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IVe Dimanche du temps ordinaire (A)

Comme un Chevalier du Christ…



Croix templière,

Anonyme,

Sculpture du XIIIème siècle,

Église Saint-Martin (Lasserre, France)


Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 5,1-12a

En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait : « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »


L’église

Attribuée à l'ordre de Malte, l'église dépend dès le XIIe siècle de la commanderie de Morlaas. C'est l'un des nombreux sanctuaires et refuges situés sur les routes menant à Compostelle. L'église est entourée d'un cimetière clos d'une enceinte fortifiée dont il reste la porte en plein cintre mouluré, surmonté d'un encadrement rectangulaire, et flanquée de part et d'autre d'une tête sculptée. Une nef unique mène à un choeur à chevet plat. Un bâtiment a été construit plus tard contre la façade occidentale dont le pignon est coiffé d'un clocheton quadrangulaire. Des pierres de hourdages et des mâchicoulis noyés dans les constructions postérieures, témoignent de la fortification de l'église à l'époque troublée du Béarn. Le portail d'entrée en arc plein cintre torique est surmonté du monogramme du Christ et d'une croix de Malte entourée de perles. A l'intérieur, plafond en bois peint. Au fond de la nef prend place une tribune rustique du XIVe siècle, en bois.


La croix templière



Les différents ordres chevaleresques du Moyen-âge (Templiers, Hospitaliers, Teutoniques, etc.) ont fait le choix de cette croix à huit pointes comme symbole de leur engagement, même si sa forme a pu différer quelque peu. En fait, elle veut mettre au centre de la vie du Chevalier les quatre vertus cardinales (force, justice, tempérance et prudence) comme chemin pour rejoindre et appliquer les huit béatitudes. Chaque Chevalier fait le choix de servir le Christ, son unique Maître, en soutenant et protégeant ses frères qui souffrent de l’abandon ou de la pauvreté. Pour y parvenir, il nous indique trois qualités morales appelées "Vertus Théologales" parce qu'elles se rapportent à la connaissance de Dieu diffusée par l'Évangile : la Foi, pour en vivre, l'Espérance comme soutien, la Charité comme enracinement dans le réel de notre fraternité humaine.


L’idéal chevaleresque

On pourrait le traduire en une idée maîtresse et quelques perspectives :

  • « Toujours et en tout lieu tu agiras en défenseur du Bien et de la Justice contre le mal et l'iniquité »

  1. un sens du devoir,

  2. un sens de l’honneur,

  3. une vie chrétienne de foi, d’espérance et de charité,

  4. une annonce du Christ dans les actes et en ce monde,

  5. une volonté de défendre le faible et le pauvre,

  6. le choix de servir Dieu et le prochain,

  7. le désir d’être le frère de tous.

  8. la recherche de la sainteté en vivant les vertus cardinales

Quatre vertus cardinales

Cardinales, car elles montrent le chemin, les points cardinaux à rejoindre, ceux qui sont au cœur de la vie chrétienne. Au XIIIème siècle, le rituel de consécration des Chevaliers le formulait ainsi :

  • L'une des premières choses que doit avoir un Chevalier, c'est d'être honnête, car de l'honnêteté procèdent les quatre vertus.

  • La première : PRUDENCE, par laquelle connaître toutes choses, ayant mémoire du passé, ordonner au présent et pourvoir à l'avenir.

  • La seconde : JUSTICE, laquelle conserve toutes choses en leurs égalités et rend à chacun ce qui lui appartient.

  • La troisième : FORCE, qui est un mépris des douleurs et travaux par magnanimité et grandeur de courage.

  • La quatrième : TEMPÉRANCE, qui est d'avoir modération en toutes choses.

Nous pourrions, en langage contemporain et à partir du verbe « agir » les traduire ainsi :

  • Par la PRUDENCE, on n'agit pas n'importe comment,

  • Par la JUSTICE, on voit comment agir,

  • Par la FORCE, on est capable d'agir,

  • Par la TEMPÉRANCE l'action n'est jamais excessive.

En fait, toutes sont le chemin pour vivre et espérer les huit pointes, les huit béatitudes évangéliques.


Les béatitudes

Les huit Béatitudes résument le bonheur auquel le Seigneur appelle TOUS les hommes. Tous, sans exception, sont appelés à ce bonheur dont le Christ n'y fixe même pas la condition du Baptême, dont les grâces ne peuvent pourtant qu'en favoriser l'éclosion et la maturation.


La grande majorité des Chrétiens croient connaître les "Huit Béatitudes" pour en entendre le texte dans l'Évangile qui est lu à l'office de la Toussaint, ou lors des obsèques de l'un des leurs. Mais combien en sont pénétrés au point de les savoir "par cœur" ? et dans le bon ordre, et accompagnées des promesses qui suivent chacune d'entre-elles ?


Les huit Béatitudes du Sermon de Jésus sur la Montagne, relaté dans l'Évangile selon saint Matthieu (Mt 5,3-12 30), constituent comme une Charte qui décrit non pas une liste de bonheurs promis pour un "plus tard" au-delà le la vie terrestre, mais déjà, des objectifs de bonheur réalisables tout de suite, puisqu'ils proposent, dans la formulation même, l'immédiateté de leur récompense, ICI et MAINTENANT, sans délai.


Un bonheur actif, un bonheur actuel, vécu, réalisé au quotidien, par notre recherche constante, et dans notre prière effective ! Nous sommes ici au cœur même d'une spiritualité véritablement accessible "pour tous".


Heureux les pauvres en esprit...

mais malheur aux orgueilleux ; ils rejetteront le Royaume !

  • Cette Béatitude indique la source de bonheur immédiat qu'est le fait de vouloir se contenter et tout accepter de ce qui nous est donné, matériellement, intellectuellement et spirituellement, sans rien demander d'autre ; parce que nous nous reconnaissons comme seulement d'humbles créatures.

Elle est la béatitude du consentement spirituel…


Heureux les doux…

mais malheur aux violents ! ils ne pourront partager la terre.

  • Si la promesse attachée par Jésus à cette Béatitude est "d'avoir la terre en partage", c'est que cette terre aura été restaurée dans son innocence première, de Paradis terrestre, et justement débarrassée de toute les sortes de malice. Ainsi, lorsqu'un jugement est requis, l'attitude chevaleresque est de bien savoir distinguer un acte, d'une part, et la personne qui commet cet acte, d'autre part. Un acte mauvais est mauvais en soi et ne saurait être toléré. La personne, elle, et quelle qu’elle soit, est TOUJOURS aimée de Dieu.

Elle est la béatitude de la vie sans malice…


Heureux les affligés…

mais malheur à ceux qui n'ont compassion ni d'eux- mêmes ni d'autrui, ils resteront sans consolation.

  • Pendant des siècles, cette Béatitude a été interprétée telle que la mystique médiévale nous l'avait léguée : Pleurer ses péchés ! Cet enseignement semble avoir été un peu et peut-être beaucoup perdu de vue, au profit d'interprétations plus modernes, matérialistes ou sentimentales : pleurer de n'être pas riche... pleurer d'être malheureux pour toutes sortes de raisons – sauf celle qui importe à notre salut : celle d'attrister notre Seigneur Jésus Christ par notre comportement de pécheur.

  • La question n'est pas de pleurer à cause de sa pauvreté ou misère matérielle, mais bien par la considération de notre état spirituel : prendre conscience de l'état catastrophique de notre situation de pécheur, porter ce spectacle devant nos yeux, à la suite des traditions ramenées de chez les Chrétiens orientaux de l'hésychasme, répétant sans cesse dans la méditation : « Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pauvre pécheur. »

Elle est la béatitude de la reconnaissance de notre péché…


Heureux ceux qui ont faim et soif de justice…

mais malheur aux perpétuels satisfaits, ils verront leur honte.

  • Désirer ardemment la justice : c'est chercher toujours à satisfaire la volonté de Dieu, car elle seule peut rassasier le désir spirituel humain. Toute autre démarche ne sera que recherche éperdue d'un bonheur introuvable : « Cherchez d'abord le Royaume et sa justice, et tout vous sera donné par surcroît. », dit le Seigneur (Mt 6, 33).

  • Se battre pour la justice est une garantie de bonheur immédiat car il n'y a pas de cause plus noble que celle d'être, en conscience, au service de la réalisation de la volonté de Dieu. Au risque parfois dans les cas extrêmes, de devoir accepter d'en subir de graves conséquences dans sa vie : car à quoi bon vivre sans honneur, perdre son âme, en restant passif quand le laisser faire n'est que honte et salissure...

Elle est la béatitude du désir ardent de la justice…


Heureux les miséricordieux

Mais malheur aux impitoyables, ils ne se pardonneront rien.

  • Ainsi la cinquième Béatitude, celle de la miséricorde, y est centrale, qui marque le point d'inflexion, sinon la césure radicale du passage de l'Ancien au Nouveau Testament. Il ne suffit plus d'aimer Dieu et son prochain comme soi-même : le Christ demande : « Aimez vos ennemis ! » (Mt 5, 44) Demande inouïe, qui n'a été formulée dans aucune autre religion, ni avant ni depuis. Aimer par miséricorde, par imitation du souverain Maître qui nous conseille de prier ainsi son Père : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. » (Mt 6, 12). Le pardon est acte d'Amour, mis en accord avec le regard divin. Dieu est Amour sans conditions. Dieu est pur Amour.

Elle est la béatitude qui accorde le cœur et la misère…


Heureux les cœurs purs…

mais malheureux les cœurs se complaisant dans les cachettes de leurs ombres : ils ne se trouveront jamais dignes de voir Dieu ni d'être en sa Présence..

  • Cette Béatitude demande que nous disposions notre âme en l'état permanent de celle du petit enfant que Jésus appela et plaça au milieu de ses disciples en leur disant : « En vérité je vous le dis, si vous ne retournez pas à l'état des enfants, vous ne pourrez entrer dans le Royaume des Cieux. » (Mt 18, 3)

  • Un état permanent, c'est-à-dire celui dans lequel notre mort terrestre, notre dies natalis, jour de notre naissance à notre véritable éternité, nous trouvera, quel qu'en soit le jour et l'heure. Heureux alors, ce cœur pur, d'avoir vécu, jour après jour sans plus d'angoisse qu'un petit enfant ; de n'avoir pas vécu en ayant, mon Dieu mon Dieu, encore ceci à faire, et puis aussi ceci, et puis encore cela... Vivre simplement dans la perspective, parfois aperçue, de l'émerveillement de la Rencontre et de la Présence.


Elle est la béatitude de la sincérité du cœur…


Heureux les artisans de paix

Mais malheureux ceux qui refusent d'être appelés fils de Dieu !

  • Mais de quelle paix s'agit-il ? La réponse est donnée par le Fils de Dieu en Personne : Heureux êtes-vous, dit-il, quand on vous donne mon nom de "fils de Dieu" et qu'ainsi vous devenez mes frères et que vous acceptez ce que je suis venu vous donner : non pas la paix du monde, mais Ma paix : « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix » (Jn 14, 27).

  • Cette Paix, celle de Jésus, qui est Plénitude de Vie et Salut… Être sauvé : atteindre ce pour quoi on est fait, réaliser le plan de Dieu sur soi et garder cet amour de Sa paix qu'il nous a laissée.

Elle est la béatitude de l’amour de la paix, pour tous, en toute circonstance et à tout instant…


Heureux les persécutés pour la justice…

mais malheureux ceux qui, plutôt que d'endurer la persécution, préfèrent vivre dans le déshonneur : ils s'excluent eux-mêmes du Royaume.

  • « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice » (c'est-à-dire pour l'accomplissement de la volonté de Dieu) « Le Royaume des Cieux est à eux ». On retrouve ici, et mot pour mot, la récompense promise à la première Béatitude « Heureux les pauvres en esprit ». Parce que les pauvres en esprit n'ont d'autre ambition que de fondre leur désir dans celui de Dieu ; au contraire précisément des "persécuteurs" qui eux, s'opposent au désir divin.

  • « Heureux êtes-vous lorsque l'on vous insulte, que l'on vous persécute et que l'on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi. » C'est avouer que parce que vous vous comportez en disciple de Jésus, vous avez droit, en quelque sorte, à un brevet de fidélité à votre Seigneur ! « Soyez dans la joie et l'allégresse, car votre récompense est grande dans les Cieux. »

Il n'y a pas, nulle part dans l'Evangile, d'incitation à une vocation au martyr, ni à l'apostasie non plus d'ailleurs. La persécution est toujours annoncée comme une souffrance infligée par des ennemis de Dieu. À commencer, bien sûr, par la Passion du Christ. Et, de même, dès les débuts de l'Histoire de l'Église, le martyre de saint Étienne en est une parfaite démonstration (Ac 7, 55-59).


Mais saint Paul avertit que le temps de « l'œil pour œil et dent pour dent » est fini : le commandement nouveau est advenu : « Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas. » (Jc 3, 18)


Elle est la béatitude qui nous invite à endurer l’épreuve…


Quatre vertus comme chemin pour vivre huit pointes de la Croix du Christ et atteindre le Royaume des Cieux « en cette vie où nous espérons le bonheur que tu promets : la venue de Jésus-Christ, notre Sauveur » !



Homélie de saint Chromace d'Aquilée (+ 407), Sermon 39; CCL 9 A, 169-170.

Un jour où notre Seigneur et Sauveur parcourait de nombreuses villes et régions en prêchant et en guérissant toute maladie et toute infirmité dans le peuple, voyant, dit la lecture de ce jour, les foules qui l'entouraient, il gravit la montagne (Mt 5,1). Comme il convient, le Dieu très haut monte sur une hauteur afin de proclamer de sublimes paroles à l'adresse de ceux qui aspirent à s'élever aux plus hautes vertus. Et, comme la Loi a été donnée à Moïse sur une montagne, il sied que la loi nouvelle soit promulguée sur une montagne. Celle-là comportait les dix commandements, en vue de parvenir à la connaissance et à la sagesse dans la vie présente ; celle-ci comprend les huit béatitudes, car elle conduit ceux qui l'observent à la vie éternelle et à la patrie céleste.


Heureux les doux : ils hériteront de la terre (Mt 5,4). Il faut donc que les doux aient une âme pacifique et un coeur sincère. Le Seigneur montre clairement que leur mérite est considérable, quand il dit qu'ils hériteront de la terre. Il s'agit, sans aucun doute, de cette terre dont il est écrit : J'en suis sûr, je verrai la bonté du Seigneur sur la terre des vivants (Ps 26,13), si bien que l'héritage de cette terre-là, c'est l'immortalité du corps et la gloire de la résurrection éternelle. <>


Car la douceur ignore l'orgueil, elle ignore la vantardise, elle ignore l'ambition. Aussi le Seigneur exhorte-t-il ailleurs avec juste raison ses disciples en ces termes : Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez du repos pour vos âmes (Mt 11,29).


Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés (Mt 5,5). Non ceux qui pleurent la perte d'êtres chers, mais ceux qui pleurent leurs péchés et lavent leurs fautes de leurs larmes; et sans doute ceux qui s'affligent de l'iniquité de ce monde ou gémissent sur les péchés d'autrui.


Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5,9). Voyez comme le mérite des artisans de paix est grand, puisqu'on ne les appelle plus serviteurs mais fils de Dieu. À juste raison, car celui qui aime la paix, aime le Christ, auteur de la paix, lui que l'Apôtre Paul a nommé paix, quand il a dit : C'est lui, en effet, qui est notre paix (Ep 2,14). Celui qui, au contraire, n'aime pas la paix, s'attache à la discorde, parce qu'il aime le diable, auteur de la discorde. Celui-ci, en effet, a fomenté au commencement la discorde entre Dieu et l'homme, puisqu'il a fait de l'homme un transgresseur du commandement divin.


Mais le Fils de Dieu est descendu du ciel pour condamner le diable, auteur de la discorde; pour établir la paix entre Dieu et l'homme en réconciliant l'homme avec Dieu, et en amenant Dieu à rendre sa grâce à l'homme. Et il nous faut devenir des artisans de paix afin de mériter le nom de fils de Dieu. Car, sans la paix, non seulement nous perdons le nom de fils de Dieu, mais même celui de serviteurs, selon ce que dit l'Apôtre : Aimez la paix (cf. He 12,14), sans laquelle aucun de nous ne peut plaire à Dieu (cf. He 11,6).


Catéchèse de Syméon le Nouveau Théologien (+ 1022), Catéchèses, 31; SC 113, 226-233.

Il est vraiment nécessaire de méditer les divines Écritures. Pendant qu'on en donne lecture, tout homme a le devoir de se regarder, de réfléchir et d'observer, comme dans un miroir, son âme et l'état où elle se trouve.


Que veux-je dire ? L'homme entend la parole du Seigneur <> : Heureux les pauvres de coeur: le Royaume des cieux est à eux (Mt 5,3) ! Il doit donc s'examiner et s'éprouver continuellement, en toute situation humiliante - je veux dire outrages, déshonneur, mépris -, et regarder en lui-même pour voir si la vertu d'humilité est en lui ou non.


Car celui qui la possède supporte tout sans chagrin ni accablement. Rien de ce qui arrive ne blesse son coeur. Et même s'il en est un peu blessé, il n'est pas complètement bouleversé ; ou plutôt, à cause de cette blessure au corps, simplement parce qu'il s'est un peu chagriné au lieu d'avoir accepté avec joie ce qui arrivait, il se flagelle et se regarde comme méprisable, il s'attriste et pleure; il se retire dans le secret de son âme ou de sa cellule, et, persuadé qu'il a complètement perdu sa vie, il se prosterne devant Dieu et se confesse à lui.


Puis il entend encore : Heureux ceux qui s'affligent (Mt 5,5). Observe aussi que le Christ ne dit pas: ceux qui se sont affligés, mais: ceux qui s'affligent continuellement. Il faut donc que nous examinions également ce point, à savoir si nous nous affligeons chaque jour. Car si nous sommes devenus humbles par la pénitence, il est évident que nous ne passerons pas un jour ni une nuit sans larmes, sans affliction et sans componction.


Et encore : Heureux les doux (Mt 5,4). Celui qui s'afflige chaque jour peut-il continuer à vivre dans la colère et non dans la douceur ? De même, en effet, que l'eau éteint la flamme d'un foyer, de même l'affliction et les larmes éteignent la fureur de l'âme au point que celui qui s'est maintenu dans la colère voit la fureur de son âme se transformer et parvenir à un calme immuable. <>


Ensuite il doit examiner s'il a faim et soif de la justice (Mt 5,6) de Dieu. En effet, il peut se trouver quelqu'un qui recherche la justice sans en avoir faim et soif, car Dieu est la justice ; ainsi l'entends-tu appeler soleil de justice (Ml 4,2). Celui qui a faim et soif de lui considère, en tout cas, le monde et ce qui est dans le monde comme des balayures. Quant aux honneurs des princes, il les regarde comme honteux, ou même il n'a pas la moindre idée des honneurs des hommes.


Et encore : Heureux les miséricordieux (Mt 5,7). Qui sont donc les miséricordieux ? Ceux qui sont devenus pauvres pour Celui qui s'est appauvri pour nous. Alors qu'ils n'ont rien à donner, ils se soucient constamment d'une manière spirituelle, des pauvres, des veuves, des orphelins et des malades. Ils les entourent de nombreuses attentions et de leur compassion, et versent sur eux des larmes brûlantes, à l'instar de Job qui disait : N'ai-je point pleuré sur tous les infirmes ? (Jb 30,25). Et lorsqu'ils ont de quoi, ils leur font l'aumône avec joie et à tous ils rappellent de bon coeur les moyens de sauver leurs âmes, pour obéir à Celui qui a dit : Ce que j'ai appris avec simplicité, j'en fais part sans réserve (Sg 7,13).


C'est eux que le Seigneur déclare bienheureux, eux les vrais miséricordieux : aussi est-ce à partir d'une telle miséricorde, comme par un degré, qu'ils s'élèvent et parviennent à la parfaite pureté de l'âme.


C'est donc à ce titre que Dieu a également proclamé bienheureux ceux qui ont le coeur pur, quand il déclare : Heureux les coeurs purs: ils verront Dieu (Mt 5,8) ! <> L'âme ainsi purifiée voit Dieu en tout et se réconcilie avec lui. La paix s'établit entre Dieu, notre Créateur, et l'âme qui était naguère son ennemie, et elle est alors déclarée bienheureuse par Dieu pour avoir fait oeuvre de paix. Heureux, dit-il, les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5,9)!


Prière

Seigneur notre Dieu, ton Fils est venu annoncer l'avènement d'un monde nouveau où les pauvres sont riches, les tristes joyeux, les assoiffés de justice comblés. Ouvre-nous pleinement à cette Loi nouvelle, si déconcertante pour notre sagesse à courte-vue, et donne-nous un coeur pur, afin que nous te voyions face à face. Par Jésus Christ.

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