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Dimanche du Saint-Sacrement (C)

« Donnez-leur vous-mêmes à manger ! » -



La multiplication des pains,

Anonyme,

Artiste du Sud de l’Italie (École italienne du XVIIe siècle),

Huile sur toile, 257 x 336 cm,

Musée de Valence (France)


Évangile de Jésus-Christ selon Saint Luc (Lc 9, 11b-17)

En ce temps-là, Jésus parlait aux foules du règne de Dieu et guérissait ceux qui en avaient besoin. Le jour commençait à baisser. Alors les Douze s’approchèrent de lui et lui dirent : « Renvoie cette foule : qu’ils aillent dans les villages et les campagnes des environs afin d’y loger et de trouver des vivres ; ici nous sommes dans un endroit désert. » Mais il leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Ils répondirent : « Nous n’avons pas plus de cinq pains et deux poissons. À moins peut-être d’aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce peuple. » Il y avait environ cinq mille hommes. Jésus dit à ses disciples : « Faites-les asseoir par groupes de cinquante environ. » Ils exécutèrent cette demande et firent asseoir tout le monde. Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction sur eux, les rompit et les donna à ses disciples pour qu’ils les distribuent à la foule. Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés ; puis on ramassa les morceaux qui leur restaient : cela faisait douze paniers.


Le tableau

Ce tableau vient d’être restauré. Les experts l’attribuent à un artiste anonyme du Sud de l’Italie au XVIIe siècle. Le sujet est assez courant à l’époque, mais ici, l’originalité est donnée par cette surimpression de motifs fleuris, notamment avec cet épais tapis de fleurs reposant sous les pieds du Christ. De tradition gothique, le cycle narratif à épisodes multiples utilisé dans les autres tableaux disparaît ici. Est privilégiée une composition située dans un paysage unique et envahi par la multitude de personnages venue recevoir la nourriture sacrée. En arrière-plan, une trouée de lumière contraste avec la densité de la foule, et crée une échappée vers la mer de Galilée.


Ce que je vois

Toute la scène est centrée sur le Christ entouré de ses disciples. Les verts, bleus, rouges et surtout jaunes rendent la toile particulièrement joyeuse. Mais notre regard est aussi attiré par ce semis de fleurs qui intrigue, et par cette femme au premier plan qui nous fixe d’un regard surpris. Ensuite notre œil part vers la trouée dans les arbres, au fond, donnant sur le lac de Tibériade. C’est seulement après un examen attentif que l’on distingue cet enfant, chevauchant une des branches de l’arbre à l’extrême droite, qui répand cette corbeille de fleurs sur la scène. Puis on aperçoit les disciples distribuant pains et poissons à la foule rassemblée consciencieusement par groupe de cinquante ! Regardons de plus près les enfants…


Les enfants

Ils sont assez nombreux et semblent même être ceux qui veulent nous faire comprendre le sens de ce qui se déroule sous nos yeux. Au premier plan, un garçon tenant son petit panier - désire-t-il ramasser les fleurs ou le pain, ou évoque-t-il les douze paniers emplis des restes ? - tend le doigt pour nous indiquer le miracle qui est train de s’accomplir. Un autre, au premier plan à droite, essaye vainement d’échapper à l’emprise de sa mère pour rejoindre Jésus : « Laissez venir à moi les petits-enfants » (Luc 18, 16). Près de Jésus se trouve ce petit garçon qui apporte les cinq pains et les deux poissons, un sourire admiratif, voire béat, aux lèvres. Tous les autres se trouvent dans les bras de leur mère. Faut-il y voir le signe d’une mère qui nourrit ses enfants, une Mère que les Conciles appelleront l’Église ?


Les disciples

Les apôtres entourent le Christ, intrigués de son geste de bénédiction et de la distribution qu’il commence lui-même en donnant du pain à chacun d’eux. Leurs visages et leurs regards semblent, malgré tout, apaisés, même si une certaine distance se dessine sur leurs traits. L’incompréhension intellectuelle du geste les éloigne du sens spirituel… D’autres, dans les deux scènes latérales, distribuent le pain au peuple affamé. Distribuent ou le jettent ? Les gestes semblent plutôt martiaux, comme s’ils avaient peur d’être absorbés, noyés, dans la foule, pourtant assis avec discipline !


Les fleurs

Ce sol recouvert de fleurs écrasées fait plutôt penser à un tapis. Aux pieds de Jésus, des fleurs rouges (signes de sa Passion et de ses plaies ?), jaunes ou blanches (signes de sa Résurrection et du triomphe de la lumière ?) Et tout un filet mystique de fleurs, essaimé par l’enfant dans l’arbre, semble extraire le groupe des apôtres et du Christ de la temporalité de la scène, telle une apparition dans le monde terrestre d’une partie du Ciel. L’Eucharistie serait-elle comme un tapis de fleurs qui nous emmène au Ciel ? Un chemin fleuri qui nous guide vers la lumière divine, celle que l’on voit poindre vers le lac, où flotte la barque de l’Église ?


Lecture pour aujourd’hui

Je fus toujours surpris de lire dans les différents Credo rédigés par l’Église au fil des siècles que plusieurs aspects, importants à nos yeux contemporains, ne furent pas ajoutés aux diverses rédactions. Rien des miracles de Jésus ; rien des sacrements (hormis la rémission des péchés) ; rien de la prière ; rien des actes du chrétien ; rien du message évangélique et de la prédication de Jésus ; rien de la succession apostolique… Peut-être faut-il simplement « dévoiler » le Credo, lever le voile sur des vérités cachées ?


Distinguer croire et agir

Croire et/ou agir ? Distinguer les deux ne veut pas dire les séparer ! Les distinguer pour leur rendre leur ordre précis, les remettre en hiérarchie (en ordre sacré). On ne peut agir en Dieu si l’on ne professe pas d’abord sa foi, si on ne se laisse pas habiter par Lui. Prenons un exemple… Servir les hommes est à la portée de tous, c’est même un devoir. Ça s’appelle la solidarité. Mais servir les hommes, parce que l’on voit en eux le visage du Christ souffrant, ça s’appelle la charité. Et cette charité se fait, non pas au nom d’un humanisme tout-puissant, mais au nom d’un Dieu d’amour, au nom du Christ. Si le chrétien n’enracine pas ses actes en sa foi, alors il la vide de sa substance, si généreux soit-il. C’est parce que j’aime et suis aimé du Christ que j’agis. Et en agissant, je me rapproche de Lui. Si je l'escamote de ma foi et de mes actes, alors je risque de ne servir que ceux qui me plaisent, ou ceux qui me rapporteront quelque chose…


Croire en l’Église, croire à l’Église ou croire l’Église ?

Le texte latin n’utilise aucune préposition et nous laisserait entendre que l’on croit l’Église. N’est-ce pas vrai ? N’est-elle pas une personne en Jésus, chef et tête de l’Église. « Croire en », nous laisserait entendre que l’on doit simplement croire qu’il faille écouter et respecter les préceptes et enseignements. C’est vrai, mais insuffisant, car en ce cas, l’Église est réduite à une institution qui suivrait les règles laissées par son fondateur, mais qui aurait définitivement disparu, ne serait plus présent en elle ; un simple héritage à faire fructifier Nous, nous croyons Jésus. Et, comme le disait Jeanne d’Arc à qui le bien nommé Mgr Cauchon demandait : « Vos voix viennent-elles de Dieu ou de l’Église ? », répondait : « M’est avis que c’est la même chose ! ». La traduction française, un peu pauvre, a choisi de croire « à » l’Église. Puissent les chrétiens croire l’Église et le Christ, m’est avis que c’est la même chose !


Enracinement et radicalisme

Le Credo m’invite, en fait, à en revenir aux racines : la Trinité. Jésus nous en donne comme le sens dans l’Évangile : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6). Le Père des Cieux, le Créateur, m’appelle à la Vie éternelle. Pour le rejoindre, je prends le Chemin qu’est Jésus. Ce chemin qu’est sa Parole, son Évangile, ses miracles quotidiens en moi. Pour les voir, les comprendre, y croire et en vivre, j’ai besoin d’être plongé dans l’Esprit de Vérité que je reçois à chaque sacrement. En revenir à cette racine, faire preuve d’un radicalisme évangélique dans la foi, me fait comprendre que le Credo, c’est confesser non pas des règles, non pas un mémorial, mais un Dieu vivant qui m’appelle, se fait Chemin pour moi, et me guide par son Esprit, vers le Père. Alors, je découvre que ce chemin est une Parole vivante et incarnée, que sur cette route, l’homme trouve des balises que l’on appelle des sacrements, que ces derniers sont dispensés par les successeurs des apôtres qui ont reçu en plénitude l’Esprit de Vérité. Alors… et alors seulement, ma foi devient vivante et vraie !


Trois blancheurs

Sur ce chemin, trois blancheurs de foi m’accompagnent… Dans un songe en 1862, Don Bosco eut un jour la vision de trois blancheurs : l’Eucharistie, l’Immaculée-Conception et le Pape. C’est ici la première qui éclaire les hommes. L’Eucharistie, dans sa blancheur immaculée, éclaire tout homme qui s’approche d’elle. Elle est même la source de toute lumière, car elle est réellement le Christ, substantiellement. Et Jésus l’a dit de lui-même : « Je suis la lumière du monde » (Jn 8, 12). Tout homme qui approche de cette lumière est éclairée par elle, mais en plus voit la lumière le pénétrer et éclairer tout son être. L’Eucharistie, tout en révélant le Christ, me révèle moi-même.


S’approcher…

Mais il faut s’en approcher… Et ce, qu’elle que soit notre condition, comme sur ce tableau. Que nous soyons vieux ou jeunes, enfants ou adultes, riches ou pauvres, touristes ou apôtres. Comme ses petits enfants dans les bras de leur mère. Ils s’y accrochent, ils ont confiance en elle, ils ont foi en elle, ils lui sont fidèles. Cette mère, aujourd’hui, c’est notre Église, qui même si elle est veille, ridée et parfois en souffrance, n’en reste pas moins le signe de la blancheur de Dieu, le signe de sa fidélité pour nous. Fidélité à laquelle nous sommes appelés. Si je suis fidèle à Jésus, il le sera toute ma vie, et à tout mon être. Être fidèle (fides), avoir foi, faire confiance… N’est-ce pas la même chose ?


Première lettre de saint Jean (1, 1-7)

Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons ENTENDU, ce que nous avons VU de nos yeux, ce que nous avons CONTEMPLE et que nos mains ont TOUCHE du Verbe de vie, nous vous l’annonçons. Oui, la vie s’est manifestée, nous l’avons vue, et nous rendons témoignage : nous vous annonçons la vie éternelle qui était auprès du Père et qui s’est manifestée à nous. Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi, pour que, vous aussi, vous soyez en communion avec nous. Or nous sommes, nous aussi, en communion avec le Père et avec son Fils, Jésus Christ. Et nous écrivons cela, afin que notre joie soit parfaite. Tel est le message que nous avons entendu de Jésus Christ et que nous vous annonçons : Dieu est lumière ; en lui, il n’y a pas de ténèbres. Si nous disons que nous sommes en communion avec lui, alors que nous marchons dans les ténèbres, nous sommes des menteurs, nous ne faisons pas la vérité. Mais si nous marchons dans la lumière, comme il est lui-même dans la lumière, nous sommes en communion les uns avec les autres, et le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché.


Homélie de saint Jean Chrysostome (+ 407), Homélies sur la Première lettre aux Corinthiens, 24, 4; PO 61, 204-205.

Le Christ, pour nous attirer à l'aimer davantage, nous a donné sa chair en nourriture. Allons donc à lui avec beaucoup d'amour et de ferveur, afin de ne pas nous exposer au châtiment. Dans la mesure où nous avons reçu de plus grands bienfaits, nous serons punis plus durement, parce que nous nous serons montrés indignes de tant de bonté.


Ce corps, les mages l'ont adoré quand il était couché dans une mangeoire. Ces païens, ces étrangers, quittèrent leur patrie et leur maison, entreprirent un long voyage pour l'adorer avec crainte et tremblement. Imitons au moins ces étrangers, nous qui sommes citoyens des cieux. Car ceux-là, voyant l'enfant, le Christ, dans une mangeoire, sous un pauvre toit, ne voyant rien de ce que vous voyez, s'avancèrent avec un très grand respect.


Vous-mêmes, vous ne le voyez plus dans une mangeoire, mais sur l'autel. Vous ne voyez plus une femme qui le tient dans ses bras, mais le prêtre qui l'offre, et l'Esprit de Dieu, avec toute sa générosité, plane au-dessus des offrandes. Non seulement vous voyez le même corps que voyaient les mages, mais en outre vous connaissez sa puissance et sa sagesse, et vous n'ignorez rien de ce qu'il a accompli, après toute l'initiation aux mystères qui vous a été donnée avec exactitude. Réveillons-nous donc, et réveillons en nous la crainte de Dieu. Montrons beaucoup plus de piété que ces étrangers, afin de ne pas avancer n'importe comment vers l'autel et de ne pas attirer le feu sur nos têtes.


Je ne dis pas cela pour vous détourner d'avancer vers l'autel, mais pour vous empêcher de le faire inconsciemment. Car, de même qu'il est dangereux d'avancer n'importe comment, de même ne pas communier au repas sacramentel, c'est se condamner à la famine et à la mort. Cette table fortifie notre âme, rassemble notre pensée, soutient notre assurance ; elle est notre espérance, notre salut, notre lumière, notre vie. Si nous quittons la terre après ce sacrifice, nous entrerons avec une parfaite assurance dans les parvis sacrés, comme si nous étions protégés de tous côtés par une armure d'or.


Mais pourquoi parler du futur ? Dès ce monde, le sacrement transforme la terre en ciel. Ouvrez donc les portes du ciel, ou plutôt les portes des cieux les plus sublimes, et alors vous verrez ce que je viens de dire. Ce qu'il y a de plus précieux au ciel, je vous le montrerai sur la terre. Ce que je vous montre, ce n'est ni les anges, ni les archanges, ni les cieux des cieux, mais celui qui est leur maître. Vous voyez ainsi d'une certaine façon sur la terre ce qu'il y a de plus précieux. Et non seulement vous le voyez, mais vous le touchez, mais vous le mangez et vous l'emportez chez vous. Purifiez donc votre âme, préparez votre esprit à la réception de ces mystères.


Prière

Seigneur Jésus Christ, dans cet admirable sacrement, tu nous as laissé le mémorial de ta passion ; donne-nous de vénérer d'un si grand amour le mystère de ton corps et de ton sang, que nous puissions recueillir sans cesse le fruit de ta rédemption. Toi qui règnes.

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