Comment cela va-t-il se faire ? -

Annonciation,
Jan Van Eyck (Maaseik, 1390 - Bruges, 1441),
Huile sur bois transférée sur toile, 1435, 93 x 37 cm,
National Gallery of Art, Washington DC (U.S.A.)
Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 1, 26-38
En ce temps-là, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? » L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. » Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Alors l’ange la quitta.
L’artiste
Jan van Eyck, le peintre flamand le plus célèbre et le plus innovateur du XVe siècle, serait venu du village de Maaseyck dans le Limbourg.
Aucune trace de sa date de naissance ne survit, mais on croit qu’elle était d’environ 1390; sa carrière, cependant, est bien documentée. Il a été employé (1422-24) à la cour de Jean de Bavière, comte de Hollande, à La Haye, et en 1425 il a été fait peintre de la cour et valet de chambre au duc Philip le bon de Bourgogne. Il devint un membre proche de la cour du duc et entreprit plusieurs missions secrètes pour lui, dont un voyage (1428-1429) en Espagne et au Portugal dans le cadre de négociations qui aboutirent au mariage (1430) de Philippe de Bourgogne et d’Isabelle du Portugal. Les documents montrent qu’en 1432-33 van Eyck a acheté une maison à Bruges. Il a signé et daté un certain nombre de peintures entre 1432 et 1439, toutes peintes à l’huile et vernies. Selon les documents, il a été enterré le 9 juillet 1441.
Van Eyck a été crédité traditionnellement de l’invention de la peinture dans les huiles, et, bien que ce soit incorrect, il ne fait aucun doute qu’il a perfectionné la technique. Il a utilisé le milieu de l’huile pour représenter une variété de sujets avec un réalisme frappant dans les détails microscopiques; par exemple, il a infusé des bijoux peints et des métaux précieux avec une lumière intérieure rougeoyante au moyen de glaçures subtiles sur les faits saillants.
L’œuvre la plus célèbre et la plus controversée de Van Eyck est l’un de ses premiers, le retable de Gand (1432), un polyptyque composé de vingt panneaux dans l’église de St. Bavo, Gand. Sur le cadre est une inscription incomplète en latin qui identifie les artistes de l’œuvre comme Hubert et Jan van Eyck. L’interprétation habituelle est que Hubert van Eyck (mort le 18 septembre 1426) était le frère de Jan et qu’il était le peintre qui a commencé le retable, que Jan a ensuite terminé. Une autre interprétation est qu’Hubert n’était ni le frère de Jan ni un peintre, mais un sculpteur qui a sculpté un cadre élaboré pour l’autel. En raison de cette controverse, l’attribution des panels, qui varient quelque peu en échelle et même en style, a divergé, selon les arguments des universitaires qui ont étudié le problème.
Tout aussi célèbre est le portrait de mariage de Giovanni Arnolfini et sa femme (1434; National Gallery, Londres), que l’artiste a signé "Johannes de Eyck fuit hic 1434" (Jan van Eyck était ici), témoignage qu’il a assisté à la cérémonie. D’autres peintures importantes sont la Madone du Chancelier Rolin (1433-34 Louvre, Paris) et la Madone du Canon van der Paele (1436, Groeningen Museum, Bruges).
L’œuvre
Ce maître flamand a révolutionné l’art européen en perfectionnant la technique de la peinture à l’huile. Son détail méticuleux, sa couleur transparente comme un bijou et ses nuances tonales subtiles n’ont jamais été surpassés. Pleins de symbolisme, les éléments de l’intérieur de cette église gothique tardive symbolisent la virginité de Marie, dans les lis blancs; la transmission de l’Esprit Saint, dans la colombe blanche; et la relation entre l’Ancien et le Nouveau Testament, dans l’utilisation de pavés avec des scènes de l’Ancien Testament qui préfigurent la venue du Christ, comme David tuant Goliath et Samson détruisant le temple philistin.
En 1850, le panneau est acquis par le tsar Nicolas Ier de Russie pour le musée de l'Ermitage. En janvier 1930, il est vendu secrètement par les Soviétiques à trois galeries privées occidentales qui le revendent à Andrew Mellon, lequel l'offre à l'État américain en 1937.
Ce que je vois
Nous sommes dans un intérieur d’église dont le style architectural est difficile à établir. À la foi roman, comme avec ce plafond de bois à caissons, mais aussi gothique primitif avec ces arc en légère ogive surélevée, et ces chapiteaux composites. Bref, un intérieur imaginaire qui fait plus penser à la Renaissance italienne qu’à l’architecture des Pays du Nord. Seuls les vitraux en cul de bouteille (technique normande du XIVe siècle appelée soufflage en couronne) nous ramènent vers le septentrion. Le vitrail du mur haut nous montre le Christ tenant les écritures, debout sur un globe.
Une fresque l’entoure : à gauche deux personnages difficiles à identifier, à droite un homme auréolé qui lie une gerbe. Le Christ ? Est-ce une allusion à un Psaume de David ?
« Il descendra comme la pluie sur le regain. » (Psaume 71, 6)
En-dessous, entre les arcs, deux tondi : certainement des figures de prophètes. Sont-ils en lien avec la scène ? Isaïe peut-être, en référence avec le texte que lisait Marie (Es 7, 14) :
C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel (c’est-à-dire : Dieu-avec-nous).
Ou Jérémie :
« Le Seigneur a fait du nouveau sur la terre : la femme entourera l’homme ». (Jérémie 31, 22)
Quand on regarde le pavement, on y trouve aussi d’autres scènes allégoriques. La première devant nous représente David coupant la tête de Goliath (1 Sam 17, 51) :
Mais David courut ; arrivé près du Philistin, il lui prit son épée, qu’il tira du fourreau, et le tua en lui coupant la tête. Quand les Philistins virent que leur héros était mort, ils prirent la fuite.
L’enfant que Marie va porter coupera lui aussi la tête du péché.
Chaque carré historié est séparé par un signe du zodiaque. La scène au-dessus représente Samson faisant tomber les colonnes du temple de Gaza (Jn 16, 26-30) :
Samson dit au garçon qui le tenait par la main : « Guide-moi et fais-moi toucher les colonnes sur lesquelles repose le temple, pour que je m’y appuie. » Le temple était rempli d’hommes et de femmes. Il y avait là tous les princes des Philistins et, sur la terrasse, environ trois mille hommes et femmes qui s’étaient divertis en regardant Samson. Il invoqua le Seigneur en disant : « Je t’en prie, Seigneur Dieu, souviens-toi de moi, rends-moi ma force encore une fois et que, d’un seul coup, je me venge des Philistins pour mes deux yeux. » Il tâta alors les deux colonnes du milieu, sur lesquelles reposait le temple, prit appui contre l’une avec son bras droit, et contre l’autre avec son bras gauche. Il s’écria : « Que je meure avec les Philistins ! » Puis il pesa de toutes ses forces, et l’édifice s’effondra sur les princes et sur tout le peuple qui se trouvait là. Ceux qu’il fit mourir en mourant furent plus nombreux que ceux qu’il avait fait mourir pendant sa vie.
Jésus, lui aussi, détruira le temple pour en édifier un nouveau : son Corps.
Arrêtons-nous maintenant sur les quelques objets. D’abord, au premier plan, ce tabouret de bois couvert d’un coussin rouge. Allusion au coussin que Jésus utilisera dans la barque (Mc 4, 38) :
Lui dormait sur le coussin à l’arrière. Les disciples le réveillent et lui disent : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? »
Ou à la chlamyde dont les soldats le couvriront lors de la Passion (Lc 23, 11) :
Hérode, ainsi que ses soldats, le traita avec mépris et se moqua de lui : il le revêtit d’un manteau de couleur éclatante et le renvoya à Pilate.
Puis, ce vase transparent contenant des lis. Le vase traversé de lumière reflète la conception miraculeuse. Marie a aussi été traversée par l’Esprit sans abîmer ni rompre sa virginité.
Quant au lis, il évoque la pureté de Marie par sa blancheur, avant, pendant et après l’Annonciation (Il présente souvent trois brins).
Le livre ouvert devant Marie rappelle le verset d’Isaïe cité plus haut. De fait, la traduction de l’hébreu serait plutôt : la jeune fille enfantera. Lors de la traduction en grec de l’Ancien Testament (que l’on appelle la Septante), le mot jeune fille a été remplacé par vierge. Marie comprend donc que cette prophétie se réalise en elle.
D’une des fenêtres hautes, fond sur Marie cette colombe, représentation biblique de l’Esprit Saint, dans un faisceau de rayons dont l’un termine sur la tête de Marie.
L’ange est dévêtu d’une lourde chape sur une tunique d’orfrois. Sa chape rouge, parsemée de grosses fleurs, est fermée par une fibule ronde, avec en son centre un énorme saphir taillé en rectangle appelée taille en baguette). Le saphir est un symbole de pureté et d’élévation céleste. Il tient en main son bâton de messager, signe de sa mission royale. Cette baguette de héraut antique est un emprunt au Dieu Mercure, messager de Jupiter, tel un bâton de commandement confié par l’empereur céleste à son ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire. Sur sa tête, un diadème serti de pierres précieuses le couronne. Notons La Croix au centre, préfiguration de la destinée de Jésus. Ses ailes, constellées d’yeux comme celles d’un paon (Dieu voit tout) sont multicolores. Elles rappellent, bien soir, l’arc-en-ciel, signe de l’alliance entre Dieu et les hommes (Gn 9, 12-16) :
Dieu dit encore : « Voici le signe de l’alliance que j’établis entre moi et vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour les générations à jamais : je mets mon arc au milieu des nuages, pour qu’il soit le signe de l’alliance entre moi et la terre. Lorsque je rassemblerai les nuages au-dessus de la terre, et que l’arc apparaîtra au milieu des nuages, je me souviendrai de mon alliance qui est entre moi et vous, et tous les êtres vivants : les eaux ne se changeront plus en déluge pour détruire tout être de chair. L’arc sera au milieu des nuages, je le verrai et, alors, je me souviendrai de l’alliance éternelle entre Dieu et tout être vivant qui est sur la terre. »
Marie, elle, est stupéfaite, comme le dira l’Évangile (Lc 1, 29) :
À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.
Ces mains écartées en sont le signe. Elle est couverte d’un grand manteau bleu, signe de sa pureté virginale et céleste. Ses cheveux sont tenus par un ruban qui lui ceint la tête et se ferme par une pièce d’orfèvrerie.
De la bouche de l’ange et de Marie s’échappent un phylactère transparent. L’ange dit « Ave Gratia Plena » et la Vierge répond (notez que le texte est écrit en miroir !) : « Ecce ancilla Domini ».
Pour terminer cette description, je ne peux m’empêcher de vous montrer cette autre Annonciation :

Ecce Ancilla Domini !
Dante Gabriel Rossetti (Londres, 1828 - Birchington-on-Sea, 1882)
Huile sur toile et bois, 1850
72 x 42 cm
Tate Gallery (Londres, Grande-Bretagne)
Des attitudes
Cet évangile, avec tout ce qu’il implique ans notre vie chrétienne, et dans la dogmatique, mériterait des pages et des pages. Aujourd’hui, je voudrais ne m’arrêter que sur deux aspects : les attitudes et les paroles.
Comme le disait Ignace de Loyola, imaginons-nous au centre de la scène. Je me vois au seuil de cette petite porte dans le triforium. Que vois-je ? Je vois cet ange qui entre. Un ange, un envoyé de Dieu. Combien d’anges croisons-nous chaque jour ? Plus que nous ne nous l’imaginons ! Biens pour, ils ne sont pas toujours habillés comme celui du tableau, ils n’ont pas toujours des ailes, mais ils sont quand même envoyés ! Ceux qui nous aident, qui nous soutiennent, qui nous parlent, qui nous montrent le chemin, qui parfois nous remettent dans la bonne voie, qui nous rappellent l’essentiel, qui nous disent la Parole de Dieu... Bref, ils sont nombreux ! Mais peut-être sommes-nous un peu blasés, inattentifs, trop occupés par des futilités... Alors, ça ne nous bouleverse pas... on est rarement stupéfait par la visite de nos amis, de nos messagers... Soyons plus attentifs !
Marie. Marie stupéfaite, bouleversée. Georges Bernanos écrira qu’elle était stupéfaite devant le péché, n’en ayant jamais fait l’expérience. Mais, ici, ce n’est pas le péché qui la bouleverse : elle est devant l’envoyé de Dieu ! Mais non pas bouleversée par l’apparition de l’ange, plutôt par les paroles qu’il lui dit : « Tu es comblée de grâces ». Mais ne sommes-nous pas, nous aussi, comblés des grâces de Dieu ? Mais nous en avons pas toujours conscience. Nous l’oublions. Comme je l’ai déjà écrit, le Diable est l’ennemi, le voleur de notre mémoire. Rappelons-nous ce que disait Bernadette de Lourdes à la fin de sa vie :
Le soir, la sœur Nathalie, seconde assistante de la Congrégation, en qui la sœur Marie-Bernard avait une religieuse confiance, se trouvait près d’elle :
Ma chère sœur, j’ai peur ! J’ai peur... J’ai reçu tant de grâces... j’ai peur d’en avoir si peu profité !
Puis le questionnement... Après la stupéfaction, l’interrogation. Comme si la raison commençait à prendre sa part. Pourtant, comme le disait Blaise Pascal :
Le cœur a ses raisons que la raison ignore.
Il ne me semble pas que le raisonnement de Marie ignore son cœur. Au contraire. Elle croit, elle y croit. Elle veut simplement comprendre si elle a quelque chose à faire. Ce ne sera pas le cas de Zacharie. Lui doute. Il veut des preuves (Lc 1, 18) :
Alors Zacharie dit à l’ange : « Comment vais-je savoir que cela arrivera ? Moi, en effet, je suis un vieillard et ma femme est avancée en âge. »
De fait, même si la raison semble nous dire le contraire, même si nous avons des questionnements, ne les laissons pas étouffer notre cœur, notre foi ! Comme Marie qui s’offre à Dieu en pleine confiance : « Fiat ».
Des paroles
Mettons quelques paroles en exergue pour notre vie, pour notre foi.
D’abord, l’insistance sur la joie. « Réjouis-toi ». Réjouissons-nous car Dieu est avec nous, il ne nous abandonne pas.
Ensuite, ne pas avoir peur : « Sois sans crainte ». La peur est l’ennemi de la foi. Rappelons-nous cette parole de saint Paul (Rom 8, 27-28) :
Et Dieu, qui scrute les cœurs, connaît les intentions de l’Esprit puisque c’est selon Dieu que l’Esprit intercède pour les fidèles. Nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu'ils sont appelés selon le dessein de son amour.
« Car rien n’est impossible à Dieu ». Voilà la clé de la foi ! Faire taire notre intelligence qui nous dit que c’est impossible pour laisser l’Esprit de vérité parler à notre cœur et lui dire que tout est possible.
« Que tout se passe pour moi comme tu l’as promis ». La foi, c’est accepter de se laisser guider par Dieu, de croire qu’il est bienveillant à notre égard, qu’il ne veut que notre bonheur car (Is 43, 1-7) :
Mais maintenant, ainsi parle le Seigneur, lui qui t’a créé, Jacob, et t’a façonné, Israël : Ne crains pas, car je t’ai racheté, je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi. Quand tu traverseras les eaux, je serai avec toi, les fleuves ne te submergeront pas. Quand tu marcheras au milieu du feu, tu ne te brûleras pas, la flamme ne te consumera pas. Car je suis le Seigneur ton Dieu, le Saint d’Israël, ton Sauveur. Pour payer ta rançon, j’ai donné l’Égypte, en échange de toi, l’Éthiopie et Seba. Parce que tu as du prix à mes yeux, que tu as de la valeur et que je t’aime, je donne des humains en échange de toi, des peuples en échange de ta vie. Ne crains pas, car je suis avec toi. Je ferai revenir ta descendance de l’orient ; de l’occident je te rassemblerai. Je dirai au nord : « Donne ! » et au midi : « Ne retiens pas ! Fais revenir mes fils du pays lointain, mes filles des extrémités de la terre, tous ceux qui se réclament de mon nom, ceux que j’ai créés, façonnés pour ma gloire, ceux que j’ai faits ! »
Ephrem : 1° Hymne De Beata Maria (Lamy il, 521):
8 Qu'en Marie se réjouisse tout l'ordre des prophètes,
car les visions, en elle trouvent leur terme,
les prophéties leur accomplissement,
les oracles leur force et leur achèvement.
9 Qu'en Marie se réjouisse tout l'ordre des patriarches :
Elle reçut d'eux la bénédiction,
mais les rendit parfaits en son Fils ;
car c'est en Lui que sont purifiés
les Voyants, les justes, les prêtres.
11 L'Arbre de vie qui se cachait
au milieu du paradis
a grandi en Marie.
Son ombre abrite le monde entier,
il offre ses fruits, loin et près.
12 Marie a tissé la robe de Gloire
et l'a donnée au premier père.
Et lui qui s'était caché nu
est maintenant orné de beauté et vertu.
Homélie de saint Ephrem (+ 373), Homélies sur la Mère de Dieu, 2, 93-145, dans Nachtrage zu Ephraem Syrus, éd. et trad. E. Beck, CSCO 363 et 364, 52-53
Contemplez Marie, mes bien-aimés, voyez comment Gabriel entra chez elle et quelle objection elle lui adressa : Comment cela va-t-il se faire ? (Lc 1,34). Le serviteur de l'Esprit Saint lui fit cette réponse: "Cela est facile à Dieu ; pour lui tout est simple." Considérez comment elle crut à la parole entendue et dit : Voici la servante du Seigneur (Lc 1,38).
Dès lors le Seigneur descendit d'une manière que lui seul connaît ; il se mit en mouvement et vint comme il lui plaisait ; il entra en elle sans qu'elle le sente, et elle l'accueillit sans éprouver aucune souffrance. Elle portait en elle, comme un enfant, celui dont le monde était rempli. Il descendit pour être le modèle qui renouvellerait l'antique image d'Adam.
Aussi, lorsqu'on t'annonce la naissance de Dieu, observe le silence. Que la parole de Gabriel te soit présente à l'esprit, car il n'y a rien d'impossible à cette glorieuse Majesté qui s'est abaissée pour nous et qui est née de notre humanité.
En ce jour, Marie est devenue pour nous le ciel qui porte Dieu, car la Divinité sublime est descendue et a établi en elle sa demeure. En elle, Dieu s'est fait petit - mais sans amoindrir sa nature - pour nous faire grandir. En elle, il nous a tissé un habit avec lequel il nous sauverait. En elle se sont accomplies toutes les paroles des prophètes et des justes. D'elle s'est levée la lumière qui a chassé les ténèbres du paganisme.
Nombreux sont les titres de Marie, et il convient que je les rapporte. Elle est le palais dans lequel a habité le puissant Roi des rois. Et il ne l'a pas quittée comme il était venu, car c'est d'elle qu'il a pris chair et qu'il est né.
Elle est aussi le nouveau ciel dans lequel a habité le Roi des rois. En elle s'est levé le Christ et d'elle il est sorti pour entrer dans la création, formé et façonné à son image.
Elle est le cep de vigne qui a porté la grappe. Elle a donné un fruit supérieur à la nature; et lui, bien que différent d'elle par sa nature, a revêtu sa couleur et est né d'elle.
Elle est la source de laquelle ont jailli les eaux vives pour les assoiffés, et ceux qui ont goûté de sa boisson portent des fruits au centuple.
Homélie de Michel Psellos (+ 1078), Homélies mariales byzantines, PO 16, [94]-[96]
Puisqu'il fallait que l'homme fût divinisé, et puisqu'une telle oeuvre dépasse les capacités de la nature, le début devait être du même ordre. Aussi le Christ est-il devenu homme pour diviniser l'homme en le faisant entrer dans une extraordinaire union avec lui.
Or, si ce second événement est merveilleux, combien plus merveilleux encore le premier ! Si la montée aux cieux dépasse tout ce qu'on peut dire, comment la descente ne dépasserait-elle pas tout ce qu'on peut concevoir ? Là, en effet, la créature mortelle est montée aux cieux ; ici, Dieu en est descendu. Celui qui est sans limite a connu des limites. Celui qui a modelé la nature s'est uni à une nature dotée d'une âme. Celui qui ne comporte rien de tangible ni de matériel est né d'une vierge. <> Quel discours pourrait bien nous faire comprendre cette merveille ? <>
Aujourd'hui donc, nous passons d'un pays étranger dans notre patrie, nous sommes rétablis dans l'Éden et ramenés dans Sion, d'où nous nous étions éloignés pour notre malheur.
Oh ! la chose admirable ! Alors que nous avions péché, puis subi la punition, nous avons à nouveau été jugés dignes des plus grands biens. Nous étions tombés du paradis, et nous avons trouvé la maison céleste. Nous avions glissé par terre, et nous possédons la demeure sublime qui nous était promise.
Et ceci est encore plus admirable: la bonne nouvelle ne devance pas la joie comme cela se passe d'habitude chez les hommes, mais, au moment où l'ange en fait l'annonce à la Vierge, le Dieu annoncé s'incarne et l'humanité assumée est divinisée.
Oh ! la parole inouïe ! Oh! la multitude des grâces et l'infinité des merveilles ! Tout s'y trouve réuni : la voix de l'archange, l'incarnation du Seigneur, la divinisation du corps assumé, l'union de ceux qui étaient séparés, la libération de ceux qui étaient asservis, le retour des exilés dans leur patrie, la réconciliation des ennemis. Une seule et brève parole apporte la joyeuse salutation à la Mère de Dieu, en même temps que les biens innombrables qui en découleront et que l'esprit ne peut saisir.
Et voici l’essentiel : Dieu devient homme et l'homme devient Dieu, le mystère tenu caché est manifesté en ces temps qui sont les derniers. La prophétie prend fin et la rédemption attendue arrive. La terre se mêle au ciel, les choses sensibles se rapprochent des réalités spirituelles et les êtres séparés s'unissent admirablement. Dès sa conception, le Seigneur devient le Médiateur entre les deux natures, car il unit toute l'humanité à la divinité.
Homélie de saint Yves de Chartres (+ 1115), Discours 15, PL 162, 583-586
Mes bien-aimés, réjouissons-nous dans le Seigneur. Quand bien même notre action de grâce ne serait pas aussi grande qu'elle devrait être, remercions notre Créateur, du moins autant que nous le pouvons, avec son aide. Ainsi, la grâce qu'il nous donne à profusion ne nous trouvera pas ingrats.
Nous fêtons aujourd'hui, en effet, l'admirable conception de Jésus par la Vierge. Nous célébrons le commencement de notre rédemption et annonçons le dessein de Dieu formé avec bonté et puissance. Car si le Seigneur de l'univers était venu à la recherche de ses serviteurs en fuite, pour les juger et non pour leur montrer sa bonté, il ne se serait jamais revêtu de cette fragile enveloppe de limon dans laquelle il a pu souffrir avec nous et pour nous.
Aux païens cela paraît, pour reprendre les paroles de saint Paul, de la faiblesse et de la folie (cf. 1 Co 1,23-25), car ils se fondent sur les raisonnements de la vaine philosophie et jugent du Créateur d'après les lois de la création. Est-il plus grande oeuvre de puissance que de faire concevoir la Vierge, à rencontre des lois de la nature ? Et, après avoir pris notre chair, de ramener une nature mortelle à la gloire de l'immortalité en passant par la mort ? C'est pourquoi l'Apôtre dit : La faiblesse de Dieu est plus forte que l'homme (1 Co 1,25) <>
Aujourd'hui le sein de la Vierge devient la porte du ciel par laquelle Dieu descend chez les hommes pour les faire monter au ciel. La très bienheureuse Vierge, sûre de n'avoir jamais connu d'homme, s'étonne d'entendre qu'elle va mettre au monde un fils. Cependant l'ange l'encourage et lui apprend ce qui lui a valu de voir s'accomplir en elle une chose naturellement impossible chez les autres femmes, et par quelle puissance cela se fera. Il dit : Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès du Seigneur (Lc 1,30). C'est comme s'il disait : "Ce que je t'annonce n'est pas de l'ordre de la nature, mais le don d'une grâce sans pareille." Aussi ajoute-t-il : L'Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre (Lc 1,35). <>
Elle seule a mérité d'être choisie pour que, de son corps immaculé, soit façonné le corps immaculé de celui qui, dès avant le temps, était prédestiné à être le Fils de Dieu dans la Puissance. Voilà pourquoi l'ange dit encore à la très bienheureuse Vierge : L'être saint qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu (Lc 1,35). Vraiment, celui qui allait s'offrir pour la sanctification des pécheurs devait être saint. <>
Frères très chers, la conception virginale renferme en elle-même un grand et admirable mystère, car par elle l'acte de notre condamnation pour désobéissance est détruit, Dieu et l'homme sont réunis, et les deux, à savoir le Christ et l'Église, ne font qu'une seule chair.
La chambre de cette union fut, en quelque sorte, le sein virginal duquel, après neuf mois, selon la loi de la nature, le Christ sortit comme un époux sortant de sa chambre, en compagnie de son épouse, c'est-à-dire de la chair qui est la nôtre. Il dressa sa tente, c'est-à-dire la chair assumée, au soleil (Ps 18,5-6) puisqu'aussi bien il rendit visible à tous sa propre chair par laquelle il vaincrait l'Adversaire. <>
Frères bien-aimés, méditons assidûment ces mystères. Goûtons, à la mesure de l'immense désir de notre coeur, l'inestimable bonté de Dieu, en considérant tous les biens célestes qui nous sont promis. Ainsi, les réalités terrestres qui paraissent désirables à des coeurs aveugles et cupides ne nous empêcheront pas de remporter, au bout de notre course, le prix attaché à notre vocation divine. <> Conformons-nous à celui qui, en venant sur la terre, nous a proposé sa vie comme règle de l'existence chrétienne. Lors de sa première venue, il a voulu nous remodeler intérieurement à son image, et c'est encore lui qui, à sa seconde venue, transformera nos pauvres corps à l'image de son corps glorieux (Ph 3,21), Jésus Christ notre Seigneur, qui vit et règne pour les siècles des siècles. Amen.
Prière
Seigneur, tu as voulu que ton Verbe prît chair dans le sein de la Vierge Marie; puisque nous reconnaissons en lui notre Rédempteur, à la fois homme et Dieu, accorde-nous d'être participants de sa nature divine. Lui qui règne.