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1er dimanche de l’Avent (B)

Veillez et priez !



La Madeleine repentante ou La Madeleine pénitente aux deux flammes,

Georges de LA TOUR (Vic-sur-Seille, 1593 - Lunévile, 1652),

Huile sur toile, 133,4 × 102,2 cm, vers 1640,

Metropolitan Museum of Art, New York (États-Unis)


Évangile selon saint Marc 13, 33-37

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment. C’est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis. Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »




On connaît au moins trois versions de la Madeleine repentante peintes par Georges de La Tour (1593-1652). La Madeleine aux deux flammes est certainement la plus curieuse. N’est-elle pas, en cette image, l’illustration du verset de ce Dimanche : « Prenez garde, veillez : car vous ne savez pas quand viendra le moment. » (Marc 13, 33)


Que voit-on ?

Une femme, cheveux dénoués, assise sur un tabouret devant une table, portant une chemise bouffante blanche et une longue robe festonnée, rouge cramoisi. Sur ses genoux repose un crâne humain sur lequel elle joint les mains. Sa tête est tournée vers un miroir richement encadré posé sur la table, dans lequel se reflète la flamme d’une bougie. D’autres objets se trouvent sur la table : un collier de perles blanches, quelques pièces de monnaie et une sorte de vase métallique derrière le miroir. Le mur brun du fond et noirci par l’ombre du miroir. Aux pieds de la femme, quelques bijoux abandonnés : bracelets et boucle d’oreille.


Veillez…

Madeleine veille et médite… Cette bougie en est la meilleure expression. La nuit aide à la méditation. Et c’est lorsque le soleil est couché que l’homme se met à veiller. Le temps de l’Avent n’est pas simplement un temps de préparation à la joie de Noël. C’est le temps de l’attente, de la veille et du désir. Attente de la venue du Sauveur dans la gloire, attente des temps derniers. Veille pour ne pas être surpris par le sommeil lorsqu’il viendra. Temps de l’inquiétude (in-quiet : qui ne dort pas). Temps du désir, désir de sa venue. Avons-nous encore ce désir de la venue du Christ ? Sommes-nous inquiets de le rencontrer ? Prenons-nous le temps de la veille ? Veillez… Méditez… Priez… semble nous dire Madeleine. La nuit est encore longue.


Méditer et réfléchir…

On ne sait pas bien ce que regarde cette femme. Son regard semble perdu dans le vide, ou tourné vers un objet que l’on ne voit pas sur le tableau. En tous les cas, elle médite et elle réfléchit. Elle réfléchit comme le miroir réfléchit la flamme. Il renvoie l’image. Il nous renvoie notre image. Peut-être nous révèle-t-il que le feu sacré n’est pas éteint en nous ? Peut-être nous montre-t-il que la flamme physique de notre corps, lorsqu’elle se reflète (lorsque nous réfléchissons), révèle la flamme de notre âme, celle que nous avons reçu au baptême ? Nous sommes bien un corps (la bougie), une intelligence (le miroir) et une âme insaisissable mais réel (la flamme du miroir). Et moi, est-ce que je réfléchis suffisamment ? Ai-je encore en moi cette flamme ?


Abandon…

Marie-Madeleine veut changer de vie après sa rencontre avec le Christ, elle veut se convertir, se retourner (comme elle le fera trois fois lorsque sa rencontre au jardin avec Jésus ressuscité - Jn 21). Mais elle connaît aussi les liens qui la retiennent, ses propres esclavages… Ils sont ici symbolisés par ces riches bijoux, ce crâne et ce pot d’airain. Comme si elle devait faire une triple renonciation, un triple engagement. Celui-là même que font les religieux. Trois vœux pour refuser les vaines richesses (pauvreté), ne s’offrir qu’à Dieu (chasteté) et n’écouter que lui (obéissance). Trois objets qui montrent nos chaînes : la richesse des bijoux, l’inanité de notre vie humaine (tu es poussière… Gn 3, 19) et le creux de notre amour (si je n’ai pas la charité, je ne suis qu’airain qui résonne… 1 Cor 13). Temps de l’Avent pour se convertir, pour changer de vie, pour se préparer à recevoir le Sauveur, pour lâcher nos fausses richesses, redonner sens à notre vie terrestre, redonner vie à notre capacité d’amour.


Donner… Tout donner…

Elle lâche tout cette femme. Même ses cheveux, signes de sa condition pécheresse. Peut-être a-t-elle déjà revêtu le vêtement blanc de son baptême, de sa purification ? Peut-être sent-elle l’appel de Jésus à tout donner… Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime (Jn 15, 13). Donner sa vie, donner son sang pour les autres, ce sang rouge cramoisi qui déjà couvre ses jambes. Pas d’Avent, pas de conversion sans offrir sa vie à Dieu et aux autres… Jésus lui-même offrit sa vie. Il l’offrit dès la Nativité comme enfant désarmé et poursuivi par la cupidité d’Hérode. Il l’offrit jusqu’à la Croix, sur le lieu du crâne (Golgotha). Marie-Madeleine semble nous appeler à le rejoindre là, au pied de la Croix, les mains posées sur le Golgotha... Noël, fête de la joie et de la famille. Noël, fête de la Paix et de l’Amour. Noël, fête des pauvres et des petits. Noël, reflet du Golgotha et de la Pâque, là où s’éclairent et se révèlent pleinement le sens de l’Avent et de la Venue du Christ. Tournons nos yeux vers la Venue du Christ. Ne lui refusons rien. Donnons-lui tout !


Se laisser éclairer, révéler…

Le jeu de lumière de l’œuvre est surprenant. Le miroir renvoie la lumière de la flamme. Elle en est triplement éclairée : par la flamme physique, par le reflet de l’intelligence et par la lumière de l’âme. Temps de l’Avent, temps de l’attente, temps de la méditation, temps de la prière, temps de la veille, temps où Dieu se révèle à nous, nous éclaire et nous révèle ce à quoi nous sommes appelés. Un temps où le Peuple voit une lumière se lever dans les ténèbres, une lumière qui nous révèle Dieu et où Dieu nous révèle ce que nous sommes : ses enfants bien-aimés.

Avec Madeleine, veillons et prions…



Homélie de Geoffroy d'Admont (+ 1165), Homélies pour les fêtes, 23, PL 174, 725-726

Voyez, veillez et priez (cf. Mc 13,33 ; 14,38). Par ces paroles, le Seigneur notre Sauveur n'a pas averti seulement ses disciples auxquels il parlait physiquement, mais en outre, par ces mêmes paroles, il a révélé clairement à nous-mêmes ce que nous devons faire, comment nous devons veiller. Cette triple parole indique nettement comment doit se sauver chacun de nous qui, oubliant tout ce qui est en arrière, désire se lancer vers l'avenir (cf. Ph 3,14), voudrait saisir le sommet de la perfection auquel il tend.


Celui qui, saisi par l'inspiration divine, aura décidé de renoncer au monde et à ses convoitises, selon l'avertissement que la parole divine nous a donné au début de la lecture d'évangile, (Mc 13,33), doit avoir les yeux ouverts pour comprendre d'emblée, avec sagesse, ce qu'il doit faire ou ce qu'il doit éviter. <>


Mais, pour quiconque vient à la conversion, il ne suffit pas, pour devenir parfait, de comprendre ce qui est bien, s'il ne cherche ensuite à veiller pour agir de même. C'est pourquoi le Seigneur, après avoir exhorté ses disciples à voir, ajoute aussitôt : Veillez et priez (Mc 13,33). Il est prescrit à chacun de veiller, c'est-à-dire de s'appliquer à réaliser effectivement ce qu'il a bien compris, et de repousser la paresse d'une vie oisive dans laquelle il se trouvait jusque-là, par la recherche vigilante d'une activité vertueuse. A celui qui veille ainsi, par le zèle d'une vie fervente, le Seigneur indique une voie encore supérieure, puisqu'il ajoute aussitôt : et priez.


Priez est donc prescrit à tous les élus, c'est-à-dire qu'en désirant les biens éternels, on doit rechercher le fruit de son effort fervent dans la seule espérance de la récompense céleste. Il semble que saint Paul prescrivait à ses disciples cette obstination dans la prière, quand il disait: Priez sans relâche (1Th 5,17). En effet, nous prions sans relâche si, lorsque nous faisons le bien, nous ne recherchons pour cela aucune gloire terrestre, mais nous nous préoccupons uniquement de désirer les biens éternels. <>


Voyez, veillez et priez. Voyez ce qu'il faut faire, en comprenant ce qui est juste ; veillez en faisant le bien ; priez en désirant les biens éternels. Pourquoi il est si important pour nous de voir, de veiller et de prier, on le voit clairement par les paroles qui suivent : Car vous ne savez pas quand viendra le moment (Mc 13,33). Donc, parce que no us ignorons quand sera le moment de cette visite, il nous faut veiller et prier sans cesse, c'est-à-dire préparer à cette grâce, par un zèle vigilant, le fond de notre coeur.


Sermon de saint Augustin (+ 430), Sermons sur l'Ancien Testament, 18, 1-2; PL 38, 128-129.

Notre Dieu viendra manifestement, et il ne se taira pas (Ps 49,3) ! En effet, le Seigneur Christ, notre Dieu, le Fils de Dieu, viendra de façon cachée dans son premier avènement, et de façon manifeste dans le second. Quand il est venu caché, il n'a été connu que de ses serviteurs ; quand il viendra manifestement, il sera connu des bons et des mauvais. Quand il est venu caché, c'était pour être jugé ; quand il viendra manifestement, ce sera pour être le juge.


Enfin, quand autrefois il était jugé, il s'est tu, et le prophète avait prédit ce silence : Comme un agneau conduit à l'abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n'ouvre pas la bouche (Is 53,7). Mais Il viendra manifestement, notre Dieu, et il ne se taira pas. S'il s'est tu quand il allait être jugé, il ne se taira pas lorsqu'il viendra comme juge. Et déjà maintenant il ne se tait pas, s'il y a quelqu'un qui veuille l'entendre. Mais le psaume dit : Il ne se taira pas, lorsque ceux qui le méprisent maintenant reconnaîtront sa voix. Car lorsqu'on énonce maintenant les commandements de Dieu, certains les tournent en dérision. Parce que ce qu'il a promis ne se montre pas maintenant, et parce que ce dont il nous menace ne se voit pas maintenant, on se moque de ce qu'il prescrit.


Maintenant ce qu'on appelle le bonheur de ce monde, les méchants le possèdent aussi ; et ce qu'on appelle le malheur de ce monde, les bons le possèdent aussi. Si des hommes ne croient qu'aux réalités présentes et ne croient pas aux réalités futures, c'est parce qu'ils observent que les biens et les maux du siècle présent appartiennent indistinctement aux bons et aux mauvais. S'ils ambitionnent les richesses, ils voient qu'elles appartiennent aux pires des hommes aussi bien qu'aux bons. S'ils ont horreur de la pauvreté et des misères de cette vie, ils voient qu'elles font souffrir non seulement les bons, mais aussi les mauvais, et ils disent dans leur coeur : Dieu ne voit pas (Ps 93,7), il ne dirige pas les affaires humaines. Il nous laisse totalement rouler au hasard dans l'abîme profond de ce monde, et il ne nous montre en rien sa providence. Et s'ils méprisent les préceptes de Dieu, c'est parce qu'ils ne voient pas son jugement se manifester.


Cependant, chacun doit remarquer, même maintenant, que Dieu, quand il le veut, regarde et juge, sans attendre une heure. Mais quand il veut, il attend. D'où vient cette différence ? Parce que s'il ne jugeait jamais dès maintenant, on ne croirait pas en son existence. Mais s'il jugeait tout dès maintenant, il ne garderait rien pour le jugement. Il réserve donc beaucoup de causes pour ce jugement, mais quelques-unes sont jugées présentement, afin que ceux dont il fait attendre le jugement soient saisis de crainte et se convertissent. Car Dieu n'aime pas condamner mais sauver, et c'est pourquoi il est patient envers les mauvais, pour qu'ils deviennent bons. Cependant l'Apôtre nous dit que la colère de Dieu se révélera contre tout refus de Dieu (Rm 1,18), et qu'il rendra à chacun selon ses oeuvres (Rm 2,6). Il avertit et il reprend l'homme qui le méprise en lui disant : Méprises-tu ses trésors de bonté et de patience (Rm 2,4) ? Parce qu'il est bon, parce qu'il est patient avec toi, parce qu'il te fait attendre et ne te détruit pas, tu le méprises et tu juges absolument nul le jugement de Dieu : Refuses-tu de reconnaître que ce don de Dieu te pousse à la conversion ? Avec ton coeur endurci, tu accumules la colère contre toi pour le jour de la colère, où sera révélé le juste jugement de Dieu, lui qui rendra à chacun selon ses oeuvres (Rm 2,4-6).


Prière

Donne à tes fidèles, Dieu tout-puissant, d'aller avec courage sur les chemins de la justice à la rencontre du Seigneur, pour qu'ils soient appelés, lors du jugement, à entrer en possession du Royaume des cieux. Par Jésus Christ.


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