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II - La Transfiguration : lecture historique


La lettre instruit des faits qui se sont déroulés



Avant toute chose, lisons les textes.


L’approche johannique

Chez Saint-Jean, la Transfiguration n’existe pas. Pourtant, nous le verrons, un texte s’en approche lorsque Jésus donne la parabole du grain de blé tombé en terre (Jn 12, 20-33) après l’entrée triomphale à Jérusalem :


20 Il y avait quelques Grecs parmi ceux qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu pendant la fête de la Pâque.

21 Ils abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée, et lui firent cette demande : « Nous voudrions voir Jésus. »

22 Philippe va le dire à André, et tous deux vont le dire à Jésus.

23 Alors Jésus leur déclare : « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié.

24 Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.

25 Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle.

26 Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera.

27 Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci !

28 Père, glorifie ton nom ! » Alors, du ciel vint une voix qui disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. »

29 En l’entendant, la foule qui se tenait là disait que c’était un coup de tonnerre. D’autres disaient : « C’est un ange qui lui a parlé. »

30 Mais Jésus leur répondit : « Ce n’est pas pour moi qu’il y a eu cette voix, mais pour vous.

31 Maintenant a lieu le jugement de ce monde ; maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors ;

32 et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. »

33 Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir.


Nous pouvons déjà constater le rapprochement entre la voix du Père, un appel à la métamorphose (le grain de blé qui devient fruit) et la Passion (quand j’aurai été élevé de terre…)


Les synoptiques

Chez les Synoptiques, les trois textes sont relativement similaires.


Matthieu (Mt 17, 1-13)


01 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne.

02 Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière.

03 Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui.

04 Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. »

05 Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre, et voici que, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! »

06 Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte.

07 Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et soyez sans crainte ! »

08 Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul.

09 En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »

10 Les disciples interrogèrent Jésus : « Pourquoi donc les scribes disent-ils que le prophète Élie doit venir d’abord ? »

11 Jésus leur répondit : « Élie va venir pour remettre toute chose à sa place.

12 Mais, je vous le déclare : Élie est déjà venu ; au lieu de le reconnaître, ils lui ont fait tout ce qu’ils ont voulu. Et de même, le Fils de l’homme va souffrir par eux. »

13 Alors les disciples comprirent qu’il leur parlait de Jean le Baptiste.


Marc (Mc 9, 2-13)

02 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux.

03 Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille.

04 Élie leur apparut avec Moïse, et tous deux s’entretenaient avec Jésus.

05 Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. »

06 De fait, Pierre ne savait que dire, tant leur frayeur était grande.

07 Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! »

08 Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux.

09 Ils descendirent de la montagne, et Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.

10 Et ils restèrent fermement attachés à cette parole, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ».

11 Ils l’interrogeaient : « Pourquoi les scribes disent-ils que le prophète Élie doit venir d’abord ? »

12 Jésus leur dit : « Certes, Élie vient d’abord pour remettre toute chose à sa place. Mais alors, pourquoi l’Écriture dit-elle, au sujet du Fils de l’homme, qu’il souffrira beaucoup et sera méprisé ?

13 Eh bien ! je vous le déclare : Élie est déjà venu, et ils lui ont fait tout ce qu’ils ont voulu, comme l’Écriture le dit à son sujet. »


Et Luc (9, 28-36)


28 Environ huit jours après avoir prononcé ces paroles, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier.

29 Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante.

30 Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie,

31 apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem.

32 Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés.

33 Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait.

34 Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent.

35 Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! »

36 Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.


Le contexte

Commençons par replacer ces récits dans leur contexte.



Nous pouvons constater un déroulement identique, hormis la question du dialogue avec Élie. Ainsi, la Transfiguration :

  • se situe entre les deux annonces de la Passion et l’appel de Jésus à le suivre ;

  • et l’échange pour savoir ce que l’on dit de Jésus (Pour vous qui suis-je ?) qui trouvera sa réponse lors de la Transfiguration.

On ne peut donc pas séparer ce mystère de la Transfiguration de celui de la Passion du Christ.


Quelques remarques de lecture suivie

Lorsqu’on prend le temps de lire les divers commentaires et homélies des Pères de l’Église, on est surpris par leur intérêt sur plusieurs points :

  • Six ou huit jours ?

  • La question de la blancheur du vêtement : d’où vient cette lumière ?

  • Que virent exactement les apôtres ? Ou plus exactement, par quels moyens virent-ils ?

  • Comment ont-ils reconnu Élie et Moïse ?

  • Pourquoi Pierre parle-t-il de tentes ?

  • Qu’est-ce que cette nuée ?

Avant de répondre à ces questions, regardons les différences entre les synoptiques.


Différences

Un petit tableau peu aider à distinguer les différences :



Quelques remarques historiques

Notons d’abord que ce récit de la Transfiguration est celui du IIe dimanche du Carême pour les trois années liturgiques.


Historiquement, l’Église grecque est la première à la célébrer comme une fête majeure et l’intégrera dès le VIe siècle dans le cycle des 12 grandes fêtes, à tel point que le protaton du Mont Athos lui sera dédié. En Occident, la fête est citée la première fois en Espagne au IXe siècle. C’est l’ordre de Cluny qui sera à l’origine de sa diffusion dans le monde occidental (nous le verrons avec le tympan de la Charité-sur-Loire). Mais ce ne sera qu’en 1457 que la Transfiguration deviendra une fête universelle suite à, une décision du Pape Callixte III qui reçut le 06 août l’annonce de la libération de Belgrade par les Hongrois, la ville étant aux mains de Mahomet II.


L’ordre des Carmes développera ensuite ce culte à cause de la présence d’Élie considéré comme leur saint Fondateur. Au Moyen-âge, la confrérie des teinturiers se mettra sous le patronage de la Transfiguration… on comprend leur désir d’obtenir une telle blancheur !


Quelques remarques iconographiques

  • les œuvres picturales sont nombreuses, ainsi que les enluminures et mosaïques.

  • Par contre, les représentations sculptées sont plus rares, hormis quelques ivoires de couverture de missel.

  • Très rares sont les exemples en paramentique et orfèvrerie, hormis le revers de la chasuble de Charlemagne.

  • Les vitraux, eux, se diffusent à partir du XVIe avec de nombreuses représentations à la fin du XIXe siècle, et encore aujourd’hui.


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