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IIème Dimanche de l’Avent (A)

Crois en toi comme moi… -



Saint Jean le Baptiste,

Jacopo DEL SELLAIO (Florence, 1442 - Florence, 1493),

Tempera sur toile, 1485 - 157 x 80 cm,

Szépmûvészeti Múzeum (Budapest, Hongrie)


Évangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu 3, 1-12

En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » Jean est celui que désignait la parole prononcée par le prophète Isaïe : ‘Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.’ Lui, Jean, portait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins ; il avait pour nourriture des sauterelles et du miel sauvage. Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés. Voyant beaucoup de pharisiens et de sadducéens se présenter à son baptême, il leur dit : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc un fruit digne de la conversion. N’allez pas dire en vous-mêmes : “Nous avons Abraham pour père” ; car, je vous le dis : des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham. Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »


Le peintre

Connu aussi comme Jacopo di Arcangelo, Jacopo del Sellaio était le fils d'un sellier (sellaio en italien), et il fut un peintre florentin de la première Renaissance. Vasari raconte qu'il fut apprenti de Filippo Lippi (1406-1469), ainsi que son contemporain Sandro Botticelli (1444-1510), dont il subit l'influence. En 1460, Jacopo del Sellaio est inscrit à la Confraternita di san Luca, la guilde des peintres à Florence et à partir de 1473, il partage un atelier avec Filippo di Giuliano. Il était spécialisé dans les peintures des coffres de mariage (cassoni, en italien). L'artiste a peint également de nombreux petits tableaux dévotionnels, qui représentent souvent saint Jérôme et saint Jean-Baptiste. Il exécuta des peintures pour l'église Santa Lucia dei Magnoli et pour l'église San Frediano, à Florence.


L’œuvre

Saint Jean-Baptiste, saint patron de Florence, bien que toujours représenté comme un ascète couvert d’un manteau en poils de chameau, a été représenté de plusieurs manières par les artistes de la ville, du prophète sombre et réservé - comme il a été habituellement montré par les peintres du Trecento - à la figure exaltée et raffinée de Botticelli, qui a inspiré notre peintre. Ce jeune homme sans barbe, au ton doux et à l'expression douloureuse, apparut dans le rôle de saint Jean-Baptiste au milieu des années 1480, en premier lieu sur le retable de Santa Barnaba de Botticelli. On peut imaginer que cette figure est devenue en quelque sorte un symbole spirituel aux yeux de l'élite intellectuelle de la ville, entamant ainsi une longue carrière emblématique chez d'autres artistes aussi. Cette toile - attribuée auparavant à un disciple anonyme de Botticelli – a peut-être été utilisé comme bannière de procession d’une confrérie religieuse.


Ce que je vois

Regardons d’abord le paysage. En arrière-plan, dans des tons jaune et bleu pâle, on distingue une plaine parsemée de quelques arbres. Sur la gauche, une sorte de falaise qui ressemble plus à un assemblage de pierre, tel un cairn. En bas, un terre-plain de pierre sur lequel a poussé un rachitique arbre, maintenant mort et seulement parcouru d’un lierre. À sa base, une hache est plantée dans le tronc.


Saint Jean désigne de sa main gauche l’arbre. De la droite, il tient cette croix de jonc et un phylactère sur lequel on peut lire « Ecce Agn » (Ecce Agnus Dei – Voici l’Agneau de Dieu – Jean 1, 29). Grand et maigre, les cheveux en bataille, il est couvert d’une sorte de tunique en poils, serrée par un ruban bleu, et d’un manteau rouge galonné qu’il porte à la taille, respectant ainsi quasiment la description de l’évangile. À ses pieds, un bol de terre. Est-ce sa pitance : sauterelles et miel sauvage ? Sur sa tête, comme un plat en cristal de roche, une auréole le couronne. La tête penchée, il nous regarde, nous invitant à porter nos yeux sur l’arbre mort. Son regard est triste, comme s’il avait peur de ne pouvoir nous faire comprendre son message…


Quel message ?

Un message violent ! Nous ne sommes pas toujours prêts, et encore moins habitués, à entendre ce genre de propos : « Engeance de vipères »… Nous sommes tellement marqués par une image d’un Jésus doux, voire sirupeux…, qu’entendre son cousin nous parler ainsi pourrait nous choquer. Pourtant, Jean est ici en colère. En colère de voir que son message n’est pas écouté, encore moins compris. En colère de voir les hommes se condamner et rater leur salut. Il a peur pour nous. Peur que nous ne sombrions dans une sorte de consensus mou, tant à la mode en ces jours… Il nous le crie : « Convertissez-vous ! Changez de vie ! C’est le moment, c’est l’instant ! Ne ratez pas ce train qui passe… Il ne repassera peut-être pas ! »


On pourrait être effrayé par cette violence, ou alors reprocher que l’Église n’en revienne à ces messages apeurants, comme si elle n’avait pas compris le message d’amour du Christ. Comme si elle voulait rétablir son pouvoir par la peur, avec les tableaux de Jugement Dernier qu’elle exposait aux yeux des fidèles dans les temps anciens.


Effectivement, ce serait une erreur. On ne fait pas grandir la foi et l’amour de Dieu par la peur. Mais, nous fonctionnons souvent à coups de balancier… un coup à gauche, un coup à droite, en évitant l’équilibre ! Un coup, la peur de l’Enfer, le coup d’après, « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ! » Pourtant, on ne peut pas faire de coupes dans l’Évangile et supprimer ce qui nous gênerait. Uniquement pour en garder un message bien calme, bien doux, bien moralisateur en fait ! Et peut-être même plus moralisateur en le teintant d’un amour mielleux que s’il était empreint de menaces… On fait parfois plus de mal à quelqu’un en lui reprochant son manque de gentillesse que son excès de méchanceté. Car celui qui tiendrait de tels propos se situerait au-dessus des autres. Rappelez-vous le riche pharisien qui toisait le pauvre publicain au Temple.


En fait, l’idéal serait de retrouver l’équilibre, de ne pas masquer les aspects qui nous dérangent, mais de tous les prendre, sans demi-mesure. Oui, nous sommes appelés, promis à l’Esprit-Saint, au bien, et au feu d’amour qui doit brûler nos cœurs. Oui, c’est le message de Jésus annoncé par Jean-Baptiste. Oui, ce message est doux et pur comme l’Agneau. Oui, tout l’Évangile, la Bonne Nouvelle, pourrait tenir en cette phrase : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée; et ton prochain comme toi-même » (Lc 10, 27). Mais… mais l’amour est exigeant ! Nous le savons, il suffit de porter un regard lucide sur nos propres vies. L’amour ne se contente pas de vœux pieux. L’amour appelle à des choix, des efforts, des sacrifices. L’amour nous oblige à couper à la hache des aspects de notre vie, voire de notre personnalité, pour s’accorder aux autres et au Tout-Autre. L’amour fait autant de bien qu’il ne fait mal !


Que vient nous dire le Baptiste aujourd’hui ? Aimez ! Faites de votre vie un amour continuel. Mais faites aussi les choix nécessaires pour cela. Convertissez-vous, changez votre cœur. Rien n’est gagné, même si vous vous croyez des fils d’Abraham. Une vipère, celle de la division, habite aussi en vous et va tout faire pour vous empêcher de rejoindre le Sauveur. Si vous ne la brisez pas, si vous ne l’étouffez pas, ce sera elle qui vous écrasera, puis ce sera le Sauveur qui ne vous reconnaîtra pas et viendra vous couper… à la racine !


Il ne s’agit pas ici de faire peur. Il s’agit plutôt d’avoir un regard réaliste sur nos vies et sur notre volonté de conversion, notre volonté de suivre Jésus, quels qu’en soient le chemin et les sacrifices nécessaires. Il s’agit d’être des hommes et des femmes, des enfants, debouts, droits, vrais. Et non des vipères qui tentent de ramper entre les difficultés… Il s’agit d’essayer de porter du fruit dans tous les aspects de notre vie : comme époux, comme enfant, comme prêtre. De porter du fruit là où nous sommes plantés : dans notre travail, notre famille, notre paroisse. De porter un fruit qui soit sucré d’amour, gorgé du soleil de Dieu, protégé de l’épaisseur de sa foi, accroché au Père et diffusant le parfum de l’Esprit. Un fruit qui puise son énergie dans l’eau du baptême. Un fruit qui, tombé en terre, tel le grain de blé, donnera lui aussi du fruit.


Un fruit plutôt qu’une paille… Même si c’est celle dans l’œil de mon voisin ! Mais une paille qui ne sert qu’à être brûlée, dont la flamme ne dure jamais, et qui chauffe si peu… En fait, Jean le Baptiste nous invite aujourd’hui à faire des choix. Et à ne pas les reporter au lendemain ! Faites le choix de Dieu, comme le disait le Cardinal Lustiger !


Dieu vous fait confiance, Dieu croit en vous, plus que vous ne croyez en Lui ! Il nous dit : ne sois pas cet arbre mort, sinon, je vais te couper… Ne sois pas cette paille au vent, sinon, je vais te brûler. Je ne te menace pas ! Je te dis simplement tu en es capable ! Crois en toi, crois en moi et les fruits de sainteté seront abondants !

Homélie de saint Augustin (+ 430), Sermon 109, 1; PL 38, 636.

Nous venons d'entendre l'évangile où Jésus critique ceux qui savaient reconnaître l'aspect du ciel, mais n'étaient pas capables de découvrir le temps où il était urgent de croire au Royaume des cieux (cf. Lc 12,54). C'est aux Juifs qu'il disait cela, mais cette parole parvient jusqu'à nous. Or le Seigneur Jésus Christ lui-même a commencé ainsi sa prédication: Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche (Mt 4,17). Jean Baptiste, son précurseur, avait commencé de la même façon: Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche (Mt 3,2). Et maintenant le Seigneur les blâme parce qu'ils ne veulent pas se convertir alors que le Royaume des cieux est proche, ce Royaume des cieux dont il dit lui-même qu'il ne vient pas de manière visible (Lc 17,20), et aussi qu'il est au milieu de vous (Lc 17,21).


Que chacun ait donc la prudence d'accepter les avertissements de notre Maître, pour ne pas laisser échapper le temps de sa miséricorde, ce temps qui se déroule maintenant, pendant lequel il épargne encore le genre humain. Car, si l'homme est épargné, c'est pour qu'il se convertisse, et que personne ne soit condamné.


C'est à Dieu de savoir quand viendra la fin du monde: quoi qu'il en soit, c'est maintenant le temps de la foi. La fin du monde trouvera-t-elle ici-bas l'un d'entre nous? Je l'ignore, et il est probable que non.


Pour chacun de nous le temps est proche, parce que nous sommes mortels. Nous marchons au milieu des dangers. Si nous étions de verre, nous les redouterions moins. Quoi de plus fragile qu'un récipient de verre? Pourtant on le conserve et il dure des siècles. Car on redoute pour lui une chute, mais non pas la vieillesse ni la fièvre. Nous sommes donc plus fragiles et plus faibles, et cette fragilité nous fait craindre chaque jour tous les accidents qui sont constants dans la vie des hommes. Et s'il n'y a pas d'accidents, il y a le temps qui marche. L'homme évite les heurts, évite-t-il la dernière heure? Il évite ce qui vient de l'extérieur, peut-il chasser ce qui naît au-dedans de lui? Parfois n'importe quelle maladie le domine subitement. Enfin, l'homme aurait-il été épargné toute sa vie, lorsqu'à la fin la vieillesse est venue, il n'y a plus de délai.


Prière

Seigneur tout-puissant et miséricordieux, ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de ton Fils; mais éveille en nous cette intelligence du coeur qui nous prépare à l'accueillir et nous fait entrer dans sa propre vie. Lui qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.

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