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XIVème Dimanche du temps ordinaire (A)

Lien conjugal




Bœufs allant au labour, effet du matin

Constant Troyon (Sèves, 1810 - Paris, 1865)

Huile sur toile, 260 x 400 cm, 1855

Musée d’Orsay (Paris, France)


Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 11, 25-30

En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. » « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. »


L’artiste

Peintre français. Après une formation pour devenir peintre en porcelaine à Sèvres, Constant Troyon s'intéresse à la peinture hollandaise de paysage du XVIIème siècle, en particulier au travail de Jacob van Ruisdael, Paulus Potter et Aelbert Cuyp, puis il devient membre de l'école de Barbizon. Après avoir été reçu comme Chevalier de le Légion d'Honneur en 1849, son travail s’oriente des paysages à la peinture des animaux, souvent accompagnés de paysans. Ses derniers paysages de Normandie ont influencé les impressionnistes. Toutes ses œuvres importantes furent réalisées de 1850 à 1864. Martin Léonce Chabry, Eugène Boudin et Fabius Brest ont travaillé dans son atelier. Atteint par la folie, Constant Troyon peint, durant ses derniers mois, des vaches dans des arbres. Il est inhumé à Paris au cimetière de Montmartre.


Ce que je vois

L’œuvre est assez sombre. Un ciel grisé, une plaine seulement marquée au loin par quelques arbres, et un paysan qui accompagne quatre bœufs au premier plan. Deux autres suivent quelques mètres derrière. Les quatre premières bêtes, massives, aux muscles et os saillants, sont liées par un joug et semblent tirer une charrue dessinant au sol les sillons, à moins que ce ne soient que les traces des passages précédents d’autres équipages. Un paysan, couvert de son chapeau, dirige ses bêtes de somme à l’aide d’une longue gaffe. Le soleil naissant marque le dos des bêtes en sueur.


Sous le joug

Que voilà un drôle d’instrument ! Le Larousse en donne trois sens :

  • Pièce de bois servant à atteler une paire d'animaux de trait.

  • Littéraire. Dure sujétion, contrainte matérielle ou morale : Subir le joug d'une armée d'occupation.

  • Chez les Romains, javelot attaché horizontalement sur deux autres fichés en terre, et sous lequel le vainqueur faisait passer, en signe de soumission, les chefs et les soldats de l'armée vaincue.

À lire cette définition, nous pouvons en retenir deux traits :

  1. Être attelé pour avancer ensemble,

  2. Un moyen de soumission.

Mais il est évident que l’idée principale que nous donne ce mot est celle de l’assujettissement, de la servitude, de l’asservissement ; à un tel point que les antonymes donnés par le dictionnaire sont explicites : affranchissement, indépendance et liberté !

Est-ce cela que le Christ nous invite à prendre ? Nous demande-t-il d’être asservis, esclaves ? Ses propos ne sont-ils pas contradictoires ? Nous serions déjà écrasés par le fardeau de la vie, et en plus, il nous faudrait reprendre un joug, même léger, sur le dos ? Incompréhensible ! Mais peut-être que nos images, quelque peu stéréotypées, nous empêchent de bien comprendre ce que veut dire Jésus…


Fardeau !

En effet, Jésus parle d’abord d’un fardeau. Et ce mot, lui, n’a aucune ambiguïté. Le fardeau est pesant, et il faut le porter, le prendre sur ses épaules. Et comme le dit le Christ, nous peinons, nous souffrons, nous avons du mal et pourrions parfois nous décourager, baisser les bras et reposer le fardeau. Que veut-il donc nous dire ? Quel est ce fardeau ? Ô, chacun pourrait mettre derrière ce terme sa propre définition : le travail, les impôts, la maladie, la fatigue, les soucis du quotidien, etc. Ce qui est sûr, c’est que tous nous ramènent à la vie, une vie qui est parfois dure à porter, voire à supporter… Il est vrai que si nous pouvions, sur toute une vie, faire le rapport du temps entre les moments heureux et les moments difficiles, nous serions sûrement surpris du temps que prennent les ennuis sur notre vie ! Ce qui rassure notre condition humaine est que nous retenons surtout l’intensité des moments heureux !


À l’aide !

Pourtant la vie pèse… Mais le Christ vient nous expliquer que son poids est peut-être dû à notre refus de le partager… Notre orgueil nous pousse à vouloir tout porter seul, sans avoir l’humilité de demander de l’aide. Alors, nous nous décourageons… Ce n’est peut-être pas pour rien que ce verset sur le fardeau est précédé de cette action de grâce de Jésus sur l’enfance. L’enfant n’a-t-il pas encore l’humilité d’appeler à l’aide père ou mère ? Le sage se dit ou qu’il faut accepter de tout porter tout seul (« c’est la vie », diraient certains…) alors que le savant cherche seul la solution pour porter le fardeau. Mais aucun ne comprennent qu’il faut l’humilité, humilité dont l’étymologie (humus) nous rappelle qu’il faut accepter de se trouver plus bas que terre… que nous ne sommes que des hommes !

Et Jésus de nous dire : « Ne vous prenez pas pour des savants qui croient trouver solution à tout. Ne vous prenez pas pour des sages qui finiront par se trouver des raisons de laisser le fardeau là où il est. Soyez des enfants qui osent, humblement, se reconnaître faibles et appellent à l’aide. Alors, j’entendrai leurs cris. Alors, je les aiderai et porterai avec eux et pour eux leur fardeau. »


Oser !

Oui, comme le disait le Père Jacques Sevin : « Oser, c’est la sainteté ! » Oser appeler à l’aide, oser reconnaître notre faiblesse, oser déposer notre fardeau aux pieds de Jésus. Ne nous leurrons pas, ce sera les mains vides que nous viendrons à Dieu. Rappelez-vous cette histoire de Saint Jérôme (347-420) que je vous ai déjà contée :

Une nuit de Noël, Jérôme, le solitaire de Bethléem, priait dans la grotte bénie. Que de fois dans cette sainte veille, il baisait en tremblant la Crèche sacrée où le Sauveur du monde voulut naitre pour nous. Mais tout à coup, ô merveille ! Ô amour ! La nuit s'illumine de clartés ravissantes, elle resplendit comme un jour radieux. L'Enfant-Dieu était là, tendant ses bras divins à son fidèle ami.
- « Jérôme » lui dit-il, « oh ! Vois ma pauvreté ; à ton Dieu qui mendie, quel présent feras-tu ? »
À Vous, ô Roi d'amour, mon cœur, mes biens, ma vie.
- « Cela ne suffit pas, donne-moi encore plus »
Tout ce que j'ai reçu de votre Main bénie, tout ce qu'avec votre Grâce j'ai pu faire pour Vous, tous mes travaux, Seigneur, mes larmes, mes prières, mes longues nuits d'études et mes jours de douleurs..., tout est à Vous, Jésus, prenez-le pour Vous seul.
- « Non, je veux davantage » disait l'Enfant Divin.
Eh quoi ! Mon tendre Amour, qu'attendez-Vous encore ? Je Vous ai tout donné, il ne me reste rien... Parlez, que voulez-Vous ? Voulez-Vous que je verse au pied de votre autel, goutte à goutte, mon sang dans le calice d'or ?
- « Non, mon fils, si j'ai quitté les splendeurs de mon Ciel, ce n'est pas que j'aie besoin des trésors des mortels, mais j'ai faim de répandre à grands flots dans les âmes les dons de mon Amour, les trésors de ma Grâce. Détruisant tout obstacle, je veux qu'un feu divin à jamais les enflamme : donne-moi tes péchés pour que je les transforme en grâces ».

Oui, l’aide que nous avons à demander, ce que nous avons à offrir au Christ, ce sont nos péchés ! N’est-ce pas le vrai fardeau qu’il peut nous aider à porter, et même qu’il peut rendre léger ? C’est là qu’il nous procurera le repos, et si ce n’est celui du corps, ce sera au moins celui de l’âme, le repos de l’âme dont parle l’Évangile. Mais pour cela, il faut aussi prendre son joug…


Prendre son joug

Revenons-en à la définition du mot et gardons le premier sens : Pièce de bois servant à atteler une paire d'animaux de trait. En fait, Jésus nous invite non pas à mettre une pièce de bois lourde sur les épaules, mais à partager notre joug avec un autre. N’est-ce pas le sens du lien conjugal : accepter de se mettre sous le même joug ? N’est-ce pas le cas de chaque couple ? Nous créons un lien entre nous pour avancer ensemble, pour nous atteler à l’autre et à la vie, ensemble, pour porter le poids des soucis et avancer simultanément, en accordant notre rythme, vers la sainteté conjugale !

En fait, Jésus semble nous dire que nous n’éviterons pas les poids, comme je le rappelais la semaine dernière. Mais cette semaine, il vient nous expliquer que le poids pourrait être moindre si nous le partagions ! Si nous le partagions d’abord entre nous, comme c’est le cas dans le mariage, dans le lien conjugal. Mais aussi, et peut-être surtout, si nous le partageons avec le Christ, en nous mettant sous son joug, sous sa croix, en la portant avec Lui, voire en Le laissant porter notre propre croix. Et Jésus le réclame ! Il le réclame car il est doux et humble de cœur, ce que nous ne sommes pas toujours…


Alors, épousons le Christ ! Créons avec Lui un lien conjugal. Offrons-Lui avec douceur et humilité le fardeau de nos péchés. Prenons avec Lui le joug de la Croix. Ce ne sera pas une soumission telle que nous l’entendons, mais une mission sous le joug de Jésus ! Alors, et seulement alors, nous trouverons le repos de l’âme auquel nous aspirons du plus profond de nous-mêmes…

Amen !


Prière à Notre-Dame du Perpétuel Secours

O sainte Vierge Marie,

qui, pour nous inspirer une confiance sans bornes,

avez voulu prendre le nom si doux de Mère du Perpétuel-Secours,

je vous supplie de me secourir en tout temps et en tout lieu :

dans mes tentations, après mes chutes, dans mes difficultés,

dans toutes les misères de la vie et surtout au moment de ma mort.

Donnez-moi, ô charitable Mère,

la pensée et l'habitude de recourir toujours à vous ;

car je suis sûr que, si je vous invoque fidèlement,

vous serez fidèle à me secourir.

Procurez-moi donc cette grâce des grâces,

la grâce de vous prier sans cesse et avec la confiance d'un enfant,

afin que, par la vertu de cette prière fidèle,

j'obtienne votre Perpétuel Secours et la persévérance finale.

Bénissez-moi, ô tendre et secourable mère,

et priez pour moi, maintenant et à l'heure de ma mort.

Ainsi soit-il.


Homélie de saint Jean Chrysostome (+ 407), Homélie sur la mémoire de saint Bassus, 2, PG 50, 721-722.

Le Christ est pour nous, aujourd'hui encore, un maître plein de douceur et d'amour. Il ne cesse jamais de prendre soin de notre salut. Il le déclare nettement dans l'Évangile, comme nous venons de le lire: Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur (Mt 11,28-29). Qu'elle est grande, la bienveillance du Créateur! Comment la créature n'est-elle pas saisie de stupeur? Venez à moi, devenez mes disciples, le Maître est venu consoler ses serviteurs déchus.

Voyez comme il agit. Il se montre compatissant pour le pécheur qui mérite pourtant ses rigueurs. La race de ceux qui déchaînent sa colère devrait être anéantie, mais il adresse aux hommes coupables des paroles pleines de douceur: Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur. Dieu est humble, l'homme, orgueilleux. Le juge se montre clément, le criminel, arrogant. L'artisan fait entendre des paroles d'humilité, l'argile discourt à la manière d'un roi. Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur. <> Il n'apporte pas le fouet pour frapper, mais le remède pour guérir.

Songez donc à son ineffable bonté. Allez-vous refuser votre amour au Maître qui jamais ne frappe et votre admiration au juge qui implore pour le coupable? Ses paroles si simples ne peuvent vous laisser insensibles: Je suis le Créateur et j'aime mon oeuvre. Je suis le statuaire et je prends soin de celui que j'ai formé. Si je ne voulais me soucier que de ma dignité, je ne relèverais pas l'homme déchu. Si je ne traitais pas sa maladie incurable avec des remèdes appropriés, jamais il ne pourrait recouvrer la santé. Si je ne le réconfortais pas, il mourrait. Si je ne faisais que le menacer, il périrait. Il gît sur le sol, mais je vais lui administrer les onguents de la bonté. Plein de compassion, je m'incline profondément pour le relever de sa chute. Celui qui se tient debout ne saurait relever un homme couché par terre sans se pencher pour lui tendre la main. Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur.

Je ne fais point étalage de paroles, vous pouvez m'examiner sur mes oeuvres. Vous serez persuadés que je suis doux et humble de coeur, si vous pensez à mon origine. Voyez quelle est ma nature. Songez à ma dignité. Adorez ma bienveillance pour vous. Comparez le séjour d'où je suis venu avec le lieu où je vous parle. Le ciel est mon trône, et je m'entretiens avec vous sur la terre! On me glorifie dans les hauteurs célestes, mais ma longue patience retient ma colère, car je suis doux et humble de coeur.


Prière

Père, Seigneur du ciel et de la terre, nous proclamons ta louange: par ton Fils, tu t'es manifesté aux tout-petits comme un Dieu plein de douceur et de tendresse. Ne cesse pas de te révéler à ceux qui te cherchent, et, à tous les hommes qui peinent sous le poids du fardeau, accorde le repos. Par Jésus Christ.

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