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IIe dimanche de l’Avent (A)

Le loup habitera avec l’agneau -



Le Royaume pacifique

Edward HICKS (Langhorne, 1780 - Newtown, 1849),

Huile sur toile, 44,5 x 59,1 cm, 1829-1830,

Vendue 1 384 500 $ en 2008,

Collection privée française


Lecture du livre du prophète Isaïe (Is 11, 1-10)

En ce jour-là, un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David, un rejeton jaillira de ses racines. Sur lui reposera l’esprit du Seigneur : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur – qui lui inspirera la crainte du Seigneur. Il ne jugera pas sur l’apparence ; il ne se prononcera pas sur des rumeurs. Il jugera les petits avec justice ; avec droiture, il se prononcera en faveur des humbles du pays. Du bâton de sa parole, il frappera le pays ; du souffle de ses lèvres, il fera mourir le méchant. La justice est la ceinture de ses hanches ; la fidélité est la ceinture de ses reins. Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits auront même gîte. Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra ; sur le trou de la vipère, l’enfant étendra la main. Il n’y aura plus de mal ni de corruption sur toute ma montagne sainte ; car la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer. Ce jour-là, la racine de Jessé sera dressée comme un étendard pour les peuples, les nations la chercheront, et la gloire sera sa demeure.


Psaume 71 (72), 1-2, 7-8, 12-13, 17


Dieu, donne au roi tes pouvoirs, à ce fils de roi ta justice. Qu’il gouverne ton peuple avec justice, qu’il fasse droit aux malheureux !


En ces jours-là, fleurira la justice, grande paix jusqu’à la fin des lunes ! Qu’il domine de la mer à la mer, et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !


Il délivrera le pauvre qui appelle et le malheureux sans recours. Il aura souci du faible et du pauvre, du pauvre dont il sauve la vie.


Que son nom dure toujours ; sous le soleil, que subsiste son nom ! En lui, que soient bénies toutes les familles de la terre ; que tous les pays le disent bienheureux !


Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains (Rm 15, 4-9)

Frères, tout ce qui a été écrit à l'avance dans les livres saints l’a été pour nous instruire, afin que, grâce à la persévérance et au réconfort des Écritures, nous ayons l’espérance. Que le Dieu de la persévérance et du réconfort vous donne d’être d’accord les uns avec les autres selon le Christ Jésus. Ainsi, d’un même cœur, d’une seule voix, vous rendrez gloire à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ. Accueillez-vous donc les uns les autres, comme le Christ vous a accueillis pour la gloire de Dieu. Car je vous le déclare : le Christ s’est fait le serviteur des Juifs, en raison de la fidélité de Dieu, pour réaliser les promesses faites à nos pères ; quant aux nations, c'est en raison de sa miséricorde qu'elles rendent gloire à Dieu, comme le dit l’Écriture : C’est pourquoi je proclamerai ta louange parmi les nations, je chanterai ton nom.


L’artiste (extrait de Wikipédia)

Ses toiles les plus connues sont sans doute les diverses versions de Peaceable Kingdom (Royaume pacifique). Ces dernières dépeignent les vers du livre d'Isaïe au chapitre 11 : « le loup habitera avec l'agneau, et le léopard s'allongera avec l'enfant, le veau et le jeune lion (...) et un petit enfant les mènera ». Nombreuses sont les peintures de Hicks qui dépeignent également, en arrière-plan, le célèbre traité conclu par William Penn en vue de fonder l'État de Pennsylvanie.

La mère de Hicks mourut lorsqu'il était encore un nourrisson, et la famille qui l'éleva était de tradition quaker. Hicks adopta lui aussi cette religion et devint un « ministre itinérant ». Hicks commença sa carrière en tant qu'apprenti auprès d'un constructeur de fiacre. Il y apprit à peindre des décorations sur les véhicules. Plus tard, il lança sa propre affaire, dédiée à la décoration de meubles et de divers objets.

La foi de Hicks entra parfois en contradiction avec sa carrière artistique. En fait, il fut beaucoup critiqué par ses coreligionnaires pour s'être investi dans une « activité temporelle ». Pendant un moment, il renonça à la peinture, avant de trouver le moyen de concilier sa foi et son travail en réalisant des peintures dédiées à divers aspects de la religion quaker.


L’oeuvre

« Les royaumes pacifiques avec des quakers portant des bannières » de ce genre peuvent avoir été influencés par la séparation historique entre les amis. Au moins cinq exemples sont connus qui semblent avoir été peints entre 1827 et 1835 ; l'un est daté de 1832. Ils sont inspirés de la gravure qu’Hicks avait initialement réalisé. Un léopard couché avec une longue queue ressemblant à un serpent, qui devient une marque de fabrique dans les royaumes ultérieurs, fait sa première apparition dans cette série. Malgré la perspective utilisée pour dépeindre la bande de Quakers à gauche, ces premières peintures ont peu de profondeur et apparaissent presque bidimensionnelles.


Le symbole des Quakers portant une bannière (le traité de Pendle Hill) est suggéré dans un passage d'un long poème écrit par Hicks lui-même :

Douce paix, l'héritage d'amour du Sauveur Descendu sur eux du Ciel au-dessus. Puis la miséricorde sourit et la justice s'est assise sereine, Alors que la gloire céleste remplissait l'espace entre-deux. Haut sur la monture, visible à la vue, Des amis se tenaient seuls, autour de la lumière. Alors laissez-les rester là, faites-le savoir aux gens Ils ne peuvent pas se mêler au monde en dessous."

Ici, le Traité est remplacé par une pyramide d'amis grassouillets, avec autour d'eux une bannière : « Voici que je vous apporte une joyeuse nouvelle, une grande joie : Paix sur terre et aux hommes de bonne volonté. » Bien au-dessus d’eux, au sommet de la colline, treize rayons de lumière illuminent le ciel.


Mais c'était Mary C. Noir qui a d'abord perçu un lien entre ces six rois du premier plan et la séparation qui a divisé les amis entre orthodoxes et Hicks en 1827, une découverte confirmée par Frederick Tolles lorsqu'il a identifié la figure d'Elias Hicks au premier rang de chacune des six toiles. Il a également détecté, au sommet de la pyramide, les trois éclaireurs du premier quakerisme : la prédication de Fox, Penn avec les bras tendus, et Barclay l'apologiste avec un livre en main — un trio auquel l'artiste se réfère souvent dans ses mémoires. Hicks a attribué la source du conflit aux méthodes inquisitionnelles de certains plutôt qu’à une juste doctrine : « Quelle que soit la vision particulière des frères orthodoxes sur des sujets doctrinaux particuliers, aucune exception n'a été prise contre eux à ce fait. Le point en question était l'hypothèse et l'exercice d'un pouvoir excessif. » L'intention consciente du peintre dans l’ensemble de ces cinq oeuvres était certainement de dépeindre le progrès de la liberté religieuse. Mais, en fait, les questions de liberté et de doctrine religieuses étaient inséparables.


Ce que je vois

La scène représente une colline herbue. Sur la gauche, le groupe des fondateurs du Quakerisme et le traité de Penn accompagnés de la citation que les anges proclamèrent le soir de la Nativité du Christ aux oreilles des bergers. Noël serait-elle la fête qui vient clore la promesse faite par Isaïe ? Et dans le fond, cette colline surmontée de ces sortes de torches de lumière blanche. Mais en y regardant de plus près, il me semble qu’on peut voir tout en haut le Christ, bras en croix, entouré de douze personnages. Sont-ce les douze apôtres, ou les douze tribus d’Israël ? Un peu plus, un cercle de neuf personnages autour d’un feu. Faut-il y voir les neuf cercles des anges ? Et encore en dessous, quatre personnes habillées de longues robes de style oriental. Des prophètes ?


Je ne reviens pas sur le groupe des Quakers présenté plus haut. À droite, la prophétie d’Isaïe entendue aujourd’hui. Devant un arbre creux, mais encore vivace, à l’orée dune forêt dense, un petit garçon tient par le cou un lion. L’enfant potelé, vêtu d’une culotte bouffante blanche et d’une chemise, a la taille serrée par une ceinture de tissu rouge. De sa main droite, il tient un pampre de vigne chargé de grappes juteuses. Tous les animaux ont le regard tourné vers le spectateur : le léopard au premier plan, l’agneau, le renard, la chèvre et le veau au poil bouclé. L’artiste reprend intégralement le texte de la prophétie : « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble ». Cependant, le peintre ose une interprétation. Dans le texte prophétique, deux personnages sont décrits : le rejeton de la souche de Jessé et le petit garçon. Les versets suivants parleront du nourrisson sur le nid du cobra, mais nie l’un ni l’autre ne sont ici représentés. Notre peintre confond en un seul petit garçon les deux personnages d’Isaïe : le petit garçon, bien nourri, est habillé comme le rejeton de Jessé : « La justice est la ceinture de ses hanches ; la fidélité est la ceinture de ses reins. » Cet enfant ne serait autre que le Messie…


Mais avant de reprendre le sens de cette prophétie, remarquez que le tableau se déroule en trois scènes que l’on pourrait qualifier d’historiques. Au premier plan, l’Ancien Testament, le passé. Au second plan, la vie de « l’Église » (si tant est que les quakers soient une église…), la vie contemporaine de l’évangile, la vie néotestamentaire. Au troisième plan, la promesse de Dieu : l’accueil au Royaume des Cieux. Un chemin qui pourrait se résumer en trois étapes : tenter de vivre en paix même avec les plus féroces. Se soutenir dans la foi partagée en Église. Attendre le Royaume qui va ad-venir (avent). Mais nous pouvons aussi comprendre que nous ne pouvons espérer la promesse divine, la déification, si nous ne tenons pas compte de la préfigure de l’Ancien Testament qui nous appelle à être nous-mêmes la figure christique. Si nous n’essayons pas d’être à l’image de ce petit garçon, l’Église n’aura pas de coeur ni d’humanité et ne pourra pas alors rejoindre le Royaume…


N’est-ce pas le sens de la lettre aux Romains que nous avons entendu (et peut-être pas assez écouté) : « Frères, tout ce qui a été écrit à l'avance dans les livres saints l’a été pour nous instruire, afin que, grâce à la persévérance et au réconfort des Écritures, nous ayons l’espérance. Que le Dieu de la persévérance et du réconfort vous donne d’être d’accord les uns avec les autres selon le Christ Jésus. Ainsi, d’un même cœur, d’une seule voix, vous rendrez gloire à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ. Accueillez-vous donc les uns les autres, comme le Christ vous a accueillis pour la gloire de Dieu. Car je vous le déclare : le Christ s’est fait le serviteur des Juifs, en raison de la fidélité de Dieu, pour réaliser les promesses faites à nos pères ; quant aux nations, c'est en raison de sa miséricorde qu'elles rendent gloire à Dieu, comme le dit l’Écriture : C’est pourquoi je proclamerai ta louange parmi les nations, je chanterai ton nom. » ?


Méditation

Les Juifs s’appuie sur cette prophétie d’Isaïe pour signifier que Jésus ne peut-être le Messie puisqu’il la prophétie messianique d’Isaïe ne s’est pas réalisée. Il est vrai qu’il vaut mieux éviter de mettre vos agneaux dans l’enclos des lions de Thoiry, ou glisser la main de votre enfant dans un trou de serpent ! Malgré tout, je suis un peu surpris par cette lecture terre à terre. Quand je lis des commentaires rabbiniques, on découvre des interprétations des textes de l’Écriture parfois déconcertants, tant ils tentent de tirer un seul fil du tricot complet de la Bible. Ils font preuve d’une allégorisation que je trouve parfois exagérée, pour ne pas dire échevelée. Le midrash (la racine darash — דָּרַשׁ — signifie chercher en hébreu) n’hésite pourtant pas à user sans retenue des métaphores, des allégories, des paraboles, sans parler de la guématrie (calcul de la valeur numérique des mots), voire des concordances temuriques (permutation des voyelles possibles). Mais, là, pour ce texte d’isaïe, pas d’allégorie ni de métaphore possible !


Et pourtant, je suis convaincu que ce texte n’est pas qu’allégorique, il est aussi métaphorique. Rappelons-nous la définition de ces deux mots :

  • L’allégorie (du grec : ἄλλον / állos, « autre chose », et ἀγορεύειν / agoreúein, « parler en public ») consiste à exprimer une pensée sous une forme imagée afin de faire comprendre, sous le sens littéral, un autre sens, qui est celui visé par le texte. Les deux sens doivent se maintenir de façon cohérente dans une allégorie.

  • La métaphore, du latin metaphora, lui-même du grec μεταφορά (metaphorá, au sens propre, transport), est une figure de style fondée sur l'analogie. Elle désigne une chose par une autre qui lui ressemble ou partage avec elle une qualité essentielle. La métaphore est différente d'une comparaison ; la comparaison affirme une similitude tandis que la métaphore la laisse deviner. Le contexte est nécessaire à la compréhension de la métaphore.

Le texte a un aspect allégorique en usant d’un certain nombre d’images, comme celle de l’enfant mettant sa main sur le nid du cobra. Mais cette allégorie est un passage vers la métaphore, qui elle-même a un sens anagogique.

  • L’anagogie (du grec ancien : ἀναγωγή, / anagogé, « élévation ») est une notion ascétique qui désigne l'élévation de l'âme vers les choses célestes, et en théologie l'interprétation d'un texte qui cherche à passer du sens littéral à un sens spirituel ou mystique. Selon la doctrine des quatre sens de l'Écriture développée par les Pères de l'Église, le « sens anagogique » est le sens symbolique qui concerne les évènements à venir pour l'Église. Hiérarchiquement, dans les quatre sens de l'Écriture, il vient en dernier, après les sens littéral, allégorique et tropologique (ou moral).

Ainsi, cette prophétie ne doit pas être lue dans un sens réaliste. Le prophète est celui qui, étymologiquement, dit une parole à l’avance. En hébreu, le mot se traduit par « porte-parole » : celui qui porte la parole de Dieu. Mais pour pouvoir annoncer cette parole, il faut avoir la bouche ouverte, et donc faire preuve d’ouverture, il faut s’ouvrir ! Alors, ouvrons-nous… Et même, pour reprendre le tableau, ouvrons nos esprits plutôt que nos gueules (même les animaux l’ont fermée).


Proposition allégorique : exprimer une pensée sous une forme imagée afin de faire comprendre.

Alors, qu’a voulu nous faire comprendre Dieu par la bouche d’Isaïe ? Reprenons le texte :

  • D’abord que c’est un événement, pour ne pas dire un avènement, qui est au futur : il n’est pas encore arrivé et il faut l’attendre. Cela voudrait-il dire que le Christ n’est pas le Messie ? Mais si, si vous me permettez ce jeu de mots… Il est le Messie (qui est le même mot que Christ en hébreu, et veut dire « celui qui est oint »), mais un messie qui ne s’impose pas, un messie qui préserve notre liberté de choisir. Combien de textes dans la Bible nous disent que tout nous est donné mais que le libre choix nous est laissé ! Dt 30, 19-20 : « Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui ; c’est là que se trouve ta vie, une longue vie sur la terre que le Seigneur a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob. » Dieu, comme l’amour, ne s’impose pas, il se propose, c’est-à-dire, étymologiquement qu’il se met devant nous, mais que nous pouvons librement l’éviter.

  • Ainsi, même si le Christ est venu sur terre, même s’il fut au milieu des hommes celui annoncé par Isaïe : « Sur lui reposera l’esprit du Seigneur : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur – qui lui inspirera la crainte du Seigneur. Il ne jugera pas sur l’apparence ; il ne se prononcera pas sur des rumeurs. Il jugera les petits avec justice ; avec droiture, il se prononcera en faveur des humbles du pays. », sa mission n’est pas close. Elle trouvera son achèvement, son accomplissement, aux temps derniers. C’est bien le sens de la suite de cette partie de la prophétie : « Du bâton de sa parole, il frappera le pays ; du souffle de ses lèvres, il fera mourir le méchant. » Isaïe nous fait donc comprendre que l’accomplissement de cette prophétie n’est pas encore réalisé. N’est-ce pas le premier plan, comme un rêve, de notre tableau. Une histoire passée (écrite 700 ans avant le Christ) qui n’est que le mirage de ce qui va advenir. Et n’oublions pas que le mirage de l’oasis dans le désert n’est pas un rêve, mais une réalité encore impalpable qu’il faut rejoindre.

Proposition métaphorique : désigner une chose par une autre qui lui ressemble ou partage avec elle une qualité essentielle.

C’est peut-être ce que décrit Isaïe : « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits auront même gîte. Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra ; sur le trou de la vipère, l’enfant étendra la main. » Quelle est donc la qualité essentielle de cette image, si ce n’est un appel à un royaume de paix. Un royaume où les plus féroces d’entre-nous seront désarmés face aux plus doux. Un Royaume où les puissants auront le même pouvoir que les plus faibles. Un Royaume où les plus intelligents n’auront pas barre sur les plus sots. Un Royaume où chacun aura ce dont il a besoin, gîte et couvert, où chacun sera dans la joie profonde, où la peur sera bannie des coeurs. Un Royaume guidé par un enfant comme l’avait prédit l’Ecclésiaste (10, 16). L’enfant est celui qui n’a pas la parole (infans), qui ne parle plus car il nous a déjà donné sa Parole, celle qu’il a entendue de son Père, celle que nous inspire l’Esprit. Que cette métaphore pourrait donc être d’autre qu’une invitation à nous laisser habiter, non pas un espoir purement humain, mais une espérance, celle qui brille sur la montagne de notre tableau ? Et cette métaphore ne trouve-t-elle pas son sens, sa réalisation dans ce groupe, cette « église » au deuxième plan de cette toile.


Proposition anagogique : désigner l'élévation de l'âme vers les choses célestes

Le mois anagogie évoque une ascension : grimper sur la montagne, comme cette montagne où brille cette lumière divine. Mais il ne s’agit pas ici d’un effort physique à faire, effort qui ne serait à la portée que de quelques-uns. Mais plutôt, pour reprendre l’image de Thérèse de Lisieux, une ascension grâce à un Escalator.


Alors, me direz-vous, quel est donc cet Escalator que nous devrions prendre durant l’Avent (déjà bien avancé…) ? Il est multiple et donc à la portée de tous puisque vous pouvez le prendre de là où vous êtes. Je vous en fais le plan simplifié (en aparté, il vaut mieux prendre un seul escalier mais s’y tenir que de faire un grand écart instable entre plusieurs Escalators !) :

  1. La prière. Peut-être avez-vous peur de la vélocité de cet escalier. Si le vôtre montait à 5 km/h jusqu’aujourd’hui, passez à la vitesse supérieure : 7, voire 10 km/h.

  2. La Parole. Le livre le plus vendu, le plus traduit au monde est sûrement le plus moins lu… Peut-être pourriez-vous prendre le temps de lire chaque jour les textes de la messe (et même avant la messe), voire de vous lancer dans la lecture de la Bible en un an ?

  3. Les sacrements. Un temps idéal pour recevoir le pardon de Dieu, non ? Un temps idéal pour participer un peu plus à l’eucharistie ?

Ces trois premiers Escalators vous permettent d’accéder à un premier palier, car il faut mettre les choses en ordre ! Ce sera le palier du frère. En effet, on ne peut faire un véritable effort auprès du frère qui soit réel et sincère si l’on ne le fait au nom du Christ (Mc 9, 41) : « Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense. » De ce palier, vous pouvez choisir de nouveaux Escalators, sans oublier ce que nous a dit Isaïe « la fidélité est la ceinture de ses reins » :

  1. Celui de la fraternité paisible : soyez moins loup et plus agneau, moins vache, ou moins ours et un peu plus veau ou lionceau !

  2. Celui de l’attention aux autres, pour que chacun, comme la chèvre ait son choux à manger, ou comme l’ourson qui cherche un gîte.

  3. Celui de la transmission de la joie : car « Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra ; sur le trou de la vipère, l’enfant étendra la main. Il n’y aura plus de mal ni de corruption sur toute ma montagne sainte ». N’oublions pas que l’on est pas responsable de la tête que l’on a mais de la tête que l’on fait !

Alors, vous serez presque au sommet. Vous rejoindre la cohorte des anges, celle qui est au milieu de la montagne, celle où l’on attend d’un pied et d’un coeur ferme l’accomplissement de la promesse : « car la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer. Ce jour-là, la racine de Jessé sera dressée comme un étendard pour les peuples, les nations la chercheront, et la gloire sera sa demeure. » Bonne ascension !

Pour continuer dans la prière

Je ne vais pas m’étendre outre mesure, mais je vous invite à lire et à prier à partir de cet article sur les psaumes des montées :


CE SOIR :


Une série de quinze Psaumes (de 120 à 134) porte le titre de « Cantiques des montées », ou « Cantiques des degrés ». Cela signifie probablement qu’ils étaient chantés par les croyants de l’Ancien Testament lors des pèlerinages à Jérusalem qui avaient lieu à l’occasion des grandes fêtes annuelles. C’est en tout cas très certainement le cas du Psaume 122, qui mentionne directement Jérusalem comme lieu de pèlerinage, car c’est là que se trouvait le fameux Temple qui contenait l’arche de l’alliance avec les tables de pierre portant sur elles les dix commandements donnés par l’Éternel Dieu à Moïse. C’est là aussi que se faisaient les sacrifices d’expiation pour les fautes du peuple de Dieu. Je cite le Psaume 122 :

« Je suis dans la joie lorsque l’on me dit : “Nous allons monter à la demeure de l’Éternel.” Voici que nos pas s’arrêtent à tes portes, ô Jérusalem! O Jérusalem, cité bien bâtie, formant un tout bien uni! C’est là qu’affluent les tribus, les tribus de l’Éternel — c’est la loi en Israël — pour y louer l’Éternel. C’est là que sont établis les trônes pour ceux qui exercent la justice et les trônes pour les descendants du roi David. Priez pour la paix de Jérusalem : oui, que ceux qui t’aiment, ô Jérusalem, vivent en sécurité! Que la paix soit dans tes murs et que la sécurité règne en tes palais! Pour mes frères, mes amis, je me plais à dire : “La paix soit chez toi!” Pour l’amour de la demeure de l’Éternel notre Dieu, je souhaite ton bonheur » (Ps 122).


LUNDI :


Le Psaume 121, qui précède celui que nous venons de lire, invoque Dieu pour obtenir sa protection au cours du voyage de pèlerinage. Le pèlerin lève les yeux vers les montagnes qu’il doit traverser avant d’atteindre Jérusalem, et il se demande d’où lui viendra l’aide, le secours et la protection; et il reconnaît que ce secours ne vient que de l’Éternel Dieu, le Créateur du monde entier. Ce Psaume est une très belle prière qui peut être lue ou chantée par tous les voyageurs, quelles que soient leurs circonstances. Je le cite :

« Je lève les yeux vers les monts : d’où le secours me viendra-t-il? Mon secours vient de l’Éternel qui a fait le ciel et la terre. Il te gardera des faux pas, ton gardien ne dormira pas. Non, jamais il ne dort, jamais il ne sommeille, le gardien d’Israël. L’Éternel sera ton gardien, l’Éternel est à ton côté comme une ombre qui te protège, et durant le jour, le soleil ne te causera aucun mal ni, au cours de la nuit, la lune. Oui, l’Éternel te gardera de tout malheur; il gardera ta vie. L’Éternel veillera sur toi de ton départ à ton retour, dès maintenant et à jamais » (Ps 121).


MARDI :


Le Psaume 124, lui, chante les grands actes de délivrance de Dieu envers son peuple menacé de toutes parts par ses ennemis; comme au Psaume 121, c’est bien du Créateur de toutes choses que vient le secours :

« Si l’Éternel n’avait pas été avec nous — Israël peut le dire — si l’Éternel n’avait pas été avec nous lorsque des hommes sont venus nous attaquer, alors ils nous auraient engloutis tout vivants dans l’ardeur de leur rage déchaînée contre nous. Le flot nous aurait entraînés et le torrent nous aurait submergés. Alors des eaux tumultueuses auraient passé sur nous. Loué soit l’Éternel, lui qui n’a pas permis que leurs dents nous déchirent. Nous avons pu nous en sortir comme un passereau qui s’échappe du filet des chasseurs : le filet s’est rompu et nous nous sommes échappés. Notre secours nous vient de l’Éternel lui-même qui a fait le ciel et la terre » (Ps 124).


MERCREDI :


Le Psaume 125 est lui aussi un chant de confiance en Dieu, comparant la sécurité qui règne à Jérusalem entourée de montagnes avec la sécurité dont jouit le peuple de Dieu. En même temps, ce sont les justes, ceux qui révèrent l’Éternel et lui obéissent, qui jouissent de tous ces bienfaits. Les injustes, même si ce sont des gouvernants, ne doivent pas s’attendre à consolider leur pouvoir :

« Ceux qui ont placé leur confiance en l’Éternel sont comme le mont de Sion : il n’est pas ébranlé et demeure à jamais. Comme Jérusalem se trouve entourée de montagnes, de même l’Éternel entoure aussi son peuple, dès maintenant et à jamais. Un injuste pouvoir ne pourra subsister dans le pays des justes, sinon ils en viendraient eux aussi à prêter la main à des actions coupables. Sois bon, ô Éternel, pour celui qui est bon, pour celui qui a le cœur droit! Mais ceux qui se détournent vers des voies tortueuses, que l’Éternel les chasse avec tous ceux qui font le mal! Que la paix soit sur Israël! » (Ps 125).


JEUDI :


Toujours dans cette série de Psaumes des montées, le Psaume 127 reconnaît que tout bien, toute prospérité vient de l’Éternel, quoi que les hommes fassent, quelle que soit la peine qu’ils prennent en s’échinant à travailler. Si Dieu ne bénit pas ce travail, s’il ne le fait pas prospérer, alors même les efforts les plus ardus ne sont que peine perdue :

« Si l’Éternel ne bâtit la maison, en vain les bâtisseurs travaillent. Si l’Éternel ne garde la ville, en vain la sentinelle veille. Oui, il est vain de vous lever très tôt et de vous coucher tard, et de vous donner tant de peine pour gagner votre pain. Car Dieu en donne autant à ceux qui lui sont chers pendant qu’ils dorment. Des fils : voilà bien l’héritage que donne l’Éternel, oui, des enfants sont une récompense. Ils sont pareils aux flèches dans la main d’un archer, les fils de la jeunesse. Heureux est l’homme dont le carquois en est rempli! Il ne connaîtra pas la honte quand il plaidera contre l’ennemi aux portes de la ville » (Ps 127).


VENDREDI :


Dans la même ligne, le Psaume 128 célèbre les bénédictions dont fait l’objet l’homme qui vit en conformité avec les commandements de Dieu, qui respecte l’Éternel :

« Heureux es-tu, toi qui révères l’Éternel et qui suis les chemins qu’il a tracés! Tu tireras profit du travail de tes mains, tout ira bien pour toi et tu seras heureux. Dans ton foyer, ta femme sera comme une vigne chargée de nombreux fruits et, autour de ta table, tes fils ressembleront à des plants d’olivier. Ainsi sera béni tout homme qui révère l’Éternel. Oui, l’Éternel te bénira depuis le mont Sion, et tu contempleras Jérusalem heureuse tous les jours de ta vie, tu verras les enfants de tes enfants! Que la paix soit sur Israël! » (Ps 128).


SAMEDI :


Lisons maintenant le Psaume 130, qui est un Psaume d’humiliation, de pénitence, de reconnaissance des fautes commises, mais en même temps un cri de détresse vers le Dieu qui seul pardonne et sauve. Il se termine sur la reconnaissance joyeuse que Dieu fait grâce et sauve. Notez aussi les mots du verset 5 : « j’ai foi en sa parole » témoignant de la confiance totale du psalmiste dans les promesses faites par Dieu. La Parole prononcée par Dieu est totalement digne de confiance.

« Du fond de la détresse, je t’appelle Éternel. Seigneur écoute-moi! Sois attentif à mes supplications! Ô Éternel, si tu retiens nos fautes, Seigneur qui donc subsistera? Mais le pardon se trouve auprès de toi afin qu’on te révère. Moi, je m’attends à l’Éternel, oui je m’attends à lui de tout mon être, j’ai foi en sa parole. Je guette le Seigneur bien plus que les guetteurs n’attendent le matin, oui bien plus que les guetteurs n’attendent le matin. Ô Israël, place ta foi en l’Éternel, car c’est auprès de lui que l’on trouve l’amour : on trouve auprès de lui une parfaite délivrance, et c’est lui qui délivrera Israël de ses péchés » (Ps 130).


DIMANCHE (avant la messe !) :


Ce sentiment d’humilité se retrouve au Psaume suivant (Ps 131) lorsque le psalmiste se compare à un tout petit enfant dans les bras de sa mère :

« Ô Éternel, mon cœur ne s’enfle pas d’orgueil, mes yeux n’ont pas visé trop haut, je ne me suis pas engagé dans des projets trop grands, trop élevés pour moi. Bien au contraire : je suis resté tranquille et dans le calme. Je me sentais comme un nourrisson rassasié dans les bras de sa mère, comme un nourrisson apaisé. Israël, mets ton espérance en l’Éternel, dès maintenant et pour toujours » (Ps 131).


Concluons ce survol des Psaumes des montées avec le Psaume 134, dans lequel les pèlerins, quittant Jérusalem après le pèlerinage, appellent les prêtres au service du Temple à continuer à louer Dieu, tandis que ces derniers les bénissent sur le chemin du retour :

« Ah! Louez l’Éternel, vous tous qui servez l’Éternel, oui, vous qui vous tenez tout au long de la nuit dans la maison de l’Éternel! Levez vos mains vers le lieu saint pour louer l’Éternel! Oui, que depuis Sion l’Éternel te bénisse, lui qui a fait les cieux aussi bien que la terre » (Ps 134).

Un Père de l’Église


Avent : Allons, courage !...


Allons, courage ! Fuis un peu tes occupations,

dérobe-toi un moment au tumulte de tes pensées.

Rejette maintenant tes lourds soucis et laisse de côté tes tracas. Donne un petit instant à Dieu et repose-toi un peu en lui.

Entre dans la chambre de ton esprit, bannis-en tout,

sauf Dieu ou ce qui peut t’aider à le chercher.

Ferme la porte et mets-toi à sa recherche.

À présent, parle, mon cœur, ouvre-toi tout entier et dis à Dieu: Je cherche ton visage;

c’est ton visage, Seigneur, que je cherche.

Extrait du Désir de Dieu de saint Anselme (+ 1099)


Préparons en nous un cœur sans tache, afin que le Seigneur Jésus puisse entrer avec joie et gratitude dans le monde de notre cœur et nous demander l’hospitalité. A lui la gloire et la puissance dans les siècles des siècles ! Amen.

Origène (+254)

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