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Vendredi, 1ère semaine du T.O. — année paire

L’art de la déception -



Nous voulons un roi !,

Gerard Hoet (Zaltbommel, 1648 - La Haye, 1733),

Gravure extraite des « Figures de la Bible » publiée par P. de Hondt, page 108, 1728,

Bibliothèque de l’Université de l’Oklahoma, Norman (U.S.A.)


Lecture du premier livre de Samuel (1 S 8, 4-7.10-22a)

En ces jours-là, tous les anciens d’Israël se réunirent et vinrent trouver Samuel à Rama. Ils lui dirent : « Tu es devenu vieux, et tes fils ne marchent pas sur tes traces. Maintenant donc, établis, pour nous gouverner, un roi comme en ont toutes les nations. » Samuel fut mécontent parce qu’ils avaient dit : « Donne-nous un roi pour nous gouverner », et il se mit à prier le Seigneur. Or, le Seigneur lui répondit : « Écoute la voix du peuple en tout ce qu’ils te diront. Ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi qu’ils rejettent : ils ne veulent pas que je règne sur eux. » Samuel rapporta toutes les paroles du Seigneur au peuple qui lui demandait un roi. Et il dit : « Tels seront les droits du roi qui va régner sur vous. Vos fils, il les prendra, il les affectera à ses chars et à ses chevaux, et ils courront devant son char. Il les utilisera comme officiers de millier et comme officiers de cinquante hommes ; il les fera labourer et moissonner à son profit, fabriquer ses armes de guerre et les pièces de ses chars. Vos filles, il les prendra pour la préparation de ses parfums, pour sa cuisine et pour sa boulangerie. Les meilleurs de vos champs, de vos vignes et de vos oliveraies, il les prendra pour les donner à ses serviteurs. Sur vos cultures et vos vignes il prélèvera la dîme, pour la donner à ses dignitaires et à ses serviteurs. Les meilleurs de vos serviteurs, de vos servantes et de vos jeunes gens, ainsi que vos ânes, il les prendra et les fera travailler pour lui. Sur vos troupeaux, il prélèvera la dîme, et vous-mêmes deviendrez ses esclaves. Ce jour-là, vous pousserez des cris à cause du roi que vous aurez choisi, mais, ce jour-là, le Seigneur ne vous répondra pas ! » Le peuple refusa d’écouter Samuel et dit : « Non ! il nous faut un roi ! Nous serons, nous aussi, comme toutes les nations ; notre roi nous gouvernera, il marchera à notre tête et combattra avec nous. » Samuel écouta toutes les paroles du peuple et les répéta aux oreilles du Seigneur. Et le Seigneur lui dit : « Écoute-les, et qu’un roi règne sur eux ! »


Méditation

Éli fut le dernier Juge d’Israël, et c’est maintenant Samuel qui montre le chemin au peuple. On ne peut pas dire qu’il le gouverne, mais il en est la référence morale. Pourtant, le peuple ne peut s’en contenter. Il lui faut un chef, un roi. Comme quoi les hommes ne sont pas autant qu’on le pense à la recherche de la démocratie !


Samuel est clair : avoir un roi c’est choisir de perdre un grand nombre de ses libertés, et qui plus est, risquer la dictature, voire l’esclavage. L’anti-programme est détaillé : sur l’armée, sur le machisme, sur la propriété privée, sur les biens de consommation… Voilà ce à quoi vous devez vous attendre si vous mettez à votre tête un roi !


Que répondent-ils ? On s’en moque. On veut être comme les autres. Nous voulons un pouvoir fort qui pourra combattre et conquérir. En cette période électorale, c’est vraiment amusant de lire ce texte ! Un prophète qui essaie de faire comprendre qu’il vaut mieux se laisser guider par Dieu et par la raison, et un peuple qui veut un roi tout-puissant qui leur offrira la gloire et leur évitera de penser et de devoir prendre des décisions.


Mais en rester là, ce serait faire comme toutes les chaines d’information continue dont nous sommes abreuvés : décrire les faits, soi-disant les analyser, mais ne jamais se poser la question du « pourquoi » le peuple demande cela. Et il me semble que c’est cela le problème de notre société : s’intéresser au comment, en oubliant le pourquoi !


Un seul exemple : la crise ecclésiale (quel qu’en soit le motif) : on se demande comment cela a bien pu arriver. C’est sûrement intéressant de démonter le processus qui aboutit à une situation difficile. Mais nul, ni les médias, ni les politiques, ni les évêques ne se posent la question du pourquoi… Alors, on fait comme les hébreux devant Samuel : donnez-nous un pouvoir fort qui va régler la question, même si on ne touche pas à la racine du mal. Donnez-nous la gloire d’avoir combattu et vaincu le mal, même si nous n’en avons pas éradiquer les racines. Ce serait comme combattre une maladie en soulageant la souffrance par un tas d’analgésiques sans pour autant s’attaquer à la tumeur. Un jour ou l’autre, elle refera surface. Cela vaudrait presque le coup de se poser la question en regardant de plus près le traité de Versailles : on assomme les allemands, mais on ne règle pas la crise interne. On émiette les anciennes conquêtes de l’empire ottoman, mais on ne se pose pas la question du pourquoi, et surtout des cultures différentes. On a vu où tout cela nous a mené. Avant d’aborder la question du « comment on va faire », peut-être serait-il bon de se demander « pourquoi on en est arrivé là ». « Un peuple qui oublie son passé n’a aucun avenir » disait Churchill, et complétant ensuite sa citation : « Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre »…


Pour en revenir au texte — dont je ne suis pas si éloigné — la question n’est pas de savoir comment on va rendre la gloire à ce peuple. La question est plutôt de comprendre pourquoi il l’a perdue. À mon avis, pour une seule raison (valable encore aujourd'hui ne serait-ce que dans le domaine ecclésial) : parce qu’ils se sont éloignés de leur Dieu ; parce qu’ils ont décidé de détrôner Dieu au profit d’un roi ; parce qu’ils ont perdu confiance en Dieu, ne l’écoutant plus et ne le priant plus. Je viens de lire le dernier livre du Cardinal Robert Sarah (Pour l’éternité, méditations sur la figure du prêtre) et c’est bien la racine du problème qu'il souligne : l'éloignement de Dieu par l’absence de prière et de célébration au profit d’un travail politico-social, loin du mandat divin. Cela peut paraître dur, mais comment (ou plutôt pourquoi) éviter la question ?


Un dernier point est assez frappant : la résignation, pour ne pas dire la déception de Dieu. : Samuel écouta toutes les paroles du peuple et les répéta aux oreilles du Seigneur. Et le Seigneur lui dit : « Écoute-les, et qu’un roi règne sur eux ! » On comprend alors un peu mieux ce que veut dire la paternité de Dieu. Comme un père avec ses enfants, après les avoir entretenus du pour et du contre, après les avoir conseillés, tenté de les dissuader, si ceux-ci restent engoncés dans leurs choix, même les plus mauvais, le père laisse faire ses enfants. Il en est déçu, mais résigné, se disant certainement en lui-même : « Laissons-les faire, on verra bien. De toutes les façons, je continuerai de veiller discrètement sur eux. » Et Dieu continuera de veiller, malgré ce peuple rebelle à la tête dure !


Ce qui est dramatique c’est que nous n’avons aucune mémoire et que nous restons ainsi de grands enfants insatisfaits. Peut-être est-ce dû à un déficit culturel, à un manque d’éducation, pour ne pas dire d’instruction. En tous les cas, c’est certainement dû à un manque de foi ! Lc 18, 8 : « Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Plutôt que « indignez-vous », nous devrions dire « ne vous résignez pas ! »

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