Aujourd’hui
Le peuple hébreu dans le désert
Jacopo Robusti dit Tintoretto (Venise, 1518 - Venise, 1594)
Huile sur toile, 377 x 576 cm, 1593
San Giorgio Maggiore, Venise (Italie)
Lecture de la lettre aux Hébreux (He 3, 7-14)
Frères, comme le dit l’Esprit Saint dans un psaume : Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas votre cœur comme au temps du défi, comme au jour de l’épreuve dans le désert, quand vos pères m’ont mis à l’épreuve et provoqué. Alors ils m’ont vu à l’œuvre pendant quarante ans ; oui, je me suis emporté contre cette génération, et j’ai dit : Toujours ils ont le cœur égaré, ils n’ont pas connu mes chemins. Dans ma colère, j’en ai fait le serment : On verra bien s’ils entreront dans mon repos ! Frères, veillez à ce que personne d’entre vous n’ait un cœur mauvais que le manque de foi sépare du Dieu vivant. Au contraire, encouragez-vous les uns les autres jour après jour, aussi longtemps que retentit l’« aujourd’hui » de ce psaume, afin que personne parmi vous ne s’endurcisse en se laissant tromper par le péché. Car nous sommes devenus les compagnons du Christ, si du moins nous maintenons fermement, jusqu’à la fin, notre engagement premier.
Méditation
Un des propres de l’homme, avant le rire, n’est-il pas la procrastination ?! La procrastination (du latin pro « en avant » et crastinus « du lendemain ») est une tendance à remettre systématiquement au lendemain des actions (qu’elles soient limitées à un domaine précis de la vie quotidienne ou non). Et même dans le domaine spirituel ! Dans l’Autobiographie de Julien Green nous pouvons lire : « J’avais toujours cru que je vivrais vieux, contrairement à ce que pensent la plupart des garçons qui se croient promis à la mort en plein épanouissement de leur jeunesse. Je jugeais romantique cette manière d’envisager l’avenir et m’accordais un généreux délai pour me convertir à temps. »
Oui, nous avons toujours tendance à nous offrir ce délai de la conversion ! Cependant, l’épître aux hébreux insiste sur un mot : aujourd’hui. Dans les évangiles, ce mot sera souvent celui de « aussitôt », sans attendre. De fait, nous voyons la conversion comme un fléchissement doux et calme de notre conduite, de petits efforts pas trop perturbants en petits efforts pas trop difficile. Telle une voiture qui tire un peu à gauche et que nous corrigeons calmement par une pression de notre poignet. Mais ce n’est pas de cette conversion à laquelle invite la Parole de Dieu. La conversion évangélique est une metanoïa, c’est-à-dire un retournement complet, comme celui que l’on fait à ski (même si les stations sont actuellement fermées !) pour changer de sens sur la pente. 180°... Il ne s’agit pas de remettre au lendemain ce bouleversement de nos vies, c’est pour « aujourd’hui ». Reporter la décision, c’est se laisser tromper par le péché, par le Satan qui murmure à notre oreille qu’il y a plus important à faire et que nous verrons plus tard. Faire de l’aujourd’hui un demain, c’est s’éloigner de notre compagnon, le Christ ; c’est regarder sur le bord du chemin et s’égarer dans sur le talus ou... dans le fossé !
Pourquoi hésitons-nous alors ? Pourquoi cette procrastination ? Peut-être parce que nous ne nous en croyons pas capables ? Mais, ce serait faire injure au Christ que de ne pas avoir confiance en son compagnonnage. Ou parce que nous avons peur des changements que cela entraîne ? Mais comment savoir si le soleil brille si nous ne faisons pas l’effort de pousser la porte ? Ou par peur de ne pas réussir ? Mais, ce combat n’est pas le nôtre, mais le sien !