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Lundi, 13e semaine du T.O. — année impaire

Laisse les morts enterrer leurs morts



Laisse les morts enterrer leurs morts

Jean-Joseph Chevalier (né en 1978)

Dessin au lavis, dimensions inconnues, 2018

Collection particulière


Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 8, 18-22)

En ce temps-là, Jésus, voyant une foule autour de lui, donna l’ordre de partir vers l’autre rive. Un scribe s’approcha et lui dit : « Maître, je te suivrai partout où tu iras. » Mais Jésus lui déclara : « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. » Un autre de ses disciples lui dit : « Seigneur, permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. » Jésus lui dit : « Suis-moi, et laisse les morts enterrer leurs morts. »


Méditation

Jésus est un peu agoraphobe ! Dès qu’il y a un peu trop de monde, il veut partir. Il donne l’ordre de passer sur l’autre rive. Mais n’y voyons pas simplement le désir d’échapper à la foule. N’est-ce pas aussi un appel à rejoindre l’autre rive de la vie : celle de la vie éternelle ? Il est vrai que pour le Fils de Dieu il ne doit pas être évident d’évoluer au milieu d’un monde pour lequel il refusera de prier (Jn 17, 9) : « Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi. » Pourtant, Ignace de Loyola nous invitera à avoir de la « sympathie pour le monde », dans le sens étymologique du terme : « souffrir avec » ce monde. Jésus souffre et souffrira pour ce monde, jusqu’au bout (Jn 13, 1) : « Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » Jusque’à la mort sur la Croix, jusqu’à l’autre rive…


Et voilà qu’un scribe veut se faire le disciple de Jésus et le suivre quel que soit la route qu’il prend… Mais Jésus ne s’installe pas, sa vie n’est que nomadisme, à l’instar de l’histoire du peuple d’Israël (même s’il s’est installé aujourd’hui). Le Père Sevin disait qu’un « scout campe et décampe » ! Ne jamais s’installer, toujours avoir le regard tourné vers l’autre rive, être continuellement en mouvement, en vie, en marche (sans allusion politique !) Même le moine qui fait voeu de stabilité dans sa communauté ne s’installe pas : il entreprend le grand voyage, le long pèlerinage de la vie pour trouver celui qu’il cherche : Dieu.


Un autre disciple fait la même demande, mais avec une réserve qui peut sembler bien naturelle : enterrer d’abord les membres de sa famille. Et l’on peut d’autant plus comprendre sa demande que cela fait partie des oeuvres de miséricorde (cf Mt 25, même si cette septième oeuvre fut ajoutée par l’Église). Comment ne pas penser à Antigone qui fera tout pour enterrer son frère Polynice malgré les interdictions de son oncle Créon ? La réponse de Jésus est tout aussi surprenante : « Suis-moi, et laisse les morts enterrer leurs morts. » On peut comprendre que pour entreprendre la Sequela Christi il est impératif de tout laisser sur place, de ne pas regarder derrière et de partir aussitôt (adverbe quasiment toujours associé à l’appel des disciples : aussitôt ils quittèrent tout…), ne pas se donner de délai ; bref, éviter la procrastination ! C’est ce que fit Élisée à l’appel d’Élie (1 R 19, 19-21). Mais que veut bien dire : laisser les morts enterrer leurs morts ? Les morts ne sont plus dans la réalité : ils sont dans le royaume de l’Hadès attendant la résurrection. Mais pour hâter cette résurrection finale, cette venue dans la gloire du Messie, il est important, essentiel, de ne pas perdre une minute. Aussitôt, de tout lâcher, même ce qui peut nous paraître un commandement primordial, pour nous mettre à la suite de Jésus. Le Maître appelle chacun à une réalité bien supérieure à celles de la vie et de la mort terrestre. Il nous appelle à l’absolu ! Et l’absolu est sur l’autre rive, là où l’on n’emmène pas les morts parce qu’ils nous y attendent déjà. Alors, ne tardons pas ! « Te contenteras-tu d’avoir comme foyer la volonté de Dieu ? Et le travail de Dieu comme unique lieu de repos ? » Nous avertit Romano Guardini…


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