Un signe, s’il te plaît !

La prière de Gédéon
Jacob Jordaens (Anvers, 1593 - Anvers, 1618)
Carton pour une tapisserie, détrempe à la gouache sur carton en deux morceaux collés ensemble, 305 x 262 cm, vers 1640
Musée des Beaux-Arts, Arras (France)
Lecture du livre des Juges (Jg 6, 11-24a)
En ces jours-là, l’ange du Seigneur vint s’asseoir sous le térébinthe d’Ofra, qui appartenait à Joas, de la famille d’Abièzer. Gédéon, son fils, battait le blé dans le pressoir, pour le soustraire au pillage des Madianites. L’ange du Seigneur lui apparut et lui dit : « Le Seigneur est avec toi, vaillant guerrier ! » Gédéon lui répondit : « Pardon, mon Seigneur ! Si le Seigneur est avec nous, pourquoi tout ceci nous est-il arrivé ? Que sont devenus tous ces prodiges que nous ont racontés nos pères ? Ils nous disaient : “Est-ce que le Seigneur ne nous a pas fait monter d’Égypte ?” Mais aujourd’hui le Seigneur nous a abandonnés, en nous livrant au pouvoir de Madiane… » Alors le Seigneur regarda Gédéon et lui dit : « Avec la force qui est en toi, va sauver Israël du pouvoir de Madiane. N’est-ce pas moi qui t’envoie ? » Gédéon reprit : « Pardon, mon Seigneur ! Comment sauverais-je Israël ? Mon clan est le plus faible dans la tribu de Manassé, et moi je suis le plus petit dans la maison de mon père ! » Le Seigneur lui répondit : « Je serai avec toi, et tu battras les Madianites comme s’ils n’étaient qu’un seul homme. » Gédéon lui dit : « Si j’ai trouvé grâce à tes yeux, donne-moi un signe que c’est bien toi qui me parles. Ne t’éloigne pas d’ici avant que je revienne vers toi. Je vais chercher mon offrande et je la placerai devant toi. » Le Seigneur répondit : « Je resterai jusqu’à ton retour. » Gédéon s’en alla, il prépara un chevreau, et avec une mesure de farine il fit des pains sans levain. Il mit la viande dans une corbeille, et le jus dans un pot, puis il apporta tout cela sous le térébinthe et le lui présenta. L’ange de Dieu lui dit : « Prends la viande et les pains sans levain, pose-les sur ce rocher et répands le jus. » Gédéon obéit. Alors l’ange du Seigneur étendit le bâton qu’il tenait à la main, et il toucha la viande et les pains sans levain. Le feu jaillit de la roche, consuma la viande et les pains sans levain, et l’ange du Seigneur disparut. Alors Gédéon comprit que c’était l’ange du Seigneur, et il dit : « Malheur à moi, Seigneur mon Dieu ! Pourquoi donc ai-je vu l’ange du Seigneur face à face ? » Le Seigneur lui répondit : « Que la paix soit avec toi ! Sois sans crainte ; tu ne mourras pas. » À cet endroit, Gédéon bâtit un autel au Seigneur sous le vocable de Seigneur-de-la-paix.
Méditation
Gédéon : Mais dans quelle situation nous nous trouvons ! Jamais nous ne serons délivrés des ennemis. Maintenant, ce sont les Madianites qui viennent brûler nos champs, voler notre bétail et rafler nos récoltes ! Et Dieu au milieu de tout ce marasme ? On se le demande… Il avait promis de nous libérer de la main de nos ennemis, et voilà que ce sont eux qui viennent nous piller. Comment ne pas penser que Dieu nous a abandonné ? Comment ne pas prendre pour argent comptant ce cri du psalmiste (Psaume 21) : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? Le salut est loin de moi, loin des mots que je rugis. Mon Dieu, j'appelle tout le jour, et tu ne réponds pas ; même la nuit, je n'ai pas de repos. Toi, pourtant, tu es saint, toi qui habites les hymnes d'Israël ! C'est en toi que nos pères espéraient, ils espéraient et tu les délivrais. Quand ils criaient vers toi, ils échappaient ; en toi ils espéraient et n'étaient pas déçus. » Certainement, la geste de Dieu est attesté par nos pères, mais aujourd’hui ? Aujourd’hui, nous sommes seuls face à notre malheur… Tiens, qui est cet homme ?
L’ange : Le Seigneur me l’avait bien dit : les hommes ont du mal à se prendre en main et attendent que Dieu résolve tous leurs problèmes du plus grand au plus petit. Quand comprendront-ils que Dieu leur a aussi donné la liberté : liberté d’agir et de penser ? Quand comprendront-ils qu’Il sera toujours avec eux, mais qu’ils sont ses collaborateurs, qu’ils ont leur part à prendre ? Ce ne sont pas ses marionnettes mais ses enfants bien-aimés qu’Il veut voir grandir. Dieu leur donnera la force, mais c’est à eux d’en user. Maintenant, il va falloir que ce pauvre Gédéon y croit, et surtout qu’il croit en lui…
Gédéon : Mais que me raconte-t-il ? J’ai la force pour vaincre les ennemis ? J’ai été choisi par Dieu ? Dieu ne sait-il pas que je suis un homme craintif, peureux, comme mes pères… Ce fut le cas pour Moïse qui refusait d’abord d’être l’émissaire auprès de Pharaon, d’Amos qui ne se croyait qu’un pauvre berger, de Jonas qui fuit plutôt que d’aller à Ninive. Et tant d’autres. Seul, d’ici quelque temps, David osera affronter le géant. Peut-être parce que c’était encore un enfant, sans peur et sans crainte… Moi, je suis un homme, mais un homme effrayé devant la tâche que Dieu me demande. Et puis, comment être sûr de sa volonté ? N’ai-je pas une vision ? Ne suis-je pas en train d’imaginer des choses, puis m’en mordrai après les doigts ? Mais il insiste : Dieu est avec moi… Hé bien alors, qu’il le prouve ! Je suis désolé, mais, moi, j’ai besoin d’une assurance, d’un signe ! Et j’en ai besoin pas simplement pour attester de la parole de cet envoyé, mais aussi comme une assurance intérieur pour me lancer, moi qui me sens si faible, si petit. Seigneur, un signe sans ambiguïté et j’y vais !
L’ange : Ils me feront toujours rire ces hommes ! Les signes sont sous leurs yeux et ils ne les voient pas. Et puis quand le signe a eu lieu, ils l’oublient et en redemandent un autre. Toujours plus ! Voudraient-ils être Dieu à la place de Dieu ?! Ne comprennent-ils pas que le premier signe qui leur ait fait est leur foi : la présence de Dieu en leur coeur. C’est à leur âme qu’ils devraient demander des signes. Et là, Dieu leur répondrait dans la prière et par sa Parole. Mais, comme dit Dieu : je les ai créés imparfait pour qu’ils deviennent librement parfaits. Alors, aidons-le un peu. Il veut un signe (et je suis sûr que ce ne sera ni le premier ni le dernier), il va en avoir un !
Gédéon : Ô mon Dieu, cet homme était l’ange du Seigneur ! J’ai vu Dieu face à face : je vais mourir. Pardon, Seigneur, j’ai compris : tu as foi en moi et tu me demandes d’avoir la même foi en toi, et en les capacités que tu m’as donné. Confiance, me dis-tu. Confiance car je ne demande jamais rien aux hommes qu’ils ne soient capables de réaliser. Confiance car j’ai fait de ton coeur ma demeure. Et je me rappelle cette parole que tu m’as adressée voici quelques minutes : « Je resterai jusqu’à ton retour ». Maintenant, je le sais, Seigneur, tu seras avec moi, tu resteras à mes côtés jusqu’à mon retour à la Maison du Père. Voilà le vrai signe que tu me donnes. Maintenant partons au combat, car ce combat n’est pas le mien, mais le tien !