Foi, espérance et charité -

La Foi, l'Espérance, la Charité veillant sur sainte Geneviève au berceau,
Pierre Puvis de Chavannes (Lyon, 1824 - Paris, 1898),
Peinture sur carton marouflé sur toile, 22,4 x 21,8 cm, entre 1874 et 1877,
Musée d’Orsay, Paris (France)
Lecture du livre du prophète Isaïe (Is 45, 1.4-6)
Ainsi parle le Seigneur à son messie, à Cyrus, qu’il a pris par la main pour lui soumettre les nations et désarmer les rois, pour lui ouvrir les portes à deux battants, car aucune porte ne restera fermée : « À cause de mon serviteur Jacob, d’Israël mon élu, je t’ai appelé par ton nom, je t’ai donné un titre, alors que tu ne me connaissais pas. « Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre : hors moi, pas de Dieu. Je t’ai rendu puissant, alors que tu ne me connaissais pas, pour que l’on sache, de l’orient à l’occident, qu’il n’y a rien en dehors de moi. Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre. »
Psaume 95
Chantez au Seigneur un chant nouveau, chantez au Seigneur, terre entière, racontez à tous les peuples sa gloire, à toutes les nations ses merveilles !
Il est grand, le Seigneur, hautement loué, redoutable au-dessus de tous les dieux : néant, tous les dieux des nations ! Lui, le Seigneur, a fait les cieux.
Rendez au Seigneur, familles des peuples, rendez au Seigneur la gloire et la puissance, rendez au Seigneur la gloire de son nom. Apportez votre offrande, entrez dans ses parvis.
Adorez le Seigneur, éblouissant de sainteté : tremblez devant lui, terre entière. Allez dire aux nations : « Le Seigneur est roi ! » Il gouverne les peuples avec droiture.
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens (1 Th 1, 1-5b)
Paul, Silvain et Timothée, à l’Église de Thessalonique qui est en Dieu le Père et dans le Seigneur Jésus Christ. À vous, la grâce et la paix. À tout moment, nous rendons grâce à Dieu au sujet de vous tous, en faisant mémoire de vous dans nos prières. Sans cesse, nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père. Nous le savons, frères bien-aimés de Dieu, vous avez été choisis par lui. En effet, notre annonce de l’Évangile n’a pas été, chez vous, simple parole, mais puissance, action de l’Esprit Saint, pleine certitude.
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 22, 15-21)
En ce temps-là, les pharisiens allèrent tenir conseil pour prendre Jésus au piège en le faisant parler. Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode : « Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ; tu ne te laisses influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens. Alors, donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? » Connaissant leur perversité, Jésus dit : « Hypocrites ! pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ? Montrez-moi la monnaie de l’impôt. » Ils lui présentèrent une pièce d’un denier. Il leur dit : « Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ? » Ils répondirent : « De César. » Alors il leur dit : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »
Le peintre
Origine familiale et formation (1824-1851)
Pierre Puvis de Chavannes est issu d’une famille de la bourgeoisie lyonnaise. Né à Lyon le 14 décembre 1824, il est le fils de César Puvis de Chavannes (1785-1843), polytechnicien, ingénieur des mines, et de Marguerite Guyot des Vignes (1795-1841). Pour les générations antérieures, le patronyme de la famille était Puvis, mais l’utilisation de l’appellation de la terre familiale – Chavannes – a été autorisée par un jugement de 1859. Les ancêtres exploitant cette propriété étaient des vignerons.
Pierre est le cadet de quatre enfants, deux filles et deux garçons. Il commence ses études secondaires au collège Saint-Rambert à Lyon et les terminent au lycée Henri-IV à Paris en classe de philosophie en 1841-1842. Son père, qui aurait souhaité que son fils fasse l’École polytechnique, décède en 1843. Le jeune homme passe alors deux ans à Mâcon chez sa sœur Joséphine. En 1846, il fait un premier voyage en Italie et devient à son retour l’élève du peintre Henry Scheffer (1798-1862). Dès 1847, il quitte l’atelier de Scheffer et passe l’été à Mâcon où il rencontre le poète Alphonse de Lamartine (1790-1869), originaire de cette ville.
Après un second voyage en Italie en 1848, il devient pour quinze jours l’élève d’Eugène Delacroix (1798-1863) puis entre dans l’atelier de Thomas Couture (1815-1879), peintre du courant académique et l’un des professeurs les plus réputés de l’époque. Il reste quelques mois chez Couture puis, avec trois amis, loue un atelier à Paris où il travaille pendant trois ans.
La reconnaissance officielle (1851-1898)
Puvis de Chavannes commence à exposer au Salon de l’Académie des Beaux-arts en 1851 avec un Christ mort. Il réalise de nombreux portraits et, en 1854, son premier ensemble décoratif, Retour de l'enfant prodigue et Quatre Saisons, pour la salle à manger de la résidence campagnarde de son frère à Brouchy. De 1852 à 1859, Puvis de Chavannes fait chaque année des envois au Salon, qui sont tous refusés. Mais c’est pendant cette décennie qu’il trouve véritablement sa voie et en 1861, il présente au Salon deux panneaux monumentaux, Concordia (la paix) et Bellum (la guerre) qui rencontrent le succès. L’État français achète Concordia et l’artiste offre Bellum, qui lui fait pendant. Le musée de Picardie à Amiens conserve ces œuvres. D’autres grands panneaux décoratifs suivront pour ce musée, en particulier la peinture murale Pro Patria Ludus (Jeux patriotiques).
L’allégorie, qui avait connu ses heures de gloire au cours des siècles précédents, n’intéressait plus les artistes novateurs à la fin du XIXe siècle. La critique et les amateurs d’art célébraient le réalisme et l’impressionnisme. Les grands panneaux de Puvis de Chavannes apparaissent ainsi comme une tendance nouvelle qui renoue avec l’ambition classique d’idéalisation. Un nouveau courant prend naissance : le symbolisme.
La consécration permet au peintre de recevoir de nombreuses commandes de décors muraux. Il s’agit surtout de commandes publiques pour les musées et les bâtiments officiels. Eu égard à l’immensité de ces compositions, leur nombre est impressionnant. Outre le musée de Picardie à Amiens, le musée des Beaux-arts de Lyon, les hôtels de ville de Paris et de Poitiers, le Panthéon à Paris, le palais Longchamp à Marseille, le grand amphithéâtre de la Sorbonne et même la bibliothèque publique de Boston disposent de vastes panneaux de l’artiste. Ainsi, Le Bois Sacré (1886-89), décorant le grand amphithéâtre de la Sorbonne mesure 4,50 m de hauteur sur 25,60 m de largeur. Puvis de Chavannes commercialise également des répliques de petites dimensions de ses décors monumentaux, qui sont désormais conservées dans les musées du monde entier. Par exemple, le musée de Philadelphie conserve Concordia et Bellum, dont les originaux sont à Amiens.
Puvis de Chavannes devient une personnalité majeure de la peinture française de la fin de XIXe siècle, cumulant les honneurs officiels et la profonde originalité créative. Il est fréquemment membre du jury du Salon, fonde avec d’autres la Société nationale des Beaux-arts en 1862 et en devient président en 1891. Cet organisme se donne pour objectif de promouvoir un art indépendant du Salon officiel. En 1867, Puvis de Chavannes reçoit l’insigne de chevalier de la Légion d’honneur. Il est fait commandeur en 1890.
Le tableau
Étude (ou reprise postérieure laissée inachevée) de la partie de la frise du Panthéon placée au-dessus de la grande composition de Puvis, Sainte Geneviève enfant en prière, décoration commandée en 1874, terminée en 1877.

Ce que je vois
Sainte Geneviève (vers 420 - Entre 502 et 512) eut le courage d’exhorter les foules afin de protéger la ville de Paris lors de l’invasion des Huns en 451, appelant les femmes à tenir devant le siège. « Proto-féministe », elle déclarait avec vigueur : « Que les hommes fuient, s’ils veulent, s’ils ne sont plus capables de se battre. Nous les femmes, nous prierons Dieu tant et tant qu’Il entendra nos supplications. » Il faut dire qu’elle se voua très tôt à Dieu, puis mena une vie consacrée et ascétique, probablement dès ses seize ans. L’artiste nous montre ainsi que, dès son berceau, les vertus théologales se penchent sur elle. Notons que la légende a fait de Geneviève une bergère, à l’image de Jeanne d’arc, et lui adjoint ainsi comme attribut un mouton, que l’on voit ici couché devant le berceau. Habituellement, on lui donne plutôt le cierge, rappel d’un miracle de sa vie. Les trois vertus, sous la forme d’anges puisque ce sont des attitudes bénéfiques qui dépendent de la révélation divine, sont elles aussi accompagnées de leur attribut traditionnel :
La foi, la disposition à croire aux vérités révélées, tient, à gauche, la Croix, signe du Christ Rédempteur ;
L'espérance, la disposition à espérer la béatitude, à droite, tient l’ancre qui symbolise la fermeté dans la tempête, même invisible ;
La charité, aussi dite amour puisque c'est l'amour de Dieu, de soi-même et de son prochain pour l’amour de Dieu, au centre, tient le calice. L’artiste dérive ici des représentations habituelles, puisque le calice est un des attributs de la foi. La charité est le plus souvent représentée par une femme tenant deux enfants.
Une exhortation de Paul
Sans cesse, nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père. Nous le savons, frères bien-aimés de Dieu, vous avez été choisis par lui.
L’apôtre cite ici les trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité. Rappelons-nous qu’il y fera encore explicitement référence dans la première épître aux Corinthiens au chapitre 13 : la fameuse hymne à la charité. C’est saint Ambroise qui distinguera les vertus morales (les cardinales, celles qui nous montrent la direction à suivre, qui sont le pivot de toute vie chrétienne) des vertus théologales, celles qui nous furent révélées par Dieu et qui nous mènent à lui. C’est pourquoi, la théologie a progressivement établi sur cette base un vaste système reliant les vertus aux dons du Saint-Esprit et aux Béatitudes, puis à leurs opposés, vices et péchés capitaux :

Mais que ce sont les vertus ?
En fait, elles seront souvent envisagées avec leurs contraires, les vices, démontrant ainsi aux fidèles que la vie spirituelle est un combat. Aurélien Prudence (le bien nommé !) écrira à la fin du IVe siècle la Psychomachie, montrant ce combat de toute vie. Son texte fut illustré à de nombreuses reprises au Moyen-âge (rappelez-vous la crypte de Tavant). D’autres auteurs vont venir enrichir cette première allégorie, que ce soit Grégoire le Grand (pape entre 590 et 604) dans son Conflictus virtutum and vitorium, ou Alain de Lille, et encore Hugues de Saint-Victor qui écrira au début du XIIe siècle le De fructibus carnis et spiritus, orientant le combat sur la chair et l’esprit. Et enfin, Thomas d’Aquin qui, dans la Somme Théologique, systématisera ces concepts moraux en établissant la liste (ci-dessus) entre vertus, dons, etc. L’époque médiévale est véritablement à l’origine de ces définitions. L’Église aura cet engouement à transmettre ce chemin vertueux à ses fidèles.
Mais il convient de définir aussi précisément que possible ce que la culture du Moyen Âge identifiait comme vertu et comme vice. En effet, la plupart des débats moraux de notre époque ont en commun d’être insolubles en raison de la diversité des idées et valeurs qui les constituent. Il manque aujourd’hui un consensus clair sur les notions morales : les vocables « vertu » et « vice » sont devenus des appellations floues que le langage courant emploie en des sens souvent éloignés de ceux qu’ils avaient dans la tradition chrétienne.
Un peu d’histoire
Bertrand Cosnet nous l’explique dans son livre Sous le regard des vertus :
(article complet : https://books.openedition.org/pufr/8281?lang=fr)
Depuis les Pères des débuts du christianisme jusqu’aux grands docteurs du XIIIe siècle, l’Église s’est appliquée à identifier, à classer et à hiérarchiser les états d’âme des chrétiens. Progressivement, le système moral s’est organisé autour du nombre sept, considéré comme le chiffre de la plénitude et de la totalité, en proposant les trois vertus théologales et les quatre vertus cardinales comme septénaire positif et les sept vices principaux comme septénaire négatif. (…) Le changement crucial survient entre le XIIe et le XIIIe siècle grâce au renouveau théologique et pastoral qui transforme en profondeur la physionomie de la chrétienté.
Étymologiquement, le terme « vertu » renvoie à une grande variété de significations. Dérivé du mot latin vir, il désigne, au sens premier, la force, la vigueur ou la puissance et, en un sens plus général, la perfection, la valeur, la prospérité, le bonheur et la gloire. La notion de vertu remonte au monde grec. Déjà mentionné par la philosophie présocratique, c’est Platon qui en propose la première systématisation pour constituer les fondements de sa République. Aristote (384-322 av. J.-C.), dans l’Éthique à Nicomaque, en fait une perfection de l’être humain auteur de ses actes et une disposition permanente à choisir en se tenant dans le juste milieu. Du côté du christianisme, les Écritures lui donnent rarement une dimension morale. Dans l’Ancien Testament, c’est l’idée de force et de puissance qui prédomine. Dans la Septante apparaît aussi le terme αρετη, qui désigne ce qui plaît, et qui peut s’appliquer à n’importe quelle supériorité ou excellence : santé du corps, force, gloire ou honneur. De ce fait, c’est surtout dans le Nouveau Testament que la notion chrétienne de vertu apparaît dans ses dispositions morales et surnaturelles.
Trois vertus théologales
Les vertus cardinales sont donc surtout des dispositions morales, la façon de « faire » pour pouvoir se dire chrétien : je dois faire preuve de prudence dans mes propos et mes actes, mais aussi de justice dans mes avis et jugements, de force dans mes convictions et les décisions, tout en saupoudrant le tout de tempérance et de constance ! Je le résume en une formule ramassée : tenir et durer.
Les vertus théologales ne tiennent pas du « faire » mais de l’être. Et non pas simplement de « être chrétien » qui souvent se transforme en « que dois-je faire ? », mais plutôt dans le sens de que dois-je tenter de devenir, aux tréfonds de moi-même, afin de me présenter devant Dieu. Et les vertus cardinales en seront comme le moyen.
Un but : la déification. Un objectif : vivre dans la foi, l’espérance et la charité. Des balises pour ne pas m’écarter du chemin : la force, la justice, la tempérance et la prudence. Bref, quand Jésus nous dit « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), il nous indique que ce chemin passe par ces trois vertus théologales.
Un chemin de sainteté et de déification
Reprenons saint Paul :
Sans cesse, nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père. Nous le savons, frères bien-aimés de Dieu, vous avez été choisis par lui.
Il me semble que pour tirer la substantifique moelle de ce verset, il faut le lire à l’envers ! Car, comment suivre un chemin vertueux si nous n’en connaissons pas le but ? C’est bien le problème de notre société qui n’ayant plus de référence suprême — si ce ne sont les « valeurs de la République » que personne ne sait me définir clairement… Pour les uns, la laïcité, pour les autres, la fraternité, ou la démocratie… Bref, aucune liste précise et reconnue de tous — donc, notre société ne sait plus comment justifier de ses positions morales. Est-ce la loi qui définit qu’une enfant tué dans le ventre de sa mère lors d’un accident n’est pas considéré comme un être vivant ? Est-ce la loi, ou un groupe de citoyens tirés au sort qui doit définir qui a le droit de mourir (jusqu’au jour où l’on estimera que ce n’est plus un droit mais… un devoir !) ? On abolit la peine de mort et, en échange, on crée l’euthanasie active ! Surprenant… Une morale qui ne s’édifie pas sur « un plus grand » ne peut devenir qu’un moralisme, voire une moraline. Les exemples, accentués par le wokisme ambiant, pullulent ! Même les révolutionnaires avaient mis la Déclaration des droits de l’Homme « sous les auspices de l’Être Suprême » !
Et Paul nous indique le but et la raison : nous avons été choisis par Dieu. Choisis pour devenir des saints, choisis pour devenir Dieu, comme le dira saint Athanase (IVe siècle) : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme se fasse Dieu. » Et Jésus nous confirme ce choix (Jn 15, 16) : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera. »
Si je comprends, j’intègre et que j’adhère à ce choix de Dieu (titre de l’un des livres du Cardinal Jean-Marie Lustiger), alors, il est vrai que je ne fais plus n’importe quoi et applique les vertus cardinales, mais surtout, je vis les vertus théologales. J’ai foi en Dieu puisqu’il a foi en moi ; j’espère Dieu, et même j’ose « espérer contre tout espérance » (Rm 4, 18) car « voir ce qu’on espère, ce n’est plus espérer : ce que l’on voit, comment peut-on l’espérer encore ? » (Rm 8, 24) ; et surtout, j’ai la charité envers mes frères, envers Dieu et envers moi, car les trois sont inséparables comme le rappelle le Christ (Mt 22, 37-40) : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. »
Ces trois vertus ne se commandent pas, ne s’acquièrent pas et ne sont pas le fruit d’un effort. Non, car elles résident déjà au plus profond de notre âme.
Trois vertus à chercher
Je pense souvent à la parabole de la perle (Mt 13, 45-46) : « Le royaume des Cieux est comparable à un négociant qui recherche des perles fines. Ayant trouvé une perle de grande valeur, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète la perle. » Ces trois perles vertueuses sont déjà enfouies dans notre champ, dans notre chair et notre âme. La preuve ?
La foi
Je pense que tous les hommes ont la foi, mais peu, par orgueil, par peur ou hédonisme, acceptent de le reconnaître. À ce titre, on peut comprendre que tous les musulmans, surtout les extrémistes, traitent les occidentaux de « mécréants » (ce qui veut dire mal-croyant, qui croit mal), et non pas d’incroyants…
Je me rappelle de ce scout qui m’avait dit son incroyance, mais qui tous les jours, en allant chercher de l’eau au puits, me posait des questions sur Dieu et la foi. Puis, un jour, il me demanda d’arrêter nos échanges. Je lui demandais pourquoi et il me répondit que si nous continuions, il finirait par croire et qu’il ne voulait pas que ça bouleverse sa vie… Il avait peur.
D’autres préfèrent profiter d’un plaisir éphémère plutôt que de trouver une joie profonde, à l’instar de Paul Prévert qui récitait :
Notre Père qui êtes au Cieux, restez-y
Et nous, nous resterons sur la Terre qui est quelquefois si jolie
Avec ses mystères de New York et puis ses mystères de Paris
Qui valent bien celui de la Trinité avec son petit canal de l'Ourcq
Sa grande muraille de Chine, sa rivière de Morlaix, ses bêtises de Cambrai
Avec son océan Pacifique et ses deux bassins aux Tuileries
Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets
Avec toutes les merveilles du monde qui sont là, simplement sur la Terre
Offertes à tout le monde, éparpillées
Émerveillées elles-mêmes d'être de telles merveilles et qui n'osent se l'avouer
Comme une jolie fille nue qui n'ose se montrer
Avec les épouvantables malheurs du monde qui sont légion
Avec leurs légionnaires, avec leurs tortionnaires, avec les maîtres de ce monde
Les maîtres avec leurs prêtres, leurs traîtres et leurs reîtres
Avec les saisons, avec les années
Avec les jolies filles et avec les vieux cons
Avec la paille de la misère pourrissant dans l'acier des canons.
D’autres refusent de croire en Dieu par orgueil, comme Frédéric Nietzsche qui déclarait : « S’il y a un Dieu, comment supporter de ne pas l’être ? » Il se trompe doublement. D’abord parce que, pour reprendre le mot de Maurice Clavel, « Dieu est Dieu, nom de Dieu » et que je ne peux, même du haut de ma superbe, ni monter jusqu’à lui, ni le tirer de force jusqu’à cette terre ; mais surtout parce qu’il aurait dû écouter Athanase : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme se fasse Dieu. »
Alors que la foi nous habite, elle est au plus profond de notre âme, de notre esprit et même de notre chair. Elle n’attend que notre oui confiant pour grandir, se développer et changer notre vie. Comme le disait Bernadette Soubirous : « Il suffit d’y croire ! »
La charité
Et c’est ici où je veux en revenir au chapitre 13 de la première épître aux Corinthiens de Paul (1 Co 13, 13) : « Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité ». Lorsque Paul nous dit que la charité est la plus grande des vertus, nous devons le comprendre comme étant l’acmé des trois vertus, le couronnement. Mais qui dit couronnement, dit support, tête pour porter la couronne. Sinon, la couronne s’effondre, et l’on transforme bien vite la charité en solidarité ou en fraternité. Bien des athées font des choses bien plus généreuses que moi. Comme rétorquait Giscard à Mitterand : « Vous n’avez pas le monopole du cœur. » Les chrétiens n’ont pas le monopole de la solidarité, ni de la fraternité et encore moins de la générosité. Mais peut-être ont-ils le monopole de la charité… Car la charité nous est précisée par le Christ dans l’évangile (Mc 9, 41) : « Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense. » La charité, elle, se fait au nom du Christ. Et si elle se fait au nom du Christ, c’est parce que celui qui la dispense a la foi en Jésus-Christ, et ne manque pas d’espérance. Sans foi, pas de charité. Et sans charité, pas d’espérance.
L’espérance
Quant à l’espérance, Paul nous donne la clef (Rm 5, 3-5) : « Bien plus, nous mettons notre fierté dans la détresse elle-même, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance ; la persévérance produit la vertu éprouvée ; la vertu éprouvée produit l’espérance ; et l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. » Si je persévère dans la foi en un Dieu qui jamais ne m’abandonnera, alors j’éprouverai la vertu de la charité. Et cette vertu éprouvée fera naître en moi l’espérance. Peu de langues, à ma connaissance, ne font cette distinction entre l’espoir et l’espérance. L’espoir est à vue humaine, l’espérance à vue éternelle (vous pouvez aller relire l’homélie du IIIe dimanche de l’Avent, année A). Et notre espérance est de partager un jour cette vie divine : « pour que l’homme se fasse Dieu ». ce que nous entendons à la messe après le Notre Père :
Délivre-nous de tout mal, Seigneur, et donne la paix à notre temps : soutenus par ta miséricorde, nous serons libérés de tout péché, à l'abri de toute épreuve nous qui attendons que se réalise cette bienheureuse espérance : l'avènement de Jésus-Christ, notre Sauveur.
La bienheureuse espérance que nous attendons est bien l’avènement du Christ dans sa Gloire. Mais en attendant ce jour dont seul le Père connaît la date, le Christ veut vivre son avènement dans chacune de nos vies. Mais pour cela, il nous faut que nous « nous souvenions que notre foi doit être active, que notre charité se donne de la peine, que notre espérance tienne bon en notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père. »
Les trois vertus théologales
Catéchisme de l’Église Catholique n° 1812-1829
La foi
La foi est la vertu théologale par laquelle nous croyons en Dieu et à tout ce qu’Il nous a dit et révélé, et que la Sainte Église nous propose à croire, parce qu’Il est la vérité même. Par la foi, « l’homme s’en remet tout entier librement à Dieu ». C’est pourquoi le croyant cherche à connaître et à faire la volonté de Dieu. La foi vivante « agit par la charité » (Ga 5, 6).
L’espérance
L’espérance est la vertu théologale par laquelle nous désirons comme notre bonheur le royaume des Cieux et la vie éternelle, en mettant notre confiance dans les promesses du Christ et en prenant appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la grâce du Saint-Esprit.
La charité
La charité est la vertu théologale par laquelle nous aimons Dieu par-dessus toute chose pour Lui-même, et notre prochain comme nous-mêmes pour l’amour de Dieu. Jésus fait de la charité le commandement nouveau, la plénitude de la Loi. La charité est le lien de la « perfection » (Col 3, 14) ; elle est la forme des vertus ; elle les anime, les inspire, les articule et les ordonne entre elles : sans elle, « je ne suis rien » et « cela ne me sert à rien » (1 Co 13, 1-3).
Homélie ancienne sur l’épître aux Philippiens (Livre des Jours, pp. 1109-1110).
La bonté divine, frères très chers, nous invite, pour le salut de nos âmes, aux joies de la béatitude éternelle, comme vous l’avez entendu dans la lecture qui nous occupe, où l’Apôtre disait : Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur (Ph 4, 4). Les joies du monde tendent à la tristesse ; mais les joies conformes à la volonté de Dieu attirent aux biens durables et éternels ceux qui y persévèrent. C’est pourquoi l’Apôtre ajoute : Je le répète, réjouissez-vous.
Il nous exhorte à faire croître de plus en plus notre joie, pour nous rapprocher de Dieu et nous faire accomplir ses commandements ; car, plus nous aurons combattu en ce monde pour obéir aux préceptes divins, plus nous serons heureux dans la vie future et plus nous obtiendrons de gloire devant Dieu.
Que votre sérénité soit connue de tous les hommes : c’est-à-dire que votre conduite sainte ne doit pas seulement apparaître devant Dieu, mais aussi devant les hommes, pour donner un exemple de sérénité et de réserve devant tous ceux qui demeurent avec vous sur la terre, ou encore pour laisser un bon souvenir devant Dieu et les hommes.
Le Seigneur est proche ; ne soyez inquiets de rien : le Seigneur est toujours proche de ceux qui l’invoquent avec sincérité, avec une foi droite, une espérance ferme, une parfaite charité : car il sait de quoi vous avez besoin avant que vous le lui demandiez : Il est toujours prêt à secourir, dans n’importe lequel de leurs besoins, ceux qui le servent fidèlement. Aussi, lorsque nous voyons que le malheur est imminent, nous n’avons pas à nous faire de grand souci, puisque nous devons savoir que Dieu est pour nous un défenseur tout proche, selon cette parole : Le Seigneur est proche de ceux dont le cœur est angoissé, et Il sauvera ceux dont l’esprit est abattu. Les angoisses sont nombreuses pour les justes, mais de toutes le Seigneur les délivrera. Si nous nous efforçons d’accomplir et de garder ce qu’il prescrit, il ne tardera pas à s’acquitter de ses promesses.
Mais, en toute circonstance, dans l’action de grâce priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes : nous de devons pas, si nous sommes accablés d’épreuves, les supporter avec récriminations et tristesse, loin de là, mais avec patience et bonne humeur, en rendant grâce à Dieu en tout temps et à propos de tout.
Saint-Augustin, (Confessions, X, vi, 8)
Eh bien ! qu'est-ce que j'aime quand je t'aime ? Ce n'est pas la beauté d'un corps, ni le charme d'un temps, ni l'éclat de la lumière, amical à mes yeux d'ici-bas, ni les douces mélodies des cantilènes de tout mode, ni la suave odeur des fleurs, des parfums, des aromates, ni la manne ou le miel, ni les membres accueillants aux étreintes de la chair : ce n'est pas cela que j'aime quand j'aime mon Dieu. Et pourtant, j'aime certaine lumière et certaine voix, certain parfum et certain aliment et certaine étreinte quand j'aime mon Dieu : lumière, voix, parfum, aliment, étreinte de l'homme intérieur qui est en moi, où brille pour mon âme ce que l'espace ne saisit pas, où résonne ce que le temps rapace ne prend pas, où s'exhale un parfum que le vent ne disperse pas, où se savoure un mets que la voracité ne réduit pas, où se noue une étreinte que la satiété ne desserre pas. C'est cela que j'aime quand j'aime mon Dieu.
Acte de Foi
Mon Dieu, je crois fermement toutes les vérités que vous avez révélées et que vous nous enseignez par votre Église, parce que vous ne pouvez ni vous tromper ni nous tromper.
Acte d’Espérance
Mon Dieu, j’espère avec une ferme confiance que vous me donnerez, par les mérites de Jésus-Christ, votre grâce en ce monde et le bonheur éternel dans l’autre, parce que vous l’avez promis et que vous tenez toujours vos promesses.
Acte de Charité
Mon Dieu, je vous aime de tout mon cœur et par-dessus toutes choses, parce que vous êtes infiniment bon, et j’aime mon prochain comme moi-même pour l’amour de vous.