L’échelle de Jacob

Le rêve de Jacob
Giovanni Battista Tiepolo (Venise, 1696 - Madrid, 1770)
Fresque
Palais patriarcal, Udine (Italie)
Lecture du livre de la Genèse (Gn 28, 10-22a)
En ces jours-là, Jacob partit de Bershéba et se dirigea vers Harane. Il atteignit le lieu où il allait passer la nuit car le soleil s’était couché. Il y prit une pierre pour la mettre sous sa tête, et dormit en ce lieu. Il eut un songe : voici qu’une échelle était dressée sur la terre, son sommet touchait le ciel, et des anges de Dieu montaient et descendaient. Le Seigneur se tenait près de lui. Il dit : « Je suis le Seigneur, le Dieu d’Abraham ton père, le Dieu d’Isaac. La terre sur laquelle tu es couché, je te la donne, à toi et à tes descendants. Tes descendants seront nombreux comme la poussière du sol, vous vous répandrez à l’orient et à l’occident, au nord et au midi ; en toi et en ta descendance seront bénies toutes les familles de la terre. Voici que je suis avec toi ; je te garderai partout où tu iras, et je te ramènerai sur cette terre ; car je ne t’abandonnerai pas avant d’avoir accompli ce que je t’ai dit. » Jacob sortit de son sommeil et déclara : « En vérité, le Seigneur est en ce lieu ! Et moi, je ne le savais pas. » Il fut saisi de crainte et il dit : « Que ce lieu est redoutable ! C’est vraiment la maison de Dieu, la porte du ciel ! » Jacob se leva de bon matin, il prit la pierre qu’il avait mise sous sa tête, il la dressa pour en faire une stèle, et sur le sommet il versa de l’huile. Jacob donna le nom de Béthel (c’est-à-dire : Maison de Dieu) à ce lieu qui auparavant s’appelait Louz. Alors Jacob prononça ce vœu : « Si Dieu est avec moi, s’il me garde sur le chemin où je marche, s’il me donne du pain pour manger et des vêtements pour me couvrir, et si je reviens sain et sauf à la maison de mon père, le Seigneur sera mon Dieu. Cette pierre dont j’ai fait une stèle sera la maison de Dieu. »
Méditation
Nous ne lisons pas assez en détail le livre de la Genèse nous limitant trop souvent à la Création et quelques autres passages. Pourtant, c’est aussi le livre de la genèse des tribus d’Israël, d’Abraham à Isaac, d’Isaac à Jacob et de Jacob à ses douze fils, dont Joseph. Jacob est un personnage bien humain. Un peu retors parfois, voire fourbe, du moins malin ! N’est-ce pas lui qui vola à son frère Ésaü son droit d’ainesse puis la bénédiction paternelle (Gn 25 et Gn 27). Comme le rappelle Ésaü (Gn 27, 36) : « Ésaü reprit : « Est-ce parce qu’on lui a donné le nom de Jacob (c’est-à-dire : le Trompeur) que, par deux fois, celui-ci m’a trompé ? Il a volé mon droit d’aînesse et voici que, maintenant, il a volé ma bénédiction. Ne m’as-tu pas réservé une bénédiction ? » Certes ! Mais après ces deux tromperies, Jacob se voit dans l’obligation de fuir la colère meurtrière de son frère. Il part et s’arrête pour se reposer. Et voilà qu’il se met à rêver… Célèbre vision de cette échelle parcourue en tous sens par des anges, signe de la bénédiction de Dieu et de la descendance à venir.
Quels enseignements en tirer pour nous aujourd’hui ? D’abord, que Dieu n’est pas « rancunier » face à nos infidélités. Jésus ne le sera pas non plus connaissant le coeur de l’homme, un coeur bon mais gangréné par le péché. Malgré toutes les tromperies de Jacob, Dieu lui donnera une descendance, et quelle descendance ! Les douze tribus ! Ayons foi en la miséricorde de Dieu et, comme le dit saint Jean (1 Jn 3, 19-20) : « Voilà comment nous reconnaîtrons que nous appartenons à la vérité, et devant Dieu nous apaiserons notre cœur ; car si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses. »
Ensuite, que Dieu est toujours à nos côtés : « Voici que je suis avec toi ; je te garderai partout où tu iras, et je te ramènerai sur cette terre ; car je ne t’abandonnerai pas avant d’avoir accompli ce que je t’ai dit. » Dieu ne nous abandonne pas, même si nous en doutons, même si nous ne nous en rendons pas compte, il est toujours avec nous. Jésus le confirmera (Mt 28, 20) : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
Et donc qu’il faut ouvrir nos yeux sur sa présence. Est-il dans un lieu particulier ? Oui, bien sûr, en son Église, en sa Parole, en son Eucharistie. Et pour reprendre les paroles de Jacob, ce sont des lieux redoutables, terribles (Terribilis est locus iste: hic domus Dei est et porta caeli : et vocabitur aula Dei. — comme il est était parfois écrit au fronton d’entrée des églises). Mais sa première demeure est en nous, en notre coeur, là où il vient dans nos songes (comme à quatre reprises pour le Joseph du Nouveau Testament). Encore une fois, la prière de Saint-Augustin (354-430) dans les Confessions :
« Tard je T'ai aimée, Beauté ancienne et si nouvelle ; tard je T'ai aimée. Tu étais au-dedans de moi et moi j'étais dehors, et c'est là que je T'ai cherché. Ma laideur occultait tout ce que Tu as fait de beau. Tu étais avec moi et je n'étais pas avec Toi. Ce qui me tenait loin de Toi, ce sont les créatures, qui n'existent qu'en Toi. Tu m'as appelé, Tu as crié, et Tu as vaincu ma surdité. Tu as montré ta Lumière et ta Clarté a chassé ma cécité. Tu as répandu ton Parfum, je T'ai humé, et je soupire après Toi. Je T'ai goûté, j'ai faim et soif de Toi. Tu m'as touché, et je brûle du désir de ta Paix. Amen ! »
Pour finir, en scrutant de plus près notre vie, les grâces qui nous sont faites et que nos yeux intérieurs occultés par notre égotisme ne voient pas toujours, ne pourrions-nous pas promettre avec Jacob : « Si Dieu est avec moi, s’il me garde sur le chemin où je marche, s’il me donne du pain pour manger et des vêtements pour me couvrir, et si je reviens sain et sauf à la maison de mon père, le Seigneur sera mon Dieu » ?