Me voici !

La vocation d’Isaïe
Giovanni Baptista Tiepolo (Venise, 1696 - Madrid, 1770)
Fresque, 200 x 250 cm, 1726-1729
Palazzo Patriarcale, Udine (Italie)
Lecture du livre du prophète Isaïe (Is 6, 1-8)
L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé ; les pans de son manteau remplissaient le Temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Ils avaient chacun six ailes : deux pour se couvrir le visage, deux pour se couvrir les pieds, et deux pour voler. Ils se criaient l’un à l’autre : « Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur de l’univers ! Toute la terre est remplie de sa gloire. » Les pivots des portes se mirent à trembler à la voix de celui qui criait, et le Temple se remplissait de fumée. Je dis alors : « Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures : et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l’univers ! » L’un des séraphins vola vers moi, tenant un charbon brûlant qu’il avait pris avec des pinces sur l’autel. Il l’approcha de ma bouche et dit : « Ceci a touché tes lèvres, et maintenant ta faute est enlevée, ton péché est pardonné. » J’entendis alors la voix du Seigneur qui disait : « Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? » Et j’ai répondu : « Me voici : envoie-moi ! »
Méditation
Impurs, nous le sommes tous. Indignes, plus encore. Même si, comme le raconter Dostoyevsky dans Crime et châtiment, le Christ accueille en son Royaume ceux qui « ne s’en sont jamais crû dignes ». Alors, sont-ce nos efforts, nos mérites qui nous sauveront de cette impureté ? Je ne crois pas. Il m’a toujours semblé que la plus grande des saintetés est d’accepter notre propre indignité et de croire que Dieu seul puisse nous sauver. Alors, la question n’est pas de sa sauver (dans les deux sens du terme...) mais de se laisser sauver. Saint Paul utilisera les mêmes mots pour la réconciliation (2 Co 5, 20) : « nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu ». Laissons-nous sauver par Dieu...
Comment ? Comme Isaïe ! Il reconnaît d’abord don indignité. Ce n’est pas pour rien que chaque messe, voire chaque sacrement, commence par la reconnaissance de notre péché. Alors, et seulement alors, l’ange vient lui brûler les lèvres avec ce charbon pris sur l’autel. rassurez-vous, je ne vous invite pas à une immolation labiale. Mais plutôt à comprendre ce qui peut nous brûler et brûler notre péché pour brûler d’amour pour Dieu.
Se laisser brûler par ce charbon, car il vient de l’autel, de l’eucharistie. Communier c’est être brûler par Dieu. Brûler de sa Parole vivifiante, qui tombe sur nos têtes quand nous l’écoutons dans la Bible. Cette Parole nous enthousiasme. Brûler d’amour pour Dieu Trinité, sans se consumer, sans consumer notre nature divine, comme le buisson ardent, ou la Vierge Marie qui brûlait d’amour pour Dieu sans consumer sa virginité.
Car c’est bien notre mission de chrétien : brûler. Rappelez-vous cette « prophétie » de Georges Bernanos (Les grands cimetières sous la lune) : « Hélas ! c'est la fièvre de la jeunesse qui maintient le reste du monde à la température normale. Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents. » Et un chrétien peut-il être autre chose que jeune ? On ne consacre pas de vieilles hosties...