La grâce de la chair…

Jésus ressuscité apparaît aux Apôtres
Jean RAVY, de 1318 à 1344, puis Jean le BOUTEILLER, de 1344 à 1351
Sculptures peintes sur pierre
Mur sud de clôture du chœur
Cathédrale Notre-Dame, Paris (France)
Évangile de Jésus-Christ selon Saint Luc 24, 35-48
En ce temps-là, les disciples qui rentraient d’Emmaüs racontaient aux onze Apôtres et à leurs compagnons ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain. Comme ils en parlaient encore, lui-même fut présent au milieu d’eux, et leur dit : « La paix soit avec vous ! » Saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai. » Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds. Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Ils lui présentèrent une part de poisson grillé qu’il prit et mangea devant eux. Puis il leur déclara : « Voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. » Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures. Il leur dit : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. À vous d’en être les témoins. »
Le mur de clôture


La Cathédrale de Paris — malheureusement interrompue aujourd’hui suite à l’incendie — poursuit sa mission de prière grâce à un chapitre de chanoines qui se réunit plusieurs fois par jour, dans le chœur de la cathédrale, afin de réciter ensemble l’office liturgique pour le diocèse. Cette prière demande calme, tranquillité et sérénité. C’est l’objet de la clôture du chœur qui permet de garder cette atmosphère pour le chapitre réuni. Elle fut édifiée en 1300 et 1351 par Pierre de Chelles, Jean Ravy et Jean Le Bouteiller. Elle assure, en outre, un rôle d’enseignement pour le peuple qui circulait dans l’édifice. Ainsi, les deux faces extérieures sont ornées de diverses scènes du Nouveau Testament.
La clôture nord illustre quatorze scènes sculptées, historiées, en haut-relief, de la Vie de Jésus, de son enfance à sa Passion ; une grande frise présente une composition très dense où des personnages peints, en haut-relief, se détachent sur un fond unifié. Les sculptures sont caractéristiques de la tradition du XIIIe siècle : souci de réalisme dans l'expression des visages, volonté d'analyser les sentiments, silhouettes élancées, yeux en amande...
La clôture sud présente un ensemble plus évolué. Neuf scènes, délimitées par des colonnettes, s'inscrivent dans un cadre rigoureux. Les sculptures en ronde-bosse offrent un style plus figé. L'iconographie, originale, représente les apparitions du Christ de Pâques à son Ascension.
Aux XIXe siècle, lors des travaux de réhabilitation de la cathédrale dirigés par Viollet-le-Duc, la polychromie, de ces scènes recouvertes de badigeon au XVIIIe siècle, a dû être restaurée. La conception de ces tableaux rappelle les mises en scène jouées dans (ou sur le parvis) la cathédrale au Moyen-Âge. Pour une société dont la majorité ne savait ni lire ni écrire, ils étaient à visée didactique. Pour nos contemporains, ils évoquent le procédé de la bande dessinée.
Albert le Grand disait bien (vieux français facilement compréhensible) :
« À plusieurs gens ont moult valu,
Qui n’entendent les escriptures,
Exemples, histoires, peintures,
Faictes ès moustiers et palais ;
Ce sont les livres des gens lais.
En especial l’exemplaire,
Des personnages leur doit plaire
Qui sont des fais de Jhesucris
Selonc que mettent les escrips
Et les livres de saincte Eglise. »
Que voit-on ?
Une scène en image. Plutôt devrions-nous dire en trois images. Trois images de la visite du Christ Ressuscité aux apôtres. D’abord la marche avec les deux disciples d’Emmaüs et le repas, puis la rencontre avec les disciples (relatée dans l’évangile de ce jour), et enfin l’apparition à Thomas incrédule.
Deux groupes bien distincts, séparés par le Christ au centre. Tous, sauf le dernier à droite, portent une tunique bleu nuit, et dessus, un manteau sur les épaules, de diverses couleurs.
Au centre de la scène, sur un fond doré, Jésus debout, hiératique, porte un manteau brodé de croix pattées. Il tient un livre dans la main gauche tandis que sa main droite, sur laquelle on distingue la plaie de la crucifixion, désigne de l’index, ou son cœur, ou le groupe adjacent des disciples.
Sur sa droite, un groupe de quatre apôtres. Le premier tient en sa main un poisson, et derrière lui, un autre tient ce qui semble être un pain, de même le quatrième en retrait.
Sur sa gauche, un groupe de cinq apôtres. Ils se tiennent devant une table recouverte d’une nappe, sur laquelle le dernier personnage vient de déposer un pain. Celui-ci ne porte pas de manteau, et sa tunique ressemble étrangement à une dalmatique (habit liturgique du diacre) ainsi qu’une étole qu’il porte sur l’épaule, comme le diacre. Il tend la main vers le Christ, comme pour le désigner à l’autre groupe.
On a là l’illustration précise de la scène décrite dans l’évangile. Un groupe est déjà à la maison et accueille les deux disciples d’Emmaüs qui rentrent de leur périple. Il est cependant difficile de repérer qui ils sont, leurs tenues (les tuniques sont courtes dans la scène précédente), leurs visages, ne se retrouvent pas dans la pièce centrale. On peut imaginer que les disciples d’Emmaüs sont les deux premiers à gauche, portant encore, comme un témoignage, le reste du repas partagé avec le Maître avant qu’il ne disparaisse à leurs yeux. À moins que ce ne soit deux des personnages de droite, évoquant ce qu’ils viennent de vivre, mimant la scène devant la table ? Ce qui expliquerait le geste de celui de droite, dont la main semble attester de la véracité de ce qu’ils viennent de vivre : la preuve, le voilà !
Car, comme le raconte l’évangile, Jésus vient d’apparaître au milieu d’eux, alors qu’ils racontaient l’événement qu’ils venaient de vivre. Sa main droite montre autant ses plaies, qu’elle ne désigne le groupe qu’il a déjà rencontré à Emmaüs, comme pour rendre témoignage à ce qu’ils viennent de conter. À la demande de Jésus, ils apportent poisson et pain pour le nourrir, et vérifier ainsi que ce n’est pas un fantôme.
Un fantôme ?
Car c’est bien là la question que Jésus veut clore à leurs yeux. Ils ont une apparition, dont acte. Mais ce n’est pas l’apparition d’un pur esprit, ce n’est pas une projection de leur imagination, ce n’est pas un rêve éveillé, ce n’est pas une image inventée. C’est bien lui ! Et lui, en chair et en os. Lui que l’on peut toucher. Lui qui mange. Un fantôme n’a pas de chair, un fantôme ne peut se toucher, un fantôme ne mange pas. Et la preuve que c’est bien lui, ce sont ses plaies. Alors, serait-ce cela la résurrection de la chair ?
La résurrection de la chair
Question difficile de notre foi. Déjà, croire en la résurrection n’est pas chose facile. Mais croire, en plus, que notre chair ressuscitera, ça tient de l’exploit ! Que nous en dit l’Église dans son Compendium du Catéchisme de l’Église Catholique ?
202. Que signifie le terme chair ? Quelle est son importance ?
Le terme chair désigne l’homme dans sa condition de faiblesse et de mortalité. « La chair est le pivot du salut » (Tertullien). En effet, nous croyons en Dieu, créateur de la chair; nous croyons au Verbe fait chair pour racheter la chair, nous croyons en la résurrection de la chair, achèvement de la création et de la rédemption de la chair.
203. Que signifie la « résurrection de la chair » ?
Cela signifie que l’état définitif de l’homme ne sera pas seulement l’âme spirituelle séparée du corps, mais que nos corps mortels sont aussi appelés à reprendre vie un jour.
204. Quel rapport y a-t-il entre la résurrection du Christ et la nôtre ?
De même que le Christ est vraiment ressuscité des morts et vit pour toujours, de même, il nous ressuscitera tous, au dernier jour, avec un corps incorruptible, « ceux qui ont fait le bien ressuscitant pour entrer dans la vie, et ceux qui ont fait le mal ressuscitant pour être jugés » (Jn 5,29).
Voilà des paroles bien difficiles à entendre et à comprendre ! Ce corps de Jésus, sa chair, a été glorifié. Elle est libérée des contingences matérielles et humaines. Il ne mange pas ici car il a faim, mais pour montrer aux apôtres qu’il n’est pas un pur esprit. Peut-être aussi parce qu’il sait que l’homme comprend mieux les choses quand il est autour d’une table ! Mais aussi, et surtout, en cela, il nous montre que la chair n’est pas rien, n’est pas inutile, et ne devrait pas être le cadet de nos soucis dans notre vie chrétienne…
De l’importance de la chair…
Beaucoup de non-chrétiens (et combien de chrétiens) ont une vision erronée de la conception de la chair dans l’Église. Beaucoup prétendent que l’Église condamne la chair, et tout ce qui s’y rapporte. La chair ne serait que le domaine du péché, la résidence de Satan ! Il n’en est rien. Qui plus est, ce serait retirer tout sens à notre foi.
Dieu s’est fait homme…
Et cette citation de l’évangile n’est pas neutre. Dieu a pris chair, il a pris un corps d’homme. Dieu est descendu jusqu’aux hommes, s’est fait l’un d’eux, pour que l’homme devienne totalement, pleinement à son image. Oui, comme l’a déclaré Tertullien : « la chair est le pivot du salut ! » En prenant chair, le Christ vient redonner sens à notre corps, il vient lui rendre sa pleine valeur et sa juste place.
Quelle place à la chair ?
Certainement pas une place négative comme tant d’hérésies qui ont voulu la nier. Il suffit de penser aux cathares, qui tout en la dénigrant, se permettait d’en abuser ! Certainement pas, non plus, une place prédominante qui en ferait notre Dieu : je ne maîtrise plus ma chair, c’est elle qui est mon maître ! Mais une juste place. Une place qui lui rend toute sa valeur, en dépendance avec tout ce que je suis.
Une chair au sein d’un corps
Car la chair n’est qu’une partie de mon corps. Mon corps, c’est aussi mon intelligence. Mon corps, c’est aussi mon âme. Mon corps, ce sont aussi mes sens. Comment mes sens pourraient-il être sans une chair pour les porter ? Comment mon intelligence pourrait-elle s’exprimer sans une chair ? Seule mon âme, qui est éternelle, seule mon âme vit, liée à ma chair, mais s’en détachant à sa destruction, avant de s’y adjoindre dans une chair transfigurée aux temps derniers. L’âme est le « nœud » de ma vie en Dieu, ma chair en est le « portant ».
Une chair à estimer
Non à sous-estimer, ni à surestimer, mais à estimer, à sa juste valeur. La chair est le lieu de mes sens. Et j’entre en relation par mes sens. Plus que « je pense donc je suis », je ressens donc je suis ! La chair est l’instrument de ma relation à l’autre. C’est par elle que je vois, que je sens, que je goûte, que j’écoute, que je touche l’autre. Pas de relation réelle sans chair. C’est bien ce que nous a montré le Christ dans cet évangile.
Résurrection de ma chair
C’est bien le sens de la résurrection de la chair : j’entrerai véritablement et totalement en contact avec Dieu, avec le Tout-Autre, mais aussi avec les autres, par l’entremise de ma chair. Et d’une chair qui sera débarrassée de ses impuretés, des scories de son péché, des erreurs de ses déviations, des difficultés de ses déviances. Une chair glorifiée et transfigurée. Une chair future en germe en celle que je porte aujourd’hui. Si je nie celle d’aujourd’hui, Dieu me refusera celle de demain.
Une chair, pivot de ma sainteté
Oui, pivot, lieu de ma sainteté d’aujourd’hui. Car je ne peux atteindre Dieu sans passer par elle. Notre défaut — nous sommes marqués par le jansénisme du XVIIIe siècle et par le puritanisme du XIXe siècle — serait de ne la voir que comme peccamineuse, source de péché. « Le puritanisme, la bégueulerie, la bigotterie [sic], le système du renfermé, de l'étroit, a dénaturé et perd dans sa fleur les plus charmantes créations du bon Dieu. J'ai peur du corset moral, voilà tout » écrivait Gustave Flaubert ! Ne voir en la chair que le lieu du péché, ne voir en la sexualité que la source du mal, ne voir dans le plaisir que la soumission au Diable, c’est peut-être beaucoup de choses, mais certainement pas être chrétien ! Alors, voyons-y plutôt le lieu de ma sainteté, un instrument à « positiver » plus qu’à nier.
La grâce de la chair
Car il peut y avoir une grâce dans la chair. La preuve en est que les sacrements en ont besoin pour que cette grâce inhérente y soit efficace. Voyons en notre chair, le lieu où Dieu peut aussi se révéler, où le Christ peut aussi s’incarner. Élisabeth de la Trinité de disait-elle pas : « Ô Feu consumant, Esprit d'amour, survenez en moi afin qu'il se fasse en mon âme comme une incarnation du Verbe ; que je Lui sois une humanité de surcroît, en laquelle il renouvelle tout son mystère. » Que ma chair soit une humanité de surcroît pour le Christ, que je sois, ne serait-ce que par l’onction chrismale que j’ai reçue, un Alter Christus, un autre Christ.
Un autre regard sur ma chair
Cela me demande de changer de regard sur ma propre chair. Ne plus la voir comme un bagage encombrant, comme quelque chose qui m’est lourd, comme la source de tous mes maux. Mais la regarder comme le lieu de la grâce, comme la chair qu’aime le Christ, car il m’aime tout entier, chair, esprit et âme. Et du même coup, cela m’appelle à porter aussi un autre regard sur ce qui constitue ma chair.
Touchez-moi !
Mes sens me mettent en relation. En relation avec les choses, avec les autres, avec moi-même, avec mon propre corps et avec Dieu. « Touchez-moi » dit Jésus. Comment vivre sans nos sens ? Comment vivre sans toucher ? Il suffit de visiter un musée de sculptures avec des aveugles pour comprendre ce que cela veut dire ! Comment ressentir de l’amour sans toucher l’autre, sans caresser une peau ? Comment exprimer ma compassion à celui qui souffre sans lui offrir mon bras ? Je ne peux que me rappeler ma propre frustration lorsqu’à l’imposition des mains, à l’ordination, des prêtres ne me touchaient pas, mais élevaient simplement leurs mains au-dessus de ma tête. Nous avons besoin de toucher et d’être touchés (nous en faisant l’expérience douloureuse en ce temps de pandémie) ! Ces gestes disent parfois bien plus que des paroles. Et cela, nous pourrions le dire pour tous nos autres sens : ouïe, odorat, goût et vue ! Je vous laisse en faire la déclinaison…
Un corps de chair
Permettez-moi de profiter de cet évangile pour aller un peu plus loin. Il est un sujet sur lequel l’Église est souvent attaquée, pour ne pas dire condamnée, c’est celui de la sexualité. Il est parfois vrai que l’on parle trop souvent du péché, pas assez des vertus ! Et là encore, osons un regard qui soit celui de la vertu, de la grâce, et non péché et de la condamnation. La sexualité est certainement le plus beau cadeau que Dieu fit à l’homme. En effet, c’est avec elle que l’homme aime, c’est par elle que l’homme donne la vie. En ce, sa mission procréatrice est comme la continuation de la création de Dieu. Elle reste belle lorsqu’elle ne se détache pas de l’amour. Ainsi en est-il de la plus belle rivière de diamants qui soit. Elle ne prend sa véritable beauté, son éclat le plus rayonnant, et son intensité la plus profonde que lorsqu’elle se trouve au cou d’une femme ! Dans l’écrin, elle perd son sens. Elle garde un peu de reflet, elle fait plaisir à celui qui la possède jalousement, mais elle n’est ni partagée, ni aimée, ni vivante.
Ainsi en est-il de la sexualité ! Elle n’est belle, intense, profonde que si elle est partagée, vivante, et vécue dans l’amour de l’autre, dans le don le plus total à l’autre. Elle n’est vraie que si elle est plus que l’union des corps, mais aussi celle de l’intelligence et de l’âme. Alors, elle n’est plus œuvre de chair, mais elle devient plénitude du corps, chair, âme et esprit. Et comment l’Église pourrait-elle condamner cela ! Comment l’Église pourrait-elle voir en ce don mutuel la trace du péché ? En fait, la marque du péché — c’est-à-dire de la rupture avec Dieu, avec l’autre et avec moi-même — n’apparaît que lorsque le partage n’est plus présent ; ou lorsque ce don n’est que passager et non pour la vie ; que lorsqu’il n’est recherche que de soi-même, par orgueil ou par plaisir égoïste.
Je pourrais multiplier les « sauf en cas de… », mais est-ce bien l’objet, ou n’est-ce pas second !? L’objet est que nous vivions pleinement notre corps, âme, esprit et chair, que nous le menions à son terme, c’est-à-dire à sa sainteté, que nous ne le rejetions ni ne le méprisions, mais en fassions, avec l’aide de l’Esprit, le Temple où Dieu vient faire sa demeure ! Que je sache offrir à Dieu, dans toutes les dimensions de mon être, mon corps - âme esprit et chair - pour qu’il l’emporte vers le ciel, à la résurrection.
« Les bougies sont clémentes à la beauté des femmes. Leur éclairage atténué rend plus éclatants les sourires, plus délicates les carnations, plus harmonieuse la courbe des épaules. La lumière électrique, sans pitié, accuse les traits, demande des fards plus violents. Elle montre la beauté des femmes. Les bougies la présentent. » Guy de Larigaudie, Étoile au grand large, Seuil 1943.
Homélie de saint Augustin (+ 430), Sermon 116, 1 5-6, PL 38, 657-660
Jésus Christ est notre salut. En effet, il l'est en personne, lui qui a été blessé pour nous, cloué à la croix, puis déposé de la croix et mis au tombeau. Il en est sorti, guéri de ses blessures, gardant ses cicatrices. Car il jugea profitable à ses disciples que ses cicatrices soient gardées, pour guérir les blessures de leur coeur. Quelles blessures ? Celles de l'incrédulité. En effet, lorsqu'il apparut à leurs yeux en présentant une chair réelle, ils pensèrent voir un esprit. C'est là une blessure du coeur qui n'est pas légère. Que votre charité y songe : s'ils avaient gardé cette blessure, en pensant que le corps enseveli n'était pas ressuscité, mais qu'un esprit avait trompé leurs regards par l'illusion d'un corps humain, s'ils étaient demeurés dans cette croyance, ou plutôt dans cette incrédulité, ce n'est pas leurs blessures qu'il faudrait déplorer, mais leur mort. <>
Donc, il se montra à ses disciples. Mais qui est-ce donc qu'il montra ? Le chef de son Église. Il prévoyait qu'à l'avenir son Église existerait dans tout l'univers, mais ses disciples ne le voyaient pas encore. Il leur montrait la tête, et il promettait le corps. Voici en effet ce qu'il ajouta : Rappelez-vous les paroles que je vous ai dites quand j'étais encore avec vous. Que signifient ces mots : quand j'étais encore avec vous ? Quand j'étais avec vous, étant mortel, ce que je ne suis plus maintenant. J'étais avec vous, lorsque j'avais à mourir. Que veut dire : avec vous ! Mortel, j'étais avec des mortels. Maintenant je ne suis plus avec vous, parce que, si je suis bien avec des mortels, je n'aurai plus maintenant à mourir.
Je vous ai dit qu'il fallait que tout s'accomplisse. Parce que c'est écrit, et qu'il le fallait. Quoi donc ? Que le Christ souffre, et qu'il ressuscite d'entre les morts le troisième jour. Cela ils l'ont vu : ils l'ont vu souffrir, ils l'ont vu attaché à la croix, et ils le voyaient après sa résurrection, vivant et présent parmi eux.
Qu'est-ce donc qu'ils ne voyaient pas ? Son corps, c'est-à-dire l'Église. Le Christ, ils le voyaient, mais elle, ils ne la voyaient pas. Ils voyaient l'Époux, l'Épouse était encore cachée. Qu'il leur promette donc la venue de l'Église. Il est écrit, et il le fallait, que le Christ souffre et ressuscite d'entre les morts. Voilà ce qui concerne l'Époux. <>
Et au sujet de l'Épouse ? La conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. Voilà ce que les disciples ne voyaient pas encore : l'Église répandue à travers toutes les nations, en commençant par Jérusalem. Ils voyaient la tête et, sur sa parole, ils croyaient à son corps. <>
Nous leur sommes semblables : nous voyons quelque chose qu'ils ne voyaient pas ; et nous ne voyons pas quelque chose qu'ils voyaient. Que voyons-nous qu'ils ne voyaient pas ? L'Église répandue à travers les nations. Et qu'est-ce que nous ne voyons pas, mais qu'ils voyaient ? Le Christ vivant dans la chair. Comment le voyaient-ils, tandis qu'ils croyaient à son corps ? De la même façon que nous-mêmes voyons le corps et croyons à la tête. En revanche, que ce que nous ne voyons pas vienne à notre aide ! Voir le Christ a aidé les Onze à croire à l'Église future. L'Église que nous voyons nous aide à croire que le Christ est ressuscité. Leur foi a reçu son accomplissement : de même la nôtre. La leur a été accomplie en ce qui concerne la tête, la nôtre l'est en ce qui concerne le corps.
Le Christ total s'est fait connaître d'eux et s'est fait connaître de nous. Mais il n'a pas été connu tout entier par eux, ni tout entier par nous. Eux, ils ont vu la tête, et ils ont cru au corps. Nous, nous avons vu le corps et nous avons cru à la tête. Cependant le Christ ne fait défaut à personne : il est tout entier en tous, et pourtant son corps lui demeure attaché.
Prière
Garde à ton peuple sa joie, Seigneur, toi qui refais ses forces et sa jeunesse ; tu nous as rendu la dignité de fils de Dieu, affermis-nous dans l'espérance de la résurrection. Par Jésus Christ.