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Lundi, 25e semaine du T.O. — année impaire

La Maison du Seigneur… coup de gueule !



La construction du Temple de Jérusalem

Francesco di Stefano dit Il Pesellino (Florence, c. 1422 - Florence, c. 1457)

Tempéra sur panneau, 53,5 x 60,3 cm, vers 1445

Harvard Art Museum, Cambridge (U.S.A.)


Lecture du livre d’Esdras (Esd 1, 1-6)

La première année du règne de Cyrus, roi de Perse, pour que soit accomplie la parole du Seigneur proclamée par Jérémie, le Seigneur inspira Cyrus, roi de Perse. Et celui-ci fit publier dans tout son royaume – et même consigner par écrit – : « Ainsi parle Cyrus, roi de Perse : Le Seigneur, le Dieu du ciel, m’a donné tous les royaumes de la terre ; et il m’a chargé de lui bâtir une maison à Jérusalem, en Juda. Quiconque parmi vous fait partie de son peuple, que son Dieu soit avec lui, qu’il monte à Jérusalem, en Juda, et qu’il bâtisse la maison du Seigneur, le Dieu d’Israël, le Dieu qui est à Jérusalem. En tout lieu où résident ceux qui restent d’Israël, que la population leur vienne en aide : qu’on leur fournisse argent, or, dons en nature, bétail, qu’on y joigne des offrandes volontaires pour la maison de Dieu qui est à Jérusalem. » Alors les chefs de famille de Juda et de Benjamin, les prêtres et les lévites, bref, tous ceux à qui Dieu avait inspiré cette décision, se mirent en route et montèrent à Jérusalem pour bâtir la maison du Seigneur ; tous leurs voisins leur apportèrent de l’aide : argent, or, dons en nature, bétail, objets précieux en quantité, sans compter toutes sortes d’offrandes volontaires.


Méditation

Bâtir la Maison du Seigneur : voilà une belle et sainte oeuvre ! Qui plus est parce que tout le monde est invité à mettre la main à la pâte, que ce soit par des moyens financiers ou en offrant la force de ses bras.


Je voudrais, aujourd’hui, vous interpeller sur l’actualité de cette demande de Cyrus. Des générations d’hommes et de femmes, d’enfants et de vieillards se sont battus, humainement et financièrement, pour édifier des Maisons pour Dieu. Raoul Glaber (985-1047) disait, au basculement du millénaire, que « la terre se couvrait d’un blanc manteau d’églises ». Mais aujourd’hui ? Je ne parle même pas des diverses églises qu’on a édifiées depuis un siècle. Une bonne part est due à la reconstruction après les deux guerres mondiales nous offrant des édifices « néo » (néo-roman, néo-gothique ou néo-byzantin) avec plus ou moins de bonheur, de beauté et surtout de recueillement. Je ne parle pas non plus des constructions des cinquante dernières années, émaillées de tentatives de renouveau, mais qui ont plus souvent été des folies architecturales, ou des blocs de béton, où Dieu est cruellement absent. Je ne parle pas non plus ni de la sculpture (trop souvent encore sulpicienne ou symbolique), ni de la peinture (rares sont les peintres que l’on pourrait encore qualifier de chrétiens), ni des objets liturgiques (dont la production est devenue quasi-inexistante), ni des vêtements liturgiques (dont certains frisent la bande dessinée) et encore moins de la décoration (souvent réduite à des murs blancs et nus qui devraient, paraît-il, créer un climat d’intériorité). Oui, depuis la belle tentative de renouveau de l’art sacré entre 1880 et 1950, c’est le vide !


Pourtant, nous avons un merveilleux patrimoine, que ce soient nos petites églises de village, nos calvaires et oratoires, ou des bâtiments plus imposants comme les basiliques, cathédrales et abbayes. Mais que sont-elles devenues ? Parfois abandonnées, les mairies attendent le moment adéquat pour prendre un arrêté de destruction. Il faut dire que le culte y est de plus en plus rare. Curieusement, c’est souvent à ce moment-là que les paroissiens ou simples habitants se réveillent et constituent des associations de protection. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait avant.


Ou alors, le bâtiment devient un musée. Combien de cathédrales ou d’abbayes inhabitées sont devenues des « espaces muséaux » comme on dit aujourd’hui ?! Les cathédrales sont visitées par des gens qui ne se découvrent même pas. Et allez chercher un minimum de spiritualité, d’ouverture à la prière… bon courage ! Des cartels pour les tableaux, un tronc pour les cierges et comme unique apport artistique et culturel (rarement cultuel) du clergé : un joli panneau de liège avec les noms (rarement à jour) du conseil paroissial ! De tous les côtés, des chaises entassées (souvent à jeter), des fleurs fanées ou encore fraîches (puisqu’en tissus…) des nappes jaunies, des papiers qui traînent et le reste d’un merveilleux panneau du catéchisme mettant en avant Jésus dans sa roulotte (Hue cocotte — ne riez pas, j’ai connu ça enfant).


Bref, quand allons-nous réinvestir nos lieux de culte ? Quand allons-nous leur rendre leur splendeur ? Quand allons-nous « remuer » nos paroissiens pour qu’ils prennent en charge leur église, non pour qu’il s’y sentent chez eux, mais pour qu’ils sentent que Jésus y est chez lui ! Quand nos responsables ecclésiaux redonneront-ils sens à l’architecture, au décor, à toutes les œuvres d’art qui peuplent la Maison du Seigneur ? Quand comprendront-ils que cet art respire la liturgie, que la moindre oeuvre prépare à ce qui va se vivre dans le culte, resplendit lors de la célébration et continue de diffuser le parfum divin une fois la messe célébrée. Quand comprendrons-nous que ce que disait Arnoul Gréban (XVe siècle) est toujours vrai : « À tous ces gens qui ne savent ni lire, ni écrire, histoire et peintures aux palais et monastères sont les livres des pieux laïcs ». Quand allons-nous rendre hommage concrètement à tous ceux qui nous ont précédé et qui nous ont laissé un héritage que nous laissons se dégrader de jour en jour ? Quand nos évêques s’intéresser ont-ils enfin à l’art ? Et autrement qu’en mettant une statue du Christ sur une chaise électrique dans leur cathédrale le vendredi Saint comme ce fut le cas à Gap…


L’art dans la Maison de Dieu n’est pas une décoration, comme on décorerait son appartement. Il est un décor, un révélateur. Comme le maquillage devrait, normalement, révéler la beauté d’une femme. Il est la respiration de la liturgie. Il est la catéchèse des hommes (le mot veut dire : ce qui fait écho - faire écho de la présence de Dieu dans nos vies : question à se poser en regardant nos programmes de catéchèse…). Il y a l’art profane (celui qui se trouve devant le sacré), l’art religieux (celui des statues de dévotion), l’art sacré (celui qui décore nos lieux de culte) et l’art liturgique (celui qui est la respiration de toute liturgie, le souffle divin). Rendons souffle à nos églises, rendons souffle divin à nos liturgies. Il y a un art de la liturgie, certes. Mais il y aussi une liturgie qui doit jouer avec l’art.


J’en veux pour preuve que lorsqu’une personne cherche à renouer avec la foi, ou désire la découvrir, la première étape pour lui est de venir discrètement à la messe. Comment sera-t-il accueilli ? À quelle beauté participera-t-il, que ce soit par les chants, la beauté des vêtements liturgiques, des objets de culte ou de la propreté de l’endroit ? Comment comprendra-t-il que toutes les œuvres d’art participe au mystère sacré ? Quelle homélie, quelle parole lui touchera le fond du coeur ? Si nous ratons ça, il ira voir ailleurs ! La liturgie est son cadre, c’est-à-dire toute l’église, sont une porte. Une porte sur l’invisible. La liturgie donne à voir, est un spectacle. Non pas un spectacle théâtrale, mais une fissure de la gloire, une ouverture sur les cieux. Nous sommes à la croisée du visible et de l’invisible… Surtout ne fermons pas cette ouverture divine !


Pardon pour ce « coup de gueule », mais ce sont mes tripes qui parlent ! Dostoyevsky avait raison : « La beauté sauvera le monde ». Et cette beauté est entre nos mains… Pour finir, je vous invite à lire un petit livre de Philippe Abjean : « Le royaume du silence : Redonner vie à nos églises abandonnées ». Beaucoup d’idées et de conseils !



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