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Vendredi, 6e semaine du T.O. — année paire

Pas de foi sans les œuvres, pas d’œuvres sans la foi -



Polyptyque des sept oeuvres de miséricorde,

Maître d'Alkmaar (ou Maître de 1504 ou Maître des Sept Œuvres de la Miséricorde ,(actif vers 1490-1510) parfois attribué à Cornelis Buys I (floruit 1490-1524),

Huile sur panneau de bois, 119 x 472 cm (chaque panneau : 101 x 54 cm), 1504,

Rijksmuseum, Amsterdam (Pays-Bas)


Lecture de la lettre de saint Jacques (Jc 2, 14-24.26)

Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? Sa foi peut-elle le sauver ? Supposons qu’un frère ou une sœur n’ait pas de quoi s’habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l’un de vous leur dit : « Allez en paix ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! » sans leur donner le nécessaire pour vivre, à quoi cela sert-il ? Ainsi donc, la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte. En revanche, on va dire : « Toi, tu as la foi ; moi, j’ai les œuvres. Montre-moi donc ta foi sans les œuvres ; moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi. Toi, tu crois qu’il y a un seul Dieu. Fort bien ! Mais les démons, eux aussi, le croient et ils tremblent. Homme superficiel, veux-tu reconnaître que la foi sans les œuvres ne sert à rien ? N’est-ce pas par ses œuvres qu’Abraham notre père est devenu juste, lorsqu’il a présenté son fils Isaac sur l’autel du sacrifice ? Tu vois bien que la foi agissait avec ses œuvres et, par les œuvres, la foi devint parfaite. Ainsi fut accomplie la parole de l’Écriture : Abraham eut foi en Dieu ; aussi, il lui fut accordé d’être juste, et il reçut le nom d’ami de Dieu. » Vous voyez bien : l’homme devient juste par les œuvres, et non seulement par la foi. Ainsi, comme le corps privé de souffle est mort, de même la foi sans les œuvres est morte.


Bernadette Soubirous:

7 janvier 1844, Lourdes - 16 avril 1879, Nevers (France).


Ce que la petite Bernadette Soubirous, aînée de neuf enfants, souffrant d'asthme et de tuberculose osseuse, a appris dans cette famille marquée par la misère et le rejet (le père est à tort soupçonné d'un vol), c'est l’amour : l'amour de ses parents et l'amour du Seigneur.


Le 11 février 1858, elle voit dans la grotte de Massabielle, au bord du Gave de Pau, une jolie petite Dame vêtue de blanc. La Vierge Marie lui apparaîtra jusqu'au 16 juillet. Ces dix-huit apparitions se résument dans le message du 24 février : « Pénitence, pénitence, pénitence... Priez Dieu pour la conversion des pécheurs. »


« Si la Sainte Vierge m'a choisie, c'est parce que j'étais la plus ignorante ! » Pauvre et humble, Bernadette souffre d'être la cible de toutes les curiosités et entre en 1866 chez les Sœurs de la Charité de Nevers. Après treize ans durant lesquels elle se fait remarquer moins par ce qu'elle a vécu à Lourdes que pour son caractère affectueux et enjoué, sa simplicité, sa charité et son recueillement, elle meurt à trente-cinq ans des maladies contractées depuis l'enfance.


Elle se considère comme un témoin : « Je suis chargée de vous le dire, pas de vous le faire croire. » Elle reconnaît sans fausse honte : « Je ne suis bonne à rien. » À la fin de son noviciat, comme aucun ministère n'a été prévu pour elle, l'évêque lui déclare : « Je vous donne l'emploi de la prière. »


Bernadette, la Sainte Vierge t'avait dit : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l'autre. » Tu as pourtant été toujours joyeuse, dans ta famille comme au couvent. Apprends-nous le secret de la vraie joie.


Le tableau

Son nom provient de la série de sept panneaux commandités par la Confrérie du Saint-Esprit de la ville et qu'il a peints pour le retable de la Grande église Saint-Laurent de Alkmaar. Ils sont datés de 1504 et sont signés d'un monogramme. Représentant les sept Œuvres de miséricorde, ils sont connus comme le Retable des Sept œuvres de charité.


Chacun des panneaux représente une œuvre de miséricorde, toutes étant énumérées dans l'Évangile selon Matthieu (v. 25:35-36), avec dans l'ordre, de gauche à droite :

  • 1er panneau : nourrir les affamés

  • 2e panneau : donner à boire aux assoiffés

  • 3e panneau : vêtir les indigents

  • 4e panneau : ensevelir dignement les morts. Cette œuvre n'est pas originale de l'Évangile : c'est une œuvre supplémentaire ajoutée par l’Église vers le XIIIe siècle

  • 5e panneau : accueillir les étrangers

  • 6e panneau : soigner les malades

  • 7e panneau : visiter les prisonniers

Méditation

Lorsqu’on lit un peu trop rapidement ce passage de saint Jacques, on pourrait créer une sorte de hiérarchie qui mettrait les oeuvres en avant de la foi, et peut-être même les séparer. Du coup, on passe d’une morale évangélique à un moralisme victorien. Pourtant, Jacques est clair : les deux se vivifient l’un l’autre : « Tu vois bien que la foi agissait avec ses œuvres et, par les œuvres, la foi devint parfaite. » cette déconnection entre la foi et les oeuvres n’est pas nouvelle et a encore cours aujourd’hui.


Dès le début, l’Église est confrontée à une hérésie qu’on appelle le pélagianisme. Dans les années 380-390, le moine britannique Pélage commence à Rome une prédication auprès d’un groupe aristocratique qui forme bientôt autour de lui une « élite de la vertu ». Il enseigne alors que, grâce à son libre arbitre, tout chrétien peut atteindre la sainteté par ses propres forces. En prenant en compte les mérites de l’homme, il s’agissait pour lui de ne pas le déresponsabiliser dans sa réponse à Dieu. Mais, au fur et à mesure de sa pensée, il en est venu à minimiser le rôle de la grâce divine dans la réponse de l’homme à l’appel de Dieu. En fait, on obtiendrait le salut à la force de son poignet. Même si cette hérésie a été condamnée en 431 au concile œcuménique d’Éphèse, elle continue de faire subrepticement son oeuvre. Dès son exhortation apostolique Evangelii gaudium, le pape François a aussi dénoncé « le néopélagianisme autoréférentiel et prométhéen de ceux qui, en définitive, font confiance uniquement à leurs propres forces et se sentent supérieurs aux autres parce qu’ils observent des normes déterminées ou parce qu’ils sont inébranlablement fidèles à un certain style catholique justement propre au passé » (§94). Ainsi, certains estiment « évaluer » leur foi aux forces qu’ils allouent aux oeuvres. Si je fais beaucoup d’oeuvres, c’est donc que j’ai la grâce de la foi. Et quand je dis que ce semi-pélagianisme a toujours cours, je fais référence, entre autre, à un glissement de vocabulaire assez significatif…


Avez-vous remarqué que l’on ne parle plus de « charité », ou du moins rarement, mais plutôt de solidarité ? Comment ne pas penser à la célèbre réplique de Valéry Giscard d’Estaing à François Mitterand : « Vous n’avez pas le monopole du coeur » ?! Nous non plus, catholiques, n’avons le monopole de la solidarité. Bien des groupes non confessionnels, voire anticléricaux, sont plus solidaires que nous avec les pauvres. On pourrait croire que la venue du Christ en notre histoire nous pousse à la solidarité avec tout homme, puisque nous sommes tous enfants du Créateur. C’est ce qu’écrivait François de Sales (1567-1622) dans le Traité de l’amour de Dieu :

Puisque « Dieu a créé l'homme à son image et à sa ressemblance! », il a ordonné un amour pour l’homme à l'image et à la ressemblance de l'amour qui est dû à sa divinité : « Tu aimeras, dit-il, le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur : c'est le premier et le plus grand commandement. Or le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Pourquoi aimons-nous Dieu, Théotime ? « La cause pour laquelle on aime Dieu, dit saint Bernard, c'est Dieu lui-même » : comme s'il disait que nous aimons Dieu parce qu'il est la très souveraine et très infinie Bonté. Pourquoi aimons-nous nous-mêmes de charité ? Certes, c'est parce que nous sommes « l'image et la ressemblance » de Dieu. Et puisque tous les hommes ont cette même dignité, nous les aimons aussi « comme nous-mêmes », c’est-à-dire en qualité de très saintes et vivantes images de la divinité. Hé, vrai Dieu, Théotime, quand nous voyons un prochain créé « à l'image et à la ressemblance » de Dieu, ne devrions-nous pas nous dire les uns aux autres : « Tenez, voyez cette créature, comme elle ressemble au Créateur ! » ? Ne devrions-nous pas lui donner mille et mille bénédictions ? Et pourquoi donc ? Pour l'amour d'elle ? Certes non, car nous ne savons pas si elle est digne d'amour ou de haine en elle- même. Alors pourquoi ? Ô Théotime, pour l'amour de Dieu qui l'a formée « à son image et à sa ressemblance », et par conséquent rendue capable de participer à sa bonté dans la grâce et dans la gloire; pour l'amour de Dieu, dis-je, de qui elle est, à qui elle est, par qui elle est, en qui elle est, pour qui elle est, et à qui elle ressemble d'une façon toute particulière. Et c’est pourquoi non seulement l'amour divin commande maintes fois l'amour du prochain, mais il le produit et le répand lui-même dans le cœur humain comme sa ressemblance et son image; puisque de même que l'homme est l'image de Dieu, de même l'amour sacré de l'homme envers l'homme est l'image véritable de l'amour céleste de l'homme envers Dieu.

Remarquez bien que François de Sales introduit une notion essentielle qui n’existe pas dans la solidarité : au nom de Dieu. Solidaires, nous le sommes au nom de notre humanité, pour toute l’humanité. Mais charitable, nous devons l’être au nom du Christ. N’est-ce pas lui qui nous a dit (Mc 9, 41) : « Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense. » Si nous sommes charitables, c’est parce que nous sommes les frères de Jésus, que nous lui appartenons, que nous sommes ses disciples. Mais il me semble impossible de prendre acte de notre statut de disciple si nous n’en recevons la grâce de Dieu dans la prière, et dans la foi.


Celui qui croirait que ses actes lui apporterait la foi serait comparable à quelqu’un qui croirait que regarder les séries télévisées sur les hôpitaux et les médecins lui donnerait la grâce d’être l’équivalent de celui quiwa passé son diplôme de médecine. Je crois bien que ça ne suffirait pas… Mais l’inverse est tout aussi vrai. Imaginez un médecin qui, bardé de diplômes, ne passerait son temps qu’à BFM comme consultant : où sont ces oeuvres et sa pratique ? En fait, dans les deux cas, c’est le dessèchement qui les attend.


Permettez-moi un parallèle avec ce que disait Jean-Paul II de l’Église d’Orient et d’Occident. Il proclamait le 25 janvier 1988 : « L’Europe est chrétienne dans ses racines. Les deux formes de la grande tradition de l’Église – l’occidentale et l’orientale – se complètent mutuellement comme les deux poumons d’un même organisme. » (Lettre apostolique Euntes in mundum universum, § 12.) Alors, pourquoi opposer foi et oeuvres, comme d’autres tentent d’opposer foi et raison. Les deux sont complémentaires, comme deux poumons pour une unique respiration. On inspire et on expire. On inspire l’oxygène de Dieu dans la foi en Lui, dans la prière, dans les sacrements. Et on expire ce souffle chaud de l’Esprit par nos actes envers nos frères. Si vous ne faites qu’inspirer, vous risquez une jolie crise d’apoplexie ! Mais si vous ne faites qu’expirer, le collapse vous guette ! Et comment expirer si l’on n’a pas inspiré au préalable ? Le Père Jacques Sevin disait : « Toute activité se prépare d’abord dans la prière ». Toute œuvre trouve sa source dans la foi. Et c’est en cela qu’elle est charitable, et non simplement solidaire.


Inspirons puis expIrons (dans le sens vivant du terme !, bien que...) jusqu'à notre dernier... souffle !

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