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IIIe dimanche du temps ordinaire (A)

Habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie…




Psaume 26,

Anselmus Laudunensis - Anselme de Laon (1050? - 1117),

Auteur présumé du commentaire,

Psalterium Cantuariense (Psautier anglo-catalan, dit Psautier de Canterbury),

Enluminure sur parchemin, Manuscrit Latin 8846, Folio 44v, 48 x 32 cm, vers 1200,

Bibliothèque nationale de France, Paris (France)


Lecture du livre du prophète Isaïe (Is 8, 23b – 9, 3)

Dans un premier temps, le Seigneur a couvert de honte le pays de Zabulon et le pays de Nephtali ; mais ensuite, il a couvert de gloire la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain, et la Galilée des nations. Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant toi, comme on se réjouit de la moisson, comme on exulte au partage du butin. Car le joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane.


Psaume 26 (27), 1, 4abcd, 13-14

Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur est le rempart de ma vie ; devant qui tremblerais-je ?


J’ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie.

Mais j’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants. « Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur. »


Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens (1 Co 1, 10-13.17)

Frères, je vous exhorte au nom de notre Seigneur Jésus Christ : ayez tous un même langage ; qu’il n’y ait pas de division entre vous, soyez en parfaite harmonie de pensées et d’opinions. Il m’a été rapporté à votre sujet, mes frères, par les gens de chez Chloé, qu’il y a entre vous des rivalités. Je m’explique. Chacun de vous prend parti en disant : « Moi, j’appartiens à Paul », ou bien : « Moi, j’appartiens à Apollos », ou bien : « Moi, j’appartiens à Pierre », ou bien : « Moi, j’appartiens au Christ ». Le Christ est-il donc divisé ? Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous ? Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ? Le Christ, en effet, ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l’Évangile, et cela sans avoir recours au langage de la sagesse humaine, ce qui rendrait vaine la croix du Christ.


Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 4,12-23

Quand Jésus apprit l’arrestation de Jean le Baptiste, il se retira en Galilée. Il quitta Nazareth et vint habiter à Capharnaüm, ville située au bord de la mer de Galilée, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali. C’était pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète Isaïe : ‘Pays de Zabulon et pays de Nephtali, route de la mer et pays au-delà du Jourdain, Galilée des nations ! Le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays et l’ombre de la mort, une lumière s’est levée.’ À partir de ce moment, Jésus commença à proclamer : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » Comme il marchait le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans la mer ; car c’étaient des pêcheurs. Jésus leur dit : « Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. » Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. De là, il avança et il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans la barque avec leur père, en train de réparer leurs filets. Il les appela. Aussitôt, laissant la barque et leur père, ils le suivirent. Jésus parcourait toute la Galilée ; il enseignait dans leurs synagogues, proclamait l’Évangile du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple.


Le psautier anglo-catalan

Le Psautier anglo-catalan est un manuscrit enluminé du livre des Psaumes, commencé vers 1200 à Canterbury et terminé à Barcelone par Ferrer Bassa vers 1340. Il est conservé à la Bibliothèque nationale de France, à Paris (lat. 8846). Il présente trois versions des psaumes sur trois colonnes : celle du psautier hébraïque, celle du psautier romain et celle du psautier gallican. Il compte 356 pages, enrichies de 140 miniatures et de 1 190 initiales ornées. La partie anglaise s'inscrit dans la tendance iconographique du psautier d'Utrecht (IXe siècle), c'est-à-dire la tradition carolingienne influencée par l'art byzantin. La partie catalane est marquée par le style italianisant introduit en Aragon par Ferrer Bassa après son séjour en Toscane.


Ce que je vois

Ce psaume fait référence à la foi en la protection divine. Depuis la nuée, la main de Dieu bénit le psalmiste que Jésus-Christ, sortant d’une église, saisit par une main tandis qu’il lui remet une torche (v. 1, Dominus illuminatio mea ei salus mea // Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; v. 5, Protexit me in abscondito tabernaculi sui // Il m’a caché dans son tabernacle). Le psalmiste, coiffé d’un bonnet juif, tient de sa main gauche le phylactère sur lequel il a rédigé sa prière. Dans l’église, derrière le Christ, on aperçoit deux hommes barbus revêtus d’une toge à la mode romaine. Le tabernacle de Dieu accueille déjà les sauvés. Entre les deux, il y a un autel et un agneau expiatoire (v. 6, Circuivi et immolavi in tabernaculo eius hostiam vociferationis // J’ai tourné autour de son l’autel et j’ai immolé dans son tabernacle une victime (hostie) avec des cris de joie). Mais cet agneau est aussi la figure mystique du Christ, comme le prophétise Isaïe, l’agneau innocent conduit à l’abattoir. Ce même agneau que nous recevons sur l’autel de l’eucharistie. Mais c’est aussi de cet autel que nous recevons la lumière divine de l’Esprit. Derrière le psalmiste, un enfant nu quitte son père et sa mère qui sont debout à l’entrée d’un bâtiment (v. 10, Quoniam pater meus et mater mea dereliquerunt me, Dominus autem assumpsit me // mon père et ma mère m’ont abandonné ; mais le Seigneur m’a recueilli). L’enlumineur a-t-il voulu nous signifier qu’en quittant père et mère, nous vivions une nouvelle naissance, dépouillés de tout ? Ou est-ce une allusion à ce que le Christ déclarera, reprenant un verset de la Genèse (Gn 2, 24) : « À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un » ? Entre les tentes, nous pouvons observer une scène de bataille élaborée avec des cavaliers en cottes de mailles et casqués luttant à la lance et à l’épée (vv. 2-3, Qui tribulant me inimici mei ipsi infirmati sunt et ceciderunt. Si consistant adversus me castra, non timebit cor meum, (S)i exurgat adversus me prelium in hoc ego sperabo // Lorsque les méchants s’approchent de moi pour dévorer ma chair, ces ennemis qui me persécutent ont été eux-mêmes affaiblis et sont tombés. Qu’une armée campe contre moi, mon cœur ne craindra pas. Que le combat s’engage contre moi, c’est alors même que j’espérerai). Et il est vrai que quitter le foyer familial pour aller annoncer la parole c’est comme s’engager dans une bataille devant des ennemis nombreux…


Le psaume

Aujourd’hui, je ne m’arrêterai qu’aux versets de ce psaume. N’est-il pas vrai que nous commentons rarement ces textes ? Nous les écoutons d’une oreille pieuse, ou distraite, lors des liturgies. En fait, ils ne sont que des intermèdes à nos yeux, quand ils ne sont pas remplacés par un chant. Seuls peut-être les moines et les prêtres y sont plus attentifs, proclamant les 150 psaumes en deux ou quatre semaines dans la prière de la Liturgie des Heures. Et pourtant, dans la liturgie de la messe, il prend le nom de psaume responsorial. Cela signifie qu’il est une réponse à la première lecture que nous avons entendue, et donc une réponse biblique en rapport avec le texte de l’Ancien Testament qui constitue souvent cette première lecture. En aparté, c’est pour cette raison que le psaume ne doit pas être lu ou chanté par la même personne qui vient de proclamer la lecture. Comment pourrait-il faire la question et la réponse !


Mais auparavant, relisons ce psaume dans son ensemble (seuls quelques versets nous sont donnés ce dimanche).


01 Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur est le rempart de ma vie ; devant qui tremblerais-je ?

02 Si des méchants s'avancent contre moi pour me déchirer, ce sont eux, mes ennemis, mes adversaires, qui perdent pied et succombent.

03 Qu'une armée se déploie devant moi, mon coeur est sans crainte ; que la bataille s'engage contre moi, je garde confiance.

04 J'ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, pour admirer le Seigneur dans sa beauté et m'attacher à son temple.

05 Oui, il me réserve un lieu sûr au jour du malheur ; il me cache au plus secret de sa tente, il m'élève sur le roc.

06 Maintenant je relève la tête devant mes ennemis. J'irai célébrer dans sa tente le sacrifice d'ovation ; je chanterai, je fêterai le Seigneur.

07 Écoute, Seigneur, je t'appelle ! Pitié ! Réponds-moi !

08 Mon coeur m'a redit ta parole : « Cherchez ma face. »

09 C'est ta face, Seigneur, que je cherche : ne me cache pas ta face. N'écarte pas ton serviteur avec colère : tu restes mon secours. Ne me laisse pas, ne m'abandonne pas, Dieu, mon salut !

10 Mon père et ma mère m'abandonnent ; le Seigneur me reçoit.

11 Enseigne-moi ton chemin, Seigneur, conduis-moi par des routes sûres, malgré ceux qui me guettent.

12 Ne me livre pas à la merci de l'adversaire : contre moi se sont levés de faux témoins qui soufflent la violence.

13 Mais j'en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants.

14 « Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur. »


Des points saillants

En priant ce psaume, j’en retiendrai sept :

  • D’abord, que nous n’avons rien à craindre si nous avons mis notre espérance en Dieu.

  • Que Dieu nous donne la force devant nos ennemis.

  • Nous sommes invités à habiter la Maison du Seigneur pour jouir de sa béatitude.

  • Dieu nous relève la tête, nous réhabilite.

  • Jamais nous ne sommes abandonnés de Dieu.

  • La face du Seigneur est la seule que nous devons chercher.

  • Il faut attendre patiemment le Seigneur.

Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur est le rempart de ma vie ; devant qui tremblerais-je ?


En lisant ce verset, je pense immédiatement à la prière que l’on a retrouvée dans le bréviaire de Thérèse d’Avila :

Que rien ne te trouble, que rien ne t’épouvante, tout passe, Dieu ne change pas, la patience obtient tout. Celui qui possède Dieu ne manque de rien : Dieu seul suffit. Élève ta pensée, monte au ciel, ne t’angoisse de rien, que rien ne te trouble. Suis Jésus Christ d’un grand cœur, et quoi qu’il arrive, que rien ne t’épouvante.

N’est-il pas vrai que nous sommes vite inquiets, troublés, effrayés, pour ne pas dire épouvantés. Inquiets pour notre famille, notre santé, notre travail, notre avenir ; troublés par une remarque entendue ; effrayés devant les guerres et l’instabilité de notre monde ; épouvantés devant la maladie et la mort ? Bref, nous avons peur. Mais comment ne pas avoir peur quand tout nous semble instable, flottant, comme une banquise mouvante sur laquelle il faudrait continuellement faire l’équilibre pour ne pas tomber. Alors, qu’au fond de notre coeur, nous n’aspirons qu’à la paix, à la stabilité, à la tranquillité. Peut-être que ce n’est pas notre monde qui nous donnera cette paix ? Jésus ne nous avait-il pas prévenu (Jn 14, 27) :

« Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé. »

La vraie paix, c’est donc LUI ! Et si j’en reviens au psaume et à l’enluminure, c’est bien le Christ qui donne la paix au psalmiste, qui lui montre où se trouve cette paix : dans l’Église. Bien sûr, nous pouvons aussi être effrayés de la situation de l’Église-institution, mais pourquoi avoir peur de l’Église-communauté ? Car l’Église, c’est vous, c’est moi, c’est nous ! Et si nous nous soutenons en communauté, comme ces hommes dans l’église de l’enluminure, alors, le Christ nous donnera la lumière ; alors, le Christ sera notre lumière. Cette Église, cette communauté Corps du Christ sera notre rempart devant tout ce qui nous fait peur. Car, comme le chantait le Père Sevin en 1929, fondateur du scoutisme catholique, nous ne devons avoir qu’une peur :

Ohé les scouts, l'orage gronde : d'aller camper, n'avez-vous peur ? (bis)
Nous n'avons qu'une peur au monde c'est d'offenser Notre Seigneur (bis)

Offenser notre Seigneur, c’est douter qu’il soit notre lumière et notre salut, notre rempart devant tous les ennemis, dont le premier ennemi est notre propre peur.


Si des méchants s'avancent contre moi pour me déchirer, ce sont eux, mes ennemis, mes adversaires, qui perdent pied et succombent. Qu'une armée se déploie devant moi, mon coeur est sans crainte ; que la bataille s'engage contre moi, je garde confiance.


Évidemment, ne soyons pas naïfs ! Ce monde est impitoyable, dur et parfois meurtrier. Notre société est souvent bouffie d’orgueil. Les trois tentations auxquelles le Christ fut confronté (Mt 4) — la tentation de transformer les pierres en pain, la tentation de sauter en bas du temple et la tentation de prendre les royaumes du monde — sont toujours bien présentes. Elles ont pris simplement de nouvelles formes : tentation de satisfaire les désirs de la chair, tentation de la puissance incontrôlée, et tentation de la gloire incontestée. Il suffit de relire ce qui se passe en Ukraine, ou en Arménie que l’on oublie bien trop vite.


Et même, reconnaissons que nous sommes parfois dans une vision d’un monde quelque peu « bisounours » où nous penserions que les hommes sont tous bons, gentils. Au risque de vous choquer, je crois qu’il y a des gens qui sont profondément méchants. Pour quelle raison, je ne sais, mais c’est ainsi. Des gens que vous ne pourrez pas raisonner. Des gens devant, ou pour qui vous pourriez donner votre vie, mais à qui ça importe peu. Oh bien sûr, ils ne sont pas Légion (Lc 8, 30 : « Jésus lui demanda : « Quel est ton nom ? » Il répondit : « Légion ». En effet, beaucoup de démons étaient entrés en lui. »), mais ils existent. À ce titre, je n peux que vous inviter à lire un petit livre de Vladimir Soloviev écrit en 1910 : « L’Antéchrist ». C’est stupéfiant et prophétique.


Ce monde, ou du moins cette partie du monde, peut faire peur, et comment en serait-il autrement ! Ce sont parfois des méchants qui veulent me déchirer, une armée qui se déploie devant moi. L’envie de fuir est bien légitime. Mais non ! Car si j’ai le Christ avec moi, je ne risque rien. Ou même si je risque pour ma vie, je ne risque rien pour mon âme (Mt 10, 28) :

« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps. »

Puisse notre coeur être sans crainte, même si notre corps tremble. Puisse la confiance ne jamais nous manquer même si tout semble désespéré.


J'ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, pour admirer le Seigneur dans sa beauté et m'attacher à son temple. Oui, il me réserve un lieu sûr au jour du malheur ; il me cache au plus secret de sa tente, il m'élève sur le roc.


Le jour de mon ordination, nous avons chanté ce texte comme psaume (il est en annexe, et je ne suivais pas le conseil que je donnais plus haut !). Car il me semble que notre désir le plus profond, voire le plus caché, est de demeurer dans la Maison du Seigneur, être à ses côtés. Et non pas simplement pour être rassuré, non pas pour échapper aux méchants nommés dans le verset précédent, mais surtout pour le contempler. La traduction liturgique a quelque peu affadi le terme hébreu qui, plutôt que beauté, serait mieux traduit par « béatitude ». Saint-Augustin le traduira par « délectation ». C’est-à-dire non pas simplement une beauté que l’on admire, mais une beauté dont on se délecte, qui nous nourrit, qui nous transforme. Une beauté éternelle qui nous met dans un état de béatitude : en contemplant la béatitude de Dieu, je deviens moi-même cette béatitude. La beauté de Dieu infuse en moi, me convertit, et me rends la dignité originelle que j’avais abimée. Didier Rimaud, dans un autre cantique, aura ce merveilleux verset : « Éclaire aussi l'envers du cœur où le péché revêt d'un masque de laideur ta ressemblance. »


Cette beauté, cette béatitude, cette délectation ne peut se satisfaire que dans la Maison du Seigneur : dans son Église-communauté, dans sa liturgie. N’est-ce pas là le signe de l’autel que nous voyons sur notre enluminure ? Comment ne pourrions-nous pas chercher à habiter cette Maison chaque jour de notre vie, ne serait-ce que par la prière ? Comment pourrions-nous avoir peur de nous cacher en Lui, de le laisser ôter ce masque de laideur de notre visage ?


Maintenant je relève la tête devant mes ennemis. J'irai célébrer dans sa tente le sacrifice d'ovation ; je chanterai, je fêterai le Seigneur. Écoute, Seigneur, je t'appelle ! Pitié ! Réponds-moi !


Car c’est en Lui que nous relevons la tête, c’est par Lui que nous osons affronter le pire ennemi qui soit : notre orgueil, c’est pour lui que nous chantons nos hymnes de fête. C’est avec Lui que relevons la tête, que nous sommes réhabilités en sa grâce, comme le Pharaon le fera pour son échanson (Gn 40, 20-22) :

« Le troisième jour, jour anniversaire de Pharaon, celui-ci fit un festin pour tous ses serviteurs. Il éleva la tête du grand échanson et celle du grand panetier en présence de ses serviteurs : il rétablit dans sa charge le grand échanson, et celui-ci plaça la coupe entre les mains de Pharaon ; mais le grand panetier, il le pendit, comme l’avait annoncé Joseph. »

Dieu, comme pour l’enfant prodigue (Lc 15), veut, dans sa demeure, nous rendre toute grâce perdue ou gâchée : la robe de notre baptême, les sandales de la liberté et l’anneau de ses grâces. Et ainsi, nous appeler à chanter ses louanges.


Ne me cache pas ta face. N'écarte pas ton serviteur avec colère : tu restes mon secours. Ne me laisse pas, ne m'abandonne pas, Dieu, mon salut ! Mon père et ma mère m'abandonnent ; le Seigneur me reçoit. Enseigne-moi ton chemin, Seigneur, conduis-moi par des routes sûres, malgré ceux qui me guettent. Ne me livre pas à la merci de l'adversaire : contre moi se sont levés de faux témoins qui soufflent la violence.


Souvent, c’est à ce moment que nous prenons conscience de notre péché et de notre indignité. Et une nouvelle peur naît en nous : celle de l’abandon. Nous avions peur de nos ennemis, et voilà que maintenant nous avons peur de notre Sauveur, de son courroux et de son jugement. En ce cas, c’est que nous n’avons pas bien compris qui Il est. Notre Dieu, même s’il est juge, même s’il connaît tout notre être, péchés compris, n’en reste pas moins notre Père, et un Père qui nous aime. Et même si mes contemporains m’oublient, m’abandonnent et me renient, effrayés de mon péché ou de ce que je suis, Lui, Dieu, jamais ne m’abandonnera, et même il me prendra avec lui comme on peut le lire dans le psaume 130 :


01 Seigneur, je n'ai pas le coeur fier ni le regard ambitieux ; je ne poursuis ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent.
02 Non, mais je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère.
03 Attends le Seigneur, Israël, maintenant et à jamais.

Il ne nous abandonne pas, il nous prend sans ses bras, là où il a inscrit notre nom (Is 49, 15-16) :

Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierai pas. Car je t’ai gravée sur les paumes de mes mains, j’ai toujours tes remparts devant les yeux.

Et si nous relevons la tête, comme le dit le verset précédent, alors nous verrons sa Face…


Mon coeur m'a redit ta parole : « Cherchez ma face. » C'est ta face, Seigneur, que je cherche : ne me cache pas ta face.


Voir la Face de Dieu, et déjà la chercher. Cependant, Dieu a déjà pris face en Jésus-Christ, il nous donne un visage à contempler, celui de son Fils Jésus. Prendre le temps de plonger dans son regard, prendre le temps de contempler sa face jusqu’à ce qu’elle soit gravée en notre regard. Imaginez que vous ayez cette nouvelle maladie oculaire : au lieu d’avoir des papillons qui vous flottent devant les yeux (la myodésopie si je ne me trompe), imaginez que ce soit continuellement le visage du Christ qui flotte devant votre regard, et qu’ainsi ce ne soit plus votre regard que vous portez sur les autres et sur le monde, mais SON regard. Alors, vous verrez sa Face dans toute sa splendeur, dans sa totale béatitude. En fait, ce n’est pas Lui qui nous cache sa Face, c’est souvent nous qui détournons le regard… Peut-être parce que nous sommes trop impatients et que nous voudrions que toute grâce soit immédiatement donnée et efficace…


Mais j'en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants. « Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur. »


Le verset final est la clé de toutes nos attentes, de toutes nos demandes : espérer courageusement et en confiance. Pourquoi ne pas apprendre par coeur ce dernier verset et le répéter dès que nous nous levons, et avant de sombrer dans le sommeil, même si c’est le dernier… Alors, nous contemplerons sa Face : « Mais j'en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants. Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur. »


Un chant


J'ai choisi d'habiter la maison de Dieu (AELF / Rimaud / Berthier / Studio SM)


J’ai choisi d’habiter la maison de Dieu ! J’ai choisi le bonheur et la vie ! J’ai choisi d’habiter la maison de Dieu ! J’ai choisi le bonheur et la vie !


1. De quel amour sont aimées tes demeures, Seigneur, Dieu de l’univers !


2. Mon âme s’épuise à désirer les parvis du Seigneur ; Mon cœur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant !


3. Heureux les habitants de ta maison : Ils pourront te chanter encore !


4. Heureux les hommes dont tu es la force : Des chemins s’ouvrent dans leur cœur !


5. J’ai choisi de me tenir sur le seuil, Dans la maison de mon Dieu.


6. Le Seigneur Dieu est un soleil, il est un bouclier ; Le Seigneur donne la grâce, il donne la gloire.


7. Jamais il ne refuse le bonheur À ceux qui vont sans reproche.


8. Seigneur, Dieu de l’univers, Heureux qui espère en toi !


Une méditation d’un père dominicain


Inquiétude mise en brèche

Parce qu'il a connu l'humiliation, les déchirements, les batailles perdues, les reniements, les trahisons, parce qu'il est passé à travers le feu des épreuves sans perdre tout à fait son âme, ce peuple des Psaumes peut affirmer avec une force extraordinaire sa confiance inébranlable en son Dieu. C'est à la mesure des dangers traversés qu'il atteste que même face à une armée rangée en bataille, « son coeur est sans crainte » !


Il s'agit ici de confiance en Dieu. Et non de la vantardise pitoyable de celui qui reçoit des raclées plus souvent qu'à son tour et qui dirait quelque chose comme « même pas mal ! »


Cette confiance semble buter cependant devant une grande inquiétude. Il ne s'agit plus de faire face à des ennemis comme nous, il s'agit de faire face à son Dieu, au silence de son Dieu, à la crainte qu'il ne réponde pas, qu'il nous abandonne, loin « des routes sûres » ; Il y a toujours des « faux témoins » pour ajouter de l'embrouille, de la violence à une situation déjà confuse.


La seule réponse possible à cette grande inquiétude est une confiance à la mesure de cette inquiétude, plus forte encore. Parce qu'elle exprime au présent - là, c'est maintenant !- cette certitude est « de voir la bonté du Seigneur sur la terre des vivants »


Oui, notre Dieu est bonté et non vengeance. Notre Dieu est le Dieu des vivants et non des morts. Notre Dieu, c'est l'Aujourd'hui du monde, oui, « je verrai la bonté de Dieu sur la terre des vivants » !



Un Père de l’Église


Saint Augustin, premier discours sur le psaume 26


David a pu, dans ce psaume, exprimer les douleurs de son exil, mais son langage convient parfaitement aux membres de l'Eglise militante, qui se consolent au milieu des fatigues de cette vie par l'espérance du repos et de la félicité dont ils jouiront dans la maison de Dieu.


1. Ce langage est celui du soldat du Christ qui arrive à la foi. « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qu'aurai-je à craindre ? » C'est le Seigneur qui me fait la grâce de le connaître et de me sauver, qui pourra m'arracher à lui ? « Il est le protecteur de ma vie, qui une fera trembler ? » C'est le Seigneur qui doit repousser l'assaut et les embûches de mes ennemis, nul ne me fera peur.


2. « Des pervers s'approchent de moi pour dévorer ma chair ». Des méchants s'approchent de moi pour me connaître, m'insulter, et se préférer à moi, quand je veux m’améliorer ; leur dent maligne va dévorer, Lion pas moi, mais bien mes désirs charnels. « Ces ennemis qui me persécutent ». Non seulement ceux qui viennent au nom de l'amitié me blâmer et me détourner de mon dessein, mais encore mes ennemis « Ont chancelé à leur tour et sont tombés ». En agissant ainsi, pour défendre leur propre sera-liment, ils sont devenus faibles pour embrasser une croyance meilleure, et se sont pris à haïr cette parole qui me lait agir contre leur volonté.


3. « Que des armées campent autour de moi, mon coeur m'en sera point ému ». Que la foule de mes contradicteurs conspire et se soulève contre moi, mon coeur ne les craindra pas au point de se ranger avec eux. « Qu'on me livre un assaut, j'en redoublerai d’espérance ». Que les persécutions du monde viennent fondre sur moi, j'affermirai mon espoir dans cette prière que médite mon coeur.


4. « J'ai fait une demande au Seigneur. Et je la lui ferai encore ». Ce que j'ai demandé au Seigneur, je le demanderai encore. « C'est d'habiter dans la maison de Dieu, tous les jours de ma vie ». C'est que, durant mon séjour ici-bas, nulle affliction ne me sépare du nombre de ceux qui gardent l'unité de la foi dans l'univers entier. « C'est que je contemple un jour la beauté du Seigneur ». C'est que la persévérance dans la foi me découvre l'ineffable beauté du Seigneur, et que je la puisse contempler face à face. « Et que je sois protégé comme son temple », et que la mort, absorbée enfin par la victoire, me revête d'immortalité, et fasse de moi le temple du Seigneur.


5. « Parce qu'il m'a caché dans son pavillon, au jour de mes malheurs ». Parce que dans cette chair mortelle, dont le Verbe s'est revêtu, il m'a ménagé un abri contre ces tentations auxquelles est assujettie ma vie mortelle. « Il m'a reçu dans le secret de son tabernacle ». Il m'a protégé, quand la foi qui justifie était dans mon coeur.


6. « Il m'a établi sur le roc ». Et afin de m'amener au salut, par la manifestation de ma foi, il m'a donné la force de la confesser au grand jour. « Et voilà qu'il m'a fait grandir au-dessus de mes ennemis ». Que me réserve-t-il pour l'avenir, puisque, dès aujourd'hui, mon corps est mort au péché, et que mon esprit, je le sens, est soumis à la loi de Dieu, sans se laisser assujettir aux rébellions de la loi du péché ? « J'ai jeté les yeux de toutes parts, et j'ai offert à Dieu, dans son tabernacle, une hostie de louanges ». J'ai vu que l'univers croit maintenant au Christ, et parce qu'il s'est un moment humilié pour nous, je l'ai béni dans mon allégresse : c'est là l'hostie que je lui ai offerte. « Je chanterai, je bénirai le Seigneur ». Mon coeur et mes oeuvres lui témoigneront ma joie.


7. « Seigneur, exaucez la voix que j'élève jusqu'à vous ». Exaucez, ô Dieu, cette voix du coeur, que mes vifs désirs élèvent jusqu'à vos oreilles. « Prenez-moi en pitié, exaucez-moi ». Ayez pitié de moi, exaucez ma prière.


8. « Mon coeur vous a dit : J'ai cherché votre face ». Ce n'est point devant les hommes que j'ai prié ; mais dans le secret où vous entendez seul, mon coeur vous a dit : Je cherche une récompense, non point hors de vous, mais dans vos regards bienveillants, « C'est ce regard, ô mon Dieu, que je veux chercher ». Ce regard, je le chercherai sans cesse; rien d’autre ne saurait me plaire ; mon amour pour vous sera sans bornes, parce que rien ne m'est plus précieux.


9. « Ne détournez point de moi votre face », afin que je trouve ce que je cherche. « Ne vous éloignez point de votre serviteur dans votre colère » ; de peur qu'en vous cherchant, je ne m'attache à d'autres objets. Quel châtiment plus douloureux pour celui qui vous aime, et qui cherche dans votre face l'éclat de la vérité ? « Venez à mon aide ! » Quand pourrais-je vous trouver, sans votre secours ? « Ne m'abandonnez point, ne me méprisez point, ô Dieu, mon Sauveur ». Ne méprisez point un mortel qui ose rechercher un Dieu éternel : c'est vous, ô mon Dieu, qui guérissez la plaie de mon péché.


10. « Voilà que mon père et ma mère m'ont abandonné ». Voilà que le royaume de ce monde, que la cité d'ici-bas, qui m'ont donné pour un temps cette vie mortelle, m'ont délaissé parce que j'aspirais à vous posséder, et que je méprisais ce qu'ils pouvaient m’offrir ; car ils ne peuvent me donner ce que je ne cherche avidement. « Mais le Seigneur m'a recueilli ». Il m'a recueilli, ce Dieu qui peut se donner à moi.


11. « Seigneur, montrez-moi les sentiers que je dois suivre » Je m'efforce d'aller à vous, je commence par la crainte la haute entreprise d'arriver à la sagesse ; enseignez. moi, Seigneur, la voie que je dois suivre, de peur que je ne m'égare, et que votre croyance ne m'abandonne. « Daignez me conduire dans la voie droite, pour confondre mes ennemis ». Dans vos étroits sentiers, faites-moi prendre le chemin droit. Car il ne suffit point d'entreprendre, puisque l'ennemi ne cessera de me harceler, jusqu'à mon arrivée.


l2. « Ne me livrez pas à la rage de mes persécuteurs ». Ne souffrez pas que ceux qui m'affligent se rassasient de mes peines. « Voilà que de faux témoins s'élèvent contre moi ». Des hommes se sont levés pour m'accuser faussement, afin de me détacher et de m'éloigner de vous, comme si je cherchais ma gloire parmi les hommes. « Et l'iniquité a menti contre elle-même ». Mais l'iniquité n'a pu s'applaudir que de sa fausseté ; car elle ne m'a point ébranlé, et c'est de là qu'une plus belle récompense m'a été promise dans le ciel.


13. « Je suis certain de voir les biens du Seigneur dans la terre des vivants ». Et parce que le Seigneur a souffert ces persécutions avant moi, si, à mon tour, je méprise les langues de ces hommes dévoués à la mort, « car la bouche qui ment, tue l'âme », je suis certain de voir les biens du Seigneur, dans la terre des vivants, où il n'y a plus de fausseté.


14. « Attends le Seigneur, agis avec force ; affermis ton âme, et attends le Seigneur ». Quand donc s'accomplira cette promesse ? Au mortel d'accuser la difficulté, à l'amour d'accuser la lenteur; écoute néanmoins la voix infaillible qui dit : « Attends le Seigneur ». Souffre courageusement le feu qui brûle tes reins, et vaillamment celui qui brûle ton coeur, ne regarde pas comme refusé ce que tu n'as pas reçu. Contre le désespoir et la défaillance, écoute cette parole : « Attends le Seigneur ».

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