Tu seras le berger de mon peuple -

Le sacre de David à Hébron,
Anonyme,
Laine et soie, 340 x 325 cm, Tapisserie d’Audenarde, vers 1550-1560,
Collection privée
Lecture du deuxième livre de Samuel (2 S 5, 1-7.10)
En ces jours-là, toutes les tribus d’Israël vinrent trouver David à Hébron et lui dirent : « Vois ! Nous sommes de tes os et de ta chair. Dans le passé déjà, quand Saül était notre roi, c’est toi qui menais Israël en campagne et le ramenais, et le Seigneur t’a dit : “Tu seras le berger d’Israël mon peuple, tu seras le chef d’Israël.” » Ainsi, tous les anciens d’Israël vinrent trouver le roi à Hébron. Le roi David fit alliance avec eux, à Hébron, devant le Seigneur. Ils donnèrent l’onction à David pour le faire roi sur Israël. Il avait trente ans quand il devint roi, et il régna quarante ans : à Hébron il régna sur Juda pendant sept ans et demi ; et à Jérusalem il régna trente-trois ans, à la fois sur Israël et sur Juda. Le roi avec ses hommes marcha sur Jérusalem contre les habitants de la région, les Jébuséens. On lui dit : « Tu n’entreras pas ici : des aveugles et des boiteux suffiraient à te repousser. » Autrement dit : David n’entrera pas ici. Mais David s’empara de la forteresse de Sion – c’est la Cité de David. David devint de plus en plus puissant. Le Seigneur, Dieu des armées, était avec lui.
Le saint
Né le 21 août 1567 au château de Sales près de Thorens-Glières en Savoie, dans une noble famille catholique, il était destiné à un brillante carrière juridique. Son père l'envoie étudier à Paris. Mais il y découvre la théologie et les problèmes de la prédestination, soulevés par les calvinistes. Scrupuleux, il se croit prédestiné à être damné. Le désespoir le submerge jusqu'au jour où il découvre le "souvenez-vous", la prière mariale attribuée à saint Bernard. Il retrouve la paix et ce sera l'un des grands messages de sa vie quand il pacifiera sainte Jeanne de Chantal, puis quand il écrira son "Introduction à la vie dévote".
Prêtre, puis évêque de Genève, il réside à Annecy, car Genève est la "Rome" des calvinistes. Il fréquente les plus grands esprits catholiques de l'époque, introduit en France la réforme des carmels initiée par sainte Thérèse d'Avila, la fondation de l'Oratoire français par Pierre de Bérulle (1611) - l'Oratoire avait été fondé à Rome en 1564 par saint Philippe Néri.
Lui-même fonde l'Ordre des Visitandines pour mettre la vie religieuse à la portée des femmes de faible santé. Son "introduction à la vie dévote" est un ouvrage qui s'adresse à chaque baptisé. Il y rappelle que tout laïc peut se sanctifier en faisant joyeusement son devoir d'état, en lequel s'exprime la volonté de Dieu. Il est le patron des journalistes car il écrivit de nombreuses feuilles imprimées qui sont des "gazettes" pour s'adresser aux calvinistes qu'il ne peut rencontrer.
Il est le saint patron des sourds-muets parce qu'il a pris sous sa protection pendant 17 ans (jusqu'à sa mort) le sourd-muet Martin, et l'a lui-même patiemment enseigné et catéchisé.
Méditation
David était déjà roi de Juda par l’onction qu’il reçut des mains de Samuel. Et le voici maintenant roi d’Israël à la demande des anciens d’Hébron qui lui confèrent l’onction. Il unifie ainsi, pour quelques années la Terre Sainte, avant qu’une guerre intestine ne divise, sous le règne de son fils Salomon, le pays en deux royaumes distincts. Mais pour prendre ce territoire sous sa coupe, David doit conquérir Jérusalem occupée par les Jébuséens. Heureusement, en s’unissant à ce nouveau peuple, son armée est maintenant beaucoup plus puissante et capable de reprendre la cité sainte.
L’orgueil des Jébuséens (aussi appelés jébusites — et non jésuites comme veut l’écrire à chaque fois mon correcteur orthographique, lapsus amusant) leur fait croire que personne ne sera suffisamment fort pour envahir leur cité trop bien défendue. C’était sans compter sur David, ses troupes, et surtout sa capacité stratégique. Et encore plus que toutes les forces militaires en sa possession, David est porté par le Seigneur. Comme nous l’écrivions la semaine dernière, ce n’est pas lui qui va gagner cette bataille, mais Dieu qui combat à ses côtés.
Il part donc à la conquête de cette cité et s’en emparera en prenant la partie fortifiée sur le mont Sion. Aujourd’hui encore, on peut voir ce fort appelé la Cité de David sur les remparts de Jérusalem, même si plusieurs archéologues contestent aujourd’hui la véracité des lieux.

Ainsi, la puissance de David s’accroît, et comme le précise le texte : « Le Seigneur, Dieu des armées, était avec lui. » N’oublions jamais que ce qui fait notre force, quelle qu’elle soit, vient toujours de Dieu et non de nos simples qualités, si développées soient-elles. Ainsi, le psaume 32 :
16 Le salut d'un roi n'est pas dans son armée, ni la victoire d'un guerrier, dans sa force.
17 Illusion que des chevaux pour la victoire : une armée ne donne pas le salut.
18 Dieu veille sur ceux qui le craignent, qui mettent leur espoir en son amour,
19 pour les délivrer de la mort, les garder en vie aux jours de famine.
20 Nous attendons notre vie du Seigneur : il est pour nous un appui, un bouclier.
21 La joie de notre coeur vient de lui, notre confiance est dans son nom très saint.
22 Que ton amour, Seigneur, soit sur nous comme notre espoir est en toi !
C’est cette force divine, dont il n’est que l’instrument, qui lui permettra d’établir son règne. Un règne, ô combien symbolique, à l’image de celui du Christ, nouveau David : « Il avait trente ans quand il devint roi, et il régna quarante ans : à Hébron il régna sur Juda pendant sept ans et demi ; et à Jérusalem il régna trente-trois ans, à la fois sur Israël et sur Juda.» Jésus, lui aussi, avait trente ans quand il devint roi dans le coeur des hommes, et lui aussi règne trente-trois ans sur son Royaume, avant de nous faire comprendre que celui-ci n’était que passager, que le diviseur pouvait l’anéantir si les hommes ne se convertissaient pas, et que le Royaume que ce Nouveau David annonçait n’était pas de ce monde : c’était celui du Père des Cieux.
Ne nous attachons pas à nos victoires, à nos conquêtes ; ne nous enorgueillissons pas de nos forces et de nos qualités, mais sachons les rendre à Dieu en action de grâce (εὐχαριστία, eucharistie en grec) car notre salut n’est pas dans notre force, mais en Dieu qui veille sur nous. Et surtout, ne nous illusionnons pas de nos réussites, elles ne nous donneront pas le salut. Seul Dieu et son amour nous sauveront. Pour cela, ne cherchons pas à conquérir une quelconque cité terrestre, mais partons au combat pour conquérir notre âme, pour grimper la montagne du salut et habiter dans la demeure divine qui siège aux tréfonds de nous-mêmes.
N’est-ce pas ce que nous dit le psaume 44 ? :
02 D'heureuses paroles jaillissent de mon coeur quand je dis mes poèmes pour le roi d'une langue aussi vive que la plume du scribe !
03 Tu es beau, comme aucun des enfants de l'homme, la grâce est répandue sur tes lèvres : oui, Dieu te bénit pour toujours.
04 Guerrier valeureux, porte l'épée de noblesse et d'honneur !
05 Ton honneur, c'est de courir au combat pour la justice, la clémence et la vérité.
06 Ta main jettera la stupeur, les flèches qui déchirent ; sous tes coups, les peuples s'abattront, les ennemis du roi, frappés en plein coeur.
07 Ton trône est divin, un trône éternel ; ton sceptre royal est sceptre de droiture :
08 tu aimes la justice, tu réprouves le mal. Oui, Dieu, ton Dieu t'a consacré d'une onction de joie, comme aucun de tes semblables ;
09 la myrrhe et l'aloès parfument ton vêtement. Des palais d'ivoire, la musique t’enchante.
Comme le disait Jacques d’Arnoux, c’est le combat de l’héroïsme chrétien soutenu par les sept colonnes essentielles : la grâce, la volonté, le sacrifice, l’ire, l’intelligence, l’enthousiasme et la mémoire (Les sept colonnes de l’Héroïsme, Jacques d’Arnoux)
Je profite de mon immobilisation pour écrire, dit Jacques d'Arnoux à ses amis. Et il tient parole, composant alors comme un cantique à sept voix Les sept colonnes de l'Héroïsme : le livre même que je voudrais confier aux adolescents des deux sexes, ainsi qu'aux jeunes gens et aux jeunes filles déjà plus âgés, pour qu'ils y trouvent leur miel et leur bien. Mais que dis-je ? Les sept colonnes de l'Héroïsme sont à mettre entre toutes les mains, et je trouve dans cet ouvrage assez de force explosive et radieuse pour soulever au-dessus d'eux-mêmes les adultes les plus aplatis. Les sept colonnes dont il est question sont, selon l'ordre de Jacques d'Arnoux : l'Intelligence, l'Enthousiasme, la Mémoire, la Volonté, le Sacrifice et l'Ire, et enfin la Grâce. Tout cela serait à analyser de fort près, dans un monde grégaire où tant de forces subversives cherchent à effacer l'autonomie de l'individu et l'énergie personnelle, l'esprit de sacrifice et la spiritualité. Au centre même du livre, dans un chapitre intitulé "Mes Titans" - après avoir fait l'éloge des souffles les plus puissants qui, selon le mot de Châteaubriand, « aient jamais animé l'argile humaine » - l'auteur oppose à ces héros guerriers les vrais héros de la volonté, qui sont des saints. " Aucun de tes Titans, dit-il en s'adressant à son interlocuteur invisible, n'aurait supporté huit jours l'existence du Curé d'Ars. Et cet athlète a "tenu" quarante années, confessant seize à dix-huit heures par jour, l'hiver jusqu'à s'évanouir de froid, l'été haletant, suffoquant dans cette " étuve " qui lui donnait une " idée de l'enfer " et l'obligeait à respirer du vinaigre, une compresse appuyée sur son front douloureux ". En leitmotiv, voici que d'un chapitre à l'autre, d'un livre à l'autre, toujours la foi de Jacques d'Arnoux revient, brillant au-dessus des pages et le guidant comme l'étoile du berger.
Michel de Saint-Pierre (extrait de la préface du livre de J. d'Arnoux "Les Soifs de l'Homme".)