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Dimanche du Saint-Sacrement (B)

Ostension…



Ostension du Saint-Sacrement dans une église

Pieter NEEFS I (dit le Vieux) (Anvers 1578 – Anvers 1656)

Huile sur bois, 29 x 37 cm

Collection particulière


Évangile de Jésus-Christ selon Saint Marc (Mc 15, 26-27. 16, 12-15)

Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » Il envoie deux de ses disciples en leur disant : « Allez à la ville ; un homme portant une cruche d’eau viendra à votre rencontre. Suivez-le, et là où il entrera, dites au propriétaire : “Le Maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?” Il vous indiquera, à l’étage, une grande pièce aménagée et prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. » Les disciples partirent, allèrent à la ville ; ils trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit, et ils préparèrent la Pâque. Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit, le leur donna, et dit : « Prenez, ceci est mon corps. » Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu. » Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.


Le peintre

Peintre flamand d’architectures, il fut très probablement l’élève de Herman van Steenwijck. Il entra dès 1609 dans la Gilde d’Anvers et épousa en 1612 Maria Lauterbeens. Il forma par la suite ses propres fils, Pieter II et Lauwery de Cates. De par son talent, il fut appelé à collaborer avec de nombreux peintres tels que Sebastien Vranckx, Frans Francken II ou David Teniers.


L’intérieur d’église, en dehors de son intérêt plastique, était considéré comme le support privilégié du jeu infini de rais de lumière qui se propageaient ou se répercutaient selon les données d’une architecture complexe et rigoureusement logique. Pieter Neefs donne cette notion d’éloignement par un contraste nuancé entre les premiers plans, traités en bruns, et les arrières plans, en des teintes délicates et bleutées. Sa virtuosité prouve que le peintre connaissait parfaitement les effets d’atmosphère où la sveltesse des colonnes, la qualité des jeux d’ombre et de lumière, suscitent de façon frappante toute l’ambiance d’une cathédrale gothique.


Ce que je vois


Architecture et mobilier

Nous sommes dans devant une chapelle latérale de cette église gothique (gothique tardif). Les murs sont couverts d’un enduit jaunâtre, tandis que les parties basses sont protégées par des cloisons lambrissées en bois. Le sol est fait d’un pavement de carrelage en damier, jaune et gris-bleu. À plusieurs endroits, les carreaux sont remplacés par des pierres tombales au décor simple, sans inscription lisible. L’entrée de la chapelle est partiellement close par une barrière de bois ouvragé. En haut à gauche, on distingue un buffet d’orgue en encorbellement. Sur les piliers, on aperçoit divers cadres représentant certainement des saints.


Au fond de la chapelle, un autel est disposé sur deux marches. Il est couvert d’une nappe de la même teinte que le dallage, et masque un antependium rose qui semble ouvragé (sûrement une sorte de brocard). Au-dessus de l’autel, un grand retable de bois sombre encadre une peinture aux couleurs pastel représentant la Vierge Marie avec l’Enfant-Jésus sur les genoux. Sur l’autel, deux grands candélabres éclairent de leur flamme le retable. Plusieurs personnages viennent peupler notre peinture. Devant, une Bible (ou un antiphonaire) est posée sur un pupitre double.


Dans la chapelle

Dans le fond, un prêtre revêtu d’une aube, d’un pluvial et d’un voile huméral doré porte un grand ostensoir d’or. À ses pieds, on distingue des clochettes. Deux enfants de chœur, en soutanelle et surplis, sont agenouillés devant les marches, portant avec plus ou moins d’attention, deux grands cierges aux longues flammes. Un peu plus loin, un groupe de huit clercs est aussi à genoux, tenant en main deux autres cierges ou des livres de prière. Quatre d’entre eux semblent plus âgés. Sont-ce des prêtres ?


À côté d’eux, un bourgeois couvert d’un manteau noir s’agenouille avec un enfant, au manteau pourpre, qui tient son petit chapeau. L’homme semble, lui, avoir gardé son couvre-chef.


Devant la chapelle

On repère d’abord ce jeune homme, aux longs cheveux blonds, au manteau rouge cramoisi et son rabat crème. Autour du cou, il porte une fraise, signe de son statut social. Il esquisse un début de génuflexion. À sa gauche, une ombre noire dessine le corps d’un autre personnage. Fut-il effacé par le peintre, ou est-ce une tentative de report de l’ombre sur le mur ?


Derrière lui, à genoux sur une pierre tombale, un pèlerin barbu, vêtu d’un surcot noir, s’appuie sur son bâton de marche. Un peu plus à gauche, dans un renfoncement, un pauvre homme barbu, assez âgé, s’est assis sur un rebord du mur. À ses pieds, son chien dort en boule. Attend-il que quelqu’un lui fasse l’aumône ? Il profite au moins de la lumière de la lampe à huile sur son support ouvragé.


Une surprenante luminosité

Lorsque l’on étudie de plus près ce tableau, on a du mal à deviner l’origine des sources de lumière. Certaines sont évidentes, comme cette lampe à huile qui éclaire le pauvre hère. Elle crée aussi l’ombre au sol du pèlerin à genoux.


Par contre, les ombres et lumières sont plus compliquées à comprendre dans la chapelle. La seule ombre humaine véritablement nette est celle du prêtre sur l’autel. Mais d’où vient alors la lumière ? On peut voir aussi cette double ombre autour du retable. Elle est certainement due à la luminosité combinée des deux candélabres de l’autel.


Malgré tout, il semble qu’une lumière plus forte provienne de la droite. Mais là, encore les ombres ne sont pas nettes. Peut-être que la vraie source de lumière de l’œuvre n’est pas celle que l’on croit. Peut-être est-elle simplement au cœur de la peinture ? Ne viendrait-elle pas directement de l’ostension du Saint-Sacrement ? N’est-ce pas lui qui éclaire toute la scène, comme il éclaire tous les hommes ?


La lumière de l’Eucharistie

Car c’est bien elle qui nous éclaire. Sa blancheur efface toutes les ombres. Dans un songe en 1862, Don Bosco eut un jour la vision de trois blancheurs : l’Eucharistie, l’Immaculée Conception et le Pape. C’est ici la première qui éclaire les hommes. L’Eucharistie, dans sa blancheur immaculée, éclaire tout homme qui s’approche d’elle. Elle est même la source de toute lumière, car elle est réellement le Christ, substantiellement. Et Jésus l’a dit de lui-même : « Je suis la lumière du monde » (Jn 8, 12). Tout homme qui approche de cette lumière est éclairée par elle, mais en plus voit la lumière le pénétrer et éclairer tout son être. L’Eucharistie, tout en révélant le Christ, me révèle moi-même.


S’approcher…

Mais il faut s’en approcher… Et ce, quelle que soit notre condition, comme sur ce tableau. Que nous soyons vieux ou jeunes, enfants ou adultes, riches ou pauvres, pèlerins ou prêtres. Même le chien lové aux pieds de ce pauvre, tel celui que l’on trouve au pied des gisants, nous dit quelque chose. Il est le signe de la fidélité. Si je suis fidèle à Jésus, il le sera à toute ma vie. Etre fidèle (fides), avoir foi, faire confiance… N’est-ce pas la même chose ?


Première lettre de saint Jean (1, 1-7)

Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons ENTENDU, ce que nous avons VU de nos yeux, ce que nous avons CONTEMPLE et que nos mains ont TOUCHE du Verbe de vie, nous vous l’annonçons. Oui, la vie s’est manifestée, nous l’avons vue, et nous rendons témoignage : nous vous annonçons la vie éternelle qui était auprès du Père et qui s’est manifestée à nous. Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi, pour que, vous aussi, vous soyez en communion avec nous. Or nous sommes, nous aussi, en communion avec le Père et avec son Fils, Jésus Christ. Et nous écrivons cela, afin que notre joie soit parfaite. Tel est le message que nous avons entendu de Jésus Christ et que nous vous annonçons : Dieu est lumière ; en lui, il n’y a pas de ténèbres. Si nous disons que nous sommes en communion avec lui, alors que nous marchons dans les ténèbres, nous sommes des menteurs, nous ne faisons pas la vérité. Mais si nous marchons dans la lumière, comme il est lui-même dans la lumière, nous sommes en communion les uns avec les autres, et le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché.

S’approcher parce que nous entendons…

Comme sur le tableau, pour rejoindre l’Eucharistie, il faut d’abord passer par la Parole de Dieu. D’abord l’entendre pour mieux le voir, pour mieux le regarder. La Parole de Dieu dessille nos paupières sur la lumière de Dieu. Le Verbe chasse les ténèbres des cœurs…


S’approcher pour voir…

Car est-il une grâce plus grande que celle-là ? Nous pouvons voir Dieu ! Inutile de faire des efforts. Inutile de se broyer l’âme et le corps pour tenter de rejoindre Dieu. Inutile de construire des tours de Babel pour aller au ciel. C’est le ciel qui descend jusqu’à nous. Saint Irénée affirme : « C’est la raison pour laquelle le Verbe s’est fait homme et le Fils de Dieu, Fils de l’homme : afin que l’homme, en entrant en communion avec le Verbe et en recevant ainsi la filiation divine, devienne fils de Dieu » (Adversus haereses 3, 19, 1: pg 7, 939 ; cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 460).


S’approcher pour contempler…

Le Curé d’Ars racontait qu’il voyait tous les jours un paysan, dans son église, passer du temps devant le tabernacle. Il lui demande : « Mais mon ami, que fais-tu là tous les jours ? Qu’attends-tu ? » Et le paysan de lui répondre : « Je l'avise et il m'avise... » Et saint Jean-Marie Vianney d’ajouter : « Si vous passez devant une église, entrez pour saluer Notre Seigneur. Pourrait-on passer devant la porte d'un ami sans lui dire bonjour ? »


S ‘approcher pour toucher…

Jésus ressuscité l’a dit à ses disciples : Touchez-moi, je suis un être de chair et d’os. Thomas voulait même mettre sa main dans ses plaies. Nous aussi, nous voudrions toucher Jésus. Mais quand nous communion, quand nous le recevons dans nos mains, nous le touchons. Nous touchons au Verbe de Vie pour que lui-même vienne nous toucher au plus profond de notre être.


S’approcher pour recevoir…

Tendre les mains… Recevoir le Christ en nous… Il s’approche de nous, il est même déjà là en nous. Il attend que nous lui ouvrions la porte… « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. » (Ap. 3, 20) Ouvrons la porte de notre cœur…


S’approcher pour devenir…

Pour conclure, simplement, cette citation de saint Augustin d’Hippone (Sermon 272) :

Ce que vous voyez sur l’autel de Dieu, vous l’avez déjà vu la nuit dernière. Mais qu’est-ce ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Quel grand mystère s’y cache-t-il ? Vous ne le savez pas encore. Que voyez-vous, dis-je ? un pain et une coupe. Vos yeux d’ailleurs vous en ont averti. Mais votre foi entend en savoir davantage : ce pain est le corps du Christ, cette coupe est le sang du Christ. Courte formule, mais qui suffirait peut-être à la foi ? Non, la foi est plus exigeante : « Si vous ne croyez, disait le prophète, vous ne comprendrez pas. » Vous pouvez donc me dire aujourd’hui : « Tu nous as demandé de croire, fais-nous à présent comprendre ! » […] Veux-tu comprendre ce qu’est le corps du Christ ? Ecoute l’Apôtre dire aux fidèles : « Vous êtes le corps du Christ et ses membres ». Si donc vous êtes le corps du Christ et ses membres, c’est votre propre symbole qui repose sur la table du Seigneur. C’est votre propre symbole que vous recevez. A ce que vous êtes, vous répondez : « Amen », et cette réponse marque votre adhésion. Tu entends : « Le corps du Christ » et tu réponds : « Amen ». Sois un membre du corps du Christ, afin que ton « amen » soit vrai. DEVENEZ CE QUE VOUS RECEVEZ !


Homélie de saint Jean Chrysostome (+ 407), Homélies sur l'évangile de saint Matthieu, 82, 1, PG 58, 737-739

Pendant le repas, Jésus prit le pain et le rompit (Mt 26,26 passim). Pourquoi célèbre-t-il ce mystère au moment de la Pâque ? Afin de vous montrer de toute façon qu'il est le législateur de l'Ancien Testament et que tous les événements de ce jour y étaient préfigurés. Il remplace le symbole figuratif par la vérité. Que cela se soit passé le soir, signifiait la plénitude des temps et la fin prochaine de ce qui concernait le Christ.

Pourquoi rend-il grâce ? Pour nous enseigner comment il faut accomplir ce mystère. Pour nous montrer qu'il ne va pas à la Passion malgré lui. Et il nous formait à supporter avec action de grâce ce que nous avons à souffrir, en y puisant même de grandes espérances.


Si le signe figuratif a obtenu la délivrance de l'esclavage, combien plus encore la vérité affranchira-t-elle l'univers et nous sera-t-elle accordée pour le plus grand bien de notre nature ! C'est donc pour cela que le Christ ne nous livre pas plus tôt ce mystère, mais seulement lorsque doivent cesser les observances légales. Il abolit alors la principale des fêtes juives, il invite ses disciples à une autre table, autrement digne de crainte. Et il leur dit : Prenez, mangez, ceci est mon corps, rompu pour vous (cf. 1 Co 16,24).


Comment n'ont-ils pas été troublés en entendant cela ? Parce qu'il leur avait déjà donné de grands et magnifiques enseignements. C'est pourquoi maintenant il n'insiste pas, car ils ont été assez instruits. Mais il leur dit le motif de sa Passion, qui est d'enlever les péchés. Le sang de la nouvelle alliance signifiait le gage de cette Loi nouvelle qu'il avait annoncée. Il avait promis longtemps auparavant que la nouvelle alliance devait être ratifiée par son sang. De même que l'Ancien Testament avait les sacrifices des brebis et des taureaux, de même le Nouveau Testament a le sang du Seigneur. Par là Jésus montre encore qu'il doit mourir. C'est pourquoi il parle de Testament en rappelant le premier, car celui-ci avait été consacré par le sang. Et il parle encore de la cause de sa mort : Ce sang sera répandu pour beaucoup en rémission des péchés. Puis il ajoute : Quand vous ferez cela, vous le ferez en mémoire de moi.


Il parle ainsi pour montrer que sa passion et sa croix sont un mystère, et, par là, consoler encore ses disciples. Comme Moïse disait : Ceci sera pour vous un mémorial éternel (cf. Ex 3,15), Jésus dit de même : en mémoire de moi, jusqu'à ce que je vienne (cf. 1Co 11,26). C'est pourquoi il disait aussi : J'ai ardemment désiré manger cette Pâque (Lc 22,15), pour vous donner ces institutions nouvelles et vous laisser une Pâque qui ferait de vous des hommes animés par l'Esprit.


Prière

Seigneur Jésus Christ, dans cet admirable sacrement tu nous as laissé le mémorial de ta Passion ; donne-nous de vénérer d'un si grand amour le mystère de ton corps et de ton sang, que nous puissions recueillir sans cesse le fruit de la rédemption. Toi qui règnes.

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