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Jeudi saint (A)

Le sang sera pour vous un signe -



La Pâque,

Textes de l’abbé Laurent-Casimir Bourquard (Delle, 1820 - Delle, 1900),

Illustrations reprises à partir des gravures de la Biblische Geschichte des Alten und Neuen Testaments,

« Petite Bible illustrée : ou récits tirés de l'Ancien et du Nouveau Testament à l'usage de la jeunesse » édité pour la Suisse,

280 pages, 18 cm, éditée par Charles et Nicolas Benziger et publiée à Einsielden (Suisse) en 1870, page 55,

Bibliothèque municipale, Lyon (France)


Lecture du livre de l’Exode (Ex 12, 1-8.11-14)

En ces jours-là, dans le pays d’Égypte, le Seigneur dit à Moïse et à son frère Aaron : « Ce mois-ci sera pour vous le premier des mois, il marquera pour vous le commencement de l’année. Parlez ainsi à toute la communauté d’Israël : le dix de ce mois, que l’on prenne un agneau par famille, un agneau par maison. Si la maisonnée est trop peu nombreuse pour un agneau, elle le prendra avec son voisin le plus proche, selon le nombre des personnes. Vous choisirez l’agneau d’après ce que chacun peut manger. Ce sera une bête sans défaut, un mâle, de l’année. Vous prendrez un agneau ou un chevreau. Vous le garderez jusqu’au quatorzième jour du mois. Dans toute l’assemblée de la communauté d’Israël, on l’immolera au coucher du soleil. On prendra du sang, que l’on mettra sur les deux montants et sur le linteau des maisons où on le mangera. On mangera sa chair cette nuit-là, on la mangera rôtie au feu, avec des pains sans levain et des herbes amères. Vous mangerez ainsi : la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. Vous mangerez en toute hâte : c’est la Pâque du Seigneur. Je traverserai le pays d’Égypte, cette nuit-là ; je frapperai tout premier-né au pays d’Égypte, depuis les hommes jusqu’au bétail. Contre tous les dieux de l’Égypte j’exercerai mes jugements : Je suis le Seigneur. Le sang sera pour vous un signe, sur les maisons où vous serez. Je verrai le sang, et je passerai : vous ne serez pas atteints par le fléau dont je frapperai le pays d’Égypte. Ce jour-là sera pour vous un mémorial. Vous en ferez pour le Seigneur une fête de pèlerinage. C’est un décret perpétuel : d’âge en âge vous la fêterez. »


Psaume 115 (116b), 12-13, 15-16ac, 17-18)

Comment rendrai-je au Seigneur

tout le bien qu’il m’a fait ?

J’élèverai la coupe du salut,

j’invoquerai le nom du Seigneur.

Il en coûte au Seigneur

de voir mourir les siens !

Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur,

moi, dont tu brisas les chaînes ?

Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce,

j’invoquerai le nom du Seigneur.

Je tiendrai mes promesses au Seigneur,

oui, devant tout son peuple.


Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens (1 Co 11, 23-26)

Frères, moi, Paul, j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis : la nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi. » Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.


Évangile de Jésus-Christ selon Saint Jean 13, 1-15

Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer, Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? » Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » Jésus lui dit : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. » Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. » Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »


L’ouvrage

La seconde moitié du XIXe siècle vit fleurir bon nombre de livres sur la Bible, ou plus exactement de livres contant des histoires bibliques, donc remodelées par un auteur, et illustrées de gravures. Elles eurent un énorme succès en zone germanique, Allemagne et Autriche. Beaucoup des illustrations de ces Bibles furent reprises en France, avec un texte traduit et adapté : c’est ici le cas. Elles furent largement diffusées dans les diocèses de France, entre autre grâce aux librairies religieuses et aux colporteurs.


Le rédacteur

Monseigneur Laurent-Casimir BOURQUARD, prélat de Sa Sainteté (1820-1900)


Issu de la famille Bourquard, de Seleute (hameau de Delle, Jura, Suisse), Laurent-Casimir), né à Delle le 1er janvier 1820. Après de brillantes études, il fut ordonné prêtre à Strasbourg le 19 juin 1843. D'abord professeur au petit séminaire de Strasbourg pendant trois ans puis directeur du collège de Ruffach pendant cinq ans, il devint professeur de philosophie au collège de Vaugirard en 1852 puis au lycée de Besançon pendant neuf ans. Premier aumônier du collège Rollin à Paris, il sera nommé professeur titulaire de la chaire de philosophie dès l'ouverture de l'Université catholique d'Angers. Mgr Charles-Émile Freppel, évêque de ce diocèse, le nomma chanoine tandis que Léon XIII élevait ce docteur en théologie et ès-lettres (diplômé à l'Académie romaine de Saint-Thomas d'Aquin) à la dignité de camérier du pape. Laurent-Casimir Bourquard sera plus tard directeur du collége des R.P. Bénédictins de Mariastein, réfugiés à Delle, ville suisse où il mourra en 1900. Laurent-Casimir Bourquard avait été reçu membre correspondant de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-lettres de Besançon en 1881. On lui doit plusieurs ouvrages dont une Méthode dans les Sciences théologiques (Paris, Lecoffre, 1860).


Ce que je vois

La scène se déroule dans un intérieur rustique. À gauche, une simple porte à deux battants donne sur l’extérieur où l’on voit voler l’ange exterminateur, épée en main, alors qu’un homme met le sang de l’agneau sur le linteau avec une éponge qu’il plonge dans sa petite écuelle. Contre la paroi, les baluchons, amphores et bâtons sont prêts pour le prochain exode. Sur la table, l’agneau mort est apporté dans un grand plat par un jeune homme. Toute la famille est réunie autour de la table : deux hommes barbus à genoux, un autre à l’arrière, et une femme mains jointes. Au pied, une autre femme prend les pains sans levain qu’elle distribue, alors qu’un enfant commence déjà à manger. Tous semblent prêts à partir une fois que l’agneau sera mangé et l’ange parti. En quelques traits, la gravure illustre avec détail la scène biblique, d’où se dégage à la fois un climat d’inquiétude mais aussi paisible : l’assurance profonde que Dieu protège son peuple et va le délivrer de l’esclavage.


L’Eucharistie

Nous le savons, le Jeudi saint, la dernière Cène, correspond à l’institution de l’Eucharistie que nous partageons aujourd’hui. À cette solennité s’ajoute la fête des prêtres, eux qui consacrent le pain et le vin. Pourtant, comme vous pourrez le lire dans l’homélie du pape Benoît XVI du Jeudi saint 2007, cette Cène n’est pas exactement celle que célébrait le peuple Juif en souvenir de la Pâque :

Nous sommes à présent en mesure de dire que ce que Jean a rapporté est historiquement précis. Jésus a réellement versé son sang la veille de Pâque, à l'heure de l'immolation des agneaux. Il a cependant célébré la Pâque avec ses disciples probablement selon le calendrier de Qumran, et donc au moins un jour avant - il l'a célébrée sans agneau, comme la communauté de Qumran, qui ne reconnaissait pas le temple d'Hérode et qui était en attente du nouveau temple. Jésus a donc célébré la Pâque sans agneau - non, pas sans agneau : au lieu de l'agneau il s'est donné lui-même, son corps et son sang.

Une dernière Cène sans agneau car lui-même était l’Agneau offert en sacrifice. Un agneau dont on a prélevé le sang pour écarter le passage de l’ange exterminateur. C’est bien le sang, avant le pain, qui est au centre de cette célébration.


Le sang

Un rabbin nous donne quelques explications :

Dans la tradition juive, le sang représente l’âme de la vie, et la vie est sacrée. Ceci explique pourquoi il nous est rigoureusement interdit de consommer le sang de tout être vivant.
Cette interdiction est incluse dans les lois Noahides, dans la Loi Mosaïque, et dans la Halakha, la Loi juive dans ses évolutions historiques et actuelles.
Le sang représente la vie, et pourtant le sang inspire très souvent de la répulsion. Est-ce parce que l’écoulement de sang est en rapport avec la mort, ou pour d’autres raisons ?
(…) Toutefois, le sang ne représente pas seulement l’aspect morbide de l’existence, dont nous devrions nécessairement nous démarquer. Le sang symbolise aussi la vie, en ce qu’elle a de sacré, et la fertilité. (…) Le sang évoque le passage de la vie à la mort, comme le passage de la mort à la vie. L’esclavage peut-être assimilé à la mort, et la vie à la liberté. Peu avant leur sortie d’Égypte, les enfants d’Israël se sont différenciés de l’ensemble de la population en badigeonnant le linteau des portes de leurs demeures de sang d’agneau. C’est ainsi qu’ils ont échappé à la dixième plaie d’Égypte, l’immolation des premiers nés. Ce sang au linteau des portes est à l’origine de la mézouzah (מזוזה) actuelle apposée à l’entrée des maisons et des pièces. Le sang a été remplacé par l’écrit, l’écrit des rouleaux de parchemin introduits dans les mézouzot.

Nous percevons ici la différence entre nos deux religions : pour les Juifs, le sang versé a été remplacé par l’écrit, c’est-à-dire la Torah (la Loi). Pour les chrétiens, le sang est remplacé par le vin de l’Eucharistie. Et ce, d’autant plus que la Croix de Jésus sera aussi la nouvelle porte vers la liberté et le salut, porte apotropaïque (qui repousse le mal et protège), puisque, comme au temps de l’exode, les deux montants (horizontal et vertical) seront marqués par le sang coulant des plaies de Jésus. Pour en revenir à la Cène, Ce vin devenu sang est bien la nouveauté que Jésus a introduite dans le rituel, même avec une journée d’écart. À ce titre, je suis toujours gêné, même si je comprends l’intention oecuménique, quand des paroisses proposent aux fidèles de vivre un repas de seder juif le Jeudi saint. Même si les racines sont les mêmes, les branches diffèrent ! Ainsi, la bénédiction de la coupe est accompagnée de paroles dans le rituel de la Pâque juive :

ברוך אתה ה' אלוהינו מלך העולם, בורא פרי הגפן.
« Baroukh ata Adonaï, Elohènou, melekh ha‑olam, borè peri hagaffen »
« Béni es-Tu, Seigneur, notre Dieu, Roi de l'univers, Qui crée le fruit de la vigne. »

Nous avons repris cette bénédiction. Mais, ensuite, lorsque la coupe est donnée à chacun des convives, aucune parole juive n’est prononcée. Alors que Jésus dira :

« Prenez et buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Vous ferez cela en mémoire de moi. »

L’évangile de Luc nous rend ainsi les paroles de Jésus (Lc 22, 17-18) :

Et ayant reçu une coupe, il rendit grâces et dit : “Prenez ceci et partagez entre vous. Car, je vous le dis, je ne boirai plus désormais du produit de la vigne jusqu’à ce que le Règne de Dieu soit venu.”

Pusi au verset 20 :

Et pour la coupe, il fit de même après le repas, en disant : Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang versé pour VOUS.

Pourquoi tous ces détails, me direz-vous ? Tout simplement pour remettre en valeur cette dimension de la coupe qui, trop souvent, s’efface devant le pain. Mais nous ne pouvons séparer les deux. Jésus n’a pas simplement offert son Corps sous la substance du pain, mais aussi son Sang sous celle du vin. Il est vrai qu’au cours des siècles, pour des raisons pratiques, on a écarté les fidèles de la communion sous les deux espèces, hormis à quelques rares moments comme ce Jeudi saint. Pourtant, il me semble que le don de son Sang a autant d’importance, si ce n’est plus, que celui du pain.


Le pain, en effet, nous nourrit, il donne la force à notre corps. L’Église catholique, à la différence des Orthodoxes, a préféré gardé le signe du pain azyme de la fête juive. Les Orthodoxes utilisent du pain levé afin de montrer que la synaxe (l’Eucharistie) n’est pas la redite du rite juif, mais une nouvelle fête, celle du Christ. Ainsi, vous verrez dans l’abside de beaucoup d’églises orthodoxes une fresque représentant la communion des apôtres sous les deux espèces.



Icône orthodoxe grecque-byzantine traditionnelle,

Tempera à l’oeuf sur bois, dorure à la feuille d’or,

Taille: 90 x 30 cm,

Collection privée


Représentation bien différente de l’ultime Cène occidentale. On voit ici, ce qui est rare chez nous, la communion des apôtres à la coupe offerte par le Christ.


Communier au Sang du Christ

J’en reviens donc à cette dimension du sang. Elle est présente dans notre première lecture. Le sang de l’agneau immolé recouvre le linteau et les montants des portes pour signaler à l’ange exterminateur qu’il doit éviter cette maison. Mais le texte est plus explicite encore :

Je suis le Seigneur. Le sang sera POUR VOUS un signe, sur les maisons où vous serez. Je verrai le sang, et je passerai : vous ne serez pas atteints par le fléau dont je frapperai le pays d’Égypte. Ce jour-là sera pour vous un mémorial.

Le sang n’est donc pas uniquement un signe pour l’ange, mais aussi pour nous. Ce sera le même « pour vous » que l’on retrouve dans l’évangile de Luc : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang versé POUR VOUS ». Si le pain nourrit le corps, il faut que celui-ci vive ! Et c’est le sang qui est le signe de cette vie. Plus haut, le rabbin expliquait : « le sang représente l’âme de la vie, et la vie est sacrée ». À tel point que ce sang est le signe que Dieu nous donne, signe que la vie divine réside en notre âme, mais aussi un sang qui nous protège. Ainsi, communier au Sang, c’est en recevoir la vie, l’âme divine — dans beaucoup de religions primitives, on buvait le sang des ennemis tués pour en prélever la force. En buvant le sang du Christ, nous en recevons son âme, sa force, sa protection.


Ne communier qu’au pain risque alors de paraître ne communier qu’à « une partie » du Christ. Nous avons besoin de son Corps, pour devenir nous-mêmes Corps du Christ, c’est-à-dire « Église », mais aussi de son Sang pour que ce corps soit animé de sa vie. Je plaide pour la communion sous les deux espèces, que ce soit directement à la coupe, ou au moins par intinction, qu’elle soit faite par le fidèle, ou avec une cuillère par le prêtre, comme en orthodoxie. N’est-ce pas ce que le psaume a proclamé :


Comment rendrai-je au Seigneur

tout le bien qu’il m’a fait ?

J’élèverai la coupe du salut,

j’invoquerai le nom du Seigneur.


Je ne peux que vous inviter à aller lire le texte en annexe de saint Jean Chrysostome qui donne tous son sens au Sang vivifiant et salivifique du Christ, source de l’Église.


L’agneau

L’agneau immolé qui verse son sang pour nous est donc l’acte dont nous devons faire mémoire, anamnèse. Cela est d’autant plus marquant que Jésus commente surtout ce geste, plus que celui du pain :

« Prenez et buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Vous ferez cela en mémoire de moi. »

Ce sang est celui de l’Alliance, une Alliance non plus scellée simplement comme un accord entre deux personnes, mais une Alliance scellée dans et par son Sang : il verse son Sang pour sceller avec nous l’Alliance de la rémission. Écoutons ce que saint Paul nous dit (Rm 5, 15-19) :

(…) En effet, si la mort a frappé la multitude par la faute d’un seul, combien plus la grâce de Dieu s’est-elle répandue en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ. (…) Si, en effet, à cause d’un seul homme, par la faute d’un seul, la mort a établi son règne, combien plus, à cause de Jésus Christ et de lui seul, régneront-ils dans la vie, ceux qui reçoivent en abondance le don de la grâce qui les rend justes. Bref, de même que la faute commise par un seul a conduit tous les hommes à la condamnation, de même l’accomplissement de la justice par un seul a conduit tous les hommes à la justification qui donne la vie. En effet, de même que par la désobéissance d’un seul être humain la multitude a été rendue pécheresse, de même par l’obéissance d’un seul la multitude sera-t-elle rendue juste.

Le sang d’un seul homme, Jésus, a racheté le sang corrompu de tous les hommes par le péché. En mangeant son Corps, nous nous agrégeons à lui, Corps du Christ, Tête de l’Église. Mais en buvant son Sang, nous renouvelons notre propre sang souillé par le péché pour en faire le Sang du Christ, le Sang de l’Alliance. Voilà ce nous devons faire en mémoire de lui : communier à (et en) son Sang pour renouveler, transfigurer, glorifier toute notre vie. Et c’est bien en cela que nous sommes tous appelés à nous offrir en sacrifice :


Priez, frères et sœurs : que mon sacrifice, qui est aussi le vôtre, soit agréable à Dieu le Père tout puissant.


Que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice à la louange et à la gloire de son nom, pour notre bien et celui de toute l’Eglise.




Catéchèse baptismale de saint Jean Chrysostome

« L'Église de Dieu qu'il s'est acquise par son sang »

Veux-tu savoir quelle vertu possède le sang du Christ ? Revenons à ce qui en a été la figure, aux récits anciens de ce qui s'est passé en Égypte. ~ Moïse dit : « Immolez un agneau sans tache et marquez vos portes de son sang. » Que dis-tu, Moïse ? Le sang d'un animal sans raison peut-il sauver des hommes doués de raison ? Oui, dit Moïse, non pas parce que c'est du sang, mais parce qu'il est la figure du sang du Seigneur. À présent, au lieu des portes marquées par le sang de la préfiguration, le diable voit sur les lèvres des fidèles le sang de la vérité préfigurée marquer la porte de ce temple du Christ qu'ils sont maintenant ; à plus forte raison va-t-il donc battre en retraite ! ~ Veux-tu connaître encore par un autre biais la vertu de ce sang ? Vois d'où il a commencé à couler et d'où il a pris sa source : il descend de la croix, du côté du Seigneur. Comme Jésus déjà mort, dit l'Évangile, était encore sur la croix, le soldat s'approcha, lui ouvrit le côté d'un coup de sa lance et il en jaillit de l'eau et du sang. Cette eau était le symbole du baptême, et le sang, celui des mystères. ~ C'est donc le soldat qui lui ouvrit le côté ; il a percé la muraille du temple saint ; et moi, j'ai trouvé ce trésor et j'en ai fait ma richesse. Ainsi en a-t-il été de l'Agneau : les Juifs égorgeaient la victime, et moi j'ai recueilli le salut, fruit de ce sacrifice. Et il jaillit de son côté de l'eau et du sang. Ne passe pas avec indifférence, mon bien-aimé, auprès du mystère. Car j'ai encore une autre interprétation mystique à te donner. J'ai dit que cette eau et ce sang étaient le symbole du baptême et des mystères. Or, l'Église est née de ces deux sacrements : par ce bain de la renaissance et de la rénovation dans l'Esprit, par le baptême donc, et par les mystères. Or, les signes du baptême et des mystères sont issus du côté. Par conséquent le Christ a formé l'Église à partir de son côté, comme il a formé Ève à partir du côté d'Adam. Aussi saint Paul dit-il : Nous sommes de sa chair et de ses os, désignant par là le côté du Seigneur. De même en effet que le Seigneur a pris de la chair dans le côté d'Adam pour former la femme, ainsi le Christ nous a donné le sang et l'eau de son côté pour former l'Église. Et de même qu'alors il a pris de la chair du côté d'Adam, pendant l'extase de son sommeil, ainsi maintenant nous a-t-il donné le sang et l'eau après sa mort. ~ Vous avez vu comment le Christ s'est uni son épouse ? Vous avez vu quel aliment il nous donne à tous ? C'est de ce même aliment que nous sommes nés et que nous sommes nourris. Ainsi que la femme nourrit de son propre sang et de son lait celui qu'elle a enfanté, de même le Christ nourrit constamment de son sang ceux qu'il a engendrés.



MESSE IN CENA DOMINI - HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI, Basilique Saint-Jean-de-Latran, Jeudi Saint, 5 avril 2007

Chers frères et sœurs,

Dans la lecture du Livre de l'Exode, que nous venons à peine d'écouter, est décrite la célébration de la Pâque d'Israël, telle qu'elle était réglementée dans la Loi mosaïque. À l'origine, il a pu y avoir une fête de printemps des nomades. Pour Israël, toutefois, cela s'était transformé en une fête de commémoration, d'action de grâce et, dans le même temps, d'espérance. Au centre de la Cène pascale, ordonnée selon des règles liturgiques déterminées, se trouvait l'agneau comme symbole de la libération de l'esclavage en Egypte. C'est pourquoi l'haggadah pascal faisait partie intégrante du repas à base d'agneau: le récit rappelant le fait que c'était Dieu lui-même qui avait libéré Israël "la main haute". Lui, le Dieu mystérieux et caché, s'était révélé plus fort que le pharaon avec tout le pouvoir qu'il avait à sa disposition. Israël ne devait pas oublier que Dieu avait personnellement pris en main l'histoire de son peuple et que cette histoire était sans cesse fondée sur la communion avec Dieu. Israël ne devait pas oublier Dieu.


La parole de la commémoration était entourée par des paroles de louange et d'action de grâce tirées des Psaumes. Remercier et bénir Dieu atteignait son sommet dans la berakha, qui en grec est appelée eulogia ou eucaristia : bénir Dieu devient une bénédiction pour ceux qui le bénissent. L'offrande donnée à Dieu revient bénie à l'homme. Tout cela édifiait un pont entre le passé et le présent et vers l’avenir : la libération d'Israël n'était pas encore accomplie. La nation souffrait encore comme petit peuple dans le cadre des tensions entre les grandes puissances. Se rappeler avec gratitude de l'action de Dieu par le passé devenait ainsi, dans le même temps, une supplication et une espérance : Mène à bien ce que tu as commencé ! Donne-nous la liberté définitive !


C'est cette cène aux multiples significations que Jésus célébra avec les siens le soir avant sa Passion. Sur la base de ce contexte nous devons comprendre la nouvelle Pâque, qu'Il nous a donnée dans la Sainte Eucharistie. Dans les récits des évangélistes il existe une contradiction apparente entre l'Evangile de Jean, d'une part, et ce que, de l'autre, nous communiquent Matthieu, Marc et Luc. Selon Jean, Jésus mourut sur la croix précisément au moment où, dans le temple, étaient immolés les agneaux pascals. Sa mort et le sacrifice des agneaux coïncidèrent. Cela signifie cependant qu'Il mourut la veille de Pâques et qu'il ne put donc pas célébrer personnellement la cène pascale - c'est tout au moins ce qu'il semble. En revanche, selon les trois Evangiles synoptiques, la Dernière Cène de Jésus fut une cène pascale, dans la forme traditionnelle de laquelle Il inséra la nouveauté du don de son Corps et de son Sang. Il y a quelques années encore, cette contradiction semblait insoluble. La plupart des exégètes étaient de l'avis que Jean n'avait pas voulu communiquer la véritable date historique de la mort de Jésus, mais avait choisi une date symbolique pour rendre ainsi évidente la vérité la plus profonde : Jésus est le nouvel agneau véritable qui a répandu son sang pour nous tous.


La découverte des écrits de Qumran nous a, entre-temps, conduits à une possible solution convaincante qui, bien que n'ayant pas encore été acceptée par tous, possède toutefois un haut degré de probabilité. Nous sommes à présent en mesure de dire que ce que Jean a rapporté est historiquement précis. Jésus a réellement versé son sang la veille de Pâque, à l'heure de l'immolation des agneaux. Il a cependant célébré la Pâque avec ses disciples probablement selon le calendrier de Qumran, et donc au moins un jour avant - il l'a célébrée sans agneau, comme la communauté de Qumran, qui ne reconnaissait pas le temple d'Hérode et qui était en attente du nouveau temple. Jésus a donc célébré la Pâque sans agneau - non, pas sans agneau: au lieu de l'agneau il s'est donné lui-même, son Corps et son Sang. Il a ainsi anticipé sa mort de manière cohérente avec sa parole : « Personne n'a pu m'enlever la vie; je la donne de moi-même » (cf. Jn 10, 18). Au moment où il présentait à ses disciples son Corps et son Sang, Il accomplissait réellement cette affirmation. Il a lui-même offert sa vie. Ce n'est qu'ainsi que l'antique Pâque atteignait son véritable sens.


Saint Jean Chrysostome, dans ses catéchèses eucharistiques, a écrit un jour : Que dis-tu, Moïse ? Le sang d'un agneau purifie les hommes ? Il les sauve de la mort ? Comment le sang d'un animal peut-il purifier les hommes, sauver les hommes, avoir du pouvoir contre la mort ? De fait - poursuit Jean Chrysostome - l'agneau ne pouvait constituer qu'un geste symbolique et donc l'expression de l'attente et de l'espérance en Quelqu'un qui aurait été en mesure d'accomplir ce que le sacrifice d'un animal n'était pas capable de faire. Jésus célébra la Pâque sans agneau et sans temple et, toutefois, non pas sans agneau et sans temple. Il était lui-même l'Agneau attendu, le véritable, comme l'avait annoncé Jean Baptiste au début du ministère public de Jésus : « Voici l'Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ! » (Jn 1, 29). Et c'est lui-même qui est le véritable temple, le temple vivant, dans lequel Dieu habite et dans lequel nous pouvons rencontrer Dieu et l'adorer. Son sang, l'amour de Celui qui est en même temps Fils de Dieu et homme véritable, l'un de nous, ce sang peut sauver. Son amour, cet amour dans lequel Il se donne librement pour nous, est ce qui nous sauve. Le geste nostalgique, d'une certaine manière privé d'efficacité, qui était l'immolation de l'agneau innocent et immaculé, a trouvé une réponse dans Celui qui est devenu pour nous à la fois Agneau et Temple.


Ainsi, au centre de la Pâque nouvelle de Jésus se trouvait la Croix. C'est d'elle que venait le don nouveau qu'il avait apporté. Et ainsi, elle reste toujours dans la Sainte Eucharistie, dans laquelle nous pouvons célébrer avec les Apôtres à travers le temps la nouvelle Pâque. De la Croix du Christ vient le don. « Personne n'a pu m'enlever la vie; je la donne de moi-même ». À présent, Il nous l'offre. L'haggadah pascal, la commémoration de l'action salvifique de Dieu, est devenue mémoire de la croix et de la résurrection du Christ - une mémoire qui ne rappelle pas simplement le passé, mais qui nous attire dans la présence de l'amour du Christ. Et ainsi, la berakha, la prière de bénédiction et d'action de grâce d'Israël, est devenue notre célébration eucharistique, dans laquelle le Seigneur bénit nos dons - le pain et le vin - pour se donner lui-même en eux. Nous prions le Seigneur de nous aider à comprendre toujours plus profondément ce mystère merveilleux, à l'aimer toujours plus et, dans celui-ci, à aimer toujours plus le Seigneur. Nous le prions de nous attirer toujours plus en lui-même avec la sainte communion. Nous le prions de nous aider à ne pas garder notre vie pour nous-mêmes, mais à la Lui donner et à œuvrer ainsi avec Lui, afin que les hommes trouvent la vie - la vie véritable qui ne peut venir que de Celui qui est Lui-même le Chemin, la Vérité et la Vie. Amen.



« Qui suis-je devant mon Seigneur qui souffre ? » - Pape François - Gethsémani, le 26 mai 2014

Quand arrive l’heure marquée par Dieu pour sauver l’humanité de l’esclavage du péché, Jésus se retire ici, à Gethsémani, au pied du mont des Oliviers. Nous nous retrouvons dans ce lieu saint, sanctifié par la prière de Jésus, par son angoisse, par sa sueur de sang ; sanctifié par-dessus tout par son « oui » à la volonté d’amour du Père. Nous avons presque peur de nous rapprocher des sentiments que Jésus a éprouvés en cette heure ; nous entrons sur la pointe des pieds dans cet espace intérieur où s’est décidé le drame du monde.


En cette heure, Jésus a senti la nécessité de prier et d’avoir auprès de lui ses disciples, ses amis, qui l’avaient suivi et avaient partagé de plus près sa mission. Mais ici, à Gethsémani, le suivre se fait difficile et incertain ; le doute, la fatigue et la terreur prennent le dessus. Dans la rapidité du déroulement de la passion de Jésus, les disciples auront diverses attitudes à l’égard du Maître : des attitudes de proximité, d’éloignement, d’incertitude.


Cela nous fera du bien à nous tous, évêques, prêtres, personnes consacrées, séminaristes, de nous demander en ce lieu : qui suis-je devant mon Seigneur qui souffre ?


Prions : Dieu qui perçois tous nos appels, ne sois pas loin, réponds-nous ! Tu n'as pas abandonné le Christ dans sa Chair à bout de force, dans son Amour bafoué. Accorde maintenant à Tes fils, accablés par le poids de leur faute, d'espérer ton Secours et ton Pardon. Par Jésus, ton Fils, notre Seigneur. Ainsi soit-il.



La nuit du Jeudi Saint, priez la nuit ! - Cardinal Jean-Marie LUSTIGER, avril 2001

Le mystère de la croix nous est déjà donné dans sa plénitude puisque le Christ offre et célèbre au Cénacle le sacrifice qu’il va accomplir le lendemain sur la Croix. Vraiment, c ́est une bénédiction que l ́institution de l ́Eucharistie ait lieu avant la Passion. Le Seigneur nous instruit et donne d ́abord à son Eglise, constituée par les Douze, la réalité sacramentelle de l ́Amour, du pardon, de la Rédemption, le Sacrifice de l ́Alliance nouvelle en son sang, avant de les entraîner, à sa suite, dans l’offrande de sa vie par le supplice de la croix. Comment réagirions-nous si nous étions face au Crucifié sans avoir d ́abord reçu l ́Eucharistie ? Probablement comme les passants qui, regardant la croix, sont pris dans les ténèbres (cf. Luc 23, 44), foudroyés par l ́incompréhensible signe dressé entre ciel et terre.


L ́attitude spirituelle du Jeudi Saint nous demande d ́accepter la bénédiction que représente l’Eucharistie, dans la mémoire de la délivrance d ́Israël. Dieu fait naître en nous la joie profonde des l’action de grâce. Demandez alors à Dieu, avec force, la grâce de le bénir dans l ́Eucharistie et de recevoir le Corps livré et le Sang versé comme un don de paix, de bénédiction et de réconciliation.


En cette anticipation de l ́épreuve qui doit venir, désirez que la Passion nous soit douce : d ́abord, le Salut reçu ! Qu ́elle nous soit communion et union au Christ, lui qui est « avec nous, tous les jours jusqu'à la fin des temps » (Mt 28, 20). Le mystère eucharistique nous est « transmis », nous dit saint Paul, pour constituer l ́Eglise tout au long de l ́Histoire.

- Le Christ nous donne son Corps et son Sang, vraie nourriture, vrai breuvage, Pain de Vie, gage de résurrection ultime.

- L ́Esprit saisit nos corps mortels, nous donne la Vie, nous transfigure, nous divinise. Voici, au-delà de notre sensibilité et de ses obscurcissements, le signe et le gage de la Présence du Seigneur donnée à son Eglise et gardée dans son Eglise par son acte liturgique.


Rendez grâce ce jour-là, même si, pour quelque motif que ce soit, votre peine est grande ! Ne vous laissez pas accabler. Avec le Christ, rendez grâce. Epousez l ́action de grâce de tout le peuple de Dieu. Laissez-vous porter par cette vague d ́action de grâce, par les psaumes du Hallel (113 à 118) que le Christ chante cette nuit-là. Laissez cette action de grâce monter de plus loin que vous et vous porter au-delà de vous-mêmes. Car, à ce moment-là, vous accomplissez le mystère sacerdotal du peuple de Dieu.


Le Jeudi Saint, il vaut la peine de méditer la trahison de Judas. Ne pas prendre ce récit avec horreur, mais comprendre par la foi que cette trahison est le signe déchiffrable de la réalité du péché – infidélité, rupture, division – qui mène le Christ à la Croix. Et, pourtant, Judas n ́est pas d ́un autre bois que les Onze. Judas demeure pour nous un frère aimé et perdu que nous ne devons pas exécrer. Si Pierre pleure et reçoit la miséricorde, Judas désespère et se détruit. Mais c ́est le secret de Dieu de savoir où l ́a conduit son désespoir et jusqu'où l ́amour du Rédempteur va le chercher. Le Christ l ́a aimé et est mort pour lui aussi. Le Christ, descendu aux enfers, a parcouru tous les abîmes de la mort. Judas, brebis perdue, aurait-il le pouvoir de se dérober au Bon Pasteur qui veut le retrouver ? La trahison de Judas nous permet de mesurer la gravité de notre péché, d ́éclairer le véritable enjeu de nos choix face à l ́amour du Christ. À cet égard, le verset 23 « Et eux (les Douze) se mirent à se demander quel était donc parmi eux celui qui allait faire cela » est remarquable. Tous se jugent donc capables de trahir ! Ils sont moins sûrs d ́eux-mêmes que nous. La nuit du Jeudi Saint, priez la nuit !



Priez pour ne pas entrer en tentation - Cardinal Jean-Marie LUSTIGER, avril 2001

Saint Luc nous montre les anges venus du ciel conforter Jésus (22, 43) lorsqu’il fut entré en “agonie” (littéralement “en combat”). Il priait « et la sueur devint comme de grosses gouttes de sang qui tombaient à terre ». Tragique combat cosmique qui va du ciel à la terre ! Comment nous représenter cette agonie ? Nous avons autant de mal à le faire que les disciples endormis de tristesse.


Priez pour ne pas entrer dans l’épreuve où Jésus est entré. Que dire de cette épreuve ? Le poids que porte à l’avance Jésus, le Saint de Dieu, pur de tout péché, c’est le drame insupportable du mal qui accable les hommes. Nous le supportons, parce que, aveuglés, nous ne savons plus reconnaître dans la mort, le mal et, dans le mal, le péché ; parce que nous n’arrivons pas à comprendre la mesure de l’état de rupture spirituelle dans lequel nous vivons. Le péché ne se révèle plus comme une blessure. La blessure ne se révèle plus comme liée au péché. Et la mort peut même parfois nous paraître séduisante. Sans qu’il s’en rende compte, l’homme cède à sa fascination, cède à l’envie de se détruire ou de détruire son frère. Dans la souffrance, Jésus voit l’abîme du mal et du péché ; il prend sur ses épaules le poids écrasant de ce mal et du péché. Dans sa sainte liberté, il porte nos souffrances et sa mort nous rend la vie.


Le Vendredi Saint, comment nous situer devant la croix du Christ ? Entrez dans le mystère de la prière persévérante. Priez pour ne pas entrer en tentation. Prenez le temps de méditer le mystère de la Passion. La piété populaire nous propose le Chemin de Croix. C’est très court, mais c’est une bonne manière de prier, même si les quatorze stations ne permettent pas de méditer tout le récit de la Passion. Mais, si vous avez le temps, prenez chaque moment de la Passion proclamée le Vendredi Saint et, guidés par la Parole de l’Évangile, contemplez le Christ. Écoutez-le. Partagez son silence. Patiemment, à la suite du Christ qui subit sa Passion par amour pour nous, peu à peu, dans votre cour, va s’inverser le scandale du mal. Non pas qu’il devienne compréhensible, mais supportable parce que porté par le Christ et avec lui. Le “mystère d’iniquité” (comme l’appelle saint Paul, 2 Th 2, 7) est vaincu par le mystère de la suprême justice et du pardon. Il faut persévérer dans la prière jusqu’à ce que nous prenions la mesure de notre péché, et la mesure du pardon que nous recevons, et la mesure de la miséricorde dont nous sommes désormais les ministres, les serviteurs, les témoins.


Il demeure que la souffrance des innocents, si nous la regardons vraiment en face, peut nous faire désespérer de la vie. Il nous faut vivre cependant, non par contrainte, mais parce que Dieu le demande. Il nous faut donc bénir Dieu pour la vie qu’Il nous donne, aimer les hommes en dépit du mal dont ils sont les auteurs et les complices. Faire du bien même à nos ennemis. Bénir ceux qui nous maudissent et donner une large mesure ! Un tel amour de la vie, un tel goût de vivre nous est donné par compassion, en partageant la Passion du Christ. Lui seul nous permet d’avoir compassion pour la passion de nos frères.


Le Vendredi Saint, cette méditation du mystère de la Croix nous fait entrer dans ce mystère de compassion qui est mystère de Rédemption. Il n’y a de vraie compassion que là où il y a Rédemption. Nous participons à l’œuvre de la Rédemption lorsque, par la foi, nous sommes unis à la prière de Jésus, lorsque l’Esprit nous donne le sens et la force de la “persévérance”. « Gagnez la vie par votre persévérance » nous dit le Seigneur (Luc 21, 19). Ne vous étonnez pas que ce soit difficile. C’est le point où les premiers disciples ont achoppé, eux qui laissèrent Jésus à sa solitude. Mais nous - comme eux, après la Pentecôte - par l’Esprit Saint qui a été répandu dans nos cours, nous avons reçu le pouvoir de répondre à l’appel du Christ à veiller et à prier avec lui.



Souvent, la Passion, la Croix de Jésus, font peur - Benoit XVI, le 11 février 2011, Message pour la Journée Mondiale du Malade

« C'est par ses blessures que vous avez été guéris » (1 P 2,24). Le Fils de Dieu a souffert, est mort, mais il est ressuscité et c'est justement pour cela que ces plaies deviennent le signe de notre rédemption, du pardon et de la réconciliation avec le Père ; mais elles deviennent aussi un banc d'essai pour la foi des disciples et pour notre foi ; chaque fois que le Seigneur parle de sa passion et de sa mort, ils ne comprennent pas, ils refusent et s'opposent. Pour eux, comme pour nous, la souffrance reste toujours lourde de mystère, difficile à accepter et à porter.


Les deux disciples d'Emmaüs avancent tristement, à cause des événements survenus ces jours-là à Jérusalem, et ce n'est que lorsque le Ressuscité marche à leurs côtés qu'ils s'ouvrent à une vision nouvelle (cf. Lc 24,13-31).


L'apôtre Thomas aussi a des difficultés à croire à la voie de la passion rédemptrice : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas » (Jn 20,25).


Mais devant le Christ qui montre ses plaies, sa réponse se transforme en une émouvante profession de foi : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jn 20, 28). Ce qui était d'abord un obstacle insurmontable, parce que signe de l'échec apparent de Jésus, devient – dans la rencontre avec le Ressuscité – la preuve d'un amour victorieux : « Seul un Dieu qui nous aime au point de prendre sur lui nos blessures et notre souffrance, surtout la souffrance de l’innocent, est digne de foi » (Message Urbi et Orbi, Pâques 2007).


À vous tous qui êtes malades et qui souffrez, je dis que c'est justement à travers les blessures du Christ qu'avec les yeux de l'espoir, nous pouvons voir tous les maux qui affligent l'humanité. En ressuscitant, le Seigneur n'a pas enlevé au monde la souffrance et le mal, mais il les a vaincus à la racine. À la force du Mal, il a opposé la toute-puissance de son Amour. Et il nous a indiqué alors que le chemin de la paix et de la joie, c'est l'Amour : « comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres » (Jn 13,34). Christ, vainqueur de la mort, est vivant parmi nous ! Et tandis qu'avec saint Thomas nous disons nous aussi : « Mon Seigneur et mon Dieu ! », suivons notre Maître dans la disponibilité à donner notre vie pour nos frères (cf. 1 Jn 3,16) en devenant des messagers d'une joie qui ne craint pas la douleur, la joie de la Résurrection.


Souvent, la Passion, la Croix de Jésus, font peur parce qu'elles apparaissent comme étant la négation de la vie. En réalité, c'est exactement le contraire ! La Croix est le "Oui" de Dieu à l'homme, l'expression la plus haute et la plus intense de Son amour, et la source d'où jaillit la vie éternelle.



La Croix glorieuse du Christ résume les souffrances du monde - Benoit XVI, au sanctuaire de La Verna, en Italie, dimanche 13 mai 2012

La Croix glorieuse du Christ résume les souffrances du monde, mais elle est surtout le signe tangible de l’amour, mesure de la bonté de Dieu envers l’homme.


Ce n’est qu’en se laissant illuminer par la lumière de l’amour de Dieu, que l’homme et la nature entière peuvent être rachetés, que la beauté peut finalement refléter la splendeur du visage du Christ, comme la lune reflète le soleil. En jaillissant de la Croix glorieuse, le Sang du Crucifié recommence à vivifier les os desséchés de l’Adam qui est en nous, pour que chacun retrouve la joie de se mettre en marche vers la sainteté, de monter vers le haut, vers Dieu. ... « Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons ici et dans toutes les églises qui sont dans le monde, car par ta sainte croix tu as racheté le monde ».


Ravis par l’amour du Christ ! ... C’est le sacrifice de la Croix qui efface notre péché, un manquement qui ne peut être comblé que par l’amour de Dieu : Ainsi, pour être efficace, notre prière a besoin des larmes, c’est-à-dire de la participation intérieure, de notre amour qui répond à l’amour de Dieu...


En effet, ce n’est pas avec l’orgueil intellectuel de la recherche refermée sur elle-même qu’il est possible d’atteindre Dieu, mais avec l’humilité.


La contemplation du Crucifix possède une efficacité extraordinaire, parce qu’elle nous fait passer des choses pensées à l’expérience vécue ; du salut espéré, à la patrie bienheureuse… Il ne suffit pas de se déclarer chrétiens pour être chrétiens, pas plus que de chercher à accomplir les œuvres de bien. Il faut se configurer à Jésus, à travers un effort lent et progressif de transformation de son propre être, à l’image du Seigneur, pour que, par la grâce divine, chaque membre de son Corps, à Lui qui est l’Eglise, montre la ressemblance nécessaire avec le Chef, le Christ Seigneur.


Apportez cet amour à l’homme de notre temps, souvent enfermé dans son individualisme ; soyez des signes de l’immense miséricorde de Dieu. La piété sacerdotale enseigne aux prêtres à vivre ce qu’ils célèbrent, à partager notre propre vie avec ceux que nous rencontrons : dans le partage de la douleur, dans l’attention aux problèmes, dans l’accompagnement du chemin de foi.



Prière pour les prêtres

Seigneur, nous te rendons grâce pour les prêtres du monde entier et plus particulièrement pour ceux que tu mets sur notre route.

Habite-les de ta présence afin que nos rencontres avec eux soient des rencontres avec Toi.

Renouvelle chaque jour en eux le « Oui » qu’ils ont su te dire et fais de leur fidélité une lumière pour le monde.

Dieu de tendresse et d’amour, prends pitié de ceux qui se sentent blessés, découragés.

Réconforte les prêtres âgés, malades et ceux qui vont mourir.

Seigneur, mets en notre cœur, à l’égard des prêtres, respect, gratitude et compréhension.

Fais-nous reconnaître en eux des hommes de cette eucharistie dont nous vivons et ceux par qui se manifestent ta miséricorde et ton pardon.

Donne-nous d’être, là où nous sommes, tes serviteurs humbles et discrets, travaillant avec eux, selon nos moyens, à la venue de ton Règne.

Seigneur Jésus, tu sais à quel point nous avons besoin de prêtres pour faire route vers le Père.

Nous t’en supplions, suscite en ton Eglise de nombreux pasteurs selon ton cœur.


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