Appelés à être saints

Les sept jours de la semaine
Artiste russe anonyme
Détrempe sur bois, filigrane d’argent, émail, 31 x 26 cm, début XVIe siècle
Walters Art Museum, Baltimore (U.S.A.)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Romains (Rm 1, 1-7)
Paul, serviteur du Christ Jésus, appelé à être Apôtre, mis à part pour l’Évangile de Dieu, à tous les bien-aimés de Dieu qui sont à Rome. Cet Évangile, que Dieu avait promis d’avance par ses prophètes dans les Saintes Écritures, concerne son Fils qui, selon la chair, est né de la descendance de David et, selon l’Esprit de sainteté, a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts, lui, Jésus Christ, notre Seigneur. Pour que son nom soit reconnu, nous avons reçu par lui grâce et mission d’Apôtre, afin d’amener à l’obéissance de la foi toutes les nations païennes, dont vous faites partie, vous aussi que Jésus Christ a appelés. À vous qui êtes appelés à être saints, la grâce et la paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ.
L’œuvre
Présentation du Musée
Cette icône représente les sept événements sacrés associés aux jours de la semaine : la résurrection (dimanche) ; l'assemblée des archanges (lundi) ; la décapitation de Jean-Baptiste (mardi) ; l'Annonciation (mercredi) ; le Christ lavant les pieds des disciples (jeudi), la crucifixion (vendredi) ; et la seconde venue (samedi). Les saints, y compris les rois, les évêques, les apôtres, les martyrs, les moines et les moniales, sont rassemblés en dessous du Christ pour le louer et attendre son jugement. Le Sauveur tient un livre ouvert avec les mots "Viens, béni de [mon Père]" (Matthieu 25, 34).
Méditation
Quelles sont les paroles saillantes de saint Paul dans ce texte :
Appelés à être apôtre,
Mis à part pour l’Évangile,
Nous sommes appelés à être des saints.
Bien sûr, ces paroles sont un choix de ma part. Mais elles soulignent avec force notre mission principale : être des saints. Et notons que Paul ne dit pas « devenir » des saints, mais « être » des saints. La différence ? Devenir implique que nous devons prendre les choses en main, nous corriger, faire des efforts, gravir les marches une à une. Bien sûr, c’est important, mais le risque du pélagianisme guette (doctrine de Pélage, moine du Ve siècle, relative à la grâce et au péché originel, qui soutenait que l'homme pouvait assurer son salut par ses seuls mérites). Nos mérites et nos efforts sont nécessaires, mais non suffisants. Ce qui est premier est d’être des saints. Et ce, comme dans cette icône, chaque jour de la semaine !
Que comprendre ? Que, peut-être (et même sûrement), la grâce de la sainteté est déjà en nous. La grâce nous a déjà été offerte, dès notre baptême. Une grâce renouvelée lors de la confirmation et actualisée à chaque sacrement reçue. Nous sommes déjà des saints. Mais nous n’en avons pas conscience. Ou nous manquons de confiance, nous doutons de nous. Mais comment pourrait-il en être autrement, pauvres êtres fragiles que nous sommes ?
Pourtant, discrètement mais réellement, la grâce agit en nous jour après jour, heure après heure, minute après minute. Une grâce qui se transforme en foi en Dieu, mais aussi confiance en nous. Une grâce qui revivifie notre espérance. Une grâce qui nous aide à porter un regard de charité. Si nous la laissons s’épanouir, si nous lui laissons toute la place, alors, nous ne deviendrons pas des saints, nous le serons pleinement : la graine de sainteté sera un arbre vivant et fructueux.
L’essentiel est de prendre conscience de cet appel, de cette vocation, de notre vocatus ! Appelés à avoir foi, appelés à laisser croître cette sainteté, appelés à ne pas désespérer. Mais aussi appelés à être mis à part. Curieuse parole… Non pas extraits, mis en dehors du monde, mais mis à part. En d’autres termes, appelés à avoir et prendre du recul. Je me rappelle une expérience devant les Nymphéas de Claude Monet aux Tuileries à Paris. Le premier cours nous apprenait à regarder de près la technique picturale du peintre, ses coups de pinceaux, l’entremêlement des couleurs, etc. Nous étions tous le nez collé à la toile, loupe en main. Mais aucun de nous n’a pris le temps de regarder simplement la toile. Une semaine après, un second cours sur les mêmes toiles. L’éminent professeur donne date, auteur et une brève présentation de l’œuvre. Puis quinze minutes de silence. Après l’étonnement, curieusement, chacun regardait les toiles. En fait, non, nous ne regardions plus, nous étions au bord de l’eau.
Ainsi, avant de nous ausculter, de nous disséquer (même si c’est très à la mode), prenons le temps du recul, de regarder la toile que Dieu peint sur nos vies. Prenons le temps et le recul nécessaire, non pas pour chercher la graine de sainteté et s’en emparer pour la faire grandir à coup d’engrais, mais plutôt pour la regarder simplement, avec le regard du Christ, afin qu’elle grandisse en nos vies. Comme le dit Jésus (Mc 4, 30-32) :
Il disait encore : « À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. »
Ou encore saint Augustin :
« Tard je T'ai aimée, Beauté ancienne et si nouvelle ; tard je T'ai aimée. Tu étais au-dedans de moi et moi j'étais dehors, et c'est là que je T'ai cherché. Ma laideur occultait tout ce que Tu as fait de beau. Tu étais avec moi et je n'étais pas avec Toi. Ce qui me tenait loin de Toi, ce sont les créatures, qui n'existent qu'en Toi. Tu m'as appelé, Tu as crié, et Tu as vaincu ma surdité. Tu as montré ta Lumière et ta Clarté a chassé ma cécité. Tu as répandu ton Parfum, je T'ai humé, et je soupire après Toi. Je T'ai goûté, j'ai faim et soif de Toi. Tu m'as touché, et je brûle du désir de ta Paix. Amen ! »
Saint Augustin d’Hippone (354-430) - Les Confessions 10, 27