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IIe Dimanche de l’Avent (C)

Un baptême de conversion… -



Saint Jean-Baptiste enfant,

Paul Dubois (Nogent-sur-Seine, 1829 - Paris, 1905),

Épreuve en bronze à patine brune signée sur la terrasse,

P DUBOIS ROME 1861 et F. BARBEDIENNE Fondeur,

Hauteur : 63 cm / Largeur : 17 cm / Profondeur : 16 cm,

Collection privée


Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 3,1-6)

L’an quinze du règne de l’empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode étant alors au pouvoir en Galilée, son frère Philippe dans le pays d’Iturée et de Traconitide, Lysanias en Abilène, les grands prêtres étant Hanne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, le fils de Zacharie. Il parcourut toute la région du Jourdain, en proclamant un baptême de conversion pour le pardon des péchés, comme il est écrit dans le livre des oracles d’Isaïe, le prophète : Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les chemins rocailleux seront aplanis ; et tout être vivant verra le salut de Dieu.


L’artiste

D’abord destiné au barreau, il fit ses études de droit, mais cédant à une vocation irrésistible, il entra, en 1856, dans l’atelier de Toussaint. Deux ans après, il fut reçu à l’École des Beaux-Arts. Il y travailla peu et partit pour l’Italie. Il en revint en 1863 et débuta la même année au Salon où il obtînt une troisième médaille dans la section de sculpture. Son Chanteur florentin, exposé en 1865, lui valut la médaille d’honneur du Salon. De 1867 à 1873, il s’abstint d’exposer et reparut au Salon pour obtenir deux médailles de première classe en 1876 et 1878. En 1876, il devint membre de l’Institut. De cette époque date ses véritables débuts comme peintre. Il s’est surtout fait remarquer comme portraitiste. Depuis 1880, il a exposé assez régulièrement aux sections de peinture et de sculpture. Nommé chevalier de la Légion d’Honneur en 1867, il fut promu officier en 1874, commandeur en 1886 et grand-croix en 1896.


Artiste très intéressant et très épris de son art, Dubois restera une des figures de la fin du XIXe siècle. Administrateur de valeur, il fut successivement conservateur du Musée du Luxembourg et directeur de l’École Nationale des Beaux-Arts. Les travaux qu’il a exécutés en France sont nombreux. Signalons le Monument à Lamoricière, à Nantes, La Jeanne d’Arc de Reims, Anne de Montmorency, à Chantilly.


L’œuvre

Notice du Musée du Louvre

Statue commandée en 1863, mais datée "Rome 1861". Il existe un modèle en plâtre exécuté à Rome, qui figura au Salon de 1863, conservé au Musée des Beaux-Arts de Troyes, par don de l'artiste en 1887. Il y a des moulages en plâtre : au Musée des Beaux-Arts d'Angers, acquis en 1882, un moulage en plâtre au Musée des Beaux-Arts de Troyes, don de Mme Paul Dubois, d'autres moulages en plâtre au Musée et dans l'église de Nogent-sur-Seine, don de Mme Paul Dubois en 1905, une édition en bronze par Barbedienne de 1865 à 1953, en six grandeurs (H 38 cm à H 120 cm), une édition en biscuit par la Manufacture de Sèvres en deux grandeurs (H 68 cm et H 24 cm), un grand bronze un peu différent, exécuté en 1897, conservé à la Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague, et des dessins conservés au Cabinet des Dessins du Musée du Louvre.


Ce que je vois

Un bel enfant, d’une douzaine d’années, est quasiment nu, simplement couvert d’un pagne en poil de bête (sûrement de chameau) tenu par une cordelette et qui ne lui cache que la hanche gauche, et à peine les fesses. Son corps imberbe et peu musclé est dressé vers le ciel dans une attitude légèrement déhanchée, la jambe gauche en appui en arrière. Il tend un doigt vers les cieux de la main droite. À la main gauche, il tient le long du corps une simple croix, quasiment de sa taille, faite de deux bâtons réunis par une ficelle. Toute l’expression de son visage est empreinte d’une profonde détermination, accentuée par une chevelure abondante qui flotte dans le vent. L’œuvre est très belle, à la fois douce par ce jeune corps adolescent, mais aussi virile de par l’attitude du saint.


Le désert

Mais que fait cet enfant dans le désert ? Et pourquoi va-t-il dans un tel dénuement ? Et d’où lui vient cet air sévère et ce doigt impérieux ? De fait, l’évangile de Luc nous a déjà parlé de la naissance de cet enfant, fils inattendu de Zacharie et Élisabeth (Luc 1, 57-80) terminant le récit par ce verset (80) :

L’enfant grandissait et son esprit se fortifiait. Il alla vivre au désert jusqu’au jour où il se fit connaître à Israël.

Le texte grec parle même de « petit enfant » et laisse entendre qu’il partit au désert dès ce moment. Jusqu’à sa manifestation à Israël, c’est-à-dire au moment relaté dans le texte de ce jour. Et l’an 15 du règne de Tibère correspondrait à l’année 30 de notre ère. Jean à 30 ans, six mois de plus que Jésus. Il n’est donc plus enfant... Pourquoi le représenter alors tel ce jeune adolescent ? Peut-être parce que sa voix crie dans le désert depuis plus de quinze ans... Peut-être parce que sa fougue était encore plus forte, moins raisonnée quand il était jeune ?


La fougue de la jeunesse

Notre monde n’aime pas trop la fougue, l’enthousiasme et la conviction. On préfère tellement un bon « consensus mou ». Les lyonnais appellent ça du chèvrechoutisme : de l’art de ménager la chèvre et le chou ! Pourtant, cet enfant, il sait ce qu’il veut. Et rien ne pourra l’arrêter, même pas le désert, encore moins l’absence de public. Il crie ! C’est sa vocation. Il crie parce qu’il y croit. C’est sa foi...


N’aurions-nous pas quelques leçons à en tirer ? Ne sommes-nous pas devenus trop consensuels, trop arrangeants ? N’avons-nous pas troquer nos convictions par un bien triste « pas de vague... », voire un « on a toujours fait comme ça... » ? En fait, n’aurions-nous pas vieilli ? Mais en confondant sagesse et compromis !


Il me plaît de voir ce Jean-Baptiste en adolescent, plein de sa jeunesse et de sa fougue, évitant justement tout compromis jusqu’à mourir de la jalousie d’Hérodiade. J’aime cette vigueur qui le redresse, le met debout, et l’empêche de courber l’échine, de plier. Car il y croit !


Oh, je sais, il faut mettre de l’eau dans son vin... Mais parfois, le vin n’a plus de goût tellement il a été dilué. Comme nos convictions, tellement adaptées, policées, qu’on ne distingue même plus les côtés saillants. Pourtant Jean-Baptiste, par la voix d’Isaïe, nous avait prévenu :

Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les chemins rocailleux seront aplanis ; et tout être vivant verra le salut de Dieu.

La prophétie d’Isaïe

Il est toujours bon d’aller voir le texte original... Isaïe 40, 3-5 :

Une voix proclame : « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large vallée ! Alors se révélera la gloire du Seigneur, et tout être de chair verra que la bouche du Seigneur a parlé. »

Notons la petite curiosité syntaxique due au déplacement de la virgule. Ce n’est pas dans le désert que la voix crie, mais elle crie parlant de nos déserts. Et Jean est plus qu’une voix parmi les autres, il est LA voix. Il est cette voix prophétique. Le prophète est celui qui porte la Parole devant lui. Et c’est bien son cas, l’évangile le dit clairement : « La Parole de Dieu fut adressée à Jean » (verset 2).


Oui, il est cette voix de Dieu qui crie dans le désert, car peu l’entendent, et dans nos déserts, car nos vies sont parfois bien arides... On comprend mieux la fougue de cet enfant, son doigt dressé vers le ciel, et son dénuement.


Son dénuement

Dans le désert, par principe, il n’y a rien. Et même, on peut tout y perdre, jusqu’à la vie. Jean était déjà en ce double désert : presque nu, sans oreille pour l’écouter, ayant tout perdu pour gagner l’essentiel. Car c’est dans le désert que se révèle l’essentiel. Il faut qu’il n’y ait plus rien pour que l’on voit ce qui reste, ce qui est important, ce que toutes les choses inutiles et ineptes nous cachaient. Le livre d’Osée avait déjà parlé de ce désert de conversion dont Jean-Baptiste sera l’accomplissement (Os 2, 16-22) :

C’est pourquoi, mon épouse infidèle, je vais la séduire, je vais l’entraîner jusqu’au désert, et je lui parlerai cœur à cœur. Et là, je lui rendrai ses vignobles, et je ferai du Val d’Akor (c’est-à-dire « de la Déroute ») la porte de l’Espérance. Là, elle me répondra comme au temps de sa jeunesse, au jour où elle est sortie du pays d’Égypte. En ce jour-là – oracle du Seigneur –, voici ce qui arrivera : Tu m’appelleras : « Mon époux » et non plus : « Mon Baal » (c’est-à-dire « mon maître »). J’éloignerai de ses lèvres les noms des Baals, on ne prononcera plus leurs noms. En ce jour-là je conclurai à leur profit une alliance avec les bêtes sauvages, avec les oiseaux du ciel et les bestioles de la terre ; l’arc, l’épée et la guerre, je les briserai pour en délivrer le pays ; et ses habitants, je les ferai reposer en sécurité. Je ferai de toi mon épouse pour toujours, je ferai de toi mon épouse dans la justice et le droit, dans la fidélité et la tendresse ; je ferai de toi mon épouse dans la loyauté, et tu connaîtras le Seigneur.

Dans le désert

C’est dans le désert que Dieu a parlé coeur à coeur avec Jean-Baptiste. Comme pour la fiancée d’Osée, il retrouve sa jeunesse, sa vigueur. C’est là que Dieu l’épouse dans la justice, le droit, la fidélité, la tendresse et la loyauté. Comment pourrions-nous ne pas nous y rendre pour vivre ces mêmes épousailles ? Ce désert est intérieur. Qu’il nous soit donné : notre solitude, nos difficultés de vie intérieure, notre abandon. Ou qu’il soit à chercher : la prière, le silence, la retraite spirituelle.


Il est, en tout cas, une chose sure : on ne peut entendre la Voix de Dieu s’il n’y a pas désert de bruits, c’est-à-dire le silence... Savons-nous encore faire silence ? Même dans nos liturgies ?

Traverser le tumulte, la rumeur, le rêve, la lutte, le plaisir, le travail, la douleur, le silence ; se reposer dans le sacrifice, et, là, contempler Dieu ; commencer à Foule et finir à Solitude, n’est-ce pas, les proportions individuelles réservées, l’histoire de tous ?
Victor Hugo, Les contemplations (1856)

« Tout homme est religieux, dans la mesure où il est capable d'attention et de silence » disait Jean Guitton... Et en inversant la phrase, si nous ne sommes pas capables d’attention et de silence, si nous ne cherchons pas retraite au désert, alors nous ne serons pas reliés à Dieu (c’est le sens du mot religieux).


L’avent

Le temps de l’avent, de ce qui va advenir, c’est le temps du silence du désert. C’est le temps où l’on écoute ce que Dieu proclame (et le mot en grec se dit kérygme : que l’on pourrait presque traduire par « essentiel », « noyau dur »). Un temps de silence pour préparer notre désert, en revenir au lieu de conversion de l’Exode, prototype de tous les « retours » à venir. Un temps pour...

  • Préparer le chemin du Christ en notre coeur, dans le désert de nos vies ;

  • Se convertir, redresser nos vies, rendre droits le sentier qu’il va emprunter ;

  • Combler nos manques, nos ravins, par sa simple présence, par la prière ;

  • Pour abaisser notre orgueil, montagne qui nous écrase ;

  • Pour redresser notre pensée, nos convictions, notre foi trop souvent tortueuses ;

  • Pour aplanir les rocailles de nos disputes et dissensions ;

  • Pour apercevoir puis voir le salut de Dieu qui réside au plus profond de nous-mêmes, dans notre désert personnel...



Charles de Foucauld et l’attrait du désert


Extrait du site de la revue La Nef


Le désert, le silence, la solitude, ne sont pas des fins en soi, ce sont des moyens, de bons moyens au service de la mission. Mettons-nous à l’école du Bienheureux Charles de Jésus.


«L’Évangile me montra que le premier commandement est d’aimer Dieu de tout son cœur et qu’il fallait tout enfermer dans l’amour ; chacun sait que l’amour a pour premier effet l’imitation. Il me sembla que rien ne me présentait mieux cette vie que la Trappe. » Mais la Trappe ne suffit pas au « frère Albéric ». La cabane au fond du jardin des clarisses de Nazareth ne suffit pas non plus au « frère Charles ». Il veut prendre l’avant-dernière place puisque Jésus a pris la dernière ! Il partira donc au désert.


De plus, sur le conseil des supérieures clarisses de Nazareth, il retourne à la Trappe de Notre-Dame des Neiges pour devenir prêtre et ainsi pouvoir mettre Jésus là où il n’est pas encore sacramentellement. Il ira donc le rendre réellement et substantiellement présent à Béni-Abbès d’abord, puis, à l’invitation de son ami le commandant Laperrine, au milieu des Touaregs à Tamanrasset dans le Hoggar. Là, il pourra passer des heures agenouillé juste devant le tabernacle ou devant l’ostensoir pour adorer son Seigneur et son Dieu dans le silence. Ce silence dont le cardinal Sarah chante l’absolue nécessité pour nous aussi aujourd’hui. Un silence qui aide à s’ouvrir à la présence de Dieu.


LE BIENFAIT DU SILENCE : SE REMPLIR DE DIEU


« Il faut passer par le désert et y séjourner pour recevoir la grâce de Dieu ; c’est là qu’on se vide, qu’on chasse de soi tout ce qui n’est pas Dieu et qu’on vide complètement cette petite maison de notre âme pour laisser toute la place à Dieu seul. Les Hébreux ont passé par le désert, Moïse y a vécu avant de recevoir sa mission, saint Paul, saint Jean Chrysostome se sont aussi préparés au désert… C’est un temps de grâce, c’est une période par laquelle toute âme qui veut porter des fruits doit nécessairement passer. Il lui faut ce silence, ce recueillement, cet oubli de tout le créé, au milieu desquels Dieu établit son règne et forme en elle l’esprit intérieur : la vie intime avec Dieu, la conversation de l’âme avec Dieu dans la foi, l’espérance et la charité. Plus tard l’âme produira des fruits exactement dans la mesure où l’homme intérieur se sera formé en elle. […] On ne donne que ce qu’on a et c’est dans la solitude, dans cette vie seul avec Dieu seul, dans ce recueillement profond de l’âme qui oublie tout pour vivre seule en union avec Dieu, que Dieu se donne tout entier à celui qui se donne ainsi tout entier à lui. Donnez-vous tout entier à lui seul… et il se donnera tout entier à vous. […] Regardez saint Paul, saint Benoît, saint Patrice, saint Grégoire le Grand, tant d’autres, quel long temps de recueillement et de silence ! Montez plus haut : regardez saint Jean Baptiste, regardez Notre Seigneur. Notre Seigneur n’en avait pas besoin, mais il a voulu nous donner l’exemple… Rendez à Dieu ce qui est à Dieu… » (lettre au Père Jérôme du 19 mai 1898).


LE DÉSERT : UN LIEU À ÉVANGÉLISER


Pour le Père de Foucauld, le « désert » désigne les 40 jours que Jésus a voulu passer en retraite, « poussé par l’Esprit-Saint », pour y jeûner et y prier avant de prêcher la bonne nouvelle du Royaume. Mais comme il ne peut pas suivre toute sa vie cet exemple, frère Charles va chercher à vivre « comme à Nazareth ». « Quand on aime, on voudrait parler sans cesse à l’être qu’on aime, ou au moins le regarder sans cesse : la prière n’est pas autre chose : l’entretien familier avec notre Bien-Aimé : on Le regarde, on Lui dit qu’on L’aime, on jouit d’être à Ses pieds. » Il ne s’agit pas de partir au désert pour ne voir personne, mais au contraire d’attirer à Jésus à travers sa Présence et par une présence charitable. Être le « frère universel » qui imite Jésus, qui adore Jésus pour sauver les âmes des musulmans, des Touaregs, des soldats français. « Pour l’extension du saint Évangile : je suis prêt à aller au bout du monde et à vivre jusqu’au jugement dernier… », « Mon Dieu, faites que tous les humains aillent au ciel ! » « Aujourd’hui, j’ai le bonheur de placer – pour la première fois en pays touareg – la Sainte Réserve dans le Tabernacle ». « Cœur Sacré de Jésus, merci de ce premier Tabernacle des pays Touaregs ! Qu’il soit le prélude de beaucoup d’autres et l’annonce du salut de beaucoup d’âmes ! Cœur Sacré de Jésus, rayonnez du fond de ce Tabernacle sur le peuple qui Vous entoure sans Vous connaître ! Éclairez, dirigez, sauvez ces âmes que Vous aimez ! » « Envoyez de saints et nombreux ouvriers et ouvrières évangéliques chez les Touaregs, au Sahara, au Maroc, partout où il en faut ; envoyez-y de saints petits frères et petites sœurs du Sacré Cœur, si c’est votre Volonté ! »


Nous savons, nous, que telle ne fut pas la Volonté du Seigneur : Charles resta seul. Sa vie, il faut bien le dire, était trop difficile à imiter et à suivre. « Il faudrait que le pays fût couvert de religieux, religieuses et de bons chrétiens restant dans le monde pour prendre contact avec tous ces pauvres musulmans et pour les instruire ». « Mon apostolat doit être l’apostolat de la bonté. Si l’on demande pourquoi je suis doux et bon, je dois dire : “Parce que je suis le serviteur d’un bien plus bon que moi” ». « Demain, dix ans que je dis la Sainte Messe dans l’ermitage de Tamanrasset ! Et pas un seul converti ! Il faut prier, travailler et patienter. »


« Quand le grain de blé qui tombe à terre ne meurt pas, il reste seul ; s’il meurt, il porte beaucoup de fruits » : « Frère Charles » est tombé dans le sable du désert, une balle dans la tête, et il a porté du fruit !

Abbé Laurent Spriet



Homélie d'Origène (+ 253), Homélies sur saint Luc. 21. SC 87, 292-299

La parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, fils de Zacharie, et il parcourait toute la région du Jourdain (Lc 3,2-3). Ce sont évidemment ces lieux proches du Jourdain que Jean devait parcourir : ainsi celui qui voulait faire pénitence pourrait facilement être plongé dans l'eau.


Le nom de "Jourdain" signifie: "celui qui descend." Le fleuve de Dieu "qui descend" avec la puissance d'un flot abondant, c'est le Sauveur, notre Seigneur, en qui nous sommes baptisés dans l'eau véritable, dans l'eau du salut.


Jean Baptiste prêche un baptême pour le pardon des péchés (Lc 3,4) : "Venez, catéchumènes, faites pénitence afin de recevoir le baptême pour le pardon des péchés. Il reçoit ce baptême pour le pardon des péchés, celui qui cesse d'en commettre. Mais celui qui vient au baptême en demeurant dans le péché, ses péchés ne lui sont pas pardonnes. Ainsi, je vous en conjure, ne venez pas au baptême sans réflexion et examen attentif : donnez d'abord des fruits qui expriment votre conversion (Lc 3,8). Ayez pendant quelque temps une conduite honorable, gardez-vous purs de toutes les souillures et de tous les vices, et vous recevrez le pardon de vos péchés quand vous aurez commencé vous-mêmes à mépriser vos propres péchés. Quittez ces fautes, et l'on vous en tiendra quittes.


La citation de l'Ancien Testament, qui est alléguée ensuite, se lit chez le prophète Isaïe : Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers (cf. Is 40,3). Quel chemin allons-nous préparer pour le Seigneur ? Un chemin matériel ? Mais la Parole de Dieu suit-elle un pareil chemin ? Ou faut-il préparer au Seigneur une route intérieure, et ménager dans notre coeur des sentiers droits et unis ? Tel est le chemin par lequel est entré le Verbe de Dieu qui s'installe dans le coeur humain, capable de l'accueillir.


Il est grand le coeur de l'homme, il est spacieux et hospitalier, pourvu qu'il soit pur. Voulez-vous connaître son ampleur et sa largeur ? Voyez quelle abondance de connaissances divines il peut embrasser ! Il le dit lui-même : Il m'a donné une connaissance exacte du réel. Il m'a appris la structure de l'univers et l'activité des éléments, le commencement, la fin et le milieu des temps, les alternances des solstices et les changements de saisons, les cycles de l'année et les positions des astres, les natures des animaux et les humeurs des bêtes sauvages, les impulsions violentes des esprits et les pensées des hommes, les variétés des plantes et les vertus des racines (Sg 7,17-23). Vous voyez qu'il n'est pas petit, le coeur des hommes, pour embrasser tant de choses ! Entendez cette grandeur non de ses dimensions physiques, mais de la puissance de sa pensée, capable d'embrasser une aussi grande connaissance de la vérité.


Pour amener tous les gens simples à reconnaître la grandeur du coeur humain, j'apporterai quelques exemples familiers. Toutes les villes que nous avons traversées, nous les gardons dans notre esprit : leurs caractéristiques, la situation des places, des remparts et des édifices demeurent dans notre coeur. Le chemin que nous avons parcouru, nous le conservons dessiné et inscrit dans notre mémoire ; la mer où nous avons navigué, nous la contenons dans notre pensée silencieuse. Je le répète, il n'est pas petit le coeur qui peut embrasser tant de choses ! Et s'il n'est pas petit pour embrasser tant de choses, on peut bien y préparer le chemin du Seigneur et rendre droit son sentier, pour que puisse y marcher celui qui est la Parole et la Sagesse. Préparez le chemin du Seigneur par une conduite honorable, par des oeuvres excellentes; aplanissez le sentier afin que le Verbe de Dieu marche en vous sans rencontrer d'obstacle et vous donne la connaissance de ses mystères et de son avènement, lui à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen (1P 4,11).


Prière

Seigneur tout-puissant et miséricordieux, ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de ton Fils ; mais éveille en nous cette intelligence du coeur qui nous prépare à l'accueillir et nous fait entrer dans sa propre vie. Lui qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.

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