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24 Juin — Saint Jean-Baptiste

Que sera donc cet enfant ? -



La Vierge, l’Enfant-Jésus et Jean-Baptiste,

William-Adolphe Bouguereau (La Rochelle, 1825 - La Rochelle, 1905),

Huile sur toile, 1875, 200,5 x 122 cm,

Collection particulière


Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc (Lc 1, 57-66.80)

Quand fut accompli le temps où Élisabeth devait enfanter, elle mit au monde un fils. Ses voisins et sa famille apprirent que le Seigneur lui avait montré la grandeur de sa miséricorde, et ils se réjouissaient avec elle. Le huitième jour, ils vinrent pour la circoncision de l’enfant. Ils voulaient l’appeler Zacharie, du nom de son père. Mais sa mère prit la parole et déclara : « Non, il s’appellera Jean. » On lui dit : « Personne dans ta famille ne porte ce nom-là ! » On demandait par signes au père comment il voulait l’appeler. Il se fit donner une tablette sur laquelle il écrivit : « Jean est son nom. » Et tout le monde en fut étonné. À l’instant même, sa bouche s’ouvrit, sa langue se délia : il parlait et il bénissait Dieu. La crainte saisit alors tous les gens du voisinage et, dans toute la région montagneuse de Judée, on racontait tous ces événements. Tous ceux qui les apprenaient les conservaient dans leur cœur et disaient : « Que sera donc cet enfant ? » En effet, la main du Seigneur était avec lui. L’enfant grandissait et son esprit se fortifiait. Il alla vivre au désert jusqu’au jour où il se fit connaître à Israël.


Le peintre

Peintre français. En 1846, il s’inscrit à l’École des Beaux-Arts de Paris, dans l’atelier de François-Edouard Picot. Ce fut le début de la formation académique standard dont il est devenu un défenseur si ardent plus tard dans sa vie. Il a remporté le Prix de Rome en 1850 pour Zenobia découverte par les bergers sur la rive de la rivière Araxes (1850 - Paris, École Nationale Supérieure des Beaux-Arts) et a passé quatre ans en Italie. Il peint des nus de type Renaissance, des sujets religieux assez compliqués et des portraits proches de la réalité photographique. Cela explique sans doute pourquoi Renoir, s’étant équipé de nouvelles lunettes pour corriger sa myopie, les jeta par terre, en criant : « Bon Dieu, je vois comme Bouguereau ! »


À son retour en France, il expose le Triomphe du martyr (1853 - musée de Lunéville) au Salon de 1854. Sa finition élevée, sa couleur sobre et ses poses classiques devaient être des caractéristiques constantes de sa peinture par la suite.


Sa réputation a sombré après sa mort et pendant de nombreuses années son travail a été considéré comme irrémédiablement vide et vulgaire. Cependant, il a récemment été redécouvert et réhabilité, son travail devenant le sujet d’études sérieuses. Les œuvres encore détenues par des personnes privées atteignent des sommes importantes en ventes publiques.


Ce que je vois

Nous sommes dans la période de l’Académisme. Même si certains artistes, tel Monet, veulent se séparer de ce courant, Bouguereau reste le représentant principal de ce courant, qui s’inscrit en plus dans un renouveau des styles antiques comme le néo-roman et néo-gothique. Ainsi, le siège représenté sur notre peinture fait penser au mobilier de la seconde moitié du XIXe siècle que l’on peut encore voir aujourd’hui en la cathédrale Saint-Louis de La Rochelle, cité de notre artiste. Par exemple, ces incrustations de mosaïques en cosmatesques sur cet autel latéral de marbre blanc de la cathédrale :



Bouguereau a-t-il utilisé ici le siège épiscopal ? Toujours est-il que l’on retrouve ce marbre blanc immaculé, et ces dessins géométriques de mosaïques sur la prédelle, les montants du siège et sur le fond du mur. Cette blancheur marmoréenne inspirait au spectateur l’idée d’un monde pur, lumineux et paisible. Il suffit de penser aux oeuvres de Léon Gérôme :



Jeunes Grecs faisant battre des coqs

Jean-Léon Gérôme (Vesoul, 1824 - Paris, 1904)

Huile sur toile, 1846, 143 x 204 cm

Musée d’Orsay, Paris (France)


Ou aux toiles très prisées à l’époque d’Alma-Tadema :



Ne demandez pas plus

Lawrence Alma-Tadema (Dronryp, 1836 - Wiesbaden, 1912)

Huile sur toile, 78,8 x 113,6 cm, 1906

Collection particulière


Ou encore d’un peintre comme Papety :



Femmes à la fontaine

Dominique Papety (Marseille, 1815 - Marseille, 1849)

Femmes à la fontaine

1839-1840, Huile sur toile, 99 x 138 cm

Musée Fabre, Montpellier (France)


Bref, nous sommes dans cette époque où l’on rêvait d’un monde antique de paix, de joie, de sérénité. Nous retrouvons ce climat sur notre toile. Et la lumière ne fait qu’accentuer ce sentiment. La lumière vient d’un point en haut à gauche du tableau et enveloppe les deux enfants de telle sorte que l’on peut dire que ce sont eux qui attirent la lumière. En effet, la lumière semble exalter leur corps. Cette mise en lumière met en valeur l’Enfant Jésus. William Bouguereau utilise plusieurs tons de couleurs. En effet, les deux couleurs de l’habit de la Vierge sont contrastées, le bleu faisant partie des couleurs froides et le rouge des couleurs chaudes. De plus, le blanc connaît dans ce tableau un dégradé : le blanc cassé du voile de la femme, l’habit de Jean-Baptiste frôlant le gris, la blancheur du trône et le blanc parfait des corps. L’arrière plan est fait d’un dégradé de gris de manière à ce qu’il fasse référence à la couleur du marbre. Toutefois, le blanc, avec toutes ses nuances, est la couleur dominante. Les motifs sur le trône, au niveau des accoudoirs, est peint à partir de couleurs chaudes (rouge, orange, ocre). La mise en scène est, en outre, typique de l’Académisme : on trouve des personnages figés, sans aucune action.


Une femme, la Vierge Marie, est assise sur le trône et tient sur ses genoux un bébé, Jésus–Christ. Celui-ci est embrassé par un autre enfant qui se tient debout aux pieds de Marie, c’est saint Jean–Baptiste. La Sainte Vierge porte un voile et une robe qui recouvre entièrement son corps hormis ses pieds. Une auréole se dresse au dessus de sa tête. L’enfant Jésus est nu, cependant le peintre a fait dépasser un drap sur son sexe. Saint Jean-Baptiste porte lui une peau d’animal. Les traits sont tout à faits nets. De plus William Bouguereau répond avec précision aux normes de l’Académisme , notamment en peignant la peau des personnages d’une blancheur particulière, lisse et minutieuse.


Ce tableau est composé d’un triangle renversé qui englobe les trois personnages. La composition est équilibrée et s’organise autour d’un axe de symétrie basé sur le baiser des deux. La simplicité de Marie et son humilité sont illustrées par son regard, les yeux baissés sur les deux enfants, tenant sa propre tête d’une main. Bouguereau a en quelque sorte imagé la réponse que la Vierge a adressé à l’Archange Gabriel quand il lui a annoncé que Dieu l’avait choisi pour qu’elle soit la Mère de son Fils Jésus : « Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole » (Lc 1, 38)). Marie choisit ainsi une vie retirée où elle servira sans cesse son Dieu, d’où ce visage simple dépourvu de tous sentiments apparents. Son regard interrogatif et résigné peut aussi exprimer son sentiment intérieur devant ce que l’avenir réserve à ces deux enfants qui jouent si joyeusement sur ces genoux. « Marie méditait cela en son cœur... » (Lc 2, 51) Le bleu de sa robe n’est rien d’autre qu’une couleur « mariale ». Le voile qu’elle porte sur la tête illustre la pureté de la Vierge, elle n’a jamais été « consommée ».


On reconnaît donc dans le baiser échangé le lien fondamental qui lie Jésus à Jean Baptiste. Le peintre a fait figurer ces deux personnages en tant qu’enfants montrant ainsi que tout est déjà écrit dans le cœur de Dieu, alors que cette rencontre ne fut jamais relatée dans l’évangile. On reconnaît Jean Baptiste grâce à la peau de bête qu’il porte (Mt 3, 4) : « Jean avait un vêtement en peau de chameau et un pagne de cuir autour des reins ». Il n’y a pas de véritable symbole qui distincte l’enfant Jésus, cependant, l’élément du baiser n’est pas une nouveauté : l’icône La Vierge à l’Enfant de Vladimir, écrite au XIIe siècle ; présente ainsi Jésus embrassant Marie.


William Bouguereau montre la majesté de ces trois personnages étroitement liés en les présentant sur un trône. On voit ici la part mystique de l’œuvre : la scène se trouve dans un lieu irréel qui pourrait s’apparenter au Paradis, ou à une Église transfigurée, Église future. Il symbolise dans ce tableau la bienveillance, par le regard de Marie, l’innocence par le baiser des deux enfants. Mais aussi l’avenir funeste qui semble se lire sur le visage de la Vierge...


Un destin

Tous ceux qui les apprenaient les conservaient dans leur cœur et disaient : « Que sera donc cet enfant ? » En effet, la main du Seigneur était avec lui. L’enfant grandissait et son esprit se fortifiait. Il alla vivre au désert jusqu’au jour où il se fit connaître à Israël.

Dès le début, un destin est prévu pour cet enfant. Que sera-t-il donc ? Il sera crescendo — même si lui voulait aller humblement descrescendo pour laisser grandir le Christ — plusieurs reflets d’une même mission... Une mission qui se découvrira aussi dans le cœur de ceux qui sont émerveillés de cette naissance.


Le dernier prophète

Cet enfant sera d’abord cette pierre qui fera basculer le monde ancien vers le monde renouvelé en Jésus. Il est la pierre angulaire entre les deux Testaments. Dans beaucoup de portail Nord (côté non éclairé par le soleil, et donc celui de l’Ancien Testament non encore éclairé par le soleil qu’est le Christ) de nos édifices, il est représenté comme l’aboutissement des personnages qui ont amené le peuple élu vers la Rédemption. Par exemple, ici à Laon (XIIe siècle) :



Dans les ébrasements, on voit les statues modernes des prophètes : Abraham, Moïse, Samuel, David, Isaïe, Jérémie, Siméon et Jean-Baptiste :



Le Baptiste est l’aboutissement du plan de Dieu qui préfigurait les évènements à venir par ces figures majeures de l’Ancien Testament. Jean vient clôturer ce cycle et faire basculer le monde ancien vers celui de la Rédemption et du Salut. Il est le dernier des prophètes. Il sera le premier des martyrs...


Jean-Baptiste ne nous montrerait-il pas le chemin pour que nous-mêmes devenions des prophètes au milieu de nos frères, leur annonçant le salut ?


Un ermite

Il sera d’abord, après avoir grandit en taille, s’être forgé un caractère solide, un ermite. Seul, il part au désert. Il ne nous est pas dit à quel âge, mais la Tradition, mais aussi la Légende dorée de Jacques de Voragine et les Apocryphes, le présentent comme un adolescent. Cette image sera souvent reprise dans les diverses représentations, telle cette œuvre du Caravage :



Jean-Baptiste à la fontaine

Michelangelo Merisi da Caravaggio dit Le Caravage (Caravage, 1571 – Porto Ercole, 1610)

Huile sur toile, 39,4 x 29,7 cm, 1608-1608

Collezione Bonello, La Valette (Malte)

C’est de ce désert qu’il annoncera la visite de « l’astre d’en haut », rédempteur attendu. C’est dans le désert qu’il méditera et apprendra à se dépouiller de tout.


Jean-Baptiste ne nous montrerait-il pas le chemin du silence et du dépouillement pour que nous nous tournions vers l’essentiel ?


Un doigt tendu

Que de fois il fut représenté avec le doigt tenu. Pensons à l’œuvre de Léonard de Vinci :



Saint Jean-Baptiste

Léonard de Vinci (Vinci, 1452 - Amboise, 1519)

Huile sur toile, 69 x 57 cm, 1513-1516

Musée du Louvre, Paris (France)


Un doigt qui va désigner l’Agneau de Dieu, le Sauveur.


Jean-Baptiste ne nous demanderait-il pas d’être plus attentifs à tous ceux qui nous entourent, qui discrètement nous montrent le salut et la miséricorde ? Et nous-mêmes, sommes-nous un doigt tendu qui montre Jésus présent dans nos vies ?


Un homme de vérité

Le Baptiste n’a pas eu peur de proclamer la vérité, que ce soit à ceux qui l’écoutaient dans le désert (Mt 3, 7-12) :

Voyant beaucoup de pharisiens et de sadducéens se présenter à son baptême, il leur dit : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc un fruit digne de la conversion. N’allez pas dire en vous-mêmes : “Nous avons Abraham pour père” ; car, je vous le dis : des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham. Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »

Ou à Hérode (Mt 14, 3-4) :

Car Hérode avait fait arrêter Jean, l’avait fait enchaîner et mettre en prison. C’était à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe. En effet, Jean lui avait dit : « Tu n’as pas le droit de l’avoir pour femme. »

La vérité ne lui fait pas peur, quoi qu’il en coûte...


Jean-Baptiste nous montrerait-il se chemin de liberté qu’est la vérité, car « la vérité vous rendra libres » (Jn 8, 32) ?


Un martyr

Il fut décapité, par simple jalousie, parce qu’il avait oser dire ce qui fâche... Ne réalisait-il avant l’heure ce que Jésus allait vivre quelques temps après (Jn 13, 1) :

Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout.

Il est allé jusqu’au bout, comme le montre cette superbe toile du Caravage :



La décollation de saint Jean-Baptiste

Michelangelo Merisi da Caravaggio dit Le Caravage (Caravage, 1571 – Porto Ercole, 1610)

Huile sur toile, 361 x 520 cm, 1608

Co-cathédrale Saint-Jean, La Valette (Malte)


Jean-Baptiste ne nous montrerait-il pas le chemin du don de nous-mêmes, un don total ? « On n’a rien donné tant qu’on a pas tout donné... » (Georges Guynemer)


Jean le Baptiste, montrez-nous le chemin de la sainteté !



Homélie de saint Bède le Vénérable (+ 735), Homélie II, 20; CCL 122, 328-330.

Le récit sacré lu dans l'évangile nous présente la naissance du précurseur du Seigneur dans le resplendissement de miracles sublimes. Car il convenait, en vérité, que, dès sa naissance, celui que nul n'a dépassé parmi les hommes, brille plus que tous les autres saints de l'éclat de ses vertus.


Ses parents, âgés et restés longtemps sans enfant, se réjouissent vivement qu'un fils si glorieux leur soit donné. Son père, frappé de mutisme à cause de son incrédulité, sent ses lèvres et sa langue se délier pour saluer le héraut de la grâce nouvelle. Non seulement la faculté de bénir Dieu lui est rendue, mais sa capacité de prophétiser sur Dieu en est encore accrue. La rumeur en parvient à tous les voisins qui restent frappés d'étonnement et de crainte et, tout autour, ceux qui ont appris la nouvelle préparent leurs coeurs à la venue du nouveau prophète.


Alors que la sainte Église célèbre partout dans le monde les victoires qui ont valu à tant de saints martyrs d'entrer dans le Royaume des cieux, exceptionnellement, pour les raisons que j'ai dites, elle a accoutumé, à juste titre, de célébrer aussi, outre la naissance du Seigneur, celle de Jean Baptiste. Nous devons croire que cet usage ne s'est certainement pas répandu sans l'autorité de l'Évangile, et nous devons avoir très présents à l'esprit les faits suivants. À la naissance du Seigneur, l'ange apparut aux bergers et dit: Voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : Aujourd'hui nous est né un Sauveur. Il est le Messie, le Seigneur (Lc 2,10-11). De la même manière, un ange a annoncé ainsi à Zacharie la naissance de Jean : Tu seras dans la joie et l'allégresse, beaucoup d'hommes se réjouiront de sa naissance, car il sera grand devant le Seigneur (Lc 1,14-15).


À juste titre, la naissance de l'un et de l'autre est célébrée par des liturgies solennelles. Mais dans celle-là la bonne nouvelle est annoncée à tout le peuple pour qu'il se réjouisse comme à la naissance du Seigneur, du Sauveur du monde, du Fils du Dieu tout-puissant et du soleil de justice. Tandis que cette célébration-ci rappelle à beaucoup qu'ils ont à se réjouir comme à la naissance du précurseur du Seigneur et d'un incomparable serviteur de Dieu, comme à l'apparition d'une lampe allumée et brillante. <>


Jean a marché devant le Seigneur avec l'esprit et la puissance d'Élie (cf. Lc 1,17) pour baptiser dans l'eau le peuple du Seigneur et lui apprendre à bien se disposer pour accueillir le Seigneur lors de sa venue. <>


Que la naissance de Jean soit commémorée quand les jours diminuent, et celle du Seigneur lorsqu'ils commencent à augmenter, comporte une signification symbolique. Jean, en effet, a lui-même révélé le secret de cette différence. Les foules le prenaient pour le Messie en raison de ses vertus éminentes, tandis que certains considéraient le Seigneur non comme le Messie mais comme un prophète, à cause de la faiblesse de sa condition corporelle. Et Jean dit : Il faut que lui grandisse et que moi je décroisse (Jn 3,30). Le Seigneur a vraiment grandi car, alors qu'on le regardait comme un prophète, il a fait connaître aux croyants du monde entier qu'il était le Messie. Jean a décru et diminué car lui qu'on prenait pour le Messie est apparu non comme le Messie, mais comme l'annonciateur du Messie.


Il est donc normal que la clarté du jour commence à diminuer à partir de la naissance de Jean, puisque la réputation de sa divinité allait s'évanouir et son baptême bientôt disparaître. Il est également normal que la clarté des jours les plus courts recommence à grandir dès la naissance du Seigneur : il est, en vérité, venu sur terre pour révéler à tous les païens la lumière de sa connaissance dont, auparavant, les Juifs seuls possédaient une partie, et pour répandre partout dans le monde le feu de son amour.



Homélie attribuée à saint Maxime de Turin (+ vers 420), Sermon 57, Sur la naissance de S. Jean Baptiste, I; PL 57, 647-648

Mes frères, les règles qui président à notre liturgie et à nos prières nous prescrivent de fêter aujourd'hui dans la joie la naissance de Jean Baptiste.


Dieu l'avait d'avance destiné à venir publier la joie des hommes et l'allégresse des cieux. De sa bouche, le monde a entendu tomber les paroles admirables qui annonçaient la présence de notre Rédempteur, l'Agneau de Dieu. Alors que ses parents avaient perdu tout espoir d'obtenir une descendance, l'ange, messager indiscutable d'un si grand mystère, l'envoya pour servir de témoin au Seigneur avant même que de naître.


Qui, devant cette naissance entourée de sollicitude divine, n'aurait pas assez de sagesse pour considérer Jean comme l'annonciateur des divins mystères ? En vertu de la grâce particulière qui lui avait été accordée, il remplit d'une joie éternelle le sein de sa mère, quand elle le portait en elle et qu'il n'était pas encore reconnu comme son fils. Et cette mère bienheureuse ressentit les joies de la maternité avant même d'avoir mis au monde son enfant.


Dans l'évangile, on lit, en effet, ces paroles qu'Elisabeth dit à Marie : Lorsque j'ai entendu tes paroles de salutation, l'enfant a tressailli d'allégresse au-dedans de moi (Lc 1,44). Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi ? (Lc 1,43). Il n'est pas étonnant, mes bien-aimés, que cette femme très âgée ait bénéficié du don de prescience, puisqu'elle devait mettre au monde le héraut du Dieu très-haut. Et sa stérilité lui valut un accroissement de gloire lorsqu'après sa longue attente de la maternité, elle eut la faveur de donner naissance à un fils et, par là, de recevoir l'hommage de toutes les générations suivantes.


Tandis que, dans sa vieillesse, elle s'affligeait de ne pas avoir donné d'enfant à son mari, elle mit soudain au monde son fils, qui était aussi le messager du salut éternel pour le monde entier. Et un messager tel que, dès avant sa naissance, il exerça le privilège de son ministère futur quand il répandit de son esprit prophétique par les paroles de sa mère. Puis, par la puissance du nom que l'ange lui avait donné d'avance, il ouvrit la bouche de son père fermée par l'incrédulité. Lorsqu'en effet Zacharie était devenu muet, ce n'était pas pour le rester mais pour recouvrer divinement l'usage de la parole et confirmer par un signe venu du ciel que son fils était un prophète. Voilà pourquoi, en effet, le prêtre qui parlait à tout le peuple devint muet. Cela étant de notoriété publique, tout le peuple fut donc averti de la mystérieuse et sainte naissance de Jean et personne n'osa lui refuser sa confiance. Car pour avoir mis en doute l'annonce de sa naissance prochaine, son père avait été puni en devenant muet.


Or, l'évangile dit de Jean : Cet homme n'était pas la Lumière, mais il était là pour lui rendre témoignage (Jn 1,8), pour que tous croient par lui (Jn 1,7). Il n'était certes pas la Lumière, mais il était tout entier dans la lumière, celui qui a mérité de rendre témoignage à la Lumière véritable.


Célébrons donc, mes frères, dans une joie parfaite, la naissance du bienheureux Jean et rendons-lui hommage, car il fut le premier à reconnaître et à révéler la Lumière éternelle et céleste qui est venue dissiper les ténèbres du monde.



Homélie de Grégoire Palamas (+ 1359), Homélie 40; PG 151, 496-500.

Si la mort des saints mérite d'être honorée, et si la mémoire des justes se célèbre par des louanges, combien plus devons-nous entourer d'éloges le souvenir de Jean, qui occupe la place la plus éminente parmi les saints et les justes ! Il a tressailli de joie avant de naître, il a marché devant le Verbe de Dieu incarné pour nous et a proclamé sa présence. Le Verbe, à son tour, a glorifié Jean et a attesté qu'il était plus grand que les prophètes, les saints et les justes depuis le commencement du monde. <>


Toute la vie, en effet, du plus grand parmi tous les enfants des femmes, est le miracle des miracles. Outre la vie entière de Jean, prophète dès avant sa naissance et le plus grand des prophètes, c'est aussi tout ce qui a rapport avec lui bien avant sa naissance et après sa mort, qui surpasse tous les miracles. En effet, les divines prédictions que des prophètes inspirés par Dieu ont faites à son sujet, le décrivent non comme un homme mais comme un ange, comme un flambeau étincelant, comme l'étoile du matin diffusant la lumière divine - car il précède le soleil de justice -, et comme la voix du Verbe de Dieu lui-même. Or qu'y a-t-il de plus proche du Verbe de Dieu, et qui s'apparente plus à lui que la voix de Dieu ?


Lorsque le moment de sa conception approche, ce n'est pas un homme mais un ange qui descend du ciel pour mettre fin à la stérilité de Zacharie et d'Elisabeth : il promet que ceux qui ont été inféconds depuis leur jeunesse donneront naissance, dans leur extrême vieillesse, à un enfant; il prédit que la naissance de cet enfant sera la cause d'une grande joie, car elle annoncera le salut de tous les hommes.


Car il sera grand, dit-il, devant le Seigneur. Il ne boira pas de vin ni de boissons fermentées, et il sera rempli de l'Esprit Saint dès avant sa naissance ; il fera revenir de nombreux fils d'Israël au Seigneur leur Dieu, il marchera avec l'esprit et la puissance d'Elie (Lc 1,15-17). Jean, en effet, sera vierge comme lui, et il habitera au désert plus que lui, et il reprendra les rois et les reines qui agiront à l'encontre de la loi. Mais il l'emportera sur Elie, surtout pour la raison qu'il sera le précurseur de Dieu car, est-il dit, il marchera devant le Seigneur. <>


Comme le monde n'était pas digne de lui, Jean a vécu continuellement dans les déserts depuis son plus jeune âge, y menant une vie privée de confort, exempte de soucis et toute de simplicité. <> Il vivait pour Dieu seul, attentif à Dieu seul, trouvant sa joie en Dieu. Il vivait donc en un endroit écarté sur la terre, comme il est dit : Il alla vivre au désert jusqu'au jour où il devait être manifesté à Israël (Lc, 1,80). <>


De même donc qu'en ce temps-là, le Seigneur, mû par son ineffable amour envers nous, descendit du ciel pour nous qui étions tous impies, de même, à cette époque, Jean sortit du désert pour nous, afin d'aider à la réalisation de ce dessein d'amour. Car, pour servir le Dieu de bonté dans son abaissement extraordinaire vers les hommes qui étaient alors plongés dans l'abîme du mal, il fallait un homme d'une vertu insurpassable comme lui. C'est ainsi, en effet, qu'il attirerait à lui ceux qui le verraient, comme de fait il les a attirés, et qu'il les entraînerait merveilleusement à la suite de l'homme remarquable qu'il était, en manifestant par sa façon de vivre sa supériorité sur tous. Le message qu'il proclamait était en accord avec la vie qu'il menait, car il promettait le Royaume des cieux, il brandissait la menace du feu qui ne s'éteint pas et enseignait que le Christ est le Roi des cieux.


Prière

Tu as voulu, Seigneur, que saint Jean Baptiste prépare ton peuple à la venue du Messie; accorde à ta famille le don de la joie spirituelle, et guide l'esprit de tous les croyants dans la voie du salut et de la paix. Par Jésus Christ.

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