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Dimanche de l’Épiphanie

En route ! -



Tapisserie de l’Abbaye de la Chaise-Dieu,

Anonyme,

Atelier flamand, 1501-1518,

Au centre : L’adoration des mages (Matthieu 2, 1-12),

A gauche : L’offrande de l’eau de Bethléem à David par trois soldats (2 Samuel 23, 15-17),

A droite : La visite de la reine de Saba au roi Salomon(1 Rois 10, 1-13),

Abbaye Saint-Robert, La Chaise-Dieu (France)


Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 2,1-12

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » En apprenant cela, le roi Hérode fut pris d'inquiétude, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les chefs des prêtres et tous les scribes d'Israël, pour leur demander en quel lieu devait naître le Messie. Ils lui répondirent : « A Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem en Judée, tu n'es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Judée ; car de toi sortira un chef, qui sera le berger d'Israël mon peuple. » Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l'étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l'enfant. Et quand vous l'aurez trouvé, avertissez-moi pour que j'aille, moi aussi, me prosterner devant lui. » Sur ces paroles du roi, ils partirent. Et voilà que l'étoile qu'ils avaient vue se lever les précédait ; elle vint s'arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l'enfant. Quand ils virent l'étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. En entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l'or, de l'encens et de la myrrhe. Mais ensuite, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.


Annexe : les phylactères


En haut à gauche


Media castra Philisti pertransierunt tres fortes et magnanimi Quo régi David aquam e puteo Bethléem quam cupierat afferant. Sic Herodis regnum intrepidi pertransierunt tres gentiles magi Ut Christo summo régi noviter nato aurum thus cum myrrha offerant.

Trois hommes forts et magnanimes traversèrent le camp philistin pour offrir au roi David, selon son désir, de l’eau de Bethléem (2 Samuel 23, 16). De même, trois mages des nations, intrépides, traversèrent le royaume d’Hérode, afin d’offrir au Christ, Souverain Roi nouvellement né, de l’or, de l’encens et de la myrrhe.


Le roi David (Ps 72 (71), 10) annonce :

Offerent tibi reges munera : Les rois t’offriront des présents.

En haut à droite


E finibus terre magnis cum muneribus venit regina Saba Ad Salomonem illius ut audiret probaretque sapientiam. Ab oriente pariter venerunt Magi mistica ferentes munera Ut videant supplicesque venerentur natum ex Virgine Messiam

Des extrémités de la terre, la reine de Saba est venue avec de grands présents auprès de Salomon pour l’entendre et éprouver sa sagesse (1 Rois 10, 1). Pareillement, de l’Orient sont venus des mages apportant des présents mystiques pour voir et vénérer à genoux le Messie né de la Vierge.


Et le prophète Isaïe (60, 14) prophétise :

Adorabunt vestigia pedum tuorum : Ils adoreront la trace de tes pieds.

Bandeau du bas



En bas à gauche, le prophète (Isaïe (60, 3) annonçait :

Ambulabunt gentes in lumine tuo et reges in splendore ortus tui : Les nations marcheront à ta lumière, et les rois à ta clarté naissante.

Et à droite, le roi David (Ps 72 (71), 10) chante :

Reges Tharsis et insulae munera offerent reges Arabum et Saba dona adducent : Les rois de Tharsis et des îles offriront des présents ; les rois d’Arabie et de Saba apporteront des cadeaux.

Le triptyque de la Tapisserie


Une reprise sous forme de dessin



La typologie biblique

Tissées au début du XVIe siècle, ces tentures sont un vrai trésor artistique. On les appelle communément « Tapisseries aux mille fleurs » comme l’illustre le sol de chaque scène. Une étude des diverses fleurs représentées, chacune ayant un sens symbolique, serait nécessaire ! Mais les tapisseries de la Chaise-Dieu sont un exemple marquant de la représentation artistique de la typologie biblique. Le principe en est simple : le Nouveau Testament ne peut vraiment se lire et se comprendre qu’à la lumière du Premier Testament. Déjà, saint Jérôme disait : « Ignorer les Écritures (le Premier Testament), c’est ignorer le Christ ». Ainsi, le Concile Vatican II met en œuvre ce principe lorsqu’à la refonte du lectionnaire dominical il associe la première lecture (tirée du Premier Testament) à l’Évangile.


Pour appuyer cette typologie et aider à l’interprétation, les pièces sont entourées de diverses citations bibliques. La richesse de ces tapisseries tient à leur ensemble qui présente quasiment dans sa cohérence l’histoire du salut néotestamentaire en l’éclairant, pour chaque pièce, de deux scènes vétérotestamentaires. Elles couraient autour du chœur des Chanoines, étant à la fois une catéchèse visuelle, et un soutien au réchauffement de l’espace !


Une nouvelle fois, il est important de noter que, tant dans le choix des épisodes représentés, que dans les citations, mais aussi dans la mise en image, ces tapisseries puisent dans les grandes références typologiques de l’époque : la Bible des Pauvres (Biblia Pauperum – à partir du dernier quart du XIVe siècle) et le Miroir du Salut humain (Speculum Humanae Salvationis – 1er quart du XIVe siècle) attribué à Vincent de Beauvais.


L’épisode central : l’Épiphanie


Des racines apocryphes

Encadrée de deux colonnes, la scène représente la visite des Mages à la sainte Famille. L’Évangile nous conte cet événement uniquement chez Matthieu. Mais la scène sera enrichie, pour ne pas dire enjolivée, dans les textes apocryphes du Pseudo-Matthieu (chapitre 14), dans le Proto-évangile de Jacques (chapitre 21) et dans l’Évangile arabe de l’Enfance (chapitre 7). Même si la scène se passe deux ans après la naissance de Jésus, Marie présente son Fils dans un lieu assez semblable à la crèche, même si le toit semble avoir été réparé depuis Noël ! Un peu au-dessus brille l’étoile qui guidât les mages. La citation d’Isaïe en bas le rappelle : « Les nations marcheront à la lumière et les rois à ta clarté naissante ».


Trois ou douze ?

Devant Marie qui présente l’Enfant sur ses genoux, Joseph étant derrière elle, trois Mages font leur offrande. Le texte de Matthieu ne nous précise pas leur nombre, ni même leur titre de roi. En fait, ils devaient être des astronomes persans, comme l’origine du mot « mage : mogu ou maga » nous le laisse penser. Tertullien leur donnera un titre royal dans une de ses homélies, titre qui restera jusqu’aujourd’hui (Contre Marcion 3, 3). À l’origine de l’Église, la fête de l’Épiphanie était célébrée conjointement avec le Baptême du Christ et les Noces de Cana, autres manifestations de la divinité du Christ.


Quant à leur nombre, là encore l’évangile n’en dit rien. Bien sûr, le nombre d’offrandes peut nous laisser imaginer qu’ils furent trois. Ainsi, l’Église syrienne parle de douze mages, en références aux douze tribus d’Israël. Mais la tradition s’est arrêtée au chiffre trois pour des raisons tant scripturaires que liturgiques et symboliques.


Qui sont-ils ?

Trois : chiffre sacré de la Trinité. Mais surtout, le trois représente les âges de la vie, mais aussi les trois parties du monde connu de l’époque. Ainsi, cette symbolique sera reprise dans la représentation : trois hommes d’âges différents (un jeune, un adulte et un homme d’âge mûr), trois hommes d’origines diverses (un noir représentant l’Afrique, un jaune pour l’Asie et un blanc pour l’Europe). Ce sont aussi les trois races entre lesquelles se partage le genre humain issu de la descendance de Noé : Sem, Cham et Japhet (Origène, Homélie sur les Nombres 13, 7). C’est au IXème siècle que le Liber Pontificalis de Ravenne leur attribua des noms : Gaspar, Melchior et Balthasar. Ainsi, le jour de l’Épiphanie en Allemagne (mais aussi en Russie), chacun écrit à la craie sur sa porte leurs initiales : G.B.M.


Les trois âges de la vie, mais aussi de la foi…

Leur attitude, comme leur habillement, rappelle les représentations des processions des barbares orientaux venant apporter leurs tributs à l’empereur. Ils portent ici le chapeau de mage ceint de la couronne de la royauté (on en distingue un aux pieds de la Vierge). N’est-il pas écrit dans le livre de l’Apocalypse que les vingt-quatre vieillards jettent leur couronne au pied du trône (Ap 4, 10) ? Mais, de fait, dans ce spectacle qui nous est donné, tous les rois de la terre viennent faire leur offrande au Roi des rois (Rex regum).


Ainsi, dans de nombreuses peintures, les donateurs, mettant en valeur leurs richesses, se font représenter sous les traits des mages venant rendre hommage à la divinité du Christ. Mais, au cours des siècles, on a souvent codifié leurs attitudes. Trois âges de la vie, trois origines, trois cadeaux signifiants, mais aussi trois attitudes de foi. L’un est à genoux, en adoration (contemplatio), l’autre est debout en prière (oratio) et le troisième, méditant, est en marche vers le Roi des rois (meditatio). Ce sont, sans la lecture biblique (lectio — bien que l’on puisse imaginer que le Christ sur les genoux de sa Mère soit cette Parole, cette lectio), les quatre étapes de la Lectio Divina (la lecture méditée de la Bible), mais aussi l’illustration des quatre sens de l’Écriture dont parle Origène : sens littéral, sens allégorique, sens tropologique (moral) et sens anagogique (spirituel).


Ainsi l’exprime Augustin de Dacie (mort en 1282) :


Littera gesta docet,
quid credas allegoria,
Moralis quid agas,
quo tendas anagogia.

La lettre instruit des faits qui se sont déroulés, L’allégorie apprend ce que l’on a à croire, Le sens moral apprend ce que l’on a à faire, L’anagogie apprend ce vers quoi il faut tendre.


De curieuses offrandes

Très vite, les théologiens se sont ingéniés à l’attribution d’un sens symbolique à chaque offrande : l’or, l’encens et la myrrhe. On peut évidemment y voir un hommage à la royauté du Christ avec l’or (signum regis), à sa divinité avec l’encens (signum Dei) et, avec la myrrhe (qui sert à embaumer les cadavres) à son humanité (signum sepulturae) qui passera par la mort pour notre rédemption. Saint Augustin daisait : « L’or convenait au roi ; l’encens fait partie des sacrifices offerts à Dieu ; la myrrhe sert à embaumer les morts. » La mode de l’orfèvrerie de l’époque a donné les diverses formes des récipients : Melchior offre l’or dans un reliquaire, Gaspar l’encens dans une corne d’abondance et Balthasar la myrrhe dans un ciboire. Le plus âgé, à la barbe blanche, met en scène le verset d’Isaïe écrit dans la bande haute : « Ils adoreront la trace de tes pieds ».


La Sainte Famille

Sous le couvert de la crèche, la Sainte Famille assiste aux révérences des mages. Marie est assise sur un grand lit rouge. Couverte d’un manteau bleu et les cheveux sous un voile blanc, elle présente sur ses genoux Jésus.


L’enfant, qui n’est déjà plus un nouveau-né, est nu. De sa main gauche, à l’image de David sur la scène adjacente, il semble repousser l’offrande. Cependant, la grammaire des gestes du Moyen-âge indiquerait plutôt ici l’acceptation d’une sentence (la main est tournée dans l’autre sens). Jésus accepte de passer par la mort. De sa main droite, il saisit cette même offrande du mage, la myrrhe de son embaumement. De fait, il ne refuse pas la mort. C’est simplement qu’il vient mystiquement annoncer qu’elle n’est pas définitive. Elle ne sera que le passage vers la vie éternelle par la Résurrection. Et celle-ci est annoncée dans le collier qu’il porte autour du cou. C’est une parure en corail. À l’époque, beaucoup savait que le corail faisait partie du monde animal. Mais certains étaient convaincus que si l’on plongeait du corail dans l’eau, il reprenait vie. Comme Jésus qui sera plongé dans les eaux de la mort et retrouvera la vie.


Quant à Joseph, il reste discrètement derrière Marie. La barbe en broussaille, il porte sa main droite à son front. Ce signe indique son étonnement et son incompréhension.


À gauche : L’offrande de l’eau de Bethléem à David par trois soldats


Le texte : 2 Samuel 23, 15-17

David exprima un désir : « Qui me fera boire de l’eau du puits qui est à la porte de Bethléem ? » Les Trois Guerriers s’ouvrirent un passage à travers le camp des Philistins, tirèrent de l’eau du puits qui est à la porte de Bethléem, puis ils l’emportèrent pour l’offrir à David. Mais il refusa d’en boire et la répandit en libation devant le Seigneur, en disant : « Que le Seigneur me garde de faire cela ! Boirais-je le sang des hommes qui sont allés là-bas en risquant leur vie ? » Il refusa donc de boire. Voilà ce que firent les Trois Guerriers.

Les libations

Pour calmer la soif du roi David, trois vaillants chevaliers percent, au risque de leur vie, les lignes des Philistins, pour aller chercher au puits de Bethléem de l’eau. David, honteux de ce caprice qui aurait pu coûter la vie des trois hommes, refuse de boire de cette eau et l’offre en libation au Seigneur. Cette citerne de Bethléem (qui veut dire en hébreu la maison du pain) n’est-elle pas l’image mystique de la fontaine d’eau vive que Jésus fera sourdre pour rafraîchir l’humanité ?


Préfiguration

C’est le Speculum Humanae Salvationis qui a popularisé cette image comme la préfiguration de l’offrande des Mages au Christ, nouveau David. Ainsi, pour mieux nous aider à comprendre cette préfiguration, l’artiste calque l’attitude des personnages de la scène centrale. Ici, les trois soldats sont revêtus du costume des hommes d’arme du début du XVIe siècle. Cette allégorie est encore accentuée par le verset inscrit dans le bandeau du haut : « Trois hommes forts et magnanimes traversèrent le camp philistin pour offrir au roi David, selon son désir, de l’eau de Bethléem. De même, trois mages des nations, intrépides, traversèrent le royaume d’Hérode, afin d’offrir au Christ, Souverain Roi nouvellement né, de l’or, de l’encens et de la myrrhe. »


David, lui, siège en homme âgé et couronné (du même chapeau que celui qui repose aux pieds de Marie), tenant en main le sceptre de la royauté. Sa main gauche indique aux chevaliers son refus de boire l’eau, présentée dans trois contenants différents : un vase à pied, un vase à anse et une aiguière.


Mais aujourd’hui, ce n’est plus nous qui apportons l’eau au Roi David, c’est le nouveau David qui nous abreuve de son eau, comme il l’a dit à la Samaritaine (Jean 4, 13-14) : « Jésus lui répondit : « Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. »


À droite : la visite de la reine de Saba au roi Salomon


Le texte : 1 Rois 10, 1-13

La reine de Saba avait entendu parler de la renommée de Salomon, qui faisait honneur au nom du Seigneur. Elle vint donc pour le mettre à l’épreuve en lui proposant des énigmes. Elle arriva à Jérusalem avec une escorte imposante : des chameaux chargés d’aromates et d’une énorme quantité d’or et de pierres précieuses. Quand elle fut parvenue auprès de Salomon, elle lui exposa les questions qu’elle avait préparées, mais Salomon trouva réponse à tout et ne fut arrêté par aucune difficulté. Lorsque la reine de Saba vit toute la sagesse de Salomon, le palais qu’il avait construit, les plats servis à sa table, le logement de ses officiers, la tenue du service et l’habillement des serviteurs, ses sommeliers, les holocaustes qu’il offrait à la maison du Seigneur, elle en eut le souffle coupé, et elle dit au roi : « Ce que j’ai entendu dire dans mon pays sur toi et sur ta sagesse, c’était donc vrai ! Je ne voulais pas croire ce qu’on disait, avant de venir et de voir de mes yeux ; mais voilà qu’on ne m’en avait pas appris la moitié ! Tu surpasses en sagesse et en magnificence la renommée qui était venue jusqu’à moi. Heureux tes gens, heureux tes serviteurs que voici, eux qui se tiennent continuellement devant toi et qui entendent ta sagesse ! Béni soit le Seigneur ton Dieu, qui t’a montré sa bienveillance en te plaçant sur le trône d’Israël. Parce que le Seigneur aime Israël pour toujours, il t’a établi roi pour exercer le droit et la justice. » Elle fit présent au roi de cent vingt lingots d’or, d’une grande quantité d’aromates et de pierres précieuses ; il n’est plus jamais venu une quantité d’aromates pareille à celle que la reine de Saba avait donnée au roi Salomon. La flotte d’Hiram avait donc apporté l’or d’Ophir. Elle en rapporta également du bois de santal, en très grande quantité, et des pierres précieuses. Avec ce bois de santal, le roi fit une balustrade pour la maison du Seigneur et la maison du roi ; on en fit aussi des cithares et des harpes pour les chantres. Par la suite, on ne reçut plus jamais de ce bois de santal, et jusqu’à ce jour on n’en a plus revu. Le roi Salomon offrit à la reine de Saba tout ce qui répondait à ses désirs, en plus des présents qu’il lui faisait avec une munificence digne du roi Salomon. Puis elle s’en retourna dans son pays avec ses serviteurs.

Préfiguration

De nouveau, le Speculum Humanae Salvationis présentera ce texte comme le correspondant typologique de l’adoration des Mages, la reine de Saba venant rendre hommage au grand Roi Salomon et surtout à sa sagesse. Ce rapprochement entre les deux scènes est tiré du prophète Isaïe (60, 6) : « Tous viendront de Saba apportant or et encens », mais aussi du Psaume (72, 10-11) : « Les rois de Tarsis et des Iles apporteront des présents. Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande. Tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront. »


Salomon et la reine

Ainsi, Salomon assis en majesté sur son trône, reçoit assis la reine de Saba. Ce manque de courtoisie de sa part n’est là que pour accorder la disposition des trois scènes de la tapisserie. On retrouve sur sa tête cette même couronne qui repose sur celle de son père David. Quant à la reine de Saba, vêtue d’un ample manteau vert doublé d’hermine, elle porte sur son chapeau la couronne royale. Elle apporte une sorte de ciboire d’or et de pierres précieuses à Salomon. Derrière elle, à, l’image des mages sur la scène centrale, deux autres dames coiffées du hennin l’accompagnent. La citation qui accompagne la représentation précise que la reine de Saba venait de loin, d’Éthiopie : « Des extrémités de la terre, la reine de Saba est venue avec de grands présents auprès de Salomon pour l’entendre et éprouver sa sagesse. Pareillement, de l’Orient sont venus des mages apportant des présents mystiques pour voir et vénérer à genoux le Messie né de la Vierge. » Au Moyen-âge, on présentait Salomon comme la préfigure du Christ, et la Reine de Saba comme l’image de l’Église des Gentils accourant pour entendre la parole du Sauveur.


Pour nous dire quoi ?

L’épiphanie, comme son nom l’indique, est bien une manifestation, et une manifestation divine, mais comme en surface, comme nous appelant à voir plus loin, à l’image de la main de Joseph sur son front qui semble chercher à voir plus loin, à comprendre. Car Dieu vient ici nous délivrer un message.


En route !

André Chouraqui traduit le « bienheureux » des Béatitudes par ses mots : en route ! En route, comme les mages, pour rejoindre notre Roi. En route, quelle que soit notre origine, d’où que nous venions, blanc, noir ou jaune. En route, de la méditation à la contemplation. En route, même si nous nous sentons loin de Lui. Que nous soyons soldats, reines ou courtisanes, il nous attend. Que nous n’ayons que de l’eau, chèrement acquise, ou de riches trésors à lui offrir, il nous attend. Que nous n’ayons que deux mains vides, il nous attend… pour les emplir.


Car, même si nous pouvions avoir l’impression de lui rendre hommage, de lui faire offrande de tout ce que nous avons, ou de tout ce que nous sommes, c’est lui qui vient s’offrir ! C’est lui qui vient nous offrir sa vie, pour que nous connaissions, nous aussi la résurrection. C’est lui qui vient faire épiphanie dans — et de — nos vies. C’est lui qui vient manifester en nous l’or des grâces offertes dans l’eau du baptême ; c’est lui qui vient réveiller en nous le parfum suave de notre adoption divine ; c’est lui qui vient transformer la myrrhe de la mortelle tristesse en corail de résurrection.


Un jour de Noël où l’on demandait à Thérèse de Lisieux, enfant, ce qu’elle voulait choisir comme cadeau, elle répondit : « Je veux tout ! » Aujourd’hui, comme elle, approchant les mains vides de notre Roi, demandons-lui tout pour qu’il vienne nous combler de grâces en cette année qui débute.



Homélie de saint Odilon de Cluny (+ 1049), Sermons pour l'Épiphanie, 2; PL 142, 997-998.

Ce jour, je l'ai souvent dit, est une assez grande fête par lui-même, mais il est encore remarquable par son voisinage avec Noël. Lorsque l'on adore Dieu dans l'enfant, on honore l'enfantement virginal. Lorsque l'on offre des présents à l'homme-Dieu, on adore la dignité de la naissance divine. Lorsque les mages découvrent Marie avec l'enfant, ils proclament véritables l'humanité du Christ et l'intégrité de la Mère de Dieu. Comme dit l'évangéliste : En entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie sa mère ; et tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et ils lui offrirent leurs présents : de l'or, de l'encens et de la myrrhe (Mt 2,10-11).


Ces dons offerts par les mages révèlent les mystères du Christ. En donnant de l'or, ils exaltent le roi ; en offrant l'encens, ils adorent Dieu ; en présentant de la myrrhe, ils le reconnaissent mortel. Quant à nous, croyons donc que le Christ a épousé notre condition mortelle, afin que, par sa mort unique, nous sachions que nous sommes délivrés de la seconde mort. Comment le Christ est apparu mortel et a payé notre dette envers la mort, Isaïe l'a dit : Il a été comme un agneau conduit à l'abattoir (Is 53,7).


Nous devons croire que le Christ est roi, car nous l'avons prouvé par l'autorité divine. Il dit de lui-même dans le Psaume : J'ai été sacré roi par lui (Ps 2,6 Vg.), c'est-à-dire par Dieu le Père. Et qu'il soit le Roi des rois, il le dit lui-même par la bouche de la Sagesse : Par moi règnent les rois, et les grands fixent de justes décrets (Pr 8,15). Enfin, qu'il soit vraiment le Christ et Seigneur, c'est ce qu'atteste le monde entier créé par lui. Car il dit lui-même dans l'Évangile : Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre (Mt 28,18). Et l'Apôtre affirme que lui a été donné par Dieu le Père le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu'au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l'abîme, tout être vivant tombe à genoux (Ph 2,9-10). L'Apôtre dit ailleurs : Tout est créé par lui et pour lui. Il est avant tous les êtres, et tout subsiste en lui (Col 1,16-17). Et saint Jean l'Évangéliste dit : Par lui tout s'est fait, et rien de ce qui s'est fait ne s'est fait sans lui (Jn 1,3). Si l'on reconnaît que toutes choses ont été faites par lui et que tout subsiste en lui (Col 1,17), nous devons nécessairement croire que toutes choses ont connu son avènement.


Prière

Aujourd'hui, Seigneur, tu as révélé ton Fils unique aux nations, grâce à l'étoile qui les guidait; daigne nous accorder, à nous qui te connaissons déjà par la foi, d'être conduits jusqu'à la claire vision de ta splendeur. Par Jésus Christ.

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