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IIIe Dimanche du temps ordinaire (A)

Entendras-tu l’appel de ton Dieu ?



La pêche des disciples,

Anonyme,

Époque romane (entre 1109 et 1114),

Panneau de bois peint, Hauteur 90 cm ; Largeur 90 cm,

Église réformée Saint-Martin (Zillis, Suisse)


Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 4,12-23

Quand Jésus apprit l’arrestation de Jean le Baptiste, il se retira en Galilée. Il quitta Nazareth et vint habiter à Capharnaüm, ville située au bord de la mer de Galilée, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali. C’était pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète Isaïe : ‘Pays de Zabulon et pays de Nephtali, route de la mer et pays au-delà du Jourdain, Galilée des nations ! Le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays et l’ombre de la mort, une lumière s’est levée.’ À partir de ce moment, Jésus commença à proclamer : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » Comme il marchait le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans la mer ; car c’étaient des pêcheurs. Jésus leur dit : « Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. » Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. De là, il avança et il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans la barque avec leur père, en train de réparer leurs filets. Il les appela. Aussitôt, laissant la barque et leur père, ils le suivirent. Jésus parcourait toute la Galilée ; il enseignait dans leurs synagogues, proclamait l’Évangile du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple.


Le plafond

L’église Saint-Martin de Zillis était une église paroissiale appartenant au fisc depuis l’époque carolingienne. L’église elle-même est mentionnée pour la première fois en 831. Des monnaies découvertes sur les lieux montrent toutefois qu’elle existait déjà à l’époque romaine. En 940, l’empereur Otton Ier l’offrit à l’évêque de Coire, Waldo. L’église a visiblement appartenu aux évêques de Coire jusqu’en 1357, date à laquelle l’évêque l’offrit à son Chapitre.


Le plafond composé de 153 panneaux peints (rappel des 153 poissons péchés à la Résurrection du Christ) date de l’épiscopat de Wido ( 1096-1122). L’ordre dans lequel ils sont disposés a été bouleversé lors des travaux de réfection en 1574 et en 1820, mais les panneaux sont pratiquement conservés dans leur état original.


Ils étaient ordonnés suivant le principe d’une carte du monde tel qu’il était imaginé au Moyen Age. Les panneaux intérieurs, le continent en quelque sorte, nous racontent des scènes de la vie du Christ ainsi que la légende du saint patron de l’église, Martin.


Les peintures du plafond de Zillis, monumentale œuvre d’art médiéval, témoignent d’influences culturelles provenant de part et d’autre des Alpes, au travers du maître de l’ouvrage ainsi que de l’atelier des peintres. Elles constituent une source inépuisable pour étudier l’art et la culture du Moyen Age, mais surtout un émouvant témoignage de la piété de cette époque lointaine.


Ce que je vois

Dans un cadre décoré de frises géométriques, la scène représentée ne montre que les disciples pêchant alors que le Christ doit les appeler du bord de l’eau. Sont-ce Simon et son frère André comme le raconte la péricope évangélique ? Dans une barque rouge en forme de croissant de lune, ils viennent de jeter leur filet. Ils viennent de prendre deux poissons blancs alors que deux autres s’échappent. Ils semblent bloqués par les rames coincées dans les dames de nage. Les deux disciples ont le visage sévère et ne portent qu’une tunique rouge ou brune.


Il est à noter que cette scène jouxte d’autres panneaux contant l’histoire de Jonas. Préfiguration de la Résurrection. Mais aussi de l’homme pris par un poisson avant que les hommes ne prennent les poissons. « Je ferai de vous des pécheurs d’hommes… »


Vocations…

De fait, Jésus les appelle. Jésus nous appelle ! Et c’est bien le sens du mot « vocation » qui vient du latin vocare : appeler. Tous, nous sommes appelés, tous nous sommes concernés par la vocation. Malheureusement, lorsque nous prononçons ce mot, nous ne pensons qu’aux vocations religieuses et sacerdotales. Et pourtant… si je me reporte à l’article « Vocation » du Dictionnaire de spiritualité chrétienne (Cerf, 1983), je peux y lire plusieurs informations essentielles. D’abord, que nous partageons tous une vocation commune.


Une vocation commune

Elle tient au simple fait que Dieu a un projet pour l’homme et son rôle dans le monde. Au regard de Dieu, nous sommes tous choisis et établis, comme il le dira dans l’Évangile de Jean (15, 16) :

Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera.

Et ce choix de l’homme est véritablement un acte d’amour créateur, personnel et unique. Et Dieu m’appelle car, comme le dit Isaïe (43, 4) :

Parce que tu as du prix à mes yeux, que tu as de la valeur et que je t’aime…

Un choix unique, car ce que Dieu attend de moi est unique. Écoutez ce que disait le Cardinal Newman :

J’ai été créé pour faire quelque chose, ou être quelque chose d’unique. J’ai une place dans le plan de Dieu, dans le monde de Dieu, qui n’appartient à personne d’autre. Que je sois pauvre ou riche, méprisé ou estimé par les autres, Dieu me connaît et m’appelle par mon nom. Dieu m’a créé pour lui rendre un service spécial. Il m’a confié une tâche qu’il n’a confiée à personne d’autre. J’ai ma mission –peut-être que je ne la connaîtrai jamais en cette vie, mais je la connaîtrai dans l’autre ! J’ai une part dans cette grande œuvre : je suis un maillon de la chaîne, un lien entre des personnes. Dieu ne m’a pas créé pour rien. Je dois agir bien, je dois faire l’œuvre de Dieu. Je dois être un ange de paix, un prédicateur de la vérité, à ma place, même sans le savoir, si je garde ses commandements et si je suis fidèle à son appel.

Ce choix pour moi et sur moi est une volonté de Dieu qui se met à ma portée. Dieu m’intègre à son programme, à son dessein. Elle est ce don que Dieu fait à chacun de nous afin, qu’avec Lui, par Lui et en Lui, nous participions à sa mission.


Afin de prendre acte et conscience de cette élection, de ce choix personnel de Dieu pour chacun de nous, Dieu nous invite à nous réaliser par des étapes fondamentales. Des étapes qui feront que ce choix de Dieu sur moi, devienne, comme le disait le Cardinal Lustiger, un choix de Dieu que je ferai : je choisirai Dieu !


Quatre étapes


Il m’appelle à la vie

Notre première vocation est de vivre ! Car nous fûmes créés « à l’image et à la ressemblance de Dieu » (Gn 1, 26-27). Et Dieu est la vie ! Comment pourrions-nous répondre à l’appel de Dieu si nous ne répondons pas à l’appel de la vie ? Je me le dis souvent, nous nous faisons trop de soucis, et tellement de soucis que nous nous gâchons la vie.


Il m’appelle à me conformer au Christ

Ce verbe « conformer » a beaucoup de sens. Former avec. C’est avec le Christ que mon humanité se forme, se créé. Mais c’est aussi Lui qui me conforme à sa propre vie. Cette adéquation de ma vie à celle du Christ a débuté lors de mon baptême. Mais peut-être devrions-nous réentendre la question que Jean-Paul II posait à chacun de nous lors du rassemblement au Bourget : « France, qu’as-tu fait de ton baptême ? ». Qu’avons-nous fait, que faisons-nous, que ferons-nous de notre baptême ? Par lui, nous sommes sauvés, mais sauvés en espérance, comme le dira saint Paul (Rm 8, 22-24) :

Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps. Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance ; voir ce qu’on espère, ce n’est plus espérer : ce que l’on voit, comment peut-on l’espérer encore ?

Cette espérance nous est confiée. C’est à nous de prendre en main notre destin, notre vocation, cet appel à nous conformer au Christ. Et c’est au sein de l’Église que nous pourrons le vivre.


Il m’appelle au sein de l’Église

L’Église, comme le dira le Concile Vatican II dans la constitution Lumen Gentium, est en Christ le « sacrement » du salut pour tous les hommes. Grâce à l’Esprit, c’est dans notre Église que nous trouvons notre place pour l’édification du monde et du Corps du Christ. Par elle, nous pouvons vivre nos charismes personnels qui, parfois, se concrétisent en vocations particulières et spécifiques. Et ce, pour le service de nos frères, par le Frère par excellence, le Christ. Un Christ qui ne veut que notre sainteté. C’est à cela qu’Il nous appelle.


Il m’appelle à la sainteté

Oh, je vous l’ai déjà dit, pas automatiquement une sainteté extraordinaire en actes (bien que !) Mais extraordinaire car elle va rendre « extra » notre vie ordinaire ! Tous, nous sommes appelés à la sainteté, à cette aventure, quelle que soit notre condition, quel que soit notre âge, quelles que soient nos capacités. Tous, sans exception ! Il n’y a que cela qui compte. La sainteté, qu’est-ce d’autre que d’aller au bout de ce que nous sommes, au bout de nos charismes, au bout de notre être ? En fait, comme Jésus au soir de son dernier repas (Jn 13, 1) :

Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout.

Et cet appel divin n’a qu’un seul objectif : nous faire partager la Gloire du ciel, la Gloire de Dieu. Un seul objectif, appeler à la venue du Christ dans sa Gloire pour que nous la partagions. Oui, saint Athanase nous l’affirme : il s’est fait homme pour que nous devenions Dieu


Il m’appelle à la Gloire du Ciel

La conclusion de la vie du Christ ne fut pas sa mort, mais sa résurrection. Mais la résurrection est au-delà de la Croix : il n’est pas donné de ressusciter sans avoir d’abord traversé la Croix, sans avoir d’abord fait l’expérience du détachement total. Il en est de même pour nous. La réalisation totale de nous-même se situe au-delà de cette vie. C’est dans la Gloire du Ciel, à laquelle je dois aspirer de toute mon âme, que se réalisera tout mon être.


Cette réalisation de moi-même passe d’abord par cette terre. Ici, Dieu m’appelle personnellement. Et il m’appelle à mener à son terme ce que je suis, avec tous mes charismes, mes spécificités, mes particularités. Chacun de nous, ainsi, est invité à une vocation spécifique et fondamentale dans l’Église.


Appelé à une vocation spécifique

Je ne ferai ici que les lister… À moi de me poser la question, de comprendre quel est le dessein de Dieu pour moi !


La vocation baptismale :

  • pour témoigner de l’ouverture des dons de l’Esprit et participer à la vie de Dieu et à la mission de l’Église.

La vocation nuptiale d’époux chrétiens :

  • pour être le signe de l’amour de Dieu pour les hommes.

La vocation de laïc :

  • pour être témoin du Christ ressuscité et s’engager dans les réalités temporelles, pour travailler à l’évangélisation et à la promotion humaine intégrale.

Pour ceux marqués par le veuvage :

  • pour être le signe de l’espérance fondée sur la foi.

La vocation de consacré(e) dans les instituts consacrés, dans la vie religieuse, dans la vie contemplative :

  • pour être le signe du don radical ; pour transformer le monde de l’intérieur ; pour être le signe de la communion des saints.

La vocation sacerdotale

  • comme diacre, signe du Christ-Serviteur, comme prêtre, signe du Christ Pasteur, comme évêque, fondement d’unité du Corps du Christ.

Bref, chacun ici, sans exception, a la grâce d’être appelé par Dieu. Entendrons-nous cet appel ? Comprendrons-nous que Jésus nous invite à la suivre : « Venez à ma suite » ? Et surtout, lâcherons-nous AUSSITÔT nos filets ? Que l’Esprit nous donne en cette Eucharistie la grâce efficiente de cette folie de Dieu !


Psaume 138

Tu me scrutes, Seigneur, et tu sais !
Tu sais quand je m'assois, quand je me lève ; de très loin, tu pénètres mes pensées.
Que je marche ou me repose, tu le vois, tous mes chemins te sont familiers.
Avant qu'un mot ne parvienne à mes lèvres, déjà, Seigneur, tu le sais.
Tu me devances et me poursuis, tu m'enserres, tu as mis la main sur moi.
Savoir prodigieux qui me dépasse, hauteur que je ne puis atteindre !
Où donc aller, loin de ton souffle ? où m'enfuir, loin de ta face ?
Je gravis les cieux : tu es là ; je descends chez les morts : te voici.
Je prends les ailes de l'aurore et me pose au-delà des mers :
même là, ta main me conduit, ta main droite me saisit.
J'avais dit : « Les ténèbres m'écrasent ! » mais la nuit devient lumière autour de moi.
Même la ténèbre pour toi n'est pas ténèbre, et la nuit comme le jour est lumière !
C'est toi qui as créé mes reins, qui m'as tissé dans le sein de ma mère.
Je reconnais devant toi le prodige, l'être étonnant que je suis : étonnantes sont tes oeuvres toute mon âme le sait.
Mes os n'étaient pas cachés pour toi quand j'étais façonné dans le secret, modelé aux entrailles de la terre.
J'étais encore inachevé, tu me voyais ; sur ton livre, tous mes jours étaient inscrits, recensés avant qu'un seul ne soit !
Que tes pensées sont pour moi difficiles, Dieu, que leur somme est imposante !
Je les compte : plus nombreuses que le sable ! Je m'éveille : je suis encore avec toi.
Scrute-moi, mon Dieu, tu sauras ma pensée éprouve-moi, tu connaîtras mon coeur.
Vois si je prends le chemin des idoles, et conduis-moi sur le chemin d'éternité.

Homélie de Lansperge le Chartreux (+ 1539), Sermon 5, Opera omnia, 3, 315-317

Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière (Is 9,1). Mes frères, nul n'ignore que nous sommes tous nés dans les ténèbres et que nous y avons vécu autrefois. Mais faisons en sorte de ne plus y rester, maintenant que le soleil de justice s'est levé pour nous. <>


Le Christ est donc venu illuminer ceux qui demeurent dans les ténèbres et l'ombre de la mort, pour guider leurs pas dans le chemin de la paix. De quelles ténèbres parlons-nous? Tout ce qui se trouve dans notre intelligence, dans notre volonté ou dans notre mémoire, et qui n'est pas Dieu ou n'a pas sa source en Dieu, autrement dit tout ce qui en nous n'est pas à la gloire de Dieu et fait écran entre Dieu et l'âme, est ténèbres. <>


Aussi le Christ, ayant en lui la lumière, nous l'a-t-il apportée pour que nous puissions voir nos péchés et haïr nos ténèbres. Vraiment, la pauvreté qu'il a choisie quand il n'a pas trouvé de place à l'hôtellerie, est pour nous la lumière à laquelle nous pouvons connaître dès maintenant le bonheur des pauvres en esprit, à qui appartient le Royaume des cieux.


L'amour dont le Christ a témoigné en se consacrant à notre instruction et en s'exposant à endurer pour nous les épreuves, l'exil, la persécution, les blessures et la mort sur la croix, l'amour qui finalement l'a fait prier pour ses bourreaux, est pour nous la lumière grâce à laquelle nous pouvons apprendre à aimer aussi nos ennemis.


Elle est pour nous lumière, l'humilité avec laquelle il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur (Ph 2,7), et, refusant la gloire du monde, voulut naître dans une étable plutôt que dans un palais et subir une mort honteuse sur un gibet. Grâce à cette humilité nous pouvons savoir combien détestable est le péché d'un être de limon, un pauvre petit homme de rien, lorsqu'il s'enorgueillit, se glorifie et ne veut pas obéir, tandis que nous voyons le Dieu infini, humilié, méprisé et livré aux hommes.


Elle est aussi pour nous lumière, la douceur avec laquelle il a supporté la faim, la soif, le froid, les insultes, les coups et les blessures, lorsque comme un agneau il a été conduit à l'abattoir et comme une brebis devant le tondeur il n'a pas ouvert la bouche (Is 53,7). Grâce à cette douceur, en effet, nous voyons combien inutile est la colère, de même que la menace, nous consentons alors à souffrir et nous ne servons pas le Christ par routine. Grâce à elle, nous apprenons à connaître tout ce qui nous est demandé: pleurer nos péchés dans la soumission et le silence, et endurer patiemment la souffrance quand elle se présente. Car le Christ a enduré ses tourments avec tant de douceur et de patience, non pour des péchés qu'il n'a pas commis, mais pour ceux d'autrui.


Dès lors, frères très chers, réfléchissez à toutes les vertus que le Christ nous a enseignées par sa vie exemplaire, qu'il nous recommande par ses exhortations et qu'il nous donne la force d'imiter avec l'aide de sa grâce.


Prière

Seigneur notre Dieu, tu as voulu que ton Fils prenne notre chair pour répandre ta lumière parmi ceux qui habitaient dans les ténèbres. Accorde-nous la grâce d'une conversion plus totale, et nous refléterons auprès de nos frères la clarté de ton Royaume. Par Jésus Christ.

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