Jésus, pierre angulaire -

La résurrection du Christ,
Anonyme,
Clef de voûte, sculpture de grès : décor en bas-relief, peint, doré,
Deuxième moitié du XIVe siècle,
Abbaye de bénédictines Saint-Léger, Masevaux (France)


Lecture du livre des Actes des Apôtres (Ac 10, 34a.37-43)
En ces jours-là, quand Pierre arriva à Césarée chez un centurion de l’armée romaine, il prit la parole et dit : « Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean : Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance. Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui. Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts. C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. »
Psaume 117 (118), 1.2, 16-17, 22-23
Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour ! Oui, que le dise Israël : Éternel est son amour !
Le bras du Seigneur se lève, le bras du Seigneur est fort ! Non, je ne mourrai pas, je vivrai, pour annoncer les actions du Seigneur.
La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux.
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens (1 Co 5, 6b-8)
Frères, ne savez-vous pas qu’un peu de levain suffit pour que fermente toute la pâte ? Purifiez-vous donc des vieux ferments, et vous serez une pâte nouvelle, vous qui êtes le pain de la Pâque, celui qui n’a pas fermenté. Car notre agneau pascal a été immolé : c’est le Christ. Ainsi, célébrons la Fête, non pas avec de vieux ferments, non pas avec ceux de la perversité et du vice, mais avec du pain non fermenté, celui de la droiture et de la vérité.
Séquence
À la Victime pascale, chrétiens, offrez le sacrifice de louange.
L’Agneau a racheté les brebis ; le Christ innocent a réconcilié l’homme pécheur avec le Père.
La mort et la vie s’affrontèrent en un duel prodigieux. Le Maître de la vie mourut ; vivant, il règne.
« Dis-nous, Marie Madeleine, qu’as-tu vu en chemin ? »
« J’ai vu le sépulcre du Christ vivant, j’ai vu la gloire du Ressuscité.
J’ai vu les anges ses témoins, le suaire et les vêtements.
Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! Il vous précédera en Galilée. »
Nous le savons : le Christ est vraiment ressuscité des morts.
Roi victorieux, prends-nous tous en pitié ! Amen.
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 20, 1-9)
Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
L’abbaye
D'après la tradition l'abbaye de Masevaux fut fondée par le prince Mason, frère du comte Eberhard qui créa l'abbaye de Murbach, dans la vallée de Guebwiller. Ce monastère de bénédictines (?) fut rapidement transformé en chapitre de dames nobles sous la direction d'une abbesse. La première église fut élevée entre 720 et 780, remplacée par une église de style roman à une date inconnue. Le choeur de l'église fut reconstruit dans la deuxième moitié du XIVe siècle (à partir de 1353). Cette église exista jusqu'en 1859, date à laquelle la nef fut détruite par le feu et définitivement supprimée, alors que le choeur était restauré et transformé en 1881 en tribunal cantonal, avec adjonction d'un bâtiment contigu au nord. Les chanoinesses étaient logées dans un bâtiment perpendiculaire à l'église, qui devint le logis de l'abbesse au XVIIIe siècle. En effet vers 1780 l'abbesse décida la construction de neuf nouvelles maisons à l'ouest de l'abbatiale, un pour chaque chanoinesse. Le projet fut dressé par François-Martin Burger en 1781, avec la collaboration de Jean-Baptiste Kléber à qui il abandonna la direction des travaux. Le bâtiment qui devint le logis de l'abbesse fut entièrement remanié : il comprenait un salon d'été pour lequel furent réalisées des lambris avec portes sculptées qui ont été déposées à la Révolution et qui sont partiellement conservées dans l'église abbatiale (ancien tribunal) et à Mulhouse au musée d'Impression sur étoffes. En 1790, sept des maisons de chanoinesses étaient achevées, mais cette campagne fut interrompue par la Révolution. Un inventaire des biens de l'abbaye fut dressé, les chanoinesses quittèrent Masevaux, l'abbesse emportant le buste-reliquaire de saint Léger à Fribourg-en-Brisgau, qui de là fut mis à l'abri à la collégiale de Lucerne en Suisse. La vente des bâtiments du chapitre fut réalisée en 1798, date à laquelle un plan de ces propriétés fut dressé par le géomètre Kuhlmann, qui les divisa en neuf lots, vendus à des particuliers. La commune ne put racheter l'église abbatiale que plus tard et en fit l'église paroissiale, quand les travaux de la nouvelle église Saint-Martin furent interrompus. À l'achèvement de ce nouvel édifice l'église Saint-Léger fut vidée de son mobilier, partiellement replacé à l'église paroissiale ou vendu (en grande partie à la paroisse de Bréchaumont dans le Territoire de Belfort, où il se trouve actuellement). La nef de l'église fut détruite par les flammes en 1859, le choeur fut fermé par un mur à l'ouest, coupé par un plancher médian et occupé par le tribunal cantonal en 1881. Depuis 1990 il abrite les bureaux du S. I. V. O. M de la vallée de Masevaux. Les bâtiments de chanoinesses sont occupés par des logements. Le jardin et les communs situés à l'est de l'église ont été rachetés par un industriel mulhousien Nicolas Koechlin au début du XIXe siècle, qui y bâtit une usine textile englobant le logis de l'abbesse (actuel Domaine de l'Abbaye, occupé par de petites entreprises).
Les clefs de voûte
Des cinq clefs de voûte du choeur de l'église, deux sont visibles depuis le deuxième étage du bâtiment, les trois autres sont visibles dans l'ancienne salle du tribunal aménagée dans le choeur. Les deux premières portent une polychromie qui semble assez ancienne. Les clefs situées dans la salle du tribunal ont été repeintes et dorées. Le relief représentant la Justice a été plaqué sur l'ancienne clef à la fin du XIXe siècle.
Les clefs de voûte datent comme le choeur de la deuxième moitié du XIVe siècle. Lors de la transformation du choeur en tribunal en 1881 le relief de la Justice remplaça le décor de l'ancienne clef. Des travaux de remaniement et de peinture eurent lieu en 1913, date peinte sur la clef de voûte du Christ ressuscité.
Ce que je vois
Cette clef de voûte domine le choeur, lieu de la célébration eucharistique, comme le Christ Pantocrator domine les absides romanes ou orthodoxes. Ne nous attardons pas sur les couleurs criardes qui furent ajoutées au début du XXe siècle et qui ne sont pas du meilleur effet. Dans un cercle, le tombeau du Christ est ouvert, le couvercle est dressé sur le côté gauche. Au pied, un soldat repose, endormi (il n’a pas deux trous rouges au côté droit, pour les amateurs de Rimbaud !). Il est revêtu de son armure (assez typique du XIVe siècle) et tient en main sa hache de combat, autrement appelée hache de barbe.

Le Christ ressuscité enjambe le bord du tombeau. Revêtu d’un manteau doré fermé par une agrafe, la tête couronnée d’une auréole, il bénit de la main droite dans un geste traditionnel. De la gauche, il tient en main le gonfanon (ou gonfalon) de la victoire, cette bannière flottant au vent, aussi appelée « agnel » portant une croix rouge sur fond blanc (symbole appelé « croix de Saint-Georges », patron des chevaliers, dont se paraient les croisées au XIe et XIIe siècle). Le gonfanon se termine en trois pans, appelés des fanons (ce sont les deux mêmes fanons que l’on retrouve à l’arrière de la mitre épiscopale). Plus que de sortir du tombeau, le Christ semble ici prêt à surgir à travers le cercle céleste pour rejoindre le prêtre qui célèbre dans le choeur en-dessous !
Clef de voûte
La clef de voûte, en architecture, est une pièce d’importance, d’autant plus quand elle est décorée. Oncle Wiki et tante Pédia nous l’expliquent !
Une clé de voûte ou clef de voûte est une pierre placée dans l'axe de symétrie d'un arc ou d'une voûte pour bloquer les claveaux ou voussoirs. Une clé pendante est un ornement de clé de voûte qui descend au-dessous de sa douelle. Elle apparaît dans l'architecture gothique. (…) La clé de voûte permettant l'équilibre entre les forces, il suffit qu'elle soit retirée pour que toute l’architecture qu'elle est censée maintenir s’effondre.
Quant à la pierre d’angle, ils nous précisent (ils sont quand même bien gentils !) :
La pierre d'angle est, pour certains bâtiments, la première pierre à avoir été scellée lors de l'édification. Elle se distingue des autres par le fait qu'elle a été posée au cours d'une cérémonie, généralement par un officiel, acquérant ainsi une valeur symbolique. Cette pierre reste parfois visible de l'extérieur, une fois le bâtiment terminé, en particulier à l'un des angles, afin de porter une plaque commémorative. Elle peut également contenir une capsule temporelle.
Le rituel de la pose de la première pierre lors de la dédicace des édifices religieux apparaît à la fin du Xe siècle et se développe aux XIe et XIIe siècles. À travers ce rituel, l'importance des fondations pour le bâtiment est associée aux métaphores sur les fondements de l'Église, que l'on trouve notamment dans la première épître aux Corinthiens (I Corinthiens 3,10-11) ou l'Évangile selon Matthieu (Matthieu 16,18).
Quelle que soit cette pierre, de voûte ou d’angle, si vous l’ôtez, tout s’écroule ! Qu’elle soit de fondation, comme l’explique Paul (1 Co 3, 10-11) :
Selon la grâce que Dieu m’a donnée, moi, comme un bon architecte, j’ai posé la pierre de fondation. Un autre construit dessus. Mais que chacun prenne garde à la façon dont il contribue à la construction. La pierre de fondation, personne ne peut en poser d’autre que celle qui s’y trouve : Jésus Christ.
… ou qu’elle soit la clef de voûte, comme le rappelle le prophète Amos (Am 9, 6) :
Lui qui bâtit son escalier dans le ciel et fonde sa voûte sur la terre, lui qui convoque les eaux de la mer et les répand à la surface de la terre, son nom est « Le Seigneur ».
… elle n’en reste pas moins, à la base ou au sommet, la pierre qui tient, soutient et contient l’édifice. Et je ne vois aucun problème à attribuer ces deux définitions architectoniques au Christ ressuscité !
Pierre angulaire et clef de voûte
En effet, si je reprends les termes du psaume : « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux », je comprends bien que le Christ ressuscité est la pierre angulaire de notre foi. Sans cette dimension, notre foi est vaine, bâtie sur rien, sur du sable (Mt 7, 26 : « Et celui qui entend de moi ces paroles sans les mettre en pratique est comparable à un homme insensé qui a construit sa maison sur le sable »), et il devient inutile de continuer de croire comme le dit saint Paul (1 Co 15, 13-19) :
S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, notre proclamation est sans contenu, votre foi aussi est sans contenu ; et nous faisons figure de faux témoins de Dieu, pour avoir affirmé, en témoignant au sujet de Dieu, qu’il a ressuscité le Christ, alors qu’il ne l’a pas ressuscité si vraiment les morts ne ressuscitent pas. Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l’emprise de vos péchés ; et donc, ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes.
La résurrection : base de notre foi, pierre angulaire des chrétiens. Mais aussi clef de voûte ! Et ici encore, saint Paul l’explique aux Éphésiens (Ep 1, 22-23) :
Il a tout mis sous ses pieds et, le plaçant plus haut que tout, il a fait de lui la tête de l’Église qui est son corps, et l’Église, c’est l’accomplissement total du Christ, lui que Dieu comble totalement de sa plénitude.
Nous connaissons la symbolique de nos églises-bâtiments d’Occident dont le plan en

croix latine s’appuie la symbolique du corps : c’est la notion de module (reprise plus tard par Le Corbusier), telle qu’on la voit ici sur un dessin (conservé à la Bibliothèque de Chambord) de Francesco di Giorgio (1439-1501) inscrivant le corps humain dans le plan d'une basilique. Ainsi, le Christ en est la tête, tête de l’Église, mais aussi tête de cette église, et tête de son Corps qui est l’Église. À la fois base de notre foi, pierre angulaire, mais aussi tête, clef de voûte qui tient l’édifice, le Corps du Christ.
Le jeu de mots sur la pierre
Le mot « pierre » apparait de nombreuses fois dans la Bible, tant dans le Premier que dans le Nouveau Testament. Mais c’est dans ce dernier livre que le mot prendra des connotations différentes, alors que dans les écrits vétéro-testamentaires, il n’aura que son sens premier.
Dans le Nouveau, le mot « pierre » est, à la fois :
Le nom de l’apôtre Kephas, Simon qui sera appelé Pierre ;
La pierre que le Diable tend à Jésus pour qu’il la transforme en pain (Lc 4, 3) ;
Les jarres de pierre avec lesquelles Jésus réalisera son premier signe à Cana (Jn 2, 6) ;
La pierre qui bloque la tombe de Lazare (Jn 11, 38) ;
La pierre sur laquelle le Christ va bâtir son Église (Mt 16, 18) ;
Les pierres du Temple de Jérusalem qui sera détruit (Mc 13, 2) ;
La pierre du tombeau de Jésus, roulée devant l’entrée (Mt 27, 60 ; 28, 2) ;
La pierre de fondation dont parlera Paul aux Corinthiens (1 Co 3, 11) ;
La nouvelle table de pierre, le Christ, d’où coule l’eau qui abreuve le peuple de l’Église (1 Co 10, 4) ;
La nouvelle table de pierre qui devient table de chair sur laquelle le Christ grave sa loi (2 Co 3, 3) ;
La pierre angulaire de l’Église qu’est le Christ (Ep 2, 20) ;
La pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu (1 P 2, 4) ;
Ou la pierre précieuse décrite à plusieurs reprises dans l’apocalypse, image du Fils de Dieu (Ap 4, 3) : « Celui qui siège a l’aspect d’une pierre de jaspe ou de cornaline ; il y a, tout autour du Trône, un halo de lumière, avec des reflets d’émeraude ».
Et comme je le disais dans une précédente méditation, cette pierre est le rocher d’où coule l’eau et le sang (IIIe dimanche du Carême, année A).
En fait, toutes sont des pierres identiques : le Christ notre rocher, le Christ corps et tête de l’Église, la pierre qui abreuve, la pierre angulaire, et la pierre précieuse. Mais l’apôtre Pierre viendra nous aider à avancer encore d’un pas avec Paul (1 P 2, 4-10) :
Approchez-vous de lui : il est la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu. Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle, pour devenir le sacerdoce saint et présenter des sacrifices spirituels, agréables à Dieu, par Jésus Christ. En effet, il y a ceci dans l’Écriture : Je vais poser en Sion une pierre angulaire, une pierre choisie, précieuse ; celui qui met en elle sa foi ne saurait connaître la honte. Ainsi donc, honneur à vous les croyants, mais, pour ceux qui refusent de croire, il est écrit : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle, une pierre d’achoppement, un rocher sur lequel on trébuche. Ils achoppent, ceux qui refusent d’obéir à la Parole, et c’est bien ce qui devait leur arriver. Mais vous, vous êtes une descendance choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple destiné au salut, pour que vous annonciez les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. Autrefois vous n’étiez pas un peuple, mais maintenant vous êtes le peuple de Dieu ; vous n’aviez pas obtenu miséricorde, mais maintenant vous avez obtenu miséricorde.
« il est la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu. Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle » : nous sommes par le Christ ressuscité devenus des pierres vivantes, et des pierres qui servent à édifier son Église. Guillaume Durand, évêque de Mende au XIIIe siècle, donne cette interprétation des pierres de l’église (Manuel pour comprendre la signification symbolique des cathédrales et des églises, éditions La Maison de Vie, 1996) :
Car l’église matérielle dans laquelle le peuple se rassemble pour louer Dieu représente la sainte Eglise qui est construite dans les cieux, de pierres vivantes, comme nous l’avons déjà dit. C’est la maison du Seigneur bâtie solidement, dont le fondement est le Christ, qui est la pierre angulaire ; fondement sur lequel a été placé celui des apôtres et des prophètes, comme il est écrit : « Ses fondements sont dans les montagnes saintes. » Les murailles bâties sur ces fondements sont les Juifs et les Gentils qui sont venus au Christ des quatre parties du monde, et qui ont cru, croient ou croiront en lui. Mais les fidèles, prédestinés à la vie éternelle, sont les pierres employées à la structure de ce mur, qui sera toujours élevé et construit jusqu’à la fin du monde. Et une pierre est posée sur une pierre, quand ceux qui enseignent dans l’église se chargent avec zèle des enfants pour les enseigner, pour les reprendre et pour les fortifier dans la foi. Et dans la sainte Eglise, celui qui porte du secours à son frère dans ses peines est chargé de pierres qu’il porte pour l’édifice de la maison spirituelle de Dieu. Et les pierres plus grosses que les autres, et celles qui sont polies ou unies que l’on place au dehors de l’édifice, et entre lesquelles on met les pierres qui sont plus petites, représentent les hommes plus parfaits que les autres, et qui, par leurs mérites et par leurs prières, retiennent leurs frères plus faibles dans la sainte Eglise. »
Pierres vivantes
Alors, si le Christ est ressuscité, notre foi n’est pas vaine. Mais encore plus, notre foi fait de nous des membres actifs, vivants du Corps du Christ. Ce qui serait vain serait de connaître cet événement de la résurrection, et de ne rien changer, de rester une pierre morte et grise. Nous ne serions que vanité… (Emprunté au latin vanitas, -atis « état de vide, de non réalité ; vaine apparence, mensonge ; tromperie, fraude ; frivolité, légèreté ; vanité, jactance »). En fait, notre temple intérieur serait vide, notre foi ne serait que mensonge, nos attentes frivolité, notre attitude légèreté, notre vie vacuité, nos paroles, jactance…
Si nous croyons aujourd’hui de tout notre coeur, de toute notre âme, de tout notre esprit (Mt 22, 37 : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit ») que le Christ est ressuscité, et qu’il est vraiment ressuscité, si nous croyons que « Jésus Christ, hier et aujourd’hui, est le même, il l’est pour l’éternité » (He 13, 8), alors tout doit changer (comme le chantait Michel Fugain, non pour un grand soir, mais pour un nouveau matin printanier). La résurrection n’est pas un événement vaporeux, éthéré, mais L’ÉVÉNEMENT qui nous concerne tous, et ce, dès maintenant. Alors, soyons des pierres vivantes sur lesquelles le Christ bâtira mieux que son Église (qui n’est que temporaire) mais son Royaume !
« Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera. » Ep 5, 14
Tout va changer ce soir
Tout va changer ce soir
On prend un nouveau départ
La neige a blanchi le monde
Les enfants sont pleins d'espoir
Tout va changer demain
Tu n'as qu'à ouvrir les mains
Pour que de là-haut te tombent
En rafales une pluie de cadeaux
Sous un torrent d'étoiles
Demain il fera beau
Tout va changer ce soir
Selon notre bon vouloir
Les rues seront des théâtres
On jouera sur les trottoirs
Tout va changer demain
D'hier il ne reste rien
Demain c'est le grand spectacle
Qu'on allume des millions de chandelles
Qu'on change de costumes
Ce soir la vie est belle
Tout va changer ce soir
On prend un nouveau départ
La neige a blanchi le monde
Les enfants sont pleins d'espoir
Tout a changé déjà
Pendant qu'on chantait tout ça
Demain est venu en douce
Et la course ne s'arrêtera pas
Pas plus que la grande Ourse
Pas plus que toi et moi.
Sermon de Méliton de Sardes sur la Pâque, 2, 7, 65-71 (mort avant 190)
Bien des choses ont été annoncées par de nombreux prophètes en vue du mystère de Pâques qui est le Christ : A lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen.
C'est lui qui est venu des cieux sur la terre en faveur de l'homme qui souffre ; il a revêtu cette nature dans le sein de la Vierge et, quand il en est sorti, il était devenu homme ; il a pris sur lui les souffrances de l'homme qui souffre, avec un corps capable de souffrir, et il a détruit les souffrances de la chair ; par l'esprit incapable de mourir, il a tué la mort homicide.
Conduit comme un agneau et immolé comme une brebis, il nous a délivrés de l'idolâtrie du monde comme de la terre d'Egypte ; il nous a libérés de l'esclavage du démon comme de la puissance de Pharaon ; il a marqué nos âmes de son propre Esprit, et de son sang les membres de notre corps.
C'est lui qui a plongé la mort dans la honte et qui a mis le démon dans le deuil, comme Moïse a vaincu Pharaon. C'est lui qui a frappé le péché et a condamné l'injustice à la stérilité, comme Moïse a condamné l'Egypte.
C'est lui qui nous a fait passer de l'esclavage à la liberté, des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie, de la tyrannie à la royauté éternelle, lui qui a fait de nous un sacerdoce nouveau, un peuple choisi, pour toujours. C'est lui qui est la Pâque de notre salut.
C'est lui qui endura bien des épreuves en un grand nombre de personnages qui le préfiguraient ; en Abel il a été tué ; en Isaac il a été lié sur le bois ; en Jacob il a été exilé ; en Joseph il a été vendu ; en Moïse il a été exposé à la mort ; dans l'agneau il a été égorgé ; en David il a été en butte aux persécutions ; dans les prophètes il a été méprisé.
C'est lui qui s'est incarné dans une vierge, a été suspendu au bois, enseveli dans la terre, ressuscité d'entre les morts, élevé dans les hauteurs des cieux.
C'est lui, l'agneau muet ; c'est lui l'agneau égorgé ; c'est lui qui est né de Marie, la brebis sans tache ; c'est lui qui a été pris du troupeau, traîné à la boucherie, immolé sur le soir, mis au tombeau vers la nuit. Sur le bois, ses os n'ont pas été brisés ; dans la terre, il n'a pas connu la corruption ; il est ressuscité d'entre les morts et il a ressuscité l'humanité gisant au fond du tombeau.
Homélie ancienne pour le grand et saint samedi "Eveille-toi, ô toi qui dors"
Que se passe-t-il ? Aujourd'hui, grand silence sur la terre ; grand silence et ensuite solitude parce que le Roi sommeille. La terre a tremblé et elle s'est apaisée, parce que Dieu s'est endormi dans la chair et il a éveillé ceux qui dorment depuis les origines. Dieu est mort dans la chair et le séjour des morts s'est mis à trembler. [...]
C'est le premier homme qu'il va chercher, comme la brebis perdue. Il veut aussi visiter ceux qui demeurent dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort. Oui, c'est vers Adam captif, en même temps que vers Eve, captive elle aussi, que Dieu se dirige, et son Fils avec lui, pour les délivrer de leurs douleurs. [...]
Le Seigneur s'est avancé vers eux, muni de la croix, l'arme de sa victoire. Lorsqu'il le vit, Adam, le premier homme, se frappant la poitrine dans sa stupeur, s'écria vers tous les autres : "Mon Seigneur avec nous tous !" Et le Christ répondit à Adam : "Et avec ton esprit." Il le prend par la main et le relève en disant : "Eveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera.
"C'est moi ton Dieu, qui, pour toi, suis devenu ton fils : c'est moi qui, pour toi et pour tes descendants, te parle maintenant et qui, par ma puissance, ordonne à ceux qui sont dans les chaînes ; Sortes. A ceux qui sont dans les ténèbres : Soyez illuminés. A ceux qui sont endormis : Relevez-vous.
"Je te l'ordonne : Eveille-toi, ô toi qui dors, je ne t'ai pas créé pour que tu demeures captif du séjour des morts. Relève-toi d'entre les morts : moi, je suis la vie des morts. Lève-toi, oeuvre de mes mains ; lève-toi, mon semblable qui a s été créé à mon image. Eveille-toi, sortons d'ici. Car tu es en moi, et moi en toi, nous sommes une seule personne indivisible.
"C'est pour toi que moi, ton Dieu, je suis devenu ton fils ; c'est pour toi que moi, le Maître, j'ai pris ta forme d'esclave ; c'est pour toi que moi, qui domine les cieux, je suis venu sur la terre et au-dessous de la terre ; c'est pour toi, l'homme, que je suis devenu < cite>comme un homme abandonné, libre entre les morts ; c'est pour toi, qui es sorti du jardin, que j'ai été livré aux Juifs dans un jardin et que j'ai été crucifié dans un jardin.
"Vois les crachats sur mon visage ; c'est pour toi que je les ai subis afin de te ramener à ton premier souffle de vie. Vois les soufflets sur mes joues : je les ai subis pour rétablir ta forme défigurée afin de la restaurer à mon image.
"Vois la flagellation sur mon dos, que j'ai subie pour éloigner le fardeau de tes péchés qui pesait sur ton dos. Vois mes mains solidement clouées au bois, à cause de toi qui as péché en tendant la main vers le bois. [...]
"Je me suis endormi sur la croix, et la lance a pénétré dans mon côté, à cause de toi qui t'es endormi dans le paradis et, de ton côté, as donné naissance à Eve. Mon côté a guéri la douleur de ton côté ; mon sommeil va te tirer du sommeil des enfers. Ma lance a arrêté la lance qui se tournait vers toi.
"Lève-toi, partons d'ici. L4ennemi t'a fait sortir de la terre du paradis ; moi je ne t'installerai plus dans le paradis, mais sur un trône céleste. Je t'ai écarté de l'arbre symbolique de la vie ; mais voici que moi, qui suis la vie, je ne fais qu'un avec toi. J'ai posté les chérubins pour qu'ils te gardent comme un serviteur ; je fais maintenant que les chérubins t'adorent comme un Dieu. [...]
"Le trône des chérubins est préparé, les porteurs sont alertés, le lit nuptial est dressé, les aliments sont apprêtés, les tentes et les demeures éternelles le sont aussi. Les trésors du bonheur sont ouverts et le royaume des cieux est prêt de toute éternité. »
Prière au Christ vainqueur - R. P. Ludovic Lécuru (o.s.b.)
« Jésus, tu es l'agneau véritable qui as enlevé le péché du monde. En mourant, tu as détruit notre mort. En ressuscitant, tu nous rends la vie. Par ta résurrection le matin de Pâques, tu nous ouvres à la vie éternelle. Que l'Esprit Saint renouvelle la foi, l'espérance et la charité de notre famille. Accorde à chacun de nous d'être fidèle par toute sa vie à son baptême qui fait passer de la mort à la vie. Que nos cœurs partagent la même foi et, dans la vie de chaque jour, le même amour. Chasse loin de nous le péché en nous réconciliant avec toi pour que nous partagions la liberté parfaite avec tous les saints. Nous qui sommes chargés d'annoncer tes merveilles, nous voulons exprimer par toute notre vie la joie de Pâques que nous célébrons maintenant. Donne-nous d'accueillir avec allégresse les fruits de la résurrection. Que notre famille rayonne de la présence du Christ vainqueur de la tristesse, des larmes et du péché. Amen ! Alléluia ! »
Prière pour le temps de Pâques
Être là, Seigneur, lorsque la nuit tombe. Être là, comme une espérance : Peut-être allons-nous toucher le bord de ta lumière… Être là, Seigneur, dans la nuit, avec au fond de soi Cette formidable espérance : Peut-être allons-nous aider un homme, très loin de nous, à vivre. Être là, Seigneur, n’ayant presque plus de parole, Comme au fond du coeur qui aime, N’ayant plus de regard ailleurs que sur ce point de feu D’où émerge la vie qui nous change en flamme. Être là, Seigneur, comme un point tranquille tourné vers Toi. Être là avec tous ceux qui nous tiennent à coeur, Et savoir que nous nous entraînons tous dans ta lumière, Et pas un instant n’est perdu. Être là, Seigneur, Nous abreuver à la Source qui indéfiniment coule. Dieu de paix dont la paix n’est pas de ce monde Dieu d’une vie qui abolira toute mort Dieu compagnon qui te tiens tous les jours en nous, Et entre nous, Sois avec nous maintenant et pour l’éternité.
Texte de Soeur Myriam, ancienne Prieure des diaconesses de Reuilly