La Sagesse se transmet aux âmes saintes -

La charité de Saint-Martin,
Anonyme,
Groupe sculpté en pierre, traces de polychromie, 100 x 100 cm, XVIe siècle,
Église Saint-Pierre, Saint-Pierre-des-Loges (France)
Lecture du livre de la Sagesse (Sg 7, 22 à 8, 1)
Il y a dans la Sagesse un esprit intelligent et saint, unique et multiple, subtil et rapide ; perçant, net, clair et intact ; ami du bien, vif, irrésistible, bienfaisant, ami des hommes ; ferme, sûr et paisible, tout-puissant et observant tout, pénétrant tous les esprits, même les plus intelligents, les plus purs, les plus subtils. La Sagesse, en effet, se meut d’un mouvement qui surpasse tous les autres ; elle traverse et pénètre toute chose à cause de sa pureté. Car elle est la respiration de la puissance de Dieu, l’émanation toute pure de la gloire du Souverain de l’univers ; aussi rien de souillé ne peut l’atteindre. Elle est le rayonnement de la lumière éternelle, le miroir sans tache de l’activité de Dieu, l’image de sa bonté. Comme elle est unique, elle peut tout ; et sans sortir d’elle-même, elle renouvelle l’univers. D’âge en âge, elle se transmet à des âmes saintes, pour en faire des prophètes et des amis de Dieu. Car Dieu n’aime que celui qui vit avec la Sagesse. Elle est plus belle que le soleil, elle surpasse toutes les constellations ; si on la compare à la lumière du jour, on la trouve bien supérieure, car le jour s’efface devant la nuit, mais contre la Sagesse le mal ne peut rien. Elle déploie sa vigueur d’un bout du monde à l’autre, elle gouverne l’univers avec bonté.
Saint Martin de Tours
« Aujourd’hui, Martin, le saint évêque de Tours, est entré dans le repos » (a. d’ouverture). L’influence de saint Martin (v. 316-397) a été décisive pour l’évangélisation de la partie de la France qui s’étend au sud de la Loire : Touraine, Poitou, Saintonge, Auvergne et Berry, et même pour l’évangélisation du Parisis. Sans doute la foi en Jésus Christ avait-elle cheminé le long des voies romaines depuis le temps de saint Irénée (fin du IIe siècle), mais le christianisme n’avait encore guère touché que les villes, quand Martin, le soldat hongrois converti, vint se mettre à l’école de saint Hilaire (339) et quand il fonda à Ligugé, près de Poitiers, le premier monastère de tout l’Occident (360). C’est Martin qui devait être l’apôtre des campagnes gallo-romaines. Avant d’être baptisé, il avait partagé son vêtement avec un pauvre à Amiens ; lorsqu’il fut devenu chrétien, il ne put rester insensible à la pauvreté essentielle des paysans à qui personne n’avait encore parlé du Christ. Ordonné évêque de Tours (372), il groupa à nouveau autour de lui des compagnons désireux de vivre en hommes de prière, mais il voulut faire de ses moines des missionnaires. Le monastère de Marmoutier, aux portes de Tours, devint un véritable centre d’évangélisation. L’évêque payait d’ailleurs de sa personne, toujours en chemin pour annoncer l’Évangile, arrachant les arbres sacrés et brisant les idoles. Il mourut à Candes, non loin de Tours, en 397, et son culte se répandit dès le Ve siècle à travers la Gaule.
Méditation
Une petite anecdote que vous connaissez certainement tous : Martin n’a donné que la moitié de son manteau, non par partage, mais par respect de la loi romaine. En effet, la moitié de l’équipement d’un officier appartenait au SPQR (Senatus PopolusQue Romanus : le Sénat et le Peuple romain). Ainsi, Martin n’a pas dessaisi l’Empire mais a donné tout ce qui lui appartenait. Et les premiers mots de la lecture de la Sagesse correspondent bien à ce grand saint français (son nom est le patronyme le plus porté — à tel point qu’on dira qu’il n’y a pas qu’un âne qui s’appelle Martin — mais aussi le toponyme le plus répandu dans notre pays) : « Il y a dans la Sagesse un esprit intelligent et saint, unique et multiple, subtil et rapide ; perçant, net, clair et intact ; ami du bien, vif, irrésistible, bienfaisant, ami des hommes ; ferme, sûr et paisible, tout-puissant et observant tout, pénétrant tous les esprits, même les plus intelligents, les plus purs, les plus subtils ».
C’est cet Esprit qui lui a fait réunir dans sa vie l’action et la contemplation. À la fois moine vivant dans le silence, la solitude et la prière, méditant la Parole de Dieu, cherchant à entrer en communion avec Dieu ; mais aussi apôtre qui parcourt le pays pour évangéliser, annoncer le Christ, repousser le paganisme et rendre à l’homme toute sa dignité. Missionnaire parcourant toutes les contrées, il deviendra un des patrons des pèlerins. Et il entreprit de combattre avec ardeur les rites païens (dont l’étymologie vient de paysan) comme nous le raconte son biographe, Sulpice Sévère (fin du IVe siècle) in Vie de Saint-Martin, en 397 :
Le Pin abattu
Un autre jour, en certain village, il avait détruit un temple fort ancien, et entrepris d’abattre un pin tout proche du sanctuaire. Mais alors, le prêtre de ce lieu et toute la foule des païens commencèrent à lui opposer de la résistance. Et ces mêmes gens qui pourtant – par la volonté de Dieu – n’avaient pas bougé pendant la démolition du temple, ne supportaient pas que l’on coupât l’arbre. Martin s’employait à leur faire observer qu’une souche n’avait rien de sacré : ils devaient plutôt suivre le Dieu qu’il servait lui-même ; il fallait couper cet arbre car il était consacré à un démon.
Alors l’un d’eux, plus hardi que les autres :” Si tu as, dit-il, quelque confiance en ce Dieu que tu déclares adorer, nous couperons nous-mêmes l’arbre que voici, et toi, reçois-le dans sa chute. Et si ce Seigneur, que tu dis être le tien, est avec toi, tu en réchapperas.” Alors, gardant une confiance intrépide dans le Seigneur, Martin s’engage à le faire. A ce moment, toute cette foule de païens donnèrent leur accord à un tel défi, et ils se résignèrent facilement à la perte de leur arbre, pourvu que sa chute écrasât l’ennemi de leurs cérémonies. Et comme le pin penchait d’un côté, en sorte que l’on ne pouvait douter du côté où il devait s’abattre une fois coupé, on place Martin attaché, selon la volonté des paysans, à l’endroit où personne ne doutait que l’arbre dût tomber.
Ils se mirent donc à couper eux-mêmes leur pin avec une allégresse et une liesse extrême. la foule des spectateurs étonnés se tenait à l’écart. Et déjà le pin vacillait peu à peu, et, sur le point de tomber, il menaçait de s’abattre. A l’écart, les moines palissaient ; épouvantés par l’approche du danger, ils avaient perdu toute espérance et toute foi, et n’attendaient plus que la mort de Martin. Mais lui, confiant dans le Seigneur, attendait intrépidement. Le pin, dans sa chute, avait déjà fait entendre un craquement, déjà il tombait, déjà il s’abattait sur lui, quand Martin élève sa main à la rencontre de l’arbre et lui oppose le signe du salut. Mais alors – on eût cru l’arbre repoussé en arrière dans une sorte d’ouragan – , il s’abattit du côté opposé, de sorte qu’il faillît écrasé les paysans qui s’étaient tenus en lieu sûr.
Mais alors une clameur s’élève au ciel, et les païens demeurent stupéfaits d’étonnement, les moines pleurent de joie, tous à l’unisson proclament le nom du Christ ; et l’on vit bien que, ce jour-là, le salut était arrivé pour ce pays. Car il n’y eut à peu près personne, dans cette immense foule de païens, qui ne réclamât l’imposition des mains et n’abandonnât l’erreur impie pour croire au Seigneur Jésus. Et il est vrai qu’avant Martin fort peu de gens, et même à peu près personne, n’avaient reçu dans ce pays le nom du Christ. Mais les “vertus” et l’exemple de Martin lui donnèrent tant de force qu’il ne se trouve plus un seul endroit qui ne soit rempli d’églises ou d’ermitage en très grand nombre. Car là où il avait détruit des sanctuaires païens, il construisait aussitôt des églises ou des ermitages.
Enfin, comment ne pas penser en ce jour d’armistice, à tous ces soldats qui, comme Saint Martin ont donné leur vie pour nous ?
Prière à saint Martin
Par le cardinal Jean Honoré, archevêque émérite de Tours
Bienheureux Martin, nous venons à toi. Soldat de Dieu, Apôtre du Christ, Témoin de son Évangile et Pasteur de son Église, nous te prions.
Tu étais présent à Dieu dans le grand silence des nuits solitaires, donne-nous de lui rester fidèles dans la foi et la prière.
Catéchumène, tu donnas au mendiant la moitié de ton manteau, aide-nous à partager avec nos frères.
À travers champs et bois, tu as défié le démon et détruit ses idoles, prends-nous en ta garde et protège-nous du mal.
Au soir de ta vie, tu n’as point refusé le poids des jours et des travaux, fais que nous soyons dociles à la volonté du Père.
Au Ciel de gloire, tu jouis de ton repos dans la maison de Dieu, mets en nos cœurs le désir de te rejoindre et de connaître près de toi la joie de l’éternité bienheureuse. »
Prière du pèlerin à Saint Martin (figurant en tête de la credential)
Saint Martin, tu as parcouru les routes de l’Europe, tu as suivi le chemin de ton cœur en adhérant au Christ par la foi et en partageant ton manteau avec le pauvre par amour du Christ, tu as été un apôtre infatigable, parcourant la campagne gauloise pour annoncer l’Evangile du Christ et fonder les premières paroisses, tu as suivi le chemin de la vie éternelle et tu nous attends au ciel.
Je me confie à ta prière au seuil de cette route que j’emprunte pour mieux te connaître et partager la foi qui t’animait, l’espérance qui te guidait, la charité qui te brûle aujourd’hui encore et pour toujours.
Protège mes pas, conduis-moi au but par le Christ qui règne pour les siècles des siècles. Amen.