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Lundi, 5e semaine du T.O. — année paire

La gloire du Seigneur remplissait la maison du Seigneur ! -



Salomon fait transporter l'Arche dans le Temple,

Blaise-Nicolas LE SUEUR (Paris, 1716 - Berlin, 1783),

Huile sur toile, 96 x 127 cm, 1747,

Musée des Beaux-Arts, Caen (France)


Lecture du premier livre des Rois (1 R 8, 1-7.9-13)

En ces jours-là, Salomon rassembla auprès de lui à Jérusalem les anciens d’Israël et tous les chefs des tribus, les chefs de famille des fils d’Israël, pour aller chercher l’arche de l’Alliance du Seigneur dans la Cité de David, c’est-à-dire à Sion. Tous les hommes d’Israël se rassemblèrent auprès du roi Salomon au septième mois, durant la fête des Tentes. Quand tous les anciens d’Israël furent arrivés, les prêtres se chargèrent de l’Arche. Ils emportèrent l’arche du Seigneur et la tente de la Rencontre avec tous les objets sacrés qui s’y trouvaient ; ce sont les prêtres et les lévites qui les transportèrent. Le roi Salomon et, avec lui, toute la communauté d’Israël qu’il avait convoquée auprès de lui devant l’Arche offrirent en sacrifice des moutons et des bœufs : il y en avait un si grand nombre qu’on ne pouvait ni le compter ni l’évaluer. Puis les prêtres transportèrent l’Arche à sa place, dans la Chambre sainte que l’on appelle le Saint des Saints, sous les ailes des kéroubim. Ceux-ci, en effet, étendaient leurs ailes au-dessus de l’emplacement de l’Arche : ils protégeaient l’Arche et ses barres. Dans l’Arche, il n’y avait rien, sinon les deux tables de pierre que Moïse y avait placées au mont Horeb, quand le Seigneur avait conclu alliance avec les fils d’Israël, à leur sortie du pays d’Égypte. Quand les prêtres sortirent du sanctuaire, la nuée remplit la maison du Seigneur, et, à cause d’elle, les prêtres durent interrompre le service divin : la gloire du Seigneur remplissait la maison du Seigneur ! Alors Salomon s’écria : « Le Seigneur déclare demeurer dans la nuée obscure. Et maintenant, je t’ai construit, Seigneur, une maison somptueuse, un lieu où tu habiteras éternellement. »


Le peintre

Blaise Nicolas Le Sueur est le fils du peintre parisien Nicolas Le Sueur (1691-1764) ; formé à Paris, il est notamment l'élève du peintre Jean-Baptiste van Loo.


Il s'installe à Berlin à partir de 1748 ; selon Pierre-Jean Mariette, « Vers le milieu de ce siècle, Lesueur fut appelé à Berlin, et il y a, ce que je crois, beaucoup mieux fait ses affaires que s'il étoit resté à Paris. Il y a trouvé de l'occupation (...) Il peint également le paysage et l'histoire et il fait des desseins qui plaisent. ». Le Sueur est membre en 1751 de la Königlich-Preußische Akademie der Künste (Académie des arts de Berlin) ; il succède à Antoine Pesne en 1757 et assurera la direction de cette institution jusqu'à sa mort.


Le tableau

Exécuté pour le grand prix de peinture de 1745 (second grand prix), le tableau fut endommagé lors de l'incendie du musée en 1905.


Méditation

Il est amusant de voir ce roi, un peu bedonnant, les traits féminins, et la couronne en dents de scie, relevant d’un geste théâtrale sa tunique jaune. Il ressemble plus à un souverain d’opérette qu’à un homme puissant. Derrière lui, l’Arche, bien plus petite qu’on ne pourrait l’imaginer, est portée par de puissants prêtres enturbannés. Le groupe arrive au pied de l’entrée du Temple, où les attend le Grand-Prêtre qui prépare l’encens pour l’adoration. La fête est à son comble : on distingue trompettes et cithare derrière le roi, et les visages enjoués des participants, malgré la gravité de cette solennité. Comme le raconte le texte, on apporte aussi des vases précieux, mais nulle trace des bêtes à sacrifier. En fait, le peintre a représenté les premiers versets de notre texte : l’arrivée solennelle de l’Arche portée par les prêtres. Vont suivre les sacrifices, puis l’entrée dans le Saint des Saints, et enfin la proclamation enflammée du roi.


L’auteur tient à nous préciser que cette Arche d’Alliance ne contient que les Tables de la Loi, en pierre. Cette simple description trouvera un écho en saint Paul (1 Co 10, 1-4) : « Frères, je ne voudrais pas vous laisser ignorer que, lors de la sortie d’Égypte, nos pères étaient tous sous la protection de la nuée, et que tous ont passé à travers la mer. Tous, ils ont été unis à Moïse par un baptême dans la nuée et dans la mer ; tous, ils ont mangé la même nourriture spirituelle ; tous, ils ont bu la même boisson spirituelle ; car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher, c’était le Christ. » En effet, ces Tables de pierre vont abreuver le peuple lors de son long pèlerinage dans le désert. Rappelez-vous le miracle de l’eau (Nb 20, 08) : « Dieu dit à Moïse et Aaron : Prends ton bâton de chef et, avec ton frère Aaron, rassemble la communauté. Puis, sous leurs yeux, vous parlerez au rocher, et il donnera son eau. Pour eux tu feras jaillir l’eau du rocher, et tu feras boire la communauté et ses bêtes. » Et Moïse frappa LE rocher, malheureusement deux fois, comme s’il doutait de l’efficacité de Dieu, ce qui fit qu’il ne pût voir la Terre Promise et mourut dans le désert juste avant la sortie. Mais le plus important est sur le déterminant : il ne s’agit pas de taper sur une quelconque roche visible à proximité. Il lui est demandé de taper avec son bâton sur LE rocher, et donc pas n'importe lequel. Et quand Dieu leur parle, ils sont dans la tente de la Rencontre, là où se trouve l’Arche d’Alliance.


Et au-dessus de la tente flotte la nuée (faite de lumière et de ténèbres) que l’on appelle la Shekinah, l’Esprit, la Présence divine. Où est-il donc ce rocher, si ce n’est dans l’Arche ? Que serait-il donc ce rocher, si ce n’est la table de pierre, de rocher, sur laquelle Dieu a gravé de son doigt la Loi qui doit guider et émanciper son peuple ? En tapant de son bâton sur la Loi, Moïse abreuve le peuple. Et, comme le rappelle Paul, ce rocher les suivait, enfermé et protégé dans l’Arche. Et ce rocher, dit Paul, c’est le Christ. Mais oui, rappelez-vous la crucifixion (Jn 19, 33-35) : « Quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau. Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez. » De l’ancienne Loi, les Tables de l’Alliance, coulait une eau qui abreuvait le peuple durant sa traversée du désert. De la Nouvelle Loi, Jésus, coule l’eau qui abreuve et baptise et le sang de l’eucharistie. Car, comme le chante tant de psaumes (par exemple, Ps 94, 1) : « Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons notre Rocher, notre salut ! » Il est bien le rocher spirituel dont parlait saint Paul.


Et voici, une fois l’Arche installée dans le Temple, que la nuée vient y reposer. C’est cette même nuée qui accompagnait et protégeait le peuple dans le désert, cette même nuée qui refoula Pharaon et ses ennemis lorsque Moïse ouvrit les eaux ; nuée de lumière la nuit, et de ténèbres le jour (Ex 14, 20). Cette nuée s’appelle en hébreu la Shekinah (שכינה) et signifie littéralement être installé, habiter, ou résider. Dieu, par son Esprit, vient s’installer au-dessus de l’Arche, il vient vivifier la Loi. N’est-ce pas ce que nous proclamons dans le Credo : « Et in Spíritum Sanctum, Dόminum, et vivificántem — Je crois en l'Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie » ? Et pour nous, chrétiens, depuis la mort du Christ en croix, cet Esprit se diffuse dans le monde. D’abord, sur la Croix, Jésus « remet son Esprit » (Jn 19, 30), et ce d’autant plus que, bras étendus, Jésus fait la plus grande imposition des mains (épiclèse) sur le monde. Puis, retrouvant le disciples après la Résurrection, il leur donne les prémices de son Esprit en « soufflant sur eux » (Jn 20, 22), avant qu’il ne soient brûlés d’amour pour Dieu lors de la Pentecôte (Ac 2). Car l’Esprit brûle, ou pour être plus exact, vient brûler nos offenses, puis nous brûler d’amour, sans pour autant consumer notre nature.


Dans la 17e bénédiction de la prière de la Amida, les fidèles juifs s'inclinent en priant silencieusement Dieu de « ramener sa Présence à Sion : בָּרוּךְ אַתָּה יְהֹוָה, הַמַּחֲזִיר שְׁכִינָתוֹ לְצִיּוֹן » Mais nous, nous savons que la diaspora de l’Esprit se répand sur le monde, non pour retourner un jour sur le mont Sion, mais pour faire de la terre entière un mont Sion, le Rocher d’où coulera l’amour; jusqu’au jour où nous serons nous-mêmes agrégés à Dieu, divinisés par son Esprit qui nous vivifiera en plénitude. C’est toute l’Église terrestre, Corps du Christ, qui est maintenant la demeure de Dieu, avant qu’elle ne disparaisse pour laisser venir la cité céleste comme l’a prédit Jean (Ap 21, 1-5) :

« Alors j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus. Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari. Et j’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. » Alors celui qui siégeait sur le Trône déclara : « Voici que je fais toutes choses nouvelles. » Et il dit : « Écris, car ces paroles sont dignes de foi et vraies. »
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