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14 septembre — Croix Glorieuse

Il faut que le Fils de l’homme soit élevé



Christ (ou autoportrait en crucifié)

Georges Lacombe (Versailles, 1868 – Alençon, 1916)

Bois sculpté (acajou), 274 x 216 cm, 1898-99

Musée des Beaux-Arts, Brest (France)


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 3, 13-17

En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème : « Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.


L’artiste

Extrait de Wikipedia

Georges Lacombe est issu d'une famille aisée. Son père journaliste et ancien bijoutier, est expérimenté dans le travail du bois. Sa mère Laure peint et dessine habilement. Ses parents lui donnent une éducation religieuse stricte chez les Eudistes à Saint-Jean-de-Béthune à Versailles. Il deviendra par la suite un anticlérical convaincu.


Il possède un atelier au fond du jardin de ses parents, fréquente la société versaillaise, passe l'été en Bretagne et en 1892, par des amis communs, rencontre Paul Sérusier qui peint une fresque à thème breton dans son atelier de Versailles. Les Nabis lui rendent visite pour admirer l'œuvre. Lacombe rejoint leur groupe et expose en 1893 deux bois sculptés chez Le Barc de Boutteville. En 1893, il découvre quarante-quatre peintures du premier séjour à Tahiti de Paul Gauguin à la galerie Durand-Ruel. En 1894, il expérimente le néo-impressionnisme avec Théo Van Rysselberghe. En 1899, il reçoit son ami Paul Ranson dont la santé s'est dégradée et qui participera à la décoration de sa maison L'Ermitage. Il ne repartira qu'en 1905.


Lacombe expose cinq toiles aux Salon des indépendants. Il sculpte beaucoup, notamment des têtes pour le théâtre de marionnettes de L'Abbé Prout, écrite et dessiné par son ami Paul-Élie Ranson en 1901, qui lui dédicace une des scènes de la pièce L'Armoire des voluptés, puis il peint des paysages de Bretagne. À l'abri des soucis financiers par son mariage avec Marthe Wenger, il ne cherchera jamais à vendre ses toiles. Il vit près d'Alençon à L'Ermitage que viendront décorer ses amis peintres. Il sculpte le buste de Paul-Élie Ranson après sa mort en 1909. Lacombe enseigne occasionnellement la sculpture à l'Académie Ranson. La Première Guerre mondiale le touche et, atteint de tuberculose, il meurt le 29 juin 1916.


L’œuvre

Extrait du site du Musée de Brest

Choix d’une statue de taille imposante puisqu’elle mesure plus de deux mètres (275 x 218,6 cm). La position frontale et statique reprend les codes académiques de la représentation du Christ en croix. Toutefois, le Christ n’est ni cloué, ni meurtri. Le corps est vigoureux, bien proportionné, à la taille marquée. Les détails sont précis, la couronne ressemble à un turban qui ceint une chevelure lisse, la barbe est bien taillée, on distingue les plis du pagne. Le visage est calme et serein, les yeux sont fermés. Cet autoportrait est surprenant. Tout d’abord Georges Lacombe se représente en Christ, lui qui était anticlérical. Le portrait est valorisant, le sculpteur montre ici tout son talent et se représente en idole.


Un autre commentaire

L’œuvre est imposante (2,75 x 2,18 m) Notre artiste que ses amis surnommaient « le Nabi sculpteur » a travaillé une importante bille d’acajou. La croix et le corps sont taillés dans la même pièce de bois, les bras sont rapportés. Souvent présenté comme anticlérical, il semblerait que Georges LACOMBE ait voulu se démarquer des représentations classiques du Christ souffrant sur la Croix, pour nous présenter un Christ serein dans la mort, affirmant par la grande beauté de sa sculpture, l’espérance en la vie éternelle à laquelle croient les Chrétiens.


Dans ces écrits alors qu’il travaille à son sujet il parle volontiers de sa technique, de son plaisir à sculpter, mais jamais de ses sentiments. C’est sa mère, alors que l’œuvre est achevée et qu’elle doit être présentée chez DURAND RUEL, qui écrit à Hector GIACOMELLI :

« Ne voulez-vous pas admettre que ne désirant pas essayer de traduire une fois de plus le Christ traditionnel souffrant et mourant, il l’ait conçu mort et devenant pour l’éternité dans ce sublime geste qui semble embrasser le monde, le symbole de l’abnégation, et de l’Espérance ? Venez à moi vous tous qui êtes chargés, désillusionnés, souffrants. Je vous ferai planer au-dessus de vos misères et je vous enseignerai ma sérénité... »

Chacun se fera son opinion ! Si son inspiration spirituelle reste encore mystérieuse, son inspiration artistique est plus certaine.


Nous savons qu’avec ses amis nabis, il découvre la sculpture égyptienne dans les années 1890/95. Comme eux, il est fasciné par le travail des sculpteurs égyptiens qu’il apprécie en photo et au Louvre qu’il visite régulièrement. Le pagne du Christ est directement inspiré de cet art.


La symétrie rigoureuse que nous observons tant dans le travail sur le pagne, que dans la chevelure, la barbe à deux pointes et le visage du Christ est aussi inspirée par la sculpture antique et les saintes mesures que théorisaient SERUSIER dès 1898. Il est inspiré par l’art égyptien mais nous savons que son Christ est aussi influencé par la sculpture religieuse française et populaire. Notre musée conserve dans ses collection un dessin de 1895 du calvaire de l’église Saint Salvy à Albi, qui ne laisse sur ce sujet aucun doute. D’autres dessins, dont celui du musée Lambinet à Versailles, confirment cette inspiration.



La posture de son Christ, il l’imagine, mais dans l’impossibilité de fabriquer une maquette grandeur nature, il se fait photographier dans l’atelier de Versailles et dans la position qu’il souhaite réaliser en sculpture.



De cette photo naitra la théorie vivace de l’autoportrait, et le titre maintes fois reproduit dans la littérature pour cette sculpture de « Autoportrait en crucifié ».


Ce que je vois

Ce crucifix m’a fait penser à trois autres oeuvres :


Le jardin de Proserpine

Robert Hale Ives Gammell (Rhode Island, 1893 - Williamstown, 1981)

1938, oil on canvas, 48 x 24 in.

Collection particulière


L’égyptien

Joseph Daniel Laurent Bouvier (Vinay, 1841 - Saint-Geoire-en-Valdaine, 1901)

Huile sur toile, taille et date inconnues

Musée des Beaux-Arts, Grenoble (France)

Fontaine du Fellah

Pierre-Nicolas Beauvallet (Le Havre, 1750 - Paris, 1818)

Sculpture originale de 1806, copie actuelle de Jean-François-Théodore Gechter en 1844

42 rue de Sèvres, Paris (France)


Toutes les trois font référence à cet art neo-égyptien qui a commencé à fleurir à Paris après la Campagne d’Égypte de Bonaparte puis partout en France au dans la première moitié du XIXème siècle. N’oublions pas que cet art a fait progrès grâce à l’engouement des groupes francs-maçons pour cette terre d’Égypte qu’ils estimaient être le berceau de leur culte initiatique.


Pour notre œuvre, il serait bon d’ajouter cette célèbre peinture de Paul Gauguin :


Le Christ Jaune

Paul Gauguin (Paris, 1848 - îles Marquises, 1903)

Huile sur toile, 91,1 x 73,4 cm, 1889

Galerie d'art Albright-Knox, New-York (U.S.A.)


Notre œuvre est imposante. Un grand crucifié, hiératique, noble qui ne semble pas souffrir, mais repose simplement sur La Croix. Il a les yeux fermés. Il est étendu, serein. Le corps est souple, élégamment proportionné. Tout y est symétrie, impression accentuée par le pagne égyptien. On pourrait se croire devant une œuvre « art déco », à l’image des sculptures de Demetre Chiparus Dorohoi, 1886 - Paris, 1947). Le regard est vite attiré par le visage du Christ. Une chevelure abondante, presque une perruque féminine, et une couronne d’épines qui tient plus du tressoir et de son voile que portait les femmes au XIIIème siècle. Signe d’anticléricalisme ? De même la forme du pagne qui est quelque peu équivoque...


Quant au visage, il est presque souriant malgré des traits sévères.


On ne peut pas dire que notre artiste ait fait une œuvre sacrée. Pourtant se dégage de cette sculpture, en plus d’un style marqué d’une époque, une certaine sérénité, comme une confiance du Christ, un apaisement. La Croix fait peur, et pourtant c’est à la paix et au renouvellement de tout notre être qu’elle appelle les hommes.


Un signe élevé dans le ciel

L’Église, telle une horloge comtoise, vit d’éternels balancements ! Une époque centrée sur La Croix et les souffrances, le jansénisme au temps de Louis XIV ou, aujourd’hui, l’oubli de cet instrument de supplice. Il serait intéressant d’étudier la représentation de La Croix au cours des siècles. Celles qui sont vendues maintenant, ou qui ornent les églises nouvelles sont de trois types :

  • Des croix évidées et éclairées de l’intérieur dans un mur, comme si la lumière venait de La Croix, comme cette église au Japon

  • Des croix nues, sans Christ, comme dans la cathédrale de Paris, dévastée,

  • Ou encore des croix avec des crucifiés stylisés, comme à Fatimà au Portugal.


On en viendra même à vouloir transformer et actualiser la Croix en une chaise électrique (Paul Fryer) qu’un évêque à cru bon d’exposer dans sa cathédrale à Gap...


Il faut reconnaître qu’il y a de quoi être décontenancé, pour ne pas dire choqué ! Peut-être tout simplement parce que nous avons perdu le sens de la Croix...


Je ne vais pas revenir sur ce supplice que les Romains infligeaient aux esclaves. Il était tellement courant à l’époque que nul n’y était plus attentif. Rappelez-vous comment Crassus a mâté la révolte de Spartacus : 6 000 esclaves sont crucifiés sur la Via Appia, entre Rome et Capoue...


Dès le début, Jésus a accepté cette mort ignominieuse. Il prépare ses disciples à ce sacrifice de sa vie, pas simplement à sa mort, mais à sa mort en Croix. Une des plus anciennes hymnes de notre Église est rapportée par saint Paul dans l’épître aux Philippiens (Ph 2, 5b-11) :

Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père.

Et la mort de la Croix, dit bien Paul.


Abaissement

Cette croix est donc d’abord le signe de son abaissement. Jésus est descendu jusqu’au plus profond de notre humanité, jusqu’à la détresse extrême pour aller y chercher l’homme désespéré, abandonné. Cette croix est plantée dans nos enfers, dans nos détresses. Dans la liturgie orthodoxe du quatrième dimanche du grand Carême, l’hymne nous dit (Synaxaire du dimanche de La Croix) :

« Il en est comme de la venue du Roi : son drapeau et ses emblèmes le précèdent, puis il vient lui-même. De même, notre Seigneur Jésus-Christ qui doit bientôt nous manifester la victoire sur la mort et venir avec gloire, au jour de la Résurrection, nous a-t-il envoyé en avance son sceptre, l'emblème royal, la Croix vivifiante, qui nous a remplis, autant que cela nous est possible, de joie et de rafraîchissement, et nous rend prêts à célébrer hautement son triomphe. »

Car nous ne pourrions pas prendre notre croix et suivre le Christ, si nous n'avions pas sa Croix, celle dont il s'est chargé pour nous sauver. car c’est La Croix qui va nous relever, comme le pressent l’évangile de ce jour. Cette croix qui n’est pas lourde, qui si nous le voulons peut devenir une béquille plus qu’une charge... (Mt 11, 28-30) :

« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. »

Ainsi, La Croix en s’élevant nous élève...


Élévation

En effet, si nous la prenons à bras-le-corps, elle devient une échelle vers le Ciel. L’échelle de Jacob (Gn 28, 12-15) :

Il eut un songe : voici qu’une échelle était dressée sur la terre, son sommet touchait le ciel, et des anges de Dieu montaient et descendaient. Le Seigneur se tenait près de lui. Il dit : « Je suis le Seigneur, le Dieu d’Abraham ton père, le Dieu d’Isaac. La terre sur laquelle tu es couché, je te la donne, à toi et à tes descendants. Tes descendants seront nombreux comme la poussière du sol, vous vous répandrez à l’orient et à l’occident, au nord et au midi ; en toi et en ta descendance seront bénies toutes les familles de la terre. Voici que je suis avec toi ; je te garderai partout où tu iras, et je te ramènerai sur cette terre ; car je ne t’abandonnerai pas avant d’avoir accompli ce que je t’ai dit. »

Ou celle de saint Jean Climaque, dans son traité L’échelle sainte, qui décrit au moine les divers degrés pour atteindre l’épectase, le progrès de l’homme vers Dieu, vers la perfection :

  • degrés 1–4 : renoncement au monde et obéissance à un père spirituel ;

  • degrés 5–7 : pénitence et affliction (πένθος / penthos) comme voies de la véritable joie ;

  • degrés 8–17 : lutte contre les vices et acquisition des vertus ;

  • degrés 18–26 : fuite des pièges de l'ascèse (paresse, orgueil, pusillanimité) ;

  • degrés 27–29 : atteinte de l’hésychia (paix de l'âme) et de l’apatheia (impassibilité).

N’est-ce pas cette hésychia et cette apatheia que nous constatons sur le visage du crucifié ? En prenant cette échelle de La Croix, vers le ciel, nous recevons cette grâce de la sérénité en Dieu. La Croix nous élève... Mais elle tend aussi les bras.


Embrassade

Car ses bras s’étendent vers le monde entier. Rejoindre le Christ en Croix, sur cette haute montagne dont parlait Satan lors des tentations, c’est écarter les bras, les ouvrir pour recevoir le monde, étendre les mains comme le Christ pour les imposer sur les hommes et leur donner l’épiclèse, le don de l’Esprit. Jésus a fait sur nous la plus grande épiclèse sur La Croix. La Croix est tridimensionnelle : plantée dans le col, tournée vers le ciel et embrassant le monde horizontal.


Comme un arbre

Elle n’est rien d’autre qu’un arbre : l’arbre de La Croix. Et nous-mêmes sommes des images de cet arbre : nous avons les deux pieds enracinés dans notre humus, les cœurs tournés vers le ciel et des bras pour embrasser le monde.


puissions-nous ne pas refuser La Croix, ne pas la repousser, mais l’épouser !


Homélie de saint Bède le Vénérable (+ 735), Homélie, livre II, 18, CCL 122, 315-317

De même que le serpent fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé, afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais obtienne la vie éternelle (Jn 3,14). Avec sa science admirable de la divine doctrine, le Seigneur fait découvrir au docteur de la loi mosaïque le sens spirituel de cette même loi. Évoquant une ancienne histoire, il montre avec exactitude qu'elle annonçait symboliquement sa passion et notre salut.


Le livre des Nombres raconte, en effet, que les Israélites, accablés par la longue et pénible marche au désert, murmurèrent contre le Seigneur et contre Moïse. Aussi le Seigneur envoya-t-il contre eux des serpents brûlants. Couverts de blessures - et beaucoup en mouraient - ils crièrent vers Moïse et celui-ci pria pour eux. Alors, le Seigneur lui ordonna de fabriquer un serpent de bronze et de l'exposer pour qu'il serve de signe. Il ajouta: Ceux que les serpents ont mordus le regarderont et ils auront la vie (Nb 21,8). Et cela se passa comme il l'avait dit.


Ainsi, les blessures provoquées par les serpents brûlants sont les poisons et les brûlures des vices qui, en frappant l'âme, causent sa mort spirituelle. Il convenait aussi que ceux qui murmuraient contre le Seigneur soient abattus par les morsures des serpents, pour que le châtiment extérieur leur fasse reconnaître tous les dégâts spirituels causés par leurs murmures.


Quant au serpent de bronze élevé pour guérir les morsures de ceux qui le regardaient, il représente notre Rédempteur dans sa passion sur la croix, car seule la foi en lui remporte la victoire sur le Règne du péché et de la mort. Et vraiment, les péchés qui mènent l'âme et le corps à leur perte sont représentés à juste titre par des serpents qui sont, en effet, habiles à donner la mort par leur morsure brûlante et venimeuse. En outre, un serpent persuada nos premiers parents encore immortels de commettre le péché qui les a assujettis à la mort.


Le Seigneur venu avec une chair semblable à celle du péché (Rm 8,3) est figuré avec raison par un serpent de bronze. Car, tout en possédant une forme semblable aux serpents brûlants, le serpent de bronze ne contenait dans ses membres absolument aucun poison brûlant et nuisible; bien plus, après qu'on l'eut élevé, il guérissait les hommes mordus par les serpents. Et de la même façon, en vérité, le Rédempteur des hommes a revêtu, non la chair du péché, mais une chair semblable à celle du péché, et il a souffert en elle la mort de la croix afin de libérer ceux qui croient en lui, de tout péché et aussi de la mort même.


C'est pourquoi il dit : De même que le serpent fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé. Aussi bien, ceux qui regardaient le serpent de bronze élevé pour servir de signe, étaient-ils protégés pour un temps de la mort temporelle et guéris de la blessure infligée par la morsure des serpents. Et, de la même façon, ceux qui regardent le mystère de la passion du Seigneur en mettant en lui leur foi, en le confessant et en l'imitant sincèrement, sont-ils sauvés pour toujours de toute espèce de mort, corporelle aussi bien que spirituelle, encourue pour leurs péchés.


Voilà pourquoi il ajoute avec raison : afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais obtienne la vie éternelle. Du moins le sens de cette parole est-il clair : celui qui croit dans le Christ échappe non seulement aux châtiments de l'enfer, mais il reçoit encore la vie éternelle. La différence entre la figure et la réalité réside dans le fait que celle-là prolongeait la vie temporelle tandis que celle-ci fait don de la vie qui durera toujours.


Quant à nous, nous devons faire en sorte que les bonnes pensées conçues par notre esprit se traduisent en actes méritoires, de sorte que nous pourrons, en confessant la vraie foi et en menant une existence pleine de piété et de sagesse, mériter de parvenir à la plénitude de vie qui nous est promise.


Homélie de saint André de Crète (+ 740), Discours 11 sur l'exaltation de la croix vénérable, PG 97, 1036-1045.

La croix est dressée sur la terre. Naguère cachée à cause de la malveillance, elle s'offre aux regards. La croix est élevée non pour qu'on lui confère la gloire, car elle ne peut acquérir aucun accroissement de gloire, dès lors qu'elle porte le Christ crucifié. Mais Dieu, adoré sur la croix et proclamé par elle, est ainsi glorifié. <>


Il est donc juste que, trouvant sa joie dans la croix du Seigneur, l'Église revête son habit de fête et qu'elle apparaisse dans toute sa beauté nuptiale pour honorer ce jour. Il est juste que cette grande foule soit aujourd'hui rassemblée afin de voir la croix exposée et d'adorer le Christ qu'elle contemple élevé en croix. Car celle-ci est offerte aux regards pour être exaltée et elle est dressée pour être révélée.


Quelle est donc cette croix ? Celle qui, naguère cachée au Calvaire, est maintenant adorée en tous lieux. Elle est aujourd'hui la cause de notre joie, et nous la célébrons. C'est là l'essentiel de la fête de ce jour. C'est là que le mystère est révélé. <> Car ce bois qui donne la vie était caché, et il fallait, oui, il fallait qu'on le voie élevé dans les airs et qu'il soit montré à l'univers comme une ville située sur une montagne, ou une lampe élevée sur un lampadaire (Mt 5,14-15). <>


Quand nous l'adorons sur la croix, apprenons combien grande est la puissance du Christ, et combien nombreuses les merveilles qu'il a opérées par elle en notre faveur. Ce qui est conforme à la parole du saint roi David : Notre Dieu, roi éternel, a accompli le salut sur la face de la terre (Ps 73,12). <>


Par la croix, en effet, les nations ont été prises comme dans un filet et les semences de la foi ont été semées partout. Avec la croix, les disciples du Christ ont labouré la nature humaine inféconde, comme avec une charrue. Ils ont fait apparaître les champs toujours verts de l'Église, ils ont récolté une abondante moisson de croyants en Jésus Christ. Par la croix, les martyrs ont été fortifiés et, en succombant, ils ont abattu ceux qui les frappaient.


Par la croix, le Christ a été reconnu et l'Église des croyants, tenant toujours ouvertes les Écritures, nous présente le même Christ, le Fils de Dieu, Dieu en soi, le Seigneur même, qui proclame d'une voix éclatante : Celui qui veut marcher à ma suite, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix, et qu'il me suive (Lc 9,23).


Prière

Tu as voulu, Seigneur, que tous les hommes soient sauvés par la croix de ton Fils; permets qu'ayant connu dès ici-bas ce mystère, nous goûtions au ciel les bienfaits de la rédemption. Par Jésus Christ.

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