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XIVe Dimanche du Temps Ordinaire (C)

Le diviseur -



La chute de Satan,

Gustave DORÉ (Strasbourg, 1832 - Paris, 1883),

Gravure pour le livre de John Milton, « Paradise Lost », 1866,

Bibliothèque Nationale de France, Paris (France)


Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 10, 1-2, 17-20)

En ce temps-là, parmi les disciples, le Seigneur en désigna encore 72, et il les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre. Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. Mais dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : ‘Paix à cette maison.’ S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous. Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous sert ; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qui vous est présenté. Guérissez les malades qui s’y trouvent et dites-leur : ‘Le règne de Dieu s’est approché de vous.’ » Mais dans toute ville où vous entrerez et où vous ne serez pas accueillis, allez sur les places et dites : ‘Même la poussière de votre ville, collée à nos pieds, nous l’enlevons pour vous la laisser. Toutefois, sachez-le : le règne de Dieu s’est approché.’ Je vous le déclare : au dernier jour, Sodome sera mieux traitée que cette ville. » Les 72 disciples revinrent tout joyeux, en disant : « Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom. » Jésus leur dit : « Je regardais Satan tomber du ciel comme l’éclair. Voici que je vous ai donné le pouvoir d’écraser serpents et scorpions, et sur toute la puissance de l’Ennemi : absolument rien ne pourra vous nuire. Toutefois, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. »


L’artiste

Gustave Doré naît à Strasbourg en 1832. Enfant précoce, il réalise dès l'âge de cinq ans ses premières caricatures. En 1845, ses premiers dessins sont lithographiés par un imprimeur. En 1847, de passage à Paris avec ses parents, il présente quelques dessins à l'éditeur Charles Philipon. Alors qu'il a seulement quinze ans est publié son premier album de lithographies satiriques, Les Travaux d'Hercule. Il contribue également cette même année au "Journal pour rire", lancé par Philipon à la fin de l'année 1847. À la mort de son père en 1849, le jeune Gustave doit subvenir aux besoins de sa mère et ses deux frères. Il poursuit son travail d'illustrateur et publie plusieurs albums. Il se passionne ensuite pour l'illustration de classiques littéraires et c'est en 1854, avec la publication des Œuvres de Rabelais illustrées, qu'il se fait connaître. En 1855, la publication des Contes drolatiques de Balzac illustrés, confirme son talent d'illustrateur. Il commence également à présenter quelques peintures.


En 1861, la publication de L'Enfer de Dante chez Hachette signe le début de la gloire pour Gustave Doré. L'illustrateur est parfaitement intégré dans les milieux mondains et gagne même une notoriété européenne. Il publie en 1866 une autre de ses œuvres majeures, La Sainte Bible illustrée. En 1869, l'ouverture à Londres de la Doré Gallery, où sont exposées ses œuvres, confirme son importante notoriété. Durant la Commune en 1871, il se retire à Versailles. Il continue également à peindre en cherchant la même reconnaissance, qu'il n'aura pas de son vivant. Il meurt en 1883 à Paris.


La Bible selon la Vulgate

C'est à l'édition illustrée de La Sainte Bible selon la Vulgate, publiée par Alfred Mame, à Tours, en 1866, que Gustave Doré doit sa notoriété hors des frontières françaises, l'ouvrage ayant été édité ensuite dans de nombreuses villes européennes et aux États-Unis. Pour ces deux volumes in-folio de grand luxe, destinés à une clientèle bourgeoise, Doré réalise 312 dessins dont 294 ont été gravés et 265 utilisés.


La prédilection de Doré pour les sujets religieux, déjà manifeste dans quelques peintures antérieures, trouve ici à s'exprimer pleinement. L'illustrateur donne toute sa mesure dans les visions épiques et les scènes à la théâtralité grandiloquente de l'Ancien Testament, se complaisant dans les effets de foule, les paysages grandioses, les scènes dramatiques, servis par de puissants effets de clair-obscur. Fortement ancrées dans l'imaginaire collectif, ces images ont connu une fortune immense : certaines ont été utilisées comme support de prédication par les pasteurs anglais, d'autres ont été projetées en dioramas, d'autres enfin seront la source de péplums bibliques américains du cinéma des années 1950.


Ce que je vois

Il fait nuit. Une falaise escarpée. Et un homme, non, un ange, il a des ailes ! mais de drôles d’ailes, on dirait celles d’une chauve-souris... Pourtant, cet homme semble normal, et même beau. Il est revêtu d’une armure, et d’une tunique courte et de jambières, tel un officier romain. Mais il se prend les cheveux, il a peur, ou il regrette ce qui s’est passé. Il regarde affolé vers le ciel. Il est déchu...


Je voyais Satan...

Peut-être serait-il bon de faire un peu de démonologie ! Il faut reconnaître que depuis le Concile Vatican II, l’Église ne parle plus beaucoup du diable et des anges... Sont-ils tombés dans les oubliettes ? Alors, que dans l’évangile, Jésus en parle si souvent (Satan : 32 fois dans le Nouveau Testament. Sans parler des autres noms qui lui sont donnés : Belzébuth, le Malin, le Prince de ce monde, le Tentateur, le Diable, le Père des mensonges, Bélial, etc.) Mais il est encore plus surprenant de s’apercevoir que le conseil le plus répété dans toute la Bible est « Ne crains pas ! » (365 fois).


Alors, si Jésus en parle tant, si même il s’affronte à lui à de nombreuses reprises, et pas seulement lors des tentations au désert, intéressons-nous quelque peu à lui. En premier lieu, hormis la Bible, je ne vous conseillerai pas de lire de savants ouvrages théologiques ou mystiques, mais plutôt des romans. Les romanciers sont ceux qui ont le mieux cerné qui il était. Je pense bien sûr à la célèbre phrase de Charles Baudelaire :

« Mes chers frères, n'oubliez jamais, quand vous entendrez vanter le progrès des lumières, que la plus belle des ruses du Diable est de vous persuader qu'il n'existe pas ! » Le Spleen de Paris (Petits Poèmes en prose) (1862).

Ou alors à la rencontre du curé Donissan avec le Diable une nuit dans le livre Sous le soleil de Satan de Georges Bernanos. Ou encore les divers personnages de Dostoïevski qui combattent avec leurs démons. Et enfin, un livre de C.S. Lewis, La tactique du Diable dans lequel un bon vieux démon explique à son neveu les diverses tactiques à mettre en œuvre pour séduire les hommes.


Curieux que les romanciers soient si au fait de ces questions alors que l’Église n’en parle plus... Ne verrait-elle plus Satan tomber du ciel alors que d’autres le voient encore ? Serait-elle trop déconnectée de la vie des hommes pour comprendre les combats qu’ils mènent chaque jour ? Les saints ne se battraient-ils plus avec le Diable, à l’image du Père Lamy, fondateur des Serviteurs de Jésus et de Marie, réputé pour se battre souvent la nuit avec le Diable. Un jour, Julien Green, lors d’une repas chez Jacques Maritain lui demanda : « Comment est-il, le Diable ? ». Et le Père Lamy, ne connaissant pourtant pas la vie de l’auteur américain, lui répondit : « Le diable ? C’est un beau garçon ! » Alors, ne nous désintéressons pas de la question, sans pour autant que nous ne devenions un intérêt pour le Diable !


Ses noms

Il ne doit pas être pour rien que dans la Bible, où les noms révèlent le sens profond de la personne, on lui ai donné tant de noms divers. Simple petite liste :

  • Diable : celui qui divise.

  • Satan : l’adversaire,

  • Bélial : le vaurien,

  • Belzébuth (de son vrai « nom » : Baal-Zebub) : Le Baal des mouches, chefs des démons

  • Démon : le génie protecteur,

  • Abaddôn : le destructeur,

  • Légion : les démons, placés sous les ordres de Satan, qui se trouvent partout,

  • Et Lucifer, nom emprunté au latin qui désigne le porteur de la lumière, premier ange rebelle précipité du ciel aux enfers.

J’arrête là la liste, même si on peut encore trouver dans l’Ancien Testament d’autres dénominations. Et ne m’arrêter que sur trois noms.


Le Diable

Si vous en avez le temps, lisez ce livre surprenant de Fabrice HADJADJ : La foi des démons, ou l’athéisme dépassé. Il montre bien que le Diable est celui veut mettre la division dans nos vies (dia-bole) et qu’il ne supporte pas la vérité qui unifie (sym-bole). Et il est même prêt à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Jusqu’à nous faire croire que la maturité, ce serait de confondre vérité et réalité, de nous faire croire que tout désir est par principe bon. Un peu comme le dit cette fausse sagesse populaire : « Il n’y a pas de mal à se faire du bien… »


Tromperie, duperie ! Tromperie et duperie de nous-mêmes, voire, par nous-mêmes… Jésus avait prévenu : il y aura bien de faux prophètes, bien des diviseurs qui s’habilleront de ses paroles pour faire croire qu’elles sont vérité :

Comme Jésus s'en allait, au sortir du temple, ses disciples s'approchèrent pour lui en faire remarquer les constructions. Mais il leur dit : Voyez-vous tout cela ? Je vous le dis en vérité, il ne restera pas ici pierre sur pierre qui ne soit renversée. Il s'assit sur la montagne des oliviers. Et les disciples vinrent en particulier lui faire cette question : Dis-nous, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde ? Jésus leur répondit : Prenez garde que personne ne vous séduise. Car plusieurs viendront sous mon nom, disant : C'est moi qui suis le Christ. Et ils séduiront beaucoup de gens. (…) Alors aussi plusieurs succomberont, et ils se trahiront, se haïront les uns les autres. Plusieurs faux prophètes s'élèveront, et ils séduiront beaucoup de gens. Et, parce que l'iniquité se sera accrue, la charité du plus grand nombre se refroidira. Mais celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé. (Matthieu 24)

Ou encore dans l’Apocalypse :

Mais la bête fut prise, et avec elle le faux prophète qui avait fait les prodiges devant elle, par lesquels il avait séduit ceux qui avaient reçu le caractère de la bête et qui avaient adoré son image. (Ap. 19, 20)

Oui, les faux prophètes sont nombreux. Ils séduisent. Ils veulent nous faire croire qu’il y a plusieurs vérités, que chacun, même, a sa vérité. Qu’il n’est pas de vérité imparable, absolue… Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie disait pourtant Jésus. Pourrait-il y avoir plusieurs vérités ? En ce cas, sur qui, sur quoi s’appuyer ? Il y a plusieurs points de vue sur la vérité, comme on peut regarder de plusieurs endroits une montagne. Mais la montagne, quel que soit le nombre de personnes qui la regarde, la montagne, elle, reste unique. Il peut y avoir plusieurs regards sur la Vérité, énoncés en toute conviction, il n’en reste pas moins que la Vérité ne peut être divisée, ne peut être diabolique, elle ne peut être qu’une, qu’être symbolique, elle ne peut être que Celui qui s’est défini comme tel : le Christ.


Et revenons sur l’étymologie. Le symbole est une « figure ou image employée comme signe d'une chose. » Il est issu du grec ancien sumbolon (σμβολον), qui dérive du verbe sumbalein (symballein) (de syn-, avec, et -ballein, jeter] signifiant « mettre ensemble », « joindre », « comparer », « échanger », « se rencontrer », « expliquer ». Son contraire est donc dia (diviser) –ballein, c’est-à-dire le Diable, ce qui divise. Le symbole est ce qui nous réunit, le diabole ce qui nous divise. Il n’est pas pour rien que nous parlons donc du Symbole de notre foi, le seul qui puisse nous réunir contre celui qui veut nous diviser. Ce que dit si joliment un psaume (Ps 85, 11) :

Unifie mon coeur pour qu’il craigne ton nom.

Satan

C’est l’Adversaire. Celui contre qui nous combattons. Mais il est aussi l’Accusateur, celui qui va accuser Job à l’assemblée divine (Jb 1, 6-12) :

Le jour où les fils de Dieu se rendaient à l’audience du Seigneur, le Satan, l’Adversaire, lui aussi, vint parmi eux. Le Seigneur lui dit : « D’où viens-tu ? » L’Adversaire répondit : « De parcourir la terre et d’y rôder. » Le Seigneur reprit : « As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n’a pas son pareil sur la terre : c’est un homme intègre et droit, qui craint Dieu et s’écarte du mal. » L’Adversaire riposta : « Est-ce pour rien que Job craint Dieu ? N’as-tu pas élevé une clôture pour le protéger, lui, sa maison et tout ce qu’il possède ? Tu as béni son travail, et ses troupeaux se multiplient dans le pays. Mais étends seulement la main, et touche à tout ce qu’il possède : je parie qu’il te maudira en face ! » Le Seigneur dit à l’Adversaire : « Soit ! Tu as pouvoir sur tout ce qu’il possède, mais tu ne porteras pas la main sur lui. » Et l’Adversaire se retira.

Il est le Mauvais, le Malin, celui qui s’oppose continuellement à Dieu. Quand il est appelé Diable, il vient semer le doute, la division en nous, subrepticement. Quand il s’appelle Satan, il vient combattre frontale ment, avec les armes les plus viles qui soient, particulièrement le mensonge, comme lors des Tentations de Jésus (Mc 1, 3 - Mt 4, 10). En fait, il tord la vérité, il l’arrange à sa façon. Comme il le fait avec Jésus, extrayant de la Bible quelques paroles pour affronter Jésus avec ses propres armes. Vraiment, il n’a aucun scrupule... Comme le serpent qui tord la Parole du Créateur (Gn 3, 1-7) :

Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que le Seigneur Dieu avait faits. Il dit à la femme : « Alors, Dieu vous a vraiment dit : “Vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin” ? » La femme répondit au serpent : « Nous mangeons les fruits des arbres du jardin. Mais, pour le fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : “Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sinon vous mourrez.” » Le serpent dit à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » La femme s’aperçut que le fruit de l’arbre devait être savoureux, qu’il était agréable à regarder et qu’il était désirable, cet arbre, puisqu’il donnait l’intelligence. Elle prit de son fruit, et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, et il en mangea. Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils se rendirent compte qu’ils étaient nus. Ils attachèrent les unes aux autres des feuilles de figuier, et ils s’en firent des pagnes.

Lucifer

Et voici le troisième nom, celui qui a peut-être le plus de succès dans la littérature, le cinéma ou les sectes les plus délirantes ! Pourtant, son nom est loin d’être diabolique. Au contraire, il est divin. Il n’est pas nommée dans la Bible. À l'origine, lucifer est un adjectif élaboré avec le nom commun « lux (lumière) » et le verbe « ferre, fero (porter) ». Il signifie « qui apporte la lumière, qui donne de la clarté ». À un tel point que vous pourrez le trouver à de nombreuses reprises dans la littérature chrétiennes des premiers siècles. J’en veux pour exemple :


Le poète chrétien Prudence (né en 348, mort après 405), qui dans son ouvrage Psychomachie, 2, vers 625-628, utilise l'adjectif lucifer avec le sens « qui apporte la lumière » mais au sens figuré de « qui produit la vérité ». Ou encore, dans Cathemerinon, XII. Hymnus Epiphaniae, vers 29-36 assimile l'étoile du matin à Lucifer :

« Dès qu’il eut brillé, les autres astres pâlirent; l’étoile du matin (Lucifer dans le texte latin), malgré sa beauté, n’osa pas se montrer auprès de lui ».

Même l’épître de saint Pierre, dans sa traduction latine de la Vulgate, utilise le mot (2 P 1, 19) :

« Et habemus firmiorem propheticum sermonem: cui benefacitis attendentes quasi lucernae lucenti in caliginoso loco donec dies elucescat, et lucifer oriatur in cordibus vestris »
« Ainsi nous tenons plus ferme la parole prophétique : vous faites bien de la regarder, comme une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour commence à poindre et que l'astre du matin se lève dans vos cœurs »

Et enfin, le texte latin de l’Exultet chanté la nuit de Pâques :

« Flammas eius lucifer matutinus inveniat : ille, inquam, lucifer, qui nescit occasum, Christus Filius tuus qui, regressus ab inferis, humano generi serenus illuxit. »
« Qu'il brûle toujours lorsque se lèvera l'astre du matin, celui qui ne connaît pas de couchant, le Christ ton Fils ressuscité qui, revenu des enfers, répand sur les hommes sa lumière et sa paix. »

Bref, le nom n’est pas problématique en soit, au contraire. C’est en fait saint Jérôme (347-420) qui, dans sa traduction de la Bible de l’hébreu au latin (la langue vulgaire, d’où le nom de Vulgate) traduisit ainsi ce passage d’Isaïe (Is 14, 3-21) :

Le jour où le Seigneur t’aura fait reposer, après tant de peines et de tourments, après le dur esclavage qui fut le tien, tu entonneras cette chanson contre le roi de Babylone, tu diras : « Comment ! Il est fini, l’oppresseur ! Elle est finie, la dictature ! Le Seigneur a brisé le bâton des impies, le sceptre des tyrans qui frappait les peuples avec fureur, les frappait sans relâche, qui dominait les nations avec colère et les persécutait sans retenue. Toute la terre repose, tranquille. On éclate en cris de joie ! Même les cyprès et les cèdres du Liban se réjouissent à tes dépens : “Depuis que tu es tombé, plus personne ne monte pour nous abattre.” Le tréfonds des enfers s’agite pour toi à l’annonce de ta venue. Pour toi, il réveille les ombres, tous les grands de la terre ; il fait lever de leur trône tous les rois des nations. Tous, ils prennent la parole et te disent : “Toi aussi, comme nous, te voilà sans force, devenu pareil à nous.” Elle est jetée aux enfers, ta majesté, avec la musique de tes harpes. Tu as pour couche la vermine, et des vers pour te couvrir. Comment ! Tu es tombé du ciel, astre brillant, fils de l’aurore ! Tu es renversé à terre, toi qui faisais ployer les nations, toi qui te disais : “J’escaladerai les cieux ; plus haut que les étoiles de Dieu j’élèverai mon trône ; j’irai siéger à la montagne de l’assemblée des dieux au plus haut du mont Safone, j’escaladerai les hauteurs des nuages, je serai semblable au Très-Haut !” Mais te voilà jeté aux enfers, au plus profond de l’abîme. Ceux qui te voient te dévisagent, ils s’interrogent sur toi : “Est-ce bien l’homme qui faisait trembler la terre, qui ébranlait les royaumes, changeait le monde en désert, et rasait les villes sans renvoyer le prisonnier dans sa maison ?” Tous les rois des nations reposent avec honneur, tous sans exception, chacun dans sa demeure. Mais toi, tu es jeté dehors, loin de ton sépulcre, comme un rejeton réprouvé ; tu es couvert par les victimes de l’épée qui descendent sur les pierres de la fosse ; tu es comme un cadavre qu’on piétine. Tu ne les rejoindras pas dans la tombe, car tu as ruiné ton pays, assassiné ton peuple. Plus jamais on n’évoquera l’engeance des méchants préparez pour les fils un lieu d’exécution à cause de la faute de leurs pères, de peur qu’ils ne se relèvent pour conquérir la terre et couvrir de villes la face du monde. »

Et dans sa traduction « l’astre brillant, fils de l’aurore » (verset 12), tombé du ciel, est traduit par Lucifer. Le tour était joué, celui qui était tombé du ciel, image symbolique de la chute des ennemis (en fait, le Roi de Babylone), était devenu une personne qui portait ce nom maudit : Lucifer !


Cet ange, sensé porté la lumière de Dieu aux hommes était devenu le diable par une simple traduction...


Je ne peux m’empêcher de montrer ce glissement avec cette œuvre du peintre Evelyn de Morgan (voir plus bas) qui représentent les étoiles du matin et du soir. Dans la mythologie grecque, le dieu Éosphoros (Ἑωσφόρος, « porteur de la lumière de l'aurore ») est la personnification de la planète Vénus quand elle se lève peu avant l'aurore. Les Romains l'assimileront à leur Lucifer.


Combattre

Il nous faut donc combattre. Combattre le Diable, celui qui introduit doute et division en nos cœurs. Combattre Satan qui nous ment et tord la vérité. Combattre tout ce qui n’est pas Jésus, tout ce qui n’est pas la vérité ! N’oublions jamais : ne pas connaître son ennemi, c’est le laisser triompher !



Phosphorus (l’étoile du matin) and Hesperus (l’étoile du soir)

Evelyn de Morgan (Londres, 1855 - Londres, 1919)

Huile dur toile, 75 x 59,5 cm, 1881

Wandsworth Museum, Guildford (Royaume-Uni)


Homélie de saint Augustin (+ 430), Sermon 101, 1-211, PL 38, 605-607 610

L'évangile qui vient d'être lu nous invite à nous interroger sur la moisson dont le Seigneur a dit : La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moisson (Lc 10,2). Alors, aux douze disciples auxquels il avait donné le nom d'Apôtres, il en adjoignit soixante-douze autres. Puis il les envoya tous, comme ses paroles l'indiquent, à une moisson déjà préparée.


Quelle était donc cette moisson ? Certainement pas la moisson des païens, puisque chez eux rien n'avait été semé. Il nous faut donc l'entendre du peuple juif. C'est pour cette moisson-là qu'est venu le maître de la moisson, et il y a envoyé ses moissonneurs. Quant aux païens, il leur a envoyé des semeurs, non des moissonneurs. Sachons donc que la moisson était faite chez les Juifs et les semailles chez les païens. Le Seigneur avait choisi ses Apôtres dans cette moisson, où le grain était mûr et prêt à être coupé, car les prophètes l'y avaient semé. Quel plaisir de parcourir du regard la terre que Dieu cultive ! Quel délice de contempler ses dons et les ouvriers qui travaillent dans son champ! <>


Vous pouvez y observer deux moissons, l'une qui est en cours, l'autre, encore à faire ; celle-ci chez les païens, celle-là chez les Juifs. Prouvons ce que nous venons de dire en nous appuyant simplement sur la divine Écriture, celle du maître de la moisson. Voici. Nous savons qu'il est dit dans le passage que nous venons d'entendre : La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moisson. <>


Il est bien dans mon propos de vous montrer que la moisson a rapport aux peuples parmi lesquels les prophètes ont prêché. Ce sont eux en effet qui étaient les semeurs, afin que les Apôtres puissent être les moissonneurs. <> Pour germer et grandir, le blé avait dû être semé par les prophètes; arrivé à maturité, il attendait que les Apôtres viennent le moissonner. <> Le Seigneur n'a-t-il pas déclaré alors à ses disciples : Vous dites que l'été est encore loin. Levez les yeux et regardez les champs, ils sont blancs pour la moisson (Jn 4,35). Il a dit encore : D'autres ont pris de la peine, et vous, vous profitez de leurs travaux (Jn 4,38). Abraham, Isaac, Jacob, Moïse et les prophètes ont pris de la peine. Ils ont peiné pour semer le grain. A son avènement, le Seigneur a trouvé la moisson mûre. Et il a envoyé les moissonneurs avec la faux de l'Évangile. <>


Les prédicateurs de l'Évangile ne saluent personne en chemin. Ils ne veulent rien faire d'autre qu'annoncer la Bonne Nouvelle par amour de leurs frères. Qu'ils entrent dans les maisons et qu'ils disent : Paix à cette maison (Lc 10,5). Ils ne se bornent pas à en parler, mais ils répandent la paix dont ils sont remplis. Ils proclament la paix et la possèdent. <> Celui qui est rempli de paix salue en disant : Paix à cette maison. S'il y a là un ami de la paix, la paix du messager ira reposer sur lui (Lc 10,6).


Prière

Seigneur Dieu, maître de la terre, nous te prions d'envoyer dans ta moisson de nombreux ouvriers, des hommes désintéressés, des artisans de paix. Qu'ils proclament par leurs paroles et par toute leur vie que ton Règne est arrivé et que la puissance du mal est vaincue. Par Jésus Christ.



Prière à saint Michel écrite par le Pape Léon XIII (1878-1903)

Saint Michel Archange,

défendez-nous dans le combat

et soyez notre protecteur contre la méchanceté et les embûches du démon.

Que Dieu lui commande, nous vous en supplions;

et vous, Prince de la Milice Céleste,

par le pouvoir divin qui vous a été confié,

précipitez au fond des enfers Satan

et les autres esprits mauvais qui

parcourent le monde pour la perte des âmes.

AMEN.

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