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IIIe dimanche de l’Avent (B)

Un chemin vers la Lumière -



Le portail central du narthex,

Anonyme,

Vers 1140,

Basilique Sainte Marie-Madeleine, Vézelay (France)

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 1,6-8.19-28.

Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean. Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière. Voici le témoignage de Jean, quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? » Il ne refusa pas de répondre, il déclara ouvertement : « Je ne suis pas le Christ. » Ils lui demandèrent : « Alors qu’en est-il ? Es-tu le prophète Élie ? » Il répondit : « Je ne le suis pas. – Es-tu le Prophète annoncé ? » Il répondit : « Non. » Alors ils lui dirent : « Qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? » Il répondit : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. » Or, ils avaient été envoyés de la part des pharisiens. Ils lui posèrent encore cette question : « Pourquoi donc baptises-tu, si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? » Jean leur répondit : « Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ; c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. » Cela s’est passé à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain, à l’endroit où Jean baptisait.


Narthex…

Le narthex… Ce lieu surprenant, antichambre des catéchumènes d’où ils étaient instruits avant leur baptême. Un lieu où l’on se prépare, où l’on trace des chemins dans sa vie pour le Christ, où l’on cherche la lumière pour son âme. Qui mieux que Jean-Baptiste pouvait accueillir tous ceux qui se préparaient au baptême que Jean le Baptiste ? Il est là, sur le trumeau (pièce verticale qui supporte le linteau du tympan).



Saint Jean-Baptiste…

Hiératique, il porte dans une grande hostie l’Agneau de Dieu, Celui que recevront les nouveaux baptisés communiant pour la première fois au Corps du Sauveur. Sur la reconstitution de Viollet-le-Duc, ses yeux paraissent clos, il baisse le regard sur Celui dont il n’est pas digne de délier les sandales. Il porte celui qui le porte. Accroché à ses épaules, son manteau en poils de chameau ne semble pas empêcher sa robe de voler au souffle de l’Esprit de Pentecôte qui vient du tympan. Il se laisse porter par ce vent dont nul ne sait d’où il vient, ni où il va.



Même s’il porte la tenue d’Élie, le grand prophète dont tous attendent le retour glorieux, prémices de la fin des temps, il n’est pas le Prophète. Il est un humble serviteur aux pieds de son Maître. Sa mission est de nous présenter Jésus. Ceux qui le regardent, dans ce narthex, allaient aussi recevoir ce baptême d’eau et d’Esprit-Saint promis par le Précurseur.


La porte…

Pour eux, une nuit de Pâques, la porte allait s’ouvrir. Ils allaient emprunter la voie du salut, la voie de la Lumière. Au-dessus de Jean, il y a le Christ, ce Roi solaire qui invite et accueille tous les hommes. Ces catéchumènes vivaient un Avent, à la suite de Jean-Baptiste, ils partaient à l’Avent(ure). Dans leur vie allait advenir la présence du Christ et de son Esprit qui les mèneraient au Père. Cette nuit-là, ils entraient dans la nef par la porte de gauche, dite porte de Jean-Baptiste. Ils le suivaient dans le désert. Avec lui, ils redressaient le chemin de leur vie. Ils recevaient alors le baptême, porte d’entrée dans la vie éternelle.



Un chemin…

Ils cheminaient alors jusqu’à l’autel, jusqu’au Christ ressuscité. Ils entraient ainsi dans la Lumière et cheminaient avec elle. Deux fois par an, aux solstices d’été et d’hiver, ce même chemin de lumière se dessine sur le pavement de la nef, menant jusqu’au chœur de la Basilique. Non, Jean n’est pas la lumière, mais il est bien celui qui rend témoignage au Christ, Lumière née de la Lumière.



L’aventure de l’Avent…

Nous aussi nous sommes en attente dans ce narthex. Nous aussi nous attendons d’être baptisés dans la Lumière. Nous aussi nous espérons être emportés par le vent de l’Esprit. Nous sommes en attente, en Avent… Jean-Baptiste nous invite à la confiance. Même si la peur de rencontrer les tribus surprenantes qui peuplent le linteau peut nous paralyser ; même si le rythme des saisons qui entourent le tympan (dans les deux demi-cercles les plus extérieurs) peut nous endormir ; même si le message aux sept Églises de l’Apocalypse (dans les carrés des deux demi-cercles) peut nous effrayer, la paix de l’Agneau de Dieu que présente Jean doit nous rassurer et nous permettre de nous mettre debout, de pousser la porte et d’entrer. L’Avent, c’est accepter de pousser la porte, d’entrer au désert, de suivre Jean-Baptiste, de chercher le chemin de lumière. L’Avent, c’est une aventure !



Un Avent baptismal ?

Tout Avent se devrait d’être le rappel du chemin que nous avons parcouru depuis notre baptême. Tout Avent se devrait d’être un regard sur notre désert intérieur. Rassurez-vous, c’est quand on est dans le désert que l’on peut repérer l’essentiel ! Tout Avent devrait se vivre dans un narthex intérieur, lieu et temps où nos yeux s’habituent aux ténèbres pour y voir la lumière attendue à Noël ; lieu et temps où l’on apprend à retrouver une hiérarchie (un ordre sacré) : en haut Jésus, sous ses pieds les nations, à ses pieds le Précurseur. Au sommet de ma joie, mon Dieu. Son piédestal, ma vie dans le monde. En-dessous, au plus profond de moi-même, Jean qui veut me mener au Christ. Il est cette voix que je ne peux entendre que si je me retire dans mon narthex intérieur. Il est cette voix qui me montrera la voie la nuit de Noël.


De Noël à Pâques…

Dans la nuit de la Nativité, nous entendrons une autre voix résonner dans les ténèbres. C’était celle de la libération, c’est celle de Jean-Baptiste, c’est celle de Jésus qui nous appelle. Il frappe à la porte et attend que nous ouvrions. Poussons la porte. Jésus nous attend derrière. Poussons la porte, la lumière va dessiner le chemin jusqu’à l’autel. Revivons notre baptême et ce temps de l’Avent. Écoutons le Baptiste qui nous montre l’Agneau de Dieu, la vraie Lumière.


Redressez le chemin du Seigneur…

Poussons la porte et découvrons ce chemin à redresser. En effet, lorsque l’on regarde de près le texte, on peut être surpris du changement de traduction du texte grec. Voici quelques années, avant la nouvelle traduction liturgique, on lisait : « Aplanissez le chemin du Seigneur ». Aujourd’hui, nous ne sommes plus appelés à aplanir, mais à redresser.


Ce qui est à redresser, c'est ce qui n’est plus droit, qui est faussé, qui est tordu. Quel peut donc être ce chemin du Seigneur qui serait faussé ? Saint Jean-Paul II, dans son encyclique Redemptor Hominis du 04 août 1979, nous rappelle que le Christ est le chemin de tout homme, et de tout l’homme. Serait-donc lui qui est faussé ? Non, c’est nous qui sommes faussés, qui ne sommes plus droits, et qui rendons difficile le parcours de Jésus dans nos vies. Car il est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6). Un chemin dont il nous est parfois difficile de voir où il mène. Mais pourrait-il nous mener ailleurs que vers notre bonheur ? Un chemin où il nous faut faire la vérité pour obtenir la vie.


Mais qu'elle est cette vérité ? La vérité sur nous-mêmes peut-être… Reconnaître que notre chemin personnel, notre parcours est souvent dévié, faussé, tordu. Un chemin où la patience n’a pas toujours place. Patience de laisser Dieu nous mener tranquillement vers « des près d’herbe fraîche » (Ps 23). Patience de nous laisser progresser à un rythme raisonnable. Le temps n’est pas notre ennemi mais notre allié ! Un de nos trois alliés…


Premier allié : le temps

Et Dieu nous laisse le temps de redresser notre chemin. Nous sommes toujours trop pressés. Nous n’arriverons plus à prendre le temps. Prendre le temps de contempler, de nous émerveiller. Prendre le temps de veiller. Prendre le temps de laisser notre eau intérieure reposer, le temps de distinguer le clair du trouble… Et Dieu nous laisse ce temps, car une des grandes vertus de Dieu est la patience. Il suffit de relire les milliers de pages de la Bible pour découvrir que Dieu laisse toujours le temps à son peuple de se convertir. Il laisse le temps à son peuple, à chacun d’entre nous de regarder notre vie, de repérer ce qui est faussé, dévié, de laisser l’Esprit-Saint nous aider à « rendre droit ce qui est tordu » (Veni Sancte Spiritus). Il est vrai que pour redresser une barre de fer tordue, il faut du temps. Il est vrai qu’il faut du temps au sculpteur pour extraire du bout de bois une superbe statue, surtout quand le bois est dur et noueux comme celui de l’olivier ! Il est vrai qu’il faut du temps au potier pour façonner son oeuvre, comme le dit le prophète Jérémie (18, 6) : « Ne puis-je pas faire de vous comme fait ce potier, ô maison d’Israël ?… Voici, comme est l’argile dans la main du potier, ainsi êtes-vous dans ma main, ô maison d’Israël ! » Laissons-lui le temps de nous façonner. Laissons-nous le temps de nous convertir. Il ne s’agit pas d’attendre, mais de laisser le temps à la grâce pour agir.


Deuxième alliée : la grâce

Car elle est notre deuxième alliée. Voilà bien un mot que nous n’utilisons plus beaucoup. Certainement parce qu’il semble un peu teinté de XIXe siècle, un peu suranné. Et pourtant, la grâce n’est-elle plus de notre temps ? Oh que si ! Elle n’a jamais été autant urgente. Dans un monde qui veut tout maîtriser, qui veut tout calculer, mesurer, tenir, quelle place laissons-nous à l’inconnu, à la liberté, à la grâce de Dieu ? Comment lui laissons-nous la possibilité d’agir en nous ? Comment lui laissons-nous la possibilité du miracle ? N’enfermons-nous pas notre Dieu dans nos conceptions humaines ? Et pourtant, comme le rappelait Maurice Clavel dans le titre d’un de ses livres : Dieu est Dieu, nom de Dieu ! N’enfermons pas Dieu, laissons la grâce agir en nous. Ouvrons-nous à la grâce. C’est peut-être ça le mystère de Noël qui approche : s’ouvrir à la grâce de Dieu, en faisant taire notre raison. « Il suffit d’y croire », disait Bernadette de Lourdes…


Troisième alliée : une foi du cœur

Car la grâce ne nous demande qu’une chose : y croire ! Pas simplement avoir la foi, expression à laquelle nous associons inconsciemment une compréhension de la foi. Mais voilà l’erreur, mettre les choses dans le mauvais sens. Mettre l’intelligence avant le cœur. Croire que nous aurons la foi parce que nous comprenons. Non ! C’est parce que nous nous jetons dans la foi que nous en avons l’intelligence, pas l’inverse. Trop souvent, nous ne croyons pas avoir cette foi, que l’on pourrait qualifier d’aveugle. Mais c’est notre raison qui nous dit cela, pas notre cœur. Si vous écoutez votre cœur, si vous vous ouvrez à la grâce, alors vous entendez cette petite voix qui vous dit d’y croire, qui vous susurre d’oser, d’oser rêver, d’oser veiller, d’oser vous émerveiller. Oui, les miracles existent encore aujourd’hui ! Et le premier miracle possible est celui de notre conversion. Le premier miracle que Dieu peut faire est de nous redresser : redresser notre esprit, redresser notre cœur et redresser notre corps. Il ne veut que notre bonheur, car « nous avons du prix à ses yeux » (Isaïe 43, 17).

Alors, pour nous redresser, laissons le temps à Dieu, soyons patients, laissons la grâce nous pénétrer aux tréfonds de nous-même pour nous redresser. Il suffit d’y croire !




Homélie de Jean Scot Érigène (+ après 870), Homélie sur le Prologue de Jean, ch. 15; SC 151, 275-277.

Comme il est logique, c'est Jean qui introduit Jean dans son discours sur Dieu ; l'abîme appelant l'abîme à la voix des mystères divins (cf. Ps 41,8) : l'Évangéliste raconte l'histoire du Précurseur. Celui qui reçut la grâce de connaître le Verbe au commencement (Jn 1,1) nous renseigne sur celui qui reçut la grâce de venir en avant du Verbe incarné. Il y eut, dit-il. Il ne dit pas simplement : Il y eut un envoyé de Dieu, mais il y eut un homme (Jn 1,6). Il parle ainsi afin de distinguer le Précurseur, qui participe seulement de l'humanité, et l'homme qui, unissant étroitement en lui divinité et humanité, est venu ensuite : afin de séparer la voix qui passe du Verbe qui demeure toujours de façon immuable, afin de suggérer que l'un est l'étoile du matin qui apparaît à l'aube du Royaume des cieux, et de déclarer que l'autre est le soleil de justice qui lui succède. Il distingue le témoin de celui auquel il rend témoignage, celui qui est envoyé de celui qui envoie, la lampe vacillante de la lumière splendide qui remplit l'univers et qui, pour le genre humain tout entier, dissipe les ténèbres de la mort et des péchés.


Ainsi le Précurseur fut l'homme du Seigneur, non pas Dieu ; le Seigneur, dont il fut le Précurseur, fut à la fois homme et Dieu. Le Précurseur fut un homme qui deviendrait Dieu par la grâce. Celui dont il prépare la venue était Dieu par nature; il devait se faire homme par humilité, et parce qu'il voulait opérer notre salut et notre rachat.

Un homme fut envoyé. Par qui ? Par le Dieu Verbe qu'il a précédé. Sa mission était d'être Précurseur. C'est dans un cri qu'il envoie sa parole devant lui : A travers le désert, une voix crie (Mt 3,3). Le messager prépare l'avènement du Seigneur. Son nom était Jean, signifiant que la grâce lui a été donnée d'être le Précurseur du Roi des rois, le révélateur du Verbe inconnu, le baptiseur en vue de la naissance spirituelle, le témoin, par sa parole et son martyre, de la lumière éternelle.


Prière

Tu le vois, Seigneur, ton peuple se prépare à célébrer la naissance de ton Fils ; dirige notre joie vers la joie d'un si grand mystère, pour que nous fêtions notre salut avec un coeur vraiment nouveau. Par Jésus Christ.

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