douce, entre les mains du Père, après avoir reçu dignement jésus dans la très sainte Eucharistie. Ainsi soit-il

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