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Une porte sur l’invisible... ou les fissures de la Gloire...


Art de la liturgie et Liturgie de l’art...Constat

  • Beaucoup d’écrits sur l’art mais ou abordé sur l’unique plan esthétique, ou historique, ou alors comme simple illustration.

  • Rarement l’art est présenté comme reflet de la foi et porte d’entrée.

  • L’Église a perdu :

    • Le sens de l’art comme aide en catéchèse et en pastorale,

    • Les clés de lecture des oeuvres d’art,

    • La mise en valeur de son riche patrimoine,

    • Et même la compréhension de ce patrimoine artistique.

- Dans un monde axé sur l’image, plus que sur le texte, il est important de rendre toute sa place à l’art dans l’Église pour éviter de passer à côté de nos contemporains... et de la mission qui nous incombe !


Ce qui me passionne


1. Réapprendre les clés de lecture qui redonnent tout le sens au lien entre art et liturgie, art et vie chrétienne.


Lectio Divina

Voyez-vous, un moine a un jour écrit sur les quatre étapes de la Lectio Divina. Il les nomme ainsi :

  1. Lectio (je lis),

  2. Meditatio (je réfléchis),

  3. Oratio (je prie),

  4. Contemplatio (je contemple).

Ne serait-ce pas la même chose devant une œuvre d’art qui n’est autre qu’une prière à Dieu, une ouverture sur l’invisible, une fissure qui permet d’entrevoir la Gloire de Dieu ?


Pardes

Comme Origène (185-254), reprenant les écrits de la tradition juive, révèle les premiers sens des écrits bibliques :

  1. Pshat : littéral ;

  2. Remez : allusif (littéralement : allusion) ;

  3. Drash : allégorique (littéralement : creuser, sonder, chercher) ;

  4. Sod (kabbale) : mystique (littéralement : secret)


Quatre sens de l’Écriture

Ce qui donnera les quatre sens de l’Écriture repris dans ces vers par Augustin de Dacie (mort en 1282) :

« Littera gesta docet,
quid credas allegoria,
Moralis quid agas,
quo tendas anagogia. »
« La lettre instruit des faits qui se sont déroulés,
L’allégorie apprend ce que l’on a à croire,
Le sens moral apprend ce que l’on a à faire,
L’anagogie apprend ce vers quoi il faut tendre. »

C’est-à-dire :

  1. Le sens littéral,

  2. Le sens allégorique,

  3. Le sens tropologique (ou moral),

  4. Le sens anagogique (ou spirituel).


Les quatre marches

De fait, ne serait-il pas bon de reprendre cette méthode bien éprouvée ! Après les quatre sens de l’Écriture et les quatre étapes de la Lectio, les quatre marches pour entrer dans l’œuvre :

  1. Regarder...

  2. Laisser les sens agir, la mémoire se souvenir...

  3. Interpréter, comprendre les symboles, voire adhérer...

  4. Contempler et... entrer par la fissure !

On pourrait dire que c’est faire œuvre phénoménologique... Quelques explications :


Phénoménologies

La phénoménologie (du grec : phainómenon, « ce qui apparaît » ; et lógos, « étude ») est un courant philosophique qui se concentre sur l'étude des phénomènes, de l’expérience vécue et des contenus de conscience. Edmund Husserl est considéré comme le fondateur de ce courant, dans sa volonté de systématiser l'étude et l'analyse des structures des faits de conscience.


Pour Heidegger, l'œuvre d'art est une puissance qui ouvre et « installe un monde ». L'artiste n'a pas une claire conscience de ce qu'il veut faire, seul le « tout fera l'œuvre ». L'œuvre d'art n'est pas un outil, elle n'est pas une simple représentation mais la manifestation de la vérité profonde d'une chose : « ainsi du temple grec qui met en place un monde et révèle une terre, le matériau qui la constitue, un lieu où elle s'impose (la colline pour le temple), et le fondement secret, voilé et oublié de toute chose »


Nous pourrions le résumer très simplement ainsi :

  1. Je suis devant une oeuvre. Elle me touche, elle se révèle à moi. Elle me pose question. Bref, tous mes sens sont en émoi (c’est ce qu’on appelle aussi la synesthésie).

  2. Tout cela crée en moi une sorte de drame, de brisure. Elle change mon regard. Au point que l’œuvre me révèle autant moi-même qu’elle ne se révèle elle-même.

  3. Je cherche « à recoller les morceaux », à comprendre. Et alors à contempler !

Quatre arts d’Église

Comme s’il y avait aussi quatre types d’art :

  1. L’art profane : celui qui est devant le sacré.

  2. L’art religieux : celui qui relie à Dieu.

  3. L’art sacré : celui qui sanctifie Dieu.

  4. L’art liturgique : celui qui célèbre et rend présent Dieu !

Car l’art liturgique est poïétique... Une nouvelle fois, expliquons-nous.


L’art liturgique et la poïétique

La poïétique (du grec ancien ποίησις, « oeuvre, création, fabrication ») a pour objet l'étude des potentialités inscrites dans une situation donnée qui débouche sur une création nouvelle. Chez Platon la poïèsis se définit comme « La cause qui, quelle que soit la chose considérée, fait passer celle-ci du non-être à l'être » (Le Banquet, 205 b). En fait, les arts sont une médiation poïétique dans le sens où ils sont une création. Ainsi, ils participent à l’œuvre créatrice de Dieu. Mais au sommet de ces arts, et particulièrement de ceux qui sont au service de la liturgie (architecture, peinture, sculpture, orfèvrerie, paramentique, passementerie, musique, vitraillerie...), il en est un qui est poïétique par excellence, c’est-à-dire qu’il rend présent l’invisible : c’est celui de l’art liturgique. L’art liturgique est aussi poïétique en ce sens qu’il ouvre cette fissure par laquelle on peut entrevoir la Gloire de Dieu.


Mais il se déploie en trois temps. Bien sûr, dans le présent. C’est-à-dire à chaque célébration liturgique, qu’elle soit sacramentelle (ce qu’il rend la chose encore plus évident car le sacrement est le signe de Dieu) ou non (car toute liturgie est, comme son étymologie l’indique une « oeuvre publique » qui rend donc publique, visible l’action divine). Le présent de l’acte liturgique est poïétique par essence. Mais il est aussi passé et ce à plusieurs titres. Ne serait-ce que dans le calendrier liturgique. Après chaque grande fête, on continue de la célébrer pendant une huitaine de jours (l’octave), comme si ce qui venait d’être célébré continuer de se prolongé dans le temps, dernière note de l’orgue, point d’orgue par excellence. Quand nous rentrons dans une église où vient de se dérouler une liturgie, nos sens se rappellent l’acte qui vient d’avoir lieu : peut-être encore les dernières notes de l’orgue, l’odeur de l’encens et de la cire, les objets du culte que l’on range, les livres ouverts ou simplement le flottement d’une ambiance. L’acte continue de se dérouler, de s’éterniser. On sent le lieu encore habité, par l’odeur de ceux qui y sont passé, mais aussi habité par une présence divine, même si elle paraît indicible. Subrepticement, elle peut se dévoiler dans un tissu liturgique de couleur qui orne encore l’ambon, dans cette odeur que nous venons d’évoquer, dans ces dernières volutes d’encens, dans cette lumière qui se tamise. Il est indéniable que lorsqu’on rentre dans un édifice de culte, on ressent intimement si aucun culte ne s’y déroule ou si ce lieu est habité de Dieu célébré par sa communauté de fidèles. C’est ce passé qui continue de vibrer, comme une dernière note qui résonne dans les profondeurs. Même le mobilier nous le rappelle : un baptistère où tant d’enfants ont reçu la grâce depuis des générations, ces autels qui ont rendu présent le Christ, ces confessionnaux qui ont dispensé la miséricorde. Jusqu’aux marques de tacherons qui évoquent la foi des bâtisseurs. Je repense souvent aux croix gravés sur les murs du saint-Sépulcre depuis des siècles par les pèlerins, signes d’une foi ancestrale mais toujours vivante.


Présent, passé, mais aussi futur. Ou plutôt, avenir dans le sens de ce qui va advenir. La liturgie a toujours insisté sur la préparation. Nous avons évoqué l’octave qui suit la fête, mais il y a aussi le long de préparation de nos grandes fêtes : l’avent, le carême, le temps pascal préparatoire à la Pentecôte. L’avent, ce qui va advenir.


Malheureusement, on ne prépare plus « physiquement » nos fêtes. L’ambon ne devrait-il pas nous préparer à voir ce Verbe qui se fait chair ? Le tabernacle ne devrait-il pas être cette tente qu’il vient dresser parmi nous ? Les tableaux montrant la Nativité ne devraient-ils pas être doucement dévoilés, dimanche après dimanche ? Il ne reste aujourd’hui comme évocation d’un advenir poïétique que la couleur des vêtements liturgiques ! Même le vendredi saint, on ne se fatigue plus à masquer les croix. Alors que tant de choses en nos églises nous préparent à cet acte liturgique qui va rendre visible l’invisible. Tant de fresques, d’objets, de tableaux, de musiques, d’espaces liturgiques devraient doucement préparer la fissure pour que Dieu s’y glisse...


En quoi l’art liturgique est-il éminemment poïétique ? En cette synesthésie des sens. En cette harmonie des actes liturgiques et des objets et décors. En cette symbolique qui émaille nos édifices et qui sont les outils qui facilitent l’ouverture de cette porte sur le ciel. Pris un par un, ils ne peuvent donner ce sens. Un tableau fait pour église qui se retrouve dans un musée est comme un corps à qui l’on aurait retiré son âme. Le cartel descriptif ne fait que le mettre sous respirateur artificiel, mais il ne le fait nullement vivre ! Mais lorsqu’il participe à la symphonie liturgique, il prend tout son sens, si infime soit-il. Comme un orchestre ne peut jouer parfaitement l’œuvre symphonique s’il manque un seul instrument, ne serait-ce que le triangle. Tout participe à l’œuvre de Dieu. Tout agit pour cette poïétique liturgique. Comme l’alchimiste qui verse tous ses ingrédients dans l’éthanol pour transformer le plomb en or, l’Église devrait de nouveau verser tous ses ingrédients, sans exception, dans l’éthanol mystique pour changer une simple célébration (parfois de plomb...) en or divin !


Les cinq sens

Pour ouvrir la porte sur l’invisible, les clés sont nombreuses. Je viens déjà de vous en donner quelques-unes. Mais il y en a bien d’autres, comme la clé des sens :

  1. Voir, mais aussi avec les yeux du cœur.

  2. Toucher, mais aussi se laisser toucher.

  3. Sentir, mais aussi ressentir.

  4. Entendre, mais surtout écouter.

  5. Goûter, mais en distinguant les saveurs.

Vices et vertus

Ou celle des vices et vertus (théologales et cardinales) que Giotto a merveilleusement représentés dans la Chapelle des Scrovegni à Padoue.

  1. La prudence face à la sottise,

  2. La force face à l’inconstance,

  3. La tempérance face à la colère,

  4. La justice face à l’injustice,

  5. La foi face à l’impiété,

  6. La charité face à l’envie,

  7. L’espérance face ou désespoir.

Antonymes

Des sculpteurs, surtout en art roman, créeront d’autres types de couples que l’on retrouve sur beaucoup de chapiteaux d’église :

  1. La pudeur face à la débauche,

  2. L’humilité face à l’orgueil,

  3. La sobriété face à la luxure,

  4. La concorde face à la discorde,

  5. La chasteté face à la concupiscence,

  6. L’obéissance face à la rébellion,

  7. L’acédie face au courage.

Les sept sacrements

Il est une autre clé qu’il ne faut jamais négliger : celle des sacrements :

  1. Le baptême,

  2. La confirmation,

  3. L’eucharistie,

  4. L’ordination,

  5. Le mariage,

  6. La réconciliation,

  7. L’onction des malades.

Temporalité et éternité : passé, présent et ad-venir


La clé des temps...

TEMPORALITÉ DU RITUEL. Incarnation, eschatologie, ecclésiologie.


Passer des seuils

Et pour finir... la clé des seuils !

  • La marelle / Locus (Domus) - Iter - Transitus - Habitus

  • Les circuits et parcours possibles

  • Les seuils à passer

  • Le passage de la porte.

  • Architecture et décors (ex : crypte)

La symbolique

Ce que dit Durand de Mende, Alcuin, Amalaire de Metz... et les divers rituels de consécration des églises. L’art roman comme point culminant.

Bref, rendre vie et sens au lien entre l’art et la foi, entre l’art et la liturgie. C’est une continuelle respiration. Se séparer d’un des deux poumons, c’est risquer l’asphyxie à brève échéance.


2. Enseigner la foi, faire catéchèse (résonance) avec l’art comme point de départ.

  • Imaginer un programme de catéchèse (enfants, adolescents et adultes) sur le Credo et la Bible en se basant sur l’art liturgique (catéchèse mystagogique).

  • Rendre toute leur place aux oeuvres d’art présentes dans nos édifices cultuels en les replaçant dans l’acte liturgique.

  • Revoir le principe de nos musées diocésains et d’une muséologie catéchistique dans nos églises.

3. Réintroduire l’art dans la démarche spirituelle.

  • C’est ce que j’appelle la « fissure de la Gloire », la porte sur l’invisible, ou la croisée du visible et de l’invisible (Marion).

  • D’où des projets de pèlerinages artistiques, d’homélies, de retraites, etc.

Le travail déjà effectué

  • Trois cycles de méditations et d’homélies à partir d’œuvres artistiques pour chaque dimanche des années A , B et C (1 500 pages).

  • Un cycle de méditations et d’homélies à partir d’œuvres artistiques pour les solennités communes aux trois années liturgiques (700 pages).

Travail en cours

  • Cycle de méditation quotidienne des textes de la messe avec une illustration artistique.

  • Illustration artistique de quelques cycles typologiques de l’Ancien Testament (Genèse, Élie, etc.)

  • Méditation sur 60 tableaux du Caravage

  • Présentation catéchistique, biblique et typologique du Credo à partir des Tapisseries de la Chaise-Dieu.

  • Synthèse sur quelques éléments de la symbolique liturgique en architecture, périodes carolingienne et romane à partir des rituels de consécration et des écrits liturgiques.

  • Découverte de quelques églises, peintures, mobiliers et objets liturgiques du Renouveau de l’Art Sacré entre 1880 et 1950.

  • Quelques sujets précis :

    • Rapport entre art et prière (personnelle et communautaire).

    • L’art « invisible ».

    • La puissance du regard en art.

En projet

  • Cycle de formation sur le sens de l’art sacré pour les séminaires et les CDAS.

  • Cycle de conférences et cours sur :

  • Définitions

    • Qu’est-ce que l’art religieux, sacré et liturgique ?

    • Art et synesthésie, poïétique, phénoménologie.

    • Définir et découvrir les domaines de l’art liturgique (architecture, peinture et fresque, vitrerie, sculpture, mobilier, objets liturgiques, paramentique, musique, mais aussi littérature, théâtre et poésie).

    • Comment lire une œuvre d’art : les clés.

  • Interprétations et perspectives liturgiques

    • Les grandes étapes de l’art liturgique.

    • Comment les évolutions liturgiques et les divers rites ont influencé l’art (et vice-versa).

    • L’art et le Genius Loci (Locus, Domus, Iter, Habitus, Transitus)

    • L’art et les cinq (voire dix) sens.

    • L’art avant, pendant et après la liturgie, miroir de la vie chrétienne.

    • Des exemples d’interprétations et de symbolisations artistiques de textes bibliques

  • Pastorale

    • Quel renouveau possible aujourd’hui pour des artistes chrétiens ?

    • Inventaire de l’art à notre disposition.

    • Lier l’art à la prédication.

    • Rendre un sens pastoral à l’art dans nos lieux de culte.

    • Mise en œuvre liturgique et artistique.

    • S’appuyer sur l’art dans les cycles liturgiques.

    • Une catéchèse se basant sur l’art.

  • Pèlerinages « culturalo-spirituels » autour de lieux artistiques.

  • Retraites spirituelles basées sur des œuvres d’art.

  • Réflexions sur l’avenir de nos églises (bâtiments).

  • Publication de mes écrits et recherches.

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