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Lundi, 18ème semaine du T.O. — année impaire

Mon âme se désespère…



Moïse au Sinaï

Giotto di Bondone (Florence, vers 1267 - Florence, 1337)

Médaillon d’une bande décorative, fresque, 1304-1306

Chapelle Scrovegni, Padoue (Italie)


Lecture du livre des Nombres (Nb 11, 4b-15)

En ces jours-là, dans le désert, les fils d’Israël se remirent à pleurer : « Ah ! qui donc nous donnera de la viande à manger ? Nous nous rappelons encore le poisson que nous mangions pour rien en Égypte, et les concombres, les melons, les poireaux, les oignons et l’ail ! Maintenant notre gorge est desséchée ; nous ne voyons jamais rien que de la manne ! » La manne était comme des grains de coriandre, elle ressemblait à de l’ambre jaune. Le peuple se dispersait pour la recueillir ; puis on la broyait sous la meule, ou on l’écrasait au pilon ; enfin on la cuisait dans la marmite et on en faisait des galettes. Elle avait le goût d’une friandise à l’huile. Lorsque, pendant la nuit, la rosée descendait sur le camp, la manne descendait sur elle. Moïse entendit pleurer le peuple, groupé par clans, chacun à l’entrée de sa tente. Le Seigneur s’enflamma d’une grande colère. Cela déplut à Moïse, et il dit au Seigneur : « Pourquoi traiter si mal ton serviteur ? Pourquoi n’ai-je pas trouvé grâce à tes yeux que tu m’aies imposé le fardeau de tout ce peuple ? Est-ce moi qui ai conçu tout ce peuple, est-ce moi qui l’ai enfanté, pour que tu me dises : “Comme on porte un nourrisson, porte ce peuple dans tes bras jusqu’au pays que j’ai juré de donner à tes pères” ? Où puis-je trouver de la viande pour en donner à tout ce peuple, quand ils viennent pleurer près de moi en disant : “Donne-nous de la viande à manger” ? Je ne puis, à moi seul, porter tout ce peuple : c’est trop lourd pour moi. Si c’est ainsi que tu me traites, tue-moi donc ; oui, tue-moi, si j’ai trouvé grâce à tes yeux. Que je ne voie pas mon malheur ! »


Méditation

Moïse : Mon âme se désespère, Seigneur. J’essaye de faire de mon mieux, je demande au peuple de faire tes volontés, et tu es en colère. Ne sais-tu pas que ce peuple a la nuque raide ? Ne connaîtrais-tu pas l’homme que tu as toi-même créé ? Nous sommes des éternels insatisfaits. Quand nous avons ce que nous demandons, nous en sommes vites rassasiés. Au point parfois d’en être écœurés. C’est bien le cas avec la manne : ils n’en peuvent plus. Alors, comment ne penseraient-ils pas à la nourriture qu’ils avaient en Égypte. Bien sûr, ils étaient esclaves, bien sûr ce n’était pas aussi parfait qu’ils ne se le rappellent, mais… leur ventre a pris le dessus sur leur coeur ! Et moi, au milieu de ce peuple indiscipliné, râleur, je fais de mon mieux. Et voilà que tu retournes ta colère contre moi ! Alors, Seigneur, je te le dis : j’en ai marre, je suis au bout du rouleau. Il vaudrait mieux que je meure, au moins j’aurais la paix. Je suis à bout de force d’essayer de faire ta volonté et de me confronter à ce peuple qui ne veut pas écouter, qui n’est jamais content, qui veut toujours plus. Et au lieu d’avoir ton soutien, au lieu de me sentir compris et aidé, voilà que tu te mets en colère ! Ô Seigneur, ta volonté est vraiment insaisissable. Que me veux-tu ? Sois clair et je tenterai d’obéir. Mais là, je ne comprends rien d’autre que ta colère. Suis-je un être si incapable que tu doives me tancer ? Je te rends mon tablier en ce cas, et trouve un meilleur prophète, le guide que tu veux. Moi, je ne veux plus qu’une chose : mourir, et mourir de ta main… mon âme est épuisée, désespérée…


Le Seigneur : Mon pauvre Moïse… Oui, je suis parfois dur, pour ne pas dire intraitable. Mais, au risque de te faire sourire, je suis aussi pédagogue ! Et il me faut te le dire : tu as la tête aussi dure que le peuple dont tu te plains ! T’ai-je dit que j’étais en colère contre toi ? T’ai-je fait le moindre reproche aujourd’hui ? Ne serais-tu pas plutôt en colère contre eux, mais surtout contre toi ? Ne serais-tu pas humilié de ta difficulté à les guider ? Peut-être te croyais-tu meilleur que ça, te pensais-tu des capacités insoupçonnées ? Peut-être imaginais-tu que tu allais les mener tranquillement au simple son de ta voix, par des paroles bien pesées et des gestes forts ? Mais non, Moïse… Tu n’es qu’un instrument entre mes mains. Je n’ai pas dit un instrument sans valeur. Non, tu as du prix à mes yeux, je tiens à toi, et j’ai besoin de toi. Mais il te faut un peu d’humiliation pour creuser en toi un peu d’humilité… Car je ne bénis que les humbles et maudis les orgueilleux. Est-ce l’orgueilleux qui se met en colère ?


Mon pauvre Moïse, l’instrument que tu es voudrait devenir le faiseur de résultats. Tu te trompes, ça c’est mon combat. C’est à moi, Dieu, de sauver ce peuple. Toi, tu es là pour m’écouter et le faire avancer, de ton mieux comme tu dis. Mais ne te prends pas pour moi ! Ton obligation n’est pas le résultat : ton obligation est de tout mettre en œuvre pour que moi, ton Dieu, je puisse entrer en leurs cœurs. Cette colère ne t’était pas destinée : elle est pour ce peuple à la nuque raide. Si tu t’enflammes contre moi, c’est que tu n’es plus à ta place : de guide, tu veux te faire Dieu. Calme ta fièvre. Je sais que tu fais de ton mieux. Je sais que tu es fatigué. Je sais que tu aimerais te reposer, voir enfin cette Terre Promise, te réjouir du travail accompli. Je le sais et je te bénis. Mais laisse-moi faire, c’est mon combat. Laisse-moi les sculpter pour ma Gloire. Laisse-toi te sculpter. Reprends ta place et implore ma grâce dans ces moments de faiblesse. Je suis là, avec toi, et je serai toujours là. Sois simplement humble, pugnace et malléable à ma grâce.


Moïse : C’est elle que j’implore, Seigneur. Aie pitié de moi, pauvre pécheur, au coeur orgueilleux. Donne-moi l’humilité et le courage. Donne-moi d’écouter ta volonté et de me réjouir de ma faiblesse, car c’est en elle que tu déploieras ta force.

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