L’homme des songes -

Saint Joseph,
Dominique Papety (Marseille, 1815 - Marseille, 1849),
Fresque murale, transept droit, vers 1841,
Église de l’abbaye Saint-Victor, Marseille (France)
Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 1, 16. 18-21. 24a
Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ. Or, voici comment fut engendré Jésus Christ : Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret. Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit.
L’artiste
Dominique-Louis Papety est né le 12 août 1815 à Marseille. Élève de L. Cligner, il remporta le Grand Prix de Rome en 1836 et figura au Salon de Paris de 1843 à 1847. Il visita la Grèce — et en rapporte une documentation qui servira entre autres pour la décoration du Panthéon de Paris —, la Syrie, la Palestine. Au cours de son dernier voyage, il contracta les germes de la fièvre qui devait l’emporter et mourut le 19 septembre 1849 à Marseille. Ingres tenait son talent en grande estime (il dira de lui : « Ce ne fut jamais un élève, c'était un maître dès qu'il toucha un pinceau ») et l’influença beaucoup. À travers plusieurs de ses toiles, il montre aussi sa passion pour Raphaël. Après sa mort, une vente est organisée, à l'issue de laquelle des milliers d'œuvres sont dispersées.
Le tableau
Extrait du livre de François Boespflug, Jésus a-t-il et une vraie enfance ?, Cerf, 2015
Dans le Saint Joseph de Dominique-Louis-Féréol Papety (1841 ; Marseille, église Saint-Victor), Jésus est debout entre les genoux de son père adoptif assis, comme un petit garçon ordinaire peut l’être, à ceci près qu’il bénit de la main droite haut levée, avec une autorité qui n’est pas de son âge, un peu comme l’Enfant Jésus debout sur les genoux de sa mère, de Romain Cazes (1810-1881), un élève d’Ingres, étude pour le décor de l’église Notre-Dame de Bordeaux, ou comme celui d’Édouard Cibot (1799-1877) dans Regina Coeli, Salon de 1846.
Ce que je vois
L’image est assez sombre. Il faut dire que les conditions de prise de vue sont difficiles et que l’œuvre est particulièrement abimée et mériterait une profonde restauration avant qu’il ne soit trop tard.
Joseph est assis dans un fauteuil de pierre qui ressemble étrangement au siège de Charlemagne à Aix-la-Chapelle, dans La Chapelle Palatine :

Pieds nus, il est vêtu d’une tunique blanche et d’une sorte de chlamyde orangée. On distingue à peine les traits de son visage, si ce n’est cette cotonneuse barbe blanche en accord avec sa chevelure d’ancien. On peut vraiment se demander si l’artiste n’a pas voulu assimiler Joseph à l’Empereur Charlemagne ! Il fut le père de l’Europe, et veilla sur elle comme sur l’Église... Comme Joseph fut le père adoptif de Jésus, veilla sur Lui, tête de l’Église... De la main droite il tient un lis blanc (avec un i et non un y : c’est en héraldique). Ce n’est pas en premier lieu le signe de la pureté, comme on pourrait le croire (ce qui est quand même le cas !), mais le rappel d’un événement de la Légende dorée de Jacques de Voragine. Les prétendants au mariage avec Marie devait apporter un bâton. Le lendemain, celui de Joseph avait fleuri. Cette branche fleurie s’est transformée, au cours des siècles, en branche de lis comme symbole de son mariage virginal. Un exemple nous est donné dans ce tableau :

Le mariage de la Vierge Marie
Jacques Stella (Lyon 1596 – Paris 1657)
Huile sur toile, entre 1640 et 1645, 360 x 450 cm
Musée des Augustins, Toulouse (France)
Devant lui se tient debout l’Enfant-Jésus, comme soutenu par les genoux de son père adoptif. Ce n’est plus un bébé, ce n’est pas encore un adolescent. Cinq ou six ans ? Il est simplement vêtu d’une tunique blanche sans ceinture. Sa main gauche repose sur celle de Joseph, tandis que d’un geste noble, il tend le bras droit pour nous bénir de deux doigts.
Dans les icônes grecques orthodoxes ainsi que dans l’iconographie chrétienne des premiers siècles, le geste de la main qui bénit forme les lettres IC XC, une abréviation reprenant les premières et dernières lettres des mots grecs Jésus (IHCOYC) Christ (XPICTOC). La main qui bénit reproduit, en gestes, le Nom de Jésus, le « Nom au-dessus de tout nom ».

En plus de former des lettres, le geste de bénédiction effectué par le Christ comporte aussi des vérités doctrinales. Ainsi, les trois doigts qui forment le I et le X représentent également la Trinité, l’unité de Dieu en trois personnes : Père, Fils et Saint-Esprit. Le pouce et l’annulaire qui se touchent ne forment pas seulement la lettre C mais symbolisent aussi l’Incarnation, la nature humaine et divine unies en la personne du Christ.
Notons que le visage de Jésus semble bien plus mûr que celui d’un enfant de six ans. À la fin du Moyen Âge, hormis les scènes de Nativité, les peintres avaient encore peu l’occasion de représenter un enfant. Jusqu’ici sur les icônes, le Christ apparaît sous sa forme adulte. « Contrairement à ce que l’on a longtemps cru, explique Fabien Lacouture, historien d’art, à partir du XIIème siècle naît une véritable réflexion philosophique sur l’enfant. C’est à cette époque que les premières écoles et premiers précepteurs apparaissent en Italie. Des traités d’éducation sont publiés dans toute l’Europe. Cette préoccupation s’accompagne d’une volonté de représenter l’enfant et le Christ catalyse les recherches picturales. »
C’est sans doute l’hypothèse à privilégier pour expliquer le physique ingrat des bébés dans les bras des Madones : la double nature du Christ, un homme dans un corps d’enfant. « Les chrétiens considèrent, affirme Fabien Lacouture, que le Fils de Dieu était né comme un homme parfaitement formé. » Logique puisqu’il était divin !
Résultat ? « Les peintres, particulièrement en Flandres, veulent insister sur ce caractère surnaturel du Christ et mettent l’accent sur un homme aux allures graves de vieillard, incarné en un nouveau-né. » Ces corps et ces visages mûrs dans les scènes de Nativité deviennent un standard, une convention de représentation dans toute l’Europe, surtout au Nord.
Il semble qu’ici le peintre ait voulu insister sur cette maturité du Christ, pleinement homme et pleinement Dieu.
Le grand oublié
Oui, c’est vraiment le grand oublié de l’évangile, même des lettres des apôtres (Paul ne parle ni de Marie, ni de Joseph), mais aussi un peu de l’Église ! Pourtant, quel rôle ingrat il a dû assumer. Essayons de regarder avec un œil critique tout ce qui lui est arrivé et qu’il a dû assumer :
Petite chronologie
Il est fiancé à une Vierge qui vient lui annoncer qu’elle va avoir un enfant et qu’il n’est pas de lui... Et ce trois mois après l’annonce de l’ange, et après que Marie ait rendu visite à sa cousine Élisabeth...
Et cet enfant serait de Dieu !
Que faire d’autre que la congédier pour éviter qu’elle ne se fasse lapider, car il l’aime !
Heureusement, un ange vient lui expliquer qu’il doit la garder chez lui car l’enfant vient de Dieu.
Il obéit !
Voilà maintenant qu’il est dans l’obligation d’emmener sa femme enceinte à Bethléem, suite à un édit impérial, pour un recensement.
Quand il est là, il lui faut trouver un logement.
Marie ayant à peine mis au monde son fils, voici une visite quelque peu impromptue de bergers exaltés.
Dans les huit jours, il faut repartir pour faire circoncire l’enfant.
Puis repartir encore quarante jours après pour la purification et faire offrande de deux oiseaux qu’il a fallu acheter.
Puis être surpris de ce que va dire ce vieillard et cette femme sur leur enfant.
Puis retourner à Bethléem.
Puis ensuite la visite surprenante de Mages qui apportent de fabuleux cadeaux, bien que l’un soit le signe d’une triste destinée.
Il faut fuir : Hérode veut tuer l’enfant... Mais Joseph est averti par un deuxième songe de partir en Égypte.
Et maintenant ce voyage en Égypte !
Troisième songe où l’ange lui dit de retourner en Israël.
Sur la route, quatrième songe : va à Nazareth.
Peut-être a-t-il dû acquérir une maison ? En tous les cas, s’installer et relancer son activité professionnelle pour nourrir sa famille.
Là les choses se calment, l’enfant grandit et, d’après la tradition, apprend le métier de son père : charpentier.
Voilà qu’à douze ans, l’enfant fait une sorte de fugue... affolement, recherches... et ils le retrouvent au milieu des Docteurs dans le Temple. Et cette réponse qu’il leur fait, un peu vexante : « Ne savez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? »
Puis, plus un mot de Joseph. Même pas une allusion de Jésus tout au long de son ministère. Nada ! Et remarquez qu’au milieu de tout cela... pas un mot, pas une parole de Joseph, rien !!!
Il y a quand même quelque chose d’ingrat, non ? Mais maintenant, mettons-nous à sa place.
Vu du côté de Joseph
Étant donné qu’on ne lui a jamais donné la parole dans les évangiles, mon cher Joseph, je vais me faire ton porte-parole ! Reprenons la chronologie et essayons d’imaginer ce que tu te dis...
Il est fiancé à une Vierge qui vient lui annoncer qu’elle va avoir un enfant et qu’il n’est pas de lui... Et ce trois mois après l’annonce de l’ange, et après que Marie ait rendu visite à sa cousine Élisabeth...
Que je l’aime cette petite Marie, si douce, si belle, si attachée à Dieu, si profonde de cœur. Elle est mon bâton fleuri. Elle sera mon bâton de vieillesse.
L’ÉPOUX AMOUREUX !
Et cet enfant serait de Dieu !
Ô ma foi n’égale pas celle de Marie. Elle, elle écoute Dieu et elle s’ouvre à Lui comme la fleur ouvre sa corolle. Moi, je suis peut-être un peu rustre... Mas à défaut d’avoir la foi du charbonnier, j’ai celle du charpentier. Et je retiens ce que Marie m’a dit de sa rencontre avec l’Ange : « Rien d’impossible à Dieu ! ». Je le crois, je la crois.
L’HOMME DE FOI !
Que faire d’autre que la congédier pour éviter qu’elle ne se fasse lapider, car il l’aime !
J’aimerais tant qu’il ne lui arrive rien, que les autres se mettent pas à médire. Ils sont incapables de comprendre. Que puis-je faire ? Que puis-je faire par amour et dans l’amour ?
QUI PREND LE TEMPS DE LA MÉDITATION !
Heureusement, un ange vient lui expliquer qu’il doit la garder chez lui car l’enfant vient de Dieu. Il obéit !
Merci mon Dieu de m’avoir révélé ces événements. Oui, Fiat, qu’il en soit ainsi, je t’écoute, j’obéis à tes ordres, même si tu me laisses libre de refuser. Mais je sais que tu fais tout par bienveillance. Et même « si tu écris droit avec des lignes courbes », je t’écoute et te suivrai.
ET TOUJOURS OBÉISSANT !
Voilà maintenant qu’il est dans l’obligation d’emmener sa femme enceinte à Bethléem, suite à un édit impérial, pour un recensement. Quand il est là, il lui faut trouver un logement.
C’est parti pour une vie de nomade. Mais n’est-ce pas le propre de mon peuple ? N’est-ce pas ce que Dieu demande à Marie et à moi : ne pas nous installer ? Simplement avancer, courageusement, sans récriminer. Allez ! En route dans la béatitude...
LE PÈRE ET MARI COURAGEUX !
Marie ayant à peine mis au monde son fils, voici une visite quelque peu impromptue de bergers exaltés.
Quelle surprise que la visite des ces bergers ! Ils étaient charmants, attendris et attendrissants. Et sachant s’émerveiller d’un rien. Moi, c’est surtout eux qui m’ont émerveillés, ce petit berger qui s’est approché de mon Jésus, l’a pris dans ses bras et lui a souri...
L’HOMME QUI S’ÉMERVEILLE !
Dans les huit jours, il faut repartir pour faire circoncire l’enfant. Puis repartir encore quarante jours après pour la purification et faire offrande de deux oiseaux qu’il a fallu acheter. Puis être surpris de ce que va dire ce vieillard et cette femme sur leur enfant.
Eux aussi sont surprenants. Ils m’ont même troublé avec leurs prophéties. Mais je m’inquiète, je m’inquiète pour Marie : quel est donc ce glaive qui va lui transpercer le cœur ? Je m’inquiète pour Jésus : quel sera son avenir ? Ne vous inquiétez pas, je continuerai de veiller sur vous !
L’HOMME SANS REPOS, IN-QUIET !
Puis retourner à Bethléem. Puis ensuite la visite surprenante de Mages qui apportent de fabuleux cadeaux, bien que l’un soit le signe d’une triste destinée.
Mais que va-t-on faire de tout cela ? L’argent et l’or ne nous donneront pas le bonheur. Ce que je cherche pour Marie et Jésus, c’est l’or de l’amour. Pauvre de tout, sauf de Jésus...
L’HOMME PAUVRE ET RICHE !
Il faut fuir : Hérode veut tuer l’enfant... Mais Joseph est averti par un deuxième songe de partir en Égypte. Et maintenant ce voyage en Égypte !
Allez, c’est reparti ! Je ne baisse pas les bras, malgré l’âge qui avance...
LE PÈRE ET MARI PUGNACE !
Troisième songe où l’ange lui dit de retourner en Israël. Sur la route, quatrième songe : va à Nazareth.
Que de surprises m’aura fait cet ange ! Il faut aller à Nazareth ? D’accord !
L’HOMME TOUJOURS À L’ÉCOUTE DE DIEU !
Peut-être a-t-il dû acquérir une maison ? En tous les cas, s’installer et relancer son activité professionnelle pour nourrir sa famille. Là les choses se calmes, l’enfant grandit et, d’après la tradition, apprend le métier de son père : charpentier.
Discrètement, modestement, silencieusement, je serai toujours là pour vous Marie et Jésus. Je veille sur vous. Dieu m’a confié cette mission de vous faire grandir en sagesse, en taille et en amour. Je vous donnerai tout pour cela.
LE PÈRE IDÉAL, DISCRET ET BEL ÉDUCATEUR !
Voilà qu’à douze ans, l’enfant fait une sorte de fugue... affolement, recherches... et ils le retrouvent au milieu des Docteurs dans le Temple. Et cette réponse qu’il leur fait, un peu vexante : « Ne savez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? »
Ne t’en fais pas Jésus. Je ne te comprends pas tout, mais je te crois. Je préfère laisser résonner ta parole dans le silence de mon cœur, laisser ta parole être ma catéchèse, tant que je suis avec toi.
L’HOMME DU SILENCE !
Puis, plus un mot de Joseph. Même pas une allusion de Jésus tout au long de son ministère. Nada ! Et remarquez qu’au milieu de tout cela... pas un mot, pas une parole de Joseph, rien !!!
Comme Jean-Baptiste, mon neveu, le dira plus tard : « Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue. » (Jn 3, 30). C’est ce que je vais faire...
L’homme effacé qui sait s’effacer...
Un seul mot : MERCI JOSEPH ! Sois aujourd’hui mon père putatif, mon éducateur...
Prière à saint Joseph, patron des causes difficiles (Saint François de Sales)
GLORIEUX Saint Joseph, époux de Marie, accordez-nous votre protection paternelle, nous vous en supplions par le Cœur de Jésus et le Cœur Immaculé de Marie.
Ô vous dont la puissance infinie s’étend à toutes nos nécessités et sait nous rendre possibles les choses les plus impossibles, ouvrez vos yeux de père sur les intérêts de vos enfants. Dans l’embarras et la peine qui nous pressent, nous recourons à vous avec confiance ; daignez prendre sous votre charitable conduite cette affaire importante et difficile, cause de notre inquiétude. Faites que son heureuse issue tourne à la gloire de Dieu et au bien de ses dévoués serviteurs.
Ô vous que l’on n’a jamais invoqué en vain, aimable saint Joseph ! Vous dont le crédit est si puissant auprès de Dieu qu’on a pu dire : “ Au ciel, Joseph commande plutôt qu’il ne supplie ”, tendre père, priez pour nous Jésus, priez pour nous Marie. Soyez notre avocat auprès de ce divin Fils dont vous fûtes ici-bas le père nourricier si attentif, si chérissant et le protecteur fidèle. Soyez notre avocat auprès de Marie dont vous fûtes l’époux si aimant et si tendrement aimé. Ajoutez à toutes vos gloires celle de gagner la cause difficile que nous vous confions.
Homélie de saint Bernard (+ 1153), Sermons à la louange de la Vierge Marie, Homélie 2, 12, 13, 15, 16, Opéra, éd. J. leclercq et H. rochais, vol. 4, Rome, 1966, pp. 29, 31, 32, 33.
C'était la coutume des Juifs que l'épouse soit confiée à la garde de l'époux depuis le jour de leurs fiançailles jusqu'au jour des noces. C'était à lui de veiller d'autant plus attentivement sur la chasteté de sa fiancée qu'il voulait ainsi trouver en elle une épouse plus fidèle. De même donc que Thomas, en doutant et en touchant de ses mains, devint le témoin le plus sûr de la résurrection du Seigneur, de même Joseph, en se fiançant à Marie et en examinant plus attentivement sa manière de vivre pendant le temps où elle était confiée à sa garde, devint le témoin le plus fidèle de sa chasteté. Quel beau rapport il y a entre ces deux faits: le doute de Thomas et les fiançailles de Marie ! <>
Il fallait donc que Marie soit accordée en mariage à Joseph, car c'était le moyen de cacher aux infidèles ce saint mystère, de faire confirmer sa virginité par son époux, de garantir la pudeur de la Vierge et de prendre soin de sa réputation. Existait-il un moyen plus sage et qui soit plus digne de la divine Providence ? En vertu de cette unique disposition, les secrets célestes ont trouvé un témoin, ils ont échappé à la connaissance de l'Ennemi et l'honneur de la Vierge a été préservé. Sans cette assurance, comment un homme juste aurait-il pu épargner une femme adultère ?
Mais il est écrit : Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement; il décida de la répudier en secret (Mt 1,19). Ainsi, c'est parce qu'il était juste qu'il ne voulut pas la dénoncer publiquement. De même qu'il n'eût pas été un homme juste s'il avait approuvé une fiancée qu'il savait coupable, de même il n'eût pas été juste s'il l'avait condamnée tout en la sachant innocente. Comme il était juste et ne voulait pas la dénoncer publiquement, il décida de la répudier. <>
Quelqu'un pourrait toutefois en juger autrement et faire l'objection suivante : Joseph, en homme qu'il était, a douté de la fidélité de Marie, et, en homme juste, n'a assurément pas voulu habiter avec Marie en raison de ce doute. Mais comme il était bon, il n'a pas voulu la dénoncer comme suspecte, et a donc décidé de la répudier en secret.
Je réponds en deux mots que, même dans cette hypothèse, le doute de Joseph a été opportun, puisqu'il a dû être levé par une parole divine. Car il est écrit : Il avait formé ce projet, à savoir de la répudier en secret, lorsque l'ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint (Mt 1,20).
Telles sont donc les raisons pour lesquelles Marie fut fiancée à Joseph, ou plutôt, comme dit l'évangéliste Luc, à un homme appelé Joseph (Lc 1,27). Il l'a appelé "un homme" non parce qu'il était son mari, mais parce qu'il possédait la vertu qui fait les hommes. Ou plutôt, puisque l'évangéliste Matthieu ne l'a pas désigné comme un homme, mais comme son époux (Mt 1,19), cette dernière appellation signifiait à bon droit comment il fallait qu'on le considère. Il devait donc être appelé son époux puisqu'il fallait qu'il soit tenu pour tel.
De même, il a mérité aussi, non pas d'être le père du Sauveur, mais d'être appelé de ce nom, afin qu'on le tienne pour tel, d'après ce que dit l'évangéliste Luc : Au moment de ce début, Jésus avait environ trente ans ; il était considéré comme fils de Joseph (Lc 3,23). Il n'était donc ni l'époux de la mère, ni le père du fils, et cependant, par une disposition sûre et nécessaire de la Providence, comme je l'ai déjà dit, il reçut pendant un temps le nom d'époux et de père, et fut tenu pour tel.
Mais pense à l'estime dont il a mérité de jouir auprès de Dieu en recevant le nom, même purement formel, de père de Dieu, et en étant tenu pour tel. Pense en outre à son nom propre, que tu ne peux hésiter à considérer comme un honneur supplémentaire, et tu te feras une idée de l'homme extraordinaire que Joseph a été. <>
Nul ne peut douter que Joseph ait été un homme bon et fidèle, lui qui a eu pour épouse la mère du Sauveur. Il fut le serviteur fidèle et sage que le Sauveur a placé près de Marie pour être le consolateur de sa mère, le père nourricier de son corps et, en un mot, l'unique coopérateur très fidèle de sa grande oeuvre sur la terre.
Prière
Dieu tout-puissant, à l'aube des temps nouveaux tu as confié à saint Joseph la garde des mystères du salut ; accorde maintenant à ton Église, toujours soutenue par sa prière, de veiller sur leur achèvement. Par Jésus Christ.