Une lumière dans la nuit

Le foyer,
Louis-Welden Hawkins (Esslingen, 1849 - Paris, 1910),
Huile sur toile, 183 x 90 cm, 1899,
Musée des Beaux-Arts, Nantes (France)

Les Chants de la nuit,
Alphonse Osbert (Paris, 1857 - Paris, 1939),
Huile sur toile, 77 x 123 cm, 1896,
Musée d’Orsay, Paris (France)
Lecture du livre du prophète Isaïe (Is 9, 1-6)
Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant toi, comme on se réjouit de la moisson, comme on exulte au partage du butin. Car le joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane. Et les bottes qui frappaient le sol, et les manteaux couverts de sang, les voilà tous brûlés : le feu les a dévorés. Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix. » Et le pouvoir s’étendra, et la paix sera sans fin pour le trône de David et pour son règne qu’il établira, qu’il affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours. Il fera cela, l’amour jaloux du Seigneur de l’univers !
Psaume 95 (96), 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a, 13bc
Chantez au Seigneur un chant nouveau, chantez au Seigneur, terre entière, chantez au Seigneur et bénissez son nom !
De jour en jour, proclamez son salut, racontez à tous les peuples sa gloire, à toutes les nations ses merveilles !
Joie au ciel ! Exulte la terre ! Les masses de la mer mugissent, la campagne tout entière est en fête.
Les arbres des forêts dansent de joie devant la face du Seigneur, car il vient, car il vient pour juger la terre.
Il jugera le monde avec justice et les peuples selon sa vérité.
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre à Tite (Tt 2, 11-14)
Bien-aimé, la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Elle nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien.
Louis-Welden Hawkins
Louis Welden Hawkins, né à Esslingen (Empire allemand) le 1er juillet 1849 et mort à Paris 17e le 24 mai 1910, est un peintre britannique naturalisé français.
Fils d'un officier de marine anglais et d'une baronne autrichienne, Louis Welden Hawkins est naturalisé français en 1895 et c'est en France qu'il mène sa carrière.
Destiné à une carrière militaire, il rompt avec sa famille en 1873, et s'installe en France. Il est élève de William Bouguereau, Jules Lefebvre et Gustave Boulanger à l’Académie Julian à Paris. Il expose au Salon des artistes français de 1881 à 1891 et obtient un grand succès, obtenant des offres d'achat de l'État qu'il refuse. Il fréquente le groupe des artistes symbolistes, expose au Salon de la Société nationale des beaux-arts (1894-1911), au Salon de la Rose-Croix (1894-1895) et à la Libre Esthétique de Bruxelles. Il entretient des relations suivies avec les écrivains engagés dans ce mouvement : Jean Lorrain, Paul Adam, Laurent Tailhade, Robert de Montesquiou, Stéphane Mallarmé qui l'accueille dans son cénacle de la rue de Rome à Paris et qui l'honore d'un vers : « Talisman de longues heures que nul regard ne peut épuiser », mais aussi avec des personnalités du monde syndical et politique socialiste, dont le député Camille Pelletan et la journaliste féministe Séverine, dont il fera le portrait.
Ses figures féminines sont dans la tradition des préraphaélites avec leur gravité songeuse, sa peinture est une quête d'une réalité fragile intemporelle, qui demande attention et qui distille la quintessence des choses. Il passe ses dernières années à peindre les paysages de Bretagne et finit dans une certaine misère.
Alphonse Osbert
À la fin du XIXe siècle, nombre d’artistes entendent réagir contre le réalisme et les incertitudes d’un monde en pleine mutation, et contre un art naturaliste privé d’idéal. Ecrivains, poètes, peintres et sculpteurs ambitionnent de rétablir l’harmonie entre l’Homme et la Nature, de réconcilier leurs semblables avec le spirituel et de concourir à la construction d’une société moderne qui ne soit pas uniquement fondée sur les progrès scientifiques, techniques et économiques. Cette volonté de rupture avec le naturalisme et le matérialisme triomphant donne naissance au mouvement symboliste qui touche tous les pays et tous les domaines de la création artistique à partir de 1880. Né à Paris en 1857, Alphonse Osbert est l’une des figures représentatives du courant symboliste. D’un style au départ académique, son style évolue à partir des années 1880. Il se rapproche du Salon des Indépendants fondé par Georges Seurat et y rencontre Maurice Denis et, surtout, Puvis de Chavanne dont l’influence l’incite à s’orienter vers une peinture de plus en plus décorative. L’esthétique d’Alphonse Osbert est alors très proche de celle prônée par le Sâr Joséphin Péladan. Il participe aux Salons de la Rose-Croix que ce dernier organise à partir de 1892. Il fréquente le poète symboliste Stéphane Mallarmé. Apprécié par la critique et soutenu par le journal La Plume, Osbert est désormais reconnu comme l’un des principaux peintres symbolistes. Soutenu par l’Etat, il reçoit d’importantes commandes publiques : il réalise, entre autres, la décoration du grand hall de l’établissement thermal de Vichy en 1904 - deux peintures murales intitulées « La Source » et « Le Bain » qui doivent beaucoup à l’influence de Puvis de Chavanne -, et, entre 1911 et 1913, le décor de la salle des séances de la mairie de Bourg-la-Reine.
Ce que je vois (Le Foyer)
Nous sommes dans un jardin, à la tombée de la nuit, entre chien et loup. L’herbe est verte et parsemée de fleurs de carotte, dans l’ombre d’un arbre dont les surgeons poussent au pied. Dans le fond, un mur de pierres taillées, du granit, ouvert par une fenêtre ogivale à meneau. Au bas du mur est posée une échelle de bois. Par l’ouverture, on distingue sur la droite une lumière qui se reflète sur la gauche. Sur l’appui de la fenêtre est posée un vase d’étain avec quelques fleurs sauvages.
Ce que je vois (Les chants de la nuit)
La scène est baignée d’une lumière bleutée, simplement percée par une lune rousse qui se cache derrière les frondaisons. De chaque côté des rives de l’étang, de jeunes filles habillées d’une longue robe vaporeuse blanche déambulent. Elles semblent chanter à la nuit, louer la lumière lunaire qui commence à poindre.
Méditation
Je ne vous le cache pas : il est difficile d’illustrer la fête de Noël sans une image de crèche ! Mais si j’ai choisi ces deux tableaux, c’est parce qu’ils nous montrent, dans la nuit, cette lumière discrète, mais réelle qui pointe au milieu des ténèbres. Noël est-il autre chose ? Cette petite lumière n’est-elle pas cette vertu de l’espérance que nous cherchons depuis plusieurs dimanches ?
En effet, j’aimerais ne pas voir Noël comme une fête DES lumières, mais de LA lumière. Nos rues, malgré la menace des coupures, se parent de mille ampoules de couleur, les vitrines resplendissent tels des joyaux, même les boites de chocolat ont droit à leurs paillettes. Tout n’est plus qu’explosion coruscante. Et l’on va, en cette nuit, se souler de fragrances de pain d’épices, de champagne pétillant, de bougies et de boules sur le sapin, de papier cadeau et de rubans, de rires et de chants, de cris d’enfants (de joie ou de dépit devant les cadeaux). Tout ne sera qu’éblouissement. Mais le drame de l’éblouissement est qu’il aveugle… Toutes ces lumières nous empêchent de fixer la lumière, si infime soit-elle. Comme le disait Winston Churchill, « les étoiles ne brillent que dans la nuit ». Mais Noël est-il encore une nuit noire, ou un défilé luminescent ? Pourriez-vous encore trouver l’étoile du berger (qui n’est que la planète Vénus !) lorsque le ciel est débordé de lucioles éphémères ?
J’ai déjà raconté cette petite histoire, mais je suis à un âge où l’on peut commencer à radoter. Un soir, autour du feu avec mes scouts, j’entrepris de les initier à la carte du ciel. Je leur montre du doigt l’étoile polaire, qui ne brille pas tant que ça mais qui reste fixe dans notre ciel. Évidemment, la voûte céleste étant bien étoilée cette nuit-là, le scout à un mètre de moi se trompe et ne voit pas laquelle je désigne. Un des jeunes me dit en souriant : « Tu devrais acheter un petit bouton électrique. Tu appuies dessus. Ça éteint toutes les étoiles sauf la polaire. Comme ça, on verra laquelle c’est ! » Vous vous en doutez, j’ai eu beau faire les magasins, je n’ai jamais trouvé ce bouton magique. Mais en y réfléchissant, n’est-ce pas la même chose pour cette nuit ? Ne devrions-nous pas éteindre les fausses lumières pour repérer cette petite étoile qui s’appelle Jésus, qui n’impose pas sa lumière mais qui a l’avantage de ne jamais bouger, d’être toujours au centre de nos vies ? Ce bouton se nomme le silence de la prière.
Silence. Voilà bien un mot qui est passé de mode ! Pourtant, c’est essentiel. Faire silence pour entendre le murmure d’une brise légère : ce sont les paroles de l’Esprit. Faire silence pour calmer la tempête en nous... « Selon la remarque d’un ancien, celui qui vit dans l’agitation et les soucis, dans le bruit intérieur ou extérieur, ressemble à une bouteille d’eau trouble qu’on a secouée. « Quand la bouteille est restée quelque temps immobile, la saleté se dépose et l’eau redevient claire et limpide. Ainsi, notre cœur quand il trouve la quiétude et un profond silence, reflète Dieu. » (André Louf, Seigneur, apprends-nous à prier, Bruxelles, 1974). Reflète Dieu ? Oui, comme la petite étoile. Car, en cette nuit, si nous éteignons toutes les miroirs aux alouettes, nous comprendrons que cette étoile reflète Dieu, et donne la vraie joie, la joie la plus profonde, et non pas un bonheur éphémère et forcé.
Avant, on savait faire silence en allant dans la nuit, tranquillement, jusque’à la messe de Noël. Les enfants faisaient silence dans l’espoir d’entendre le Père Noël descendre par la cheminée, ou pour écouter l’âne croquer la carotte qu’on lui avait laissé dans une chaussure. Maintenant, on allume la télé ! Ah, s’il pouvait y avoir une coupure générale de courant électrique la nuit de Noël, ce serait un bonheur !
Regardez ces deux tableaux. Dans le premier, je ressens le frimas humide de la nuit qui approche. Je cherche, comme Marie et Joseph, un abri. Et je vois cette lumière derrière la fenêtre : c’est habité ! Et en entrant dans la maison, en me réchauffant à cette lumière, c’est moi qui suis habité, habité de la lumière divine. Et ces femmes qui chantent au bord de l’étang, à la pâle clarté de la lune, ne sont-elles pas habitées par une joie profonde ? Ne sont-elles pas les pieds des messagers qui vont annoncer de par le monde cette merveilleuse nouvelle : « Un enfant vous est né, un Sauveur vous est donné » ?
S’il est une joie à célébrer ce soir, c’est celle de distinguer cette petite étoile, cette simple lumière qui brille au fond des âmes : un Sauveur nous est donné. Plus de pleurs, plus de cris, plus de crainte, plus de peur, la lumière du Christ a chassé les ombres de nos vies. Dans le silence, rendons-lui grâce.
Pour prier
Une prière du Pape François
Noël, c’est toi quand tu décides de renaître chaque jour et de laisser Dieu pénétrer ton âme.
Le sapin de Noël, c’est toi quand tu résistes vigoureusement aux vents et aux obstacles de la vie.
Les décorations de Noël, c’est toi quand tes vertus sont les couleurs qui ornent ta vie.
La cloche qui sonne Noël, c’est toi quand tu invites à se rassembler, et tentes de réunir.
Tu es la lumière de Noël quand tu éclaires de ta présence le chemin des autres par ta bonté, ta patience, ta joie et ta générosité.
Les anges de Noël, c’est toi quand tu chantes au monde un message de paix, de justice et d’amour.
L’étoile de Noël, c’est toi quand tu conduis quelqu’un à la rencontre du Seigneur.
Tu es aussi les Rois mages, quand tu offres ce que tu possèdes de mieux sans tenir compte de celui à qui tu donnes.
La musique de Noël, c’est toi quand tu conquiers l’harmonie qui est en toi.
Le cadeau de Noël, c’est toi quand tu te comportes en véritable ami, en frère avec tous les êtres humains.
Les vœux de Noël, c’est toi quand tu pardonnes et rétablis la paix, même si tu souffres.
Le réveillon de Noël, c’est toi quand tu rassasies de pain et d’espérance le pauvre qui est auprès de toi.
Tu es la nuit de Noël quand, humble et éveillé, tu reçois dans le silence de la nuit le Sauveur du monde sans bruit ni grande célébration ; tu es le sourire confiant et tendre de la paix intérieure d’un Noël éternel qui instaure son royaume en toi.
Joyeux Noël à tous ceux qui se reconnaissent dans l’esprit de Noël.
Pape François, L’Esprit de Noël (éditions Michel Lafon)
Un Père de l’Église
Homélie de St Grégoire de Nazianze (329-389) - Homélie pour la Pâque (Hom. 45), 9.22.26.28)
Le Verbe de Dieu qui est éternel, invisible, incompréhensible, incorporel, principe né du principe, lumière née de la lumière, source de la vie et de l'immortalité, empreinte exacte du premier modèle, marque ineffaçable, ressemblance identique du Père, intention et pensée de celui-ci, progresse vers son image. Il prend chair pour sauver la chair, il s'unit à une âme raisonnable pour sauver mon âme ; il veut purifier le semblable par le semblable et il devient totalement homme, sauf en ce qui concerne le péché.
Il est conçu par la Vierge, préalablement purifiée par le Saint-Esprit dans son âme et dans sa chair, car, s'il fallait honorer la génération, il fallait honorer davantage la virginité. Il se présente comme Dieu incarné, formant un seul être de deux principes opposés, la chair et l'esprit. L'esprit donnait la divinité, la chair était divinisée.
Lui qui enrichit les autres s'appauvrit, car il adopte la pauvreté de ma chair pour que moi je m'enrichisse de sa divinité. Lui qui est plénitude s'anéantit, il se dépouille de sa propre gloire pour un peu de temps, afin que moi, je participe à sa plénitude.
Quel trésor de bonté ! Quel grand mystère en ma faveur ! J'ai reçu l'image, et je ne l'ai pas gardée. Le Verbe a participé à ma chair afin de sauver l'image et de rendre la chair immortelle ! Il s'unit à nous par une deuxième union, beaucoup plus étonnante que la première.
Il fallait que l'homme soit sanctifié par un Dieu devenu homme ; après avoir terrassé notre tyran, il nous délivrerait et nous ramènerait vers lui, par la médiation du Fils, pour l'honneur du Père. C'est ainsi que le Fils se montre obéissant en toutes choses envers lui pour accomplir son plan de salut.
Ce bon Pasteur est venu rechercher la brebis égarée, en donnant sa vie pour ses brebis, sur les montagnes et les collines où tu offrais des sacrifices. il a retrouvé celle qui était égarée, il l'a chargée sur ces épaules qui ont porté aussi le bois de la croix et, après l'avoir saisie, il l'a ramenée à la vie d'en haut.
Cette lumière éclatante du Verbe est précédée par la lampe qui brûle et qui éclaire ; la parole, par la voix qui crie dans le désert ; l'Epoux, par l'ami de l'Epoux, celui qui prépare pour le Seigneur un peuple choisi en le purifiant dans l'eau en vue de l'Esprit.
Il nous a fallu un Dieu qui s'incarne et qui meure pour que nous vivions. Nous sommes morts avec lui pour être purifiés ; morts avec lui, nous sommes ressuscités avec lui ; ressuscités avec lui, avec lui nous sommes glorifiés.