Une ancre sûre et solide

Garçon avec une ancre
Winslow Homer (Boston, 1836 - Prouts Neck, 1910)
Aquarelle, 19,4 x 34,9 cm, 1873
Cleveland Museum of Art, Cleveland (U.S.A.)
Lecture de la lettre aux Hébreux (He 6, 10-20)
Frères, Dieu n’est pas injuste : il n’oublie pas votre action ni l’amour que vous avez manifesté à son égard, en vous mettant au service des fidèles et en vous y tenant. Notre désir est que chacun d’entre vous manifeste le même empressement jusqu’à la fin, pour que votre espérance se réalise pleinement ; ne devenez pas paresseux, imitez plutôt ceux qui, par la foi et la persévérance, obtiennent l’héritage promis. Quand Dieu fit la promesse à Abraham, comme il ne pouvait prêter serment par quelqu’un de plus grand que lui, il prêta serment par lui-même, et il dit : Je te comblerai de bénédictions et je multiplierai ta descendance. Et ainsi, par sa persévérance, Abraham a obtenu ce que Dieu lui avait promis. Les hommes prêtent serment par un plus grand qu’eux, et le serment est entre eux une garantie qui met fin à toute discussion ; Dieu a donc pris le moyen du serment quand il a voulu montrer aux héritiers de la promesse, de manière encore plus claire, que sa décision était irrévocable. Dieu s’est ainsi engagé doublement de façon irrévocable, et il est impossible que Dieu ait menti. Cela nous encourage fortement, nous qui avons cherché refuge dans l’espérance qui nous était proposée et que nous avons saisie. Cette espérance, nous la tenons comme une ancre sûre et solide pour l’âme ; elle entre au-delà du rideau, dans le Sanctuaire où Jésus est entré pour nous en précurseur, lui qui est devenu grand prêtre de l’ordre de Melkisédek pour l’éternité.
Méditation
Dans les catacombes de Domitille de Rome, on peut voir ce superbe graffiti du IIIe siècle : une ancre en forme de croix avec deux poissons qui sortent des deux pelles de la patte. N’est-elle pas l’illustration la plus parfaite du dernier verset que nous avons lu ?

Cette ancre, c'est notre espérance. Et il faut s’y tenir, tel cet enfant sur la tableau. Le français a cette richesse de vocabulaire qui permet de distinguer l’espoir (si cher à Malraux) de l’espérance. L’espoir est à vue humaine. L’espérance, elle, est à vue divine. L’espoir est pour notre intelligence, l’espérance pour notre âme. Et c'est en cela qu’elle est sûre et solide. Car notre espoir peut s’effondrer en quelques secondes devant tel ou tel événement que nous ne maîtrisons pas. L’espérance, elle, ne meurt jamais : elle est une vertu théologale, c’est-à-dire qui nous mène à Dieu. L’espoir, et nous en faisons l’expérience en ce temps de pandémie, peut vite se révéler fragile, combien en font aujourd’hui l’expérience voyant leur vie basculer par la faute d’un virus invisible à l’oeil nu. Mais elle ne tue pas l’espérance, celle de voir Dieu, de nous retrouver en Dieu. Le tout, comme ce garçon de Winslow Homer, est de nous y tenir fermement. Ou plus exactement, de ne pas laisser notre désespoir prendre le dessus. Car, comme sur le graffiti ci-dessus, l’espérance passe par la Croix, mais c’est une croix de vie, et une croix qui donne naissance en nos âmes au poisson, signe du Christ. Ambroise de Milan avait évidemment ce symbole à l'esprit quand il écrivit (In. Ep. ad Hébreux 6.) : « Comme l'ancre jetée d'un navire qui empêche d'être emporté, il reste en place, si la foi est fortifié par l’espérance ».