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Samedi, 31e semaine du T.O. — année impaire

Dieu ou Mammon ? -



Le culte de Mammon,

Evelyn de Morgan (Londres,1855 - Londres, 1919),

Huile sur toile, 51,2 x 63 cm, vers 1909,

De Morgan Center, Londres (Royaume-Uni)


Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 16, 9-15)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles. Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre chose est malhonnête aussi dans une grande. Si vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ? Et si, pour ce qui est à autrui, vous n’avez pas été dignes de confiance, ce qui vous revient, qui vous le donnera ? Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. » Quand ils entendaient tout cela, les pharisiens, eux qui aimaient l’argent, tournaient Jésus en dérision. Il leur dit alors : « Vous, vous êtes de ceux qui se font passer pour justes aux yeux des gens, mais Dieu connaît vos cœurs ; en effet, ce qui est prestigieux pour les gens est une chose abominable aux yeux de Dieu. »


Méditation

Ce tableau d’Evelyn de Morgan (même si le prénom peut être donné aux deux sexes, il s’agit bien ici d’une femme) me semble une belle illustration de cette page d’évangile. Une femme, simplement vêtue d’une robe vaporeuse, saisit de ses mains avides, le regard empli d’un désir cupide, le corps de son dieu : Mammon, le dieu des richesses. Mon oncle Wiki et ma tante Pédia m’en parlent :


Mammon, dans le Nouveau Testament de la Bible, est la richesse matérielle qui est personnifiée en divinité à laquelle les hommes sont susceptibles de vouer leur vie. Son adoration correspond dans l'Ancien Testament ou dans la Torah au culte du Veau d'or, et dans la morale catholique à l'avarice qui est un des sept péchés capitaux. Mammon est parfois compris parmi les trois ou sept princes de l'Enfer.


De ce Mammon, on ne voit que la base de la statue dorée sur son podium : un homme jeune et nu est assis sur une pierre et tient en main une bourse emplie d’or. Il séduit cette femme, lui promettant la richesse, et ce qui va avec, pouvoir et puissance. Elle semble prête à tout pour qu’il lui offre ce sac : caresses, regard langoureux, et sûrement promesses. Elle est certainement déjà en train d’imaginer ce qu’elle pourra obtenir avec cet argent. Elle veut posséder cet or, alors que son regard montre bien que c’est elle qui est déjà possédée, dans le sens diabolique du terme.


Diabolique car le diable est celui qui vient, étymologiquement, nous diviser. Cet or vient la diviser et substituer à son unité naturelle une partition intérieure qu’elle aura bien du mal à réunifier. Car, comme le dit l’évangile, certains, tels les pharisiens, aiment l’argent. Mais cet amour, insidieusement, se transforme en divinisation. L’or devient un dieu. N’est-ce pas déjà ainsi que le diable a essayé de corrompre Jésus ? « Le diable l’emmène encore sur une très haute montagne et lui montre tous les royaumes du monde et leur gloire. Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si, tombant à mes pieds, tu te prosternes devant moi. » Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. » (Mt 4, 8-10) Jésus ira bien sur cette haute montagne, la plus haute des montagnes qui s’appelle le Golgotha. Il y verra tous les royaumes de la terre, mais il ne cherchera pas à s’en emparer. Au contraire, il étendra ses mains sur ce monde pour lui donner son Esprit. Il n’a pas voulu posséder le monde, il s’est offert au hommes.


Et c’est peut-être là la clé de compréhension que Jésus nous laisse. Vous voulez posséder le monde et ses richesses ? Mais si vous vous en emparez, vous ne pourrez pleinement en jouir, car ce sera vous qui deviendrez possédés par ces richesses. Comme le disait ma grand-mère : « pas de sous, pas de soucis ! ». Ceux qui possèdent deviennent possédés par leur angoisse de perdre leur bien et de manquer. Ils en veulent toujours plus. Et rêvant, à l’image de Picsou, de nager dans leur or, ils s’y noient, suffoquant de la peur de perdre.


Comme nous l’avons vu dans l’évangile d’hier, et comme l’expliquait le texte, posséder n’est pas un péché. C’est être possédé qui est malin (dans le sens du Malin et de la malignité d’une tumeur). Jésus possédait tout, mais il ne l’a pas gardé pour lui. Saint Paul expliquera ce don de lui-même dans l’hymne de l’épître aux Philippiens (Ph 2, 5-11) : « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père. »


Il a refusé la jalousie, c’est-à-dire ce sentiment de ne rien vouloir partager. Il s’est abaissé jusqu’à nous, partageant tout son avoir et son être (pensez au Fils prodigue qui dilapide toute sa substance, son héritage, au milieu des hommes). C’est pourquoi Dieu l’a exalté (ce qui, étymologiquement veut dire élever). Ainsi, si nous choisissons Dieu plutôt que Mammon, nos richesses ne nous seront pas enlevées, mais elles ne nous domineront plus. Et nous sentiront le besoin de les partager car nous découvrirons que c’est en nous dépouillant, en refusant un soi-disant rang, que Dieu nous exaltera en sainteté.


Enfin, même si l’argent est le sujet primordial de la possession qui peut plonger dans les bras du Malin, n’oublions jamais que ce que nous possédons, ou plutôt ce que Dieu nous a offert, est bien plus large que l’or : nous avons aussi reçu grâce sur grâce, intelligence, connaissance, foi, amour, etc. Là encore, si nous les tenons avidement entre nos mains, par peur de les partager et de les perdre, nous sombrons dans la même idolâtrie. Ce que nous avons reçu ne nous profitera même pas puisque nous n’avons pour seul désir que de l’offrir aux autres (Georges Bernanos, Dialogues des Carmélites, 1948 - Deuxième Tableau, scène V) :


LE MÉDECIN
Pardonnez-moi... Je pensais que dans une Maison de Paix...
MÈRE MARIE
Notre Maison n’est pas une Maison de Paix, Monsieur. C’est une Maison de prière. Les personnes consacrées à Dieu ne se réunissent pas entre elles pour jouir de la paix, elles tâchent de la mériter pour les autres... On n’a pas le temps de jouir de ce qu’on donne...
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