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XXVe dimanche du temps ordinaire (A)

Il n’est jamais trop tard...

La parabole des ouvriers de la vigne,

Salomon Koninck (Amsterdam, 1609 — Amsterdam, 1656),

Huile sur toile, 48 x 58 cm, 1647,

Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg (Russie)


Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu Mt 20, 1-16

En ce temps-là, Jésus disait cette parabole à ses disciples : « Le royaume des Cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit dès le matin afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. Il se mit d’accord avec eux sur le salaire de la journée : un denier, c’est-à-dire une pièce d’argent, et il les envoya à sa vigne. Sorti vers neuf heures, il en vit d’autres qui étaient là, sur la place, sans rien faire. Et à ceux-là, il dit : ‘Allez à ma vigne, vous aussi, et je vous donnerai ce qui est juste.’ Ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures, et fit de même. Vers cinq heures, il sortit encore, en trouva d’autres qui étaient là et leur dit : ‘Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?’ Ils lui répondirent : ‘Parce que personne ne nous a embauchés.’ Il leur dit : ‘Allez à ma vigne, vous aussi.’ Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : ‘Appelle les ouvriers et distribue le salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers.’ Ceux qui avaient commencé à cinq heures s’avancèrent et reçurent chacun une pièce d’un denier. Quand vint le tour des premiers, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d’un denier. En la recevant, ils récriminaient contre le maître du domaine : ‘Ceux-là, les derniers venus, n’ont fait qu’une heure, et tu les traites à l’égal de nous, qui avons enduré le poids du jour et la chaleur !’ Mais le maître répondit à l’un d’entre eux : ‘Mon ami, je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ?’ C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »


L’artiste

Salomon Koninck (1609-1606), cousin de Philips et de Jacob, était également peintre. Il était un disciple de Rembrandt, l’imitant dans les images des ermites, des vieillards et des philosophes dans leurs études, ainsi que dans les scènes religieuses, et exagérant la prédilection du maître pour les costumes exotiques riches, des gestes emphatiques, et des contrastes dramatiques de lumière et d’ombre. Son travail est assez rare ; on en trouve des exemples au Rijksmuseum, à Amsterdam, et au Mauritshuis, à La Haye.


Ce que je vois

Une pièce sombre avec une alcôve où se tiennent les protagonistes. La lumière ne vient que de la double fenêtre à meneaux closes par une treille de vitraux blancs.Une grande table, et derrière, dans le mur, une niche qui reçoit quelques livres de compte. De dos est assis un des comptables qui écrit sur le livre tenu par un pupitre. Devant lui, deux hommes : l’un debout se détourne de la fenêtre, l’autre assis, tient le sac de la bourse. Il est coiffé d’un impressionnant chapeau rouge. Puis cet homme d’âge mûr, coiffé d’un turban blanc et couvert d’un riche manteau : c’est le maître. Les ouvriers font la queue pour recevoir leur paye. Au premier plan, on voit deux vieillards courbés repartir. Sûrement des ouvriers de la dernière heure qui viennent de recevoir leur dû. Comme celui qui se penche à leurs côtés.


Dans la file de ceux qui attendent, on repère de suite cet homme qui porte une chemise blanche sur des pantalons en haillons. Il tend la main droite vers le Maître qui vient d’y déposer une pièce, alors r qu’il montre de la main gauche ceux qui s’en vont. Il râle : comment se fait-il qu’il ne reçoit pas plus que ceux qui sont arrivés en dernière minute ?à sa droite, un vieil homme barbu semble aussi récriminer.


Pourtant, s’il était attentif, il verrait que c’est lui qui est éclairé par la fenêtre. C’est lui qui reçoit la lumière pour comprendre le geste du Maître. Et pas n’importe quelle lumière : celle du Christ. Il n’est certainement pas pour rien que la fenêtre ait une forme de croix. N’est-ce pas le Christ, notre lumière, qui nous illumine par son sacrifice sur La Croix ?


Ainsi c’est Jésus qui met en lumière la générosité du Père, à l’inverse de la dureté de cœur qui l’emporte bien souvent dans le cœur des hommes, comme l’annonçait Isaïe : « Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées. » (Is 55,9)


La liturgie de ce dimanche invite à partager la contemplation du psalmiste : « Chaque jour je te bénirai,.. à la grandeur du Seigneur, il n’est pas de limite…la bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres » (Psaume 144,2…18).


Paul contemple cette grandeur dans la personne de Jésus et l’éclairage qu’il apporte sur sa vie : « Pour moi, vivre c’est le Christ » (Ph 1,21). Aussi conclut-il : « Ayez un comportement digne de l’Évangile du Christ » (Ph 1,27a).


À noter

Dans l’iconographie byzantine, les travailleurs qui se succèdent sont assimilés aux patriarches et aux saints de l’Ancienne et Nouvelle Loi : c’est ainsi que les vignerons de la première heure sont Enoch, et naturellement Noé, ceux de la troisième heure, Abraham, Isaac et Jacob, ceux de la huitième Moïse et Aaron, ceux de la neuvième les Prophètes. Les ouvriers de la onzième heure qui sont les Apôtres recevront néanmoins le même salaire.


Dans l’interprétation que donne de cette parabole un sculpteur italien de la fin du XIIe siècle, Benedetto Antelami, sur un des portails du baptistère de Parme, les heures auxquelles les mercenaires sont successivement engagés correspondent aux différents âges de la vie et aux époques du monde : Mane, Infancia, Prima Etas Seculi - Hora tertia. Pueritia. Secunda Etas - Nona. Juventus. Quarta Etas. - Gravitia. Quinta Etas - Senectus. Sexta Etas.




Les ouvriers de la dernière heure

Benedetto Antelami (Val d’Intelvi, vers 1150 — Vers 1215)

Bas-reliefs, 1196

Portail occidental du Baptistère (Parme, Italie)


Une parabole révoltante

Combien de fois ai-je entendu des patrons s’offusquer de ce texte d’évangile le déclarant injuste, pour ne pas dire inique ! Peut-être lit-on cette parabole trop vite, ou sans vraiment écouter ce que veut nous dire le Christ ? Peut-être serait-il même bon de lire ce qui l’encadre...

  • Mt 19, 30 :

Car, beaucoup de premiers seront derniers, beaucoup de derniers seront premiers.
  • Mt 20, 16 :

C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »

Est-ce la « morale » de l’histoire ? Cela semble être le cas, ne serait-ce que par ce ‘car’ qui inaugure le texte et ce ‘c’est ainsi’ qui le clôture. Mais cette sentence n’est pas à comprendre dans le cadre de notre vie moderne, elle ne vient pas nous donner des leçons de gestion humaine du personnel. Elle vient simplement nous expliquer ce que sera le Royaume de Dieu. C’est bien ce qui est dit : « Car le Royaume des Cieux est semblable au Maitre... ». Alors, avant de nous offusquer, essayons de comprendre !


Les clés

C’est une parabole. Il y a donc un mystère, non pas à élucider, mais dans lequel il nous faut plonger tout entier. Et ce mystère se brode autour des personnages. D’abord, un Maître. Bien sûr, c’est Dieu. Sa vigne, c’est Israël. N’est-ce pas le peuple qu’il a élu, multiplié, transplanté et protégé ? Et ce peuple deviendra, s’i le veut, le Christ, lui qui est la vraie vigne, lui qui va transformer son peuple en son Corps.


Car Dieu a toujours soif de nous, soif des hommes. Il vient nous chercher, là où nous sommes, là où nous en sommes. Comme dans la parabole de l’enfant prodigue, c’est lui qui sort. Il sort pour aller nous chercher, pour nous faire entrer dans son Royaume. Surprenant ! En temps de chômage, n’est-ce pas l’ouvrier qui va voir le patron pour quémander une place ? Ici, Dieu est un vrai et un bon patron. Il ne recrute pas ceux qui viennent toquer à sa porte. C’est lui qui va fournir du travail, c’est lui qui crée des emplois. Et pourtant, il est Dieu. Et du coup, du haut de sa toute-puissance, il pourrait très bien se passer de main d’œuvre. Rappelons-nous ce qu’on lit ailleurs (Lc 17, 7-10) :

« Lequel d’entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : “Viens vite prendre place à table” ? Ne lui dira-t-il pas plutôt : “Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour” ? Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ? De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” »

Hé oui, nous ne sommes que des serviteurs inutiles ! Il ne nous doit rien. Sauf par amour...


Alliance

Car c’est bien par amour qu’il a tout donné, dès le départ. Et il nous a donné un cœur. Un cœur qui a aussi envie de servir. Mais même s’il ne nous doit rien, il nous rétribue. Il fait, pour cela, alliance avec nous. Comme il le fit dès le début avec Noé, ou encore avec Abraham. Noé ne fut-il pas le premier à travailler à la vigne ? Et tout ce qu’il promet, ne l’accomplit-il pas ? N’a-t-il pas donné à Abraham la descendance qu’il lui avait promise ? N’a-t-il pas donné à Moïse et au peuple la Terre promise avec les bénédictions qui l’accompagnaient ? Dieu tient toujours promesse. Il ne nous fait pas de « coups en douce ». Et il connaît tellement bien le cœur retors de l’homme qu’il préfère passer un contrat, une convention avec lui. Comme ça, pas d’embrouilles ! Mais les embrouilles viennent toujours de notre côté... non-respect du contrat, rébellion, mensonges, etc. Dès le début, ce fut le cas avec Adam et Ève ! Alors, ces ouvriers de la première heure que fut le peuple élu est-il vraiment en droit de se plaindre après tout ce qu’il a reçu, conformément à l’Alliance ?


Une journée

Et tout se passe en une journée de travail. Le Maître sort, rappelons-le, à la première, la troisième, sixième, neuvième et onzième heure. Comme l'a illustré le sculpteur sur les rinceaux montrés plus haut, cette journée symbolise à la fois la vie d’un homme, mais aussi celle de toute l’humanité. De nos premiers parents aux temps nouveaux. De l’enfance à la vieillesse.


Et à la onzième heure, une heure avant la fin de la journée lavorative, il en reste encore... des païens. Et n’oublions pas que le mot païen vient de paysan, ceux qui travaillent la terre... jusqu’au bout, Dieu fait alliance, jusqu’à la dernière minute. Il ne laisse personne sur le bord du chemin. À tout le monde l’embauche est proposée.


Le soir venu

Le soir venu, c’est la fin du temps de travail. Ou la fin des temps... Nous allons être rétribué pour ce que nous avons fait, même si nous sommes arrivés les derniers. C’est la Parousie, le Jugement dernier... Mais ce n’est pas le Maître qui va distribuer le dû. Mais l’intendant. Qui pourrait-il être d’autre que le Christ ? N’est-ce pas lui qui va présider le Jugement dernier. N’est-ce pas lui qui va nous juger, selon les mots de Jean de La Croix : « au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour » ? N’est-ce pas lui qui nous a donné la voie à suivre (Je suis la Voie) et qui va vérifier le chemin parcouru dans l’exercice que nous avons fait en nos vies de la miséricorde ? Il est très surprenant qu’en face de cette parabole, au baptistère de Parme, se trouve les sept oeuvres de miséricorde... L’un serait-il la réponse à l’autre ?




Les sept oeuvres de miséricorde

Benedetto Antelami (Val d’Intelvi, vers 1150 — Vers 1215)

Bas-reliefs, 1196

Portail occidental du Baptistère (Parme, Italie)


Première dissension

Et c’est là que ça commence à nous gêner aux entournures... « en commençant par les derniers jusqu’aux premiers ». Comprenons bien : il ne s’agit pas seulement des derniers arrivés, mais aussi, et surtout, des derniers dans l’échelle de valeur sociale. Avant l’Église, Dieu avait déjà fait le choix de l’amour préférentiel des pauvres, des petits, des oubliés, des exclus... Voilà le premier aspect qui choqua les juifs. Et si cette journée de travail symbolise l’histoire du salut, alors, les premiers sont les Juifs. Et donc Dieu donne priorité aux païens sur le peuple élu. Un grand coup de pied dans leur orgueil et leur arrogance !


Mépris

Et ça continue... D’abord, ils murmurent, c’est-à-dire qu’ils parlent entre eux, les premiers, les meilleurs, les élus... -- la « Race des Seigneurs » disait-on du temps des nazis ! -- la justice, ce qui est juste, doit laisser place dans leur cœur à la haine... Ils sont humiliés, et ça, ils ne l’acceptent pas. Comment comprendre que ces gens méprisables passent déjà avant nous et en plus sont payés la même somme ? Évidemment, ce n’est pas leur cœur qui parle, ni même leur intelligence. C’est leur orgueil. Ils sont bouffis d’orgueil... Du coup, ils vont se battre sur le terrain de la justice distributive, faire le calcul. Une heure : un denier. Douze heures de travail : douze deniers. Ils s’en moquent que ce soit différent du contrat établi au départ. C’est ainsi.


Ce qui les rend fous de rage c’est ce raisonnement : « La situation est intolérable. Le Maître a décidé de traiter arbitrairement certains ouvriers selon leur droit, et d’autres selon sa générosité à Lui. S’il veut être généreux pour les uns, qu’il le soit pour tous ! »


L’orgueil est le péché qui a la plus belle garde-robe. Il peut s’habiller de bien-pensance, ou de mensonge. Aujourd’hui, il revêt le faux masque de la justice. En fait, ils ne défendent pas vraiment leurs droits, mais plutôt leurs privilèges... Ce ne sont que des jaloux (ou plus exactement de l’envie) ! Ah, la jalousie et l’envie, les autres masques de l’orgueil...Et ces privilèges, s’ils ne peuvent y avoir accès, ils les refusent aux autres : ils leur volent leurs droits, à leurs yeux. Toujours et encore l’orgueil...


Vains calculs et étroits marchandages

Comment comprendre ça ? Tout simplement parce qu’ils voient la rétribution divine comme un simple calcul mathématique dans lequel le cœur n’a pas place. Ne croyons pas que nous soyons différents... J’ai fait ça, Seigneur, alors j’ai droit à ça. Quand des enfants parlent ainsi, ça pourrait nous révolter. Et l’on peut même repenser à la chanson de Marie Laforêt, Cadeau :


Hier soir, dans la cuisine, je préparais le dîner

Quand mon petit garçon est entré

Il m'a tendu un morceau de papier griffonné

J'ai essuyé mes mains sur mon tablier

Je l'ai lu, et voici ce qu'il disait

Pour avoir fait mon lit toute la semaine 3 francs

Pour avoir été aux commissions 1 franc

Pour avoir surveillé le bébé pendant que toi tu allais aux commissions 1 franc 25

Pour avoir descendu la corbeille à papiers 75 centimes

Pour avoir remonté la corbeille à papiers 1 franc et 10 centimes

Pour avoir arrosé les fleurs sur le balcon 25 centimes

Total 9 francs et 85 centimes

Je l'ai regardé, il se tortillait en mâchant son crayon

Et une foule de souvenirs sont revenus à ma mémoire

Alors j'ai pris son crayon, j'ai retourné la feuille

Et voilà ce que j'ai écrit

Pour neuf mois de patience et douze heures de souffrance

Cadeau

Pour tant de nuits de veille, surveillant ton sommeil

Cadeau

Pour les tours de manège, les jouets, le collège

Cadeau

Et quand on fait le tour, le total de mon amour

C'est cadeau

Quand il a eu fini de lire, il avait un gros chagrin dans les yeux

Il a levé la tête et a dit

M'man, je t'aime très beaucoup

Il a repris son papier, l'a retourné

Et en grosses, grosses lettres a marqué

Cadeau

Et quand on fait le tour, le total de l'amour

C'est, c'est cadeau

Oui, Dieu devant notre justice distributive, nos vains calculs, devant nos marchandages mesquins, nous répond : Cadeau ! Dieu ne réagit pas comme nous. Il ne refuse pas de tenir ses promesses, la preuve en est, il leur a donné le denier promis. Mais pour le reste, il se refuse à voir dans ses rapports avec les hommes comme une relation comptable. Pour lui, tout est de l’ordre du qualitatif, celui d’un amour libre de ses choix et de ses dons.

Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours. Oublie les révoltes, les péchés de ma jeunesse ; dans ton amour, ne m'oublie pas. Il est droit, il est bon, le Seigneur, lui qui montre aux pécheurs le chemin. Sa justice dirige les humbles, il enseigne aux humbles son chemin. Les voies du Seigneur sont amour et vérité pour qui veille à son alliance et à ses lois. Ps 24, 6-10
Le Seigneur dit : « Je vais passer devant toi avec toute ma splendeur, et je proclamerai devant toi mon nom qui est : LE SEIGNEUR. Je fais grâce à qui je veux, je montre ma tendresse à qui je veux. » Ex 33, 19

Car Dieu est bon

Oui, dès l’origine, Dieu se définit non pas sa puissance mais par sa bonté. Dieu est éternellement bon. Tout ce qu’il a fait, c’était par pure bonté : nous créer, nous embaucher, faire alliance. La seule chose qu’il nous demande est que nous recevions ses dons avec la gratitude joyeuse des humbles, reconnaissant qu’on ne lui doit rien. Tout est cadeau de Dieu.


C’est ainsi

Et le Royaume de Dieu, ce sera ça. C’est ainsi, dit-il. Ainsi que les plus humbles entreront en premier. Ainsi que les indignes (cf. Dostoïevsky in Les frères Karamazov) passeront devant les notables car... ils ne s’en sont jamais crus dignes ! Ce sera ainsi, même pour les ouvriers de la onzième heure, s’ils ne se croient pas nantis de privilèges, de passe-droits. Le seul passe-droit, c’est l’amour ! C’est ainsi, si nous ne nous estimons pas mieux que les autres, plus dignes qu’eux, plus « sauvés » qu’eux.


C’est ainsi si nous acceptons de travailler à la vigne, et si nous sommes convaincus que nous sommes des serviteurs inutiles, mais aimés du Maître. C’est ainsi si nous œuvrons à la miséricorde. C’est ainsi si nous partageons notre héritage plutôt que de le garder jalousement. C’est ainsi si nous ne faisons pas la comptabilité de l’amour. C’est ainsi si l’amour triomphe de la haine en nous, si l’orgueil est écrasé par notre conscience de notre petitesse. Mais Dieu ne s’occupe prioritairement que des petits !


Pour conclure

Pour conclure, je voudrais rappeler l’explication que m’a donné une petite fille un jour. Son père venait enfin de retrouver du travail et elle m’expliqua que c’était grâce aux allocations chômage qu’il était payé comme les autres, car les jours de chômage n’étaient pas des jours de joie mais d’angoisse et de peur pour sa famille. Et ça, ça se paye !



Prière de saint François d’Assise

« Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix,

Là où est la haine, que je mette l’amour.

Là où est l’offense, que je mette le pardon.

Là où est la discorde, que je mette l’union.

Là où est l’erreur, que je mette la vérité.

Là où est le doute, que je mette la foi.

Là où est le désespoir, que je mette l’espérance.

Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.

Là où est la tristesse, que je mette la joie.


O Seigneur, que je ne cherche pas tant à

être consolé qu’à consoler,

à être compris qu’à comprendre,

à être aimé qu’à aimer.


Car c’est en se donnant qu’on reçoit,

c’est en s’oubliant qu’on se retrouve,

c’est en pardonnant qu’on est pardonné,

c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie. »


Homélie de saint Augustin (+ 430), Sermon 87, 1.4-6; PL 38, 530-533.

La parabole des ouvriers de la vigne que vous venez d'entendre lire dans l'évangile est bien appropriée au moment présent, puisque nous sommes maintenant au temps des vendanges. Mais il existe aussi une vendange spirituelle, au cours de laquelle Dieu se réjouit des fruits de sa propre vigne. <>


Le Royaume des cieux est comparable au père de famille qui sortit afin d'embaucher des ouvriers pour sa vigne (Mt 20,1). <> Celui-ci, à la fin du jour, ordonna de remettre à chacun son salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers (Mt 20,8). <>


Que faut-il donc entendre par en commençant par les derniers ! Le texte ne dit-il pas que les ouvriers vont recevoir leur salaire ? Aussi bien, d'après un autre passage de l'évangile, le Seigneur dira à ceux qu'il placera à sa droite : Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume préparé pour vous depuis la création du monde (Mt 25,34). Tous ensemble, ils doivent donc attendre pour recevoir leur salaire. Cela étant, comment comprendre que les ouvriers engagés à la onzième heure sont payés en premier lieu, tandis que ceux de la première heure le sont en dernier lieu ? Je remercierai Dieu si j'arrive à vous le faire comprendre. Quant à vous, vous devez remercier Celui qui se sert de nous pour vous prodiguer ses largesses; en effet, ce que nous vous donnons ne vient pas de nous.


Voici par exemple un homme qui a reçu son salaire après une heure, et un autre après douze heures de travail. Si l'on demande lequel des deux l'a reçu le premier, tout le monde répondra : "Celui qui l'a reçu après une heure de travail l'a eu avant celui qui l'a reçu après douze heures de travail." C'est ce qui se passe dans la parabole : tous les ouvriers ont reçu leur salaire à la même heure, mais les uns après une heure, et les autres après douze heures de travail. Aussi peut-on dire que ceux qui l'ont reçu après un temps plus court, ont été payés les premiers.


Les justes venus au monde en premier, comme Abel et Noé, ont été, pour ainsi dire, appelés à la première heure, et ils obtiendront le bonheur de la résurrection en même temps que nous. D'autres justes, venus après eux, Abraham, Isaac, Jacob et tous ceux qui vivaient à leur époque ont été appelés à la troisième heure, et ils obtiendront le bonheur de la résurrection en même temps que nous. Il en ira de même pour ces autres justes, Moïse, Aaron et tous ceux qui furent appelés avec eux à la sixième heure; puis les suivants, les saints prophètes, appelés à la neuvième heure, goûteront le même bonheur que nous.


Tous les chrétiens sont, pour ainsi dire, appelés à la onzième heure ; ils obtiendront, à la fin du monde, le bonheur de la résurrection avec ceux qui les ont précédés. Tous le recevront ensemble. Voyez pourtant combien de temps les premiers attendront avant d'y parvenir. Ainsi, ils obtiendront ce bonheur après une longue période, et nous, après peu de temps. Bien que nous devions le recevoir avec les autres, on peut dire que nous serons les premiers, puisque notre récompense ne se fera pas attendre.


Quand il s'agira de recevoir la récompense, nous serons tous à égalité, les premiers comme s'ils étaient les derniers, et les derniers comme s'ils étaient les premiers. Puisque aussi bien la pièce d'argent de la parabole est la vie éternelle, sa possession sera aussi la même pour tous. Néanmoins, en raison de la diversité des mérites, l'un resplendira plus, l'autre moins. Quant à la vie éternelle, elle sera la même pour tous, car ce qui est éternel ne durera ni plus longtemps pour l'un, ni moins longtemps pour l'autre; ce qui n'a pas de fin n'en aura ni pour moi ni pour toi. Alors, autre sera la splendeur de la chasteté conjugale, autre la gloire de la pureté virginale. Le fruit des bonnes oeuvres brillera de tel éclat, la couronne de la passion de tel autre, la gloire de l'un différera de celle de l'autre. Mais pour ce qui est de la vie éternelle, l'un ne vivra pas plus que l'autre, ni celui-ci plus que celui-là. En effet, chacun vivra également sans fin, tout en possédant sa propre gloire: car la pièce d'argent, c'est la vie éternelle !


Prière

Seigneur, tu es bon, et nous te regardons avec un oeil mauvais quand ta bonté sans mesure dépasse notre justice humaine. Élargis notre coeur aux dimensions de ton amour, toi qui donnes à ceux qui te servent la grâce inestimable du salut. Par Jésus Christ.


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