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XXXIIe Dimanche du Temps Ordinaire (C)

Vieilles dentelles et arsenic ? -



Les pharisiens et les sadducéens viennent pour tenter Jésus,

James Tissot (Nantes, 1836 - Buillon, 1902),

Dessin sur papier, couleurs à l’eau et crayon, entre 1886 et 1894,

Brooklyn Museum, New-York (U.S.A.)


Évangile de Jésus-Christ selon Saint Luc (Lc 20, 27-38)

En ce temps-là, quelques sadducéens – ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus et l’interrogèrent : « Maître, Moïse nous a prescrit : Si un homme a un frère qui meurt en laissant une épouse mais pas d’enfant, il doit épouser la veuve pour susciter une descendance à son frère. Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ; de même le deuxième, puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfants. Finalement la femme mourut aussi. Eh bien, à la résurrection, cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? » Jésus leur répondit : « Les enfants de ce monde prennent femme et mari. Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection. Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. »


Le peintre

James Tissot est un peintre peu connu en France, pourtant il est à l’origine d’une œuvre exceptionnelle représentant, un peu comme le fit Gustave Doré, de nombreux épisodes bibliques de l’Ancien et du Nouveau Testament, qui eurent un énorme succès à l’époque. Le côté un peu « pompier » de ses illustrations est certainement à l’origine de sa désaffection.


James (originairement Jacques Joseph) Tissot, peintre, graveur français. Il a grandi dans un port, une expérience que l’on retrouve dans ses dernières peintures situées à bord d’un navire. Il déménagea à Paris vers 1856 et est devenu élève de Louis Lamothe et d’Hippolyte Flandrin. Il fit ses débuts au Salon en 1859 et a continué à exposer avec succès jusqu'à ce qu'il gagne Londres en 1871.


Ses premières peintures illustrent les obsessions romantiques du Moyen Âge, tandis que des travaux tels que la Réunion de Faust et Marguerite (1861, Paris, Musée d'Orsay) et Marguerite aux rameaux (1861) montrent l'influence du peintre belge, le Baron Henri Leys. Au milieu des années 1860, Tissot abandonne ce type d’œuvres en faveur de sujets contemporains, parfois avec une intention humoristique, comme dans Two Sisters (1864, Paris, Musée du Louvre) et Beating the Retreat in the Tuileries Gardens (1868, collection privée). La peinture Jeunes dames regardant les objets japonais (1869, collection privée) témoigne de son intérêt pour l’Orient (1869, collection privée), profitant de cet attrait particulier lors du Directoire. Peut-être fut-il aussi influencé par les frères Goncourt. Tissot a recréé l'atmosphère des années 1790 en habillant ses personnages en costume historique.


Après avoir participé à la guerre franco-prussienne, il est resté dix ans à Londres, où il était très apprécié pour ses scènes de genre (par exemple, The Ball on Shipboard). En 1882, il se rend en Palestine. À partir de 1888, il vit une révélation religieuse et se consacre dès lors jusqu'à la fin de sa vie à des sujets bibliques, nourrissant son art d'observations effectuées lors de voyages en Palestine et à Jérusalem : ces œuvres chrétiennes largement éditées en français et en anglais lui assurent alors une grande renommée.


James Tissot finit sa vie dans le château familial de Buillon dans le Doubs : il y meurt le 8 août 1902. Sa notoriété est plus grande en Angleterre ou en Amérique qu'en France et l'on a pu dire qu'il était plus présent dans les histoires du costume que dans les histoires de la peinture, mais on redécouvre en France l'art de la mise en scène qu'il démontre dans ses tableaux et une subjectivité décelable derrière les sujets mondains et les peintures de genre qui retient l'attention.


L’œuvre

En visitant l’église Saint-Sulpice, James Tissot fit une expérience de la foi, après quoi il abandonna ses anciens sujets et se lança dans un projet ambitieux pour illustrer le Nouveau Testament. En préparation de l’œuvre, il fit des expéditions au Moyen-Orient pour s’imprégner du paysage, de l’architecture, des costumes et coutumes de la Terre Sainte et de son peuple, qu’il enregistra dans des photographies, des notes et des croquis. Contrairement aux artistes précédents, qui avaient souvent dépeint des figures bibliques de façon anachronique, Tissot peignit ses nombreuses figures en costumes qu’il croyait historiquement authentiques, réalisant sa série avec une exactitude archéologique considérable.


Présentée pour la première fois à Paris en 1894, l’aquarelle a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme et une exposition très médiatisée s’est ensuite rendue à Londres et aux États-Unis, visitant Manhattan, Brooklyn, Boston, Philadelphie et Chicago. En 1900, à la suggestion de John Singer Sargent, le Musée décide d’acquérir la série ; les fonds d’achat sont recueillis principalement par abonnement public, encouragé, en partie, par des appels dans le journal Brooklyn Daily Eagle exhortant les lecteurs à contribuer à la campagne.


Ce que je vois

À l’extérieur, un terrasse domine un jardin en contrebas. Sur le parapet de pierre, Jésus est assis avec sept de ses disciples, sous un arbre dont les frondaisons les protègent du soleil ardent. Le Christ n’est habillé que de blanc alors que les autres ont des tenues colorées et sont d’âges divers. Devant eux, debout, un groupe de cinq hommes. Ils semblent en colère, mais sur les hanches, ou dubitatifs, se prenant le menton. La controverse apparaît immédiatement à la vue de cette scène.


La résurrection des morts

« La question essentielle posée à la vie humaine, c’est la mort ; si l’on n’y répond pas, on n’a, en définitive, rien répondu du tout. »

Joseph Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, Paris, 1987.


Ma première réaction est de m’inquiéter d’une telle épouse : elle en a usé sept ! Ou alors, est-elle une empoisonneuse patentée, maîtresse dans l’utilisation de l’arsenic ! Méfions-nous de sa soupe...


Trêve de plaisanterie. Jésus se trouve confronté à un groupe juif, les Sadducéens, qui ne croient pas à la résurrection des morts. Il faut bien dire que cette théologie est assez récente. Elle prend sa source dans la Bible, mais aussi et surtout dans la révolte maccabéenne.


Dans la Bible

Ne citons qu’un texte, la vision d’Ézéchiel (37, 1-14) :

La main du Seigneur se posa sur moi, par son esprit il m’emporta et me déposa au milieu d’une vallée ; elle était pleine d’ossements. Il me fit circuler parmi eux ; le sol de la vallée en était couvert, et ils étaient tout à fait desséchés. Alors le Seigneur me dit : « Fils d’homme, ces ossements peuvent-ils revivre ? » Je lui répondis : « Seigneur Dieu, c’est toi qui le sais ! » Il me dit alors : « Prophétise sur ces ossements. Tu leur diras : Ossements desséchés, écoutez la parole du Seigneur : Ainsi parle le Seigneur Dieu à ces ossements : Je vais faire entrer en vous l’esprit, et vous vivrez. Je vais mettre sur vous des nerfs, vous couvrir de chair, et vous revêtir de peau ; je vous donnerai l’esprit, et vous vivrez. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur. » Je prophétisai, comme j’en avais reçu l’ordre. Pendant que je prophétisais, il y eut un bruit, puis une violente secousse, et les ossements se rappr. ochèrent les uns des autres. Je vis qu’ils se couvraient de nerfs, la chair repoussait, la peau les recouvrait, mais il n’y avait pas d’esprit en eux. Le Seigneur me dit alors : « Adresse une prophétie à l’esprit, prophétise, fils d’homme. Dis à l’esprit : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Viens des quatre vents, esprit ! Souffle sur ces morts, et qu’ils vivent ! » Je prophétisai, comme il m’en avait donné l’ordre, et l’esprit entra en eux ; ils revinrent à la vie, et ils se dressèrent sur leurs pieds : c’était une armée immense ! Puis le Seigneur me dit : « Fils d’homme, ces ossements, c’est toute la maison d’Israël. Car ils disent : “Nos ossements sont desséchés, notre espérance est détruite, nous sommes perdus !” C’est pourquoi, prophétise. Tu leur diras : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. Vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple ! Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ; je vous donnerai le repos sur votre terre. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur : j’ai parlé et je le ferai – oracle du Seigneur. »


La révolte des Maccabées

La Révolte des Maccabées a été à la fois une révolte des Juifs pieux contre la dynastie grecque des Séleucides, et un conflit interne au peuple juif opposant des traditionalistes hostiles à l'évolution de la tradition juive au contact de la culture grecque et des Juifs hellénisants, plus favorables à l'adoption de comportements grecs compatibles selon eux avec la Torah. Cet épisode se situe au IIème siècle avant Jésus-Christ, entre -175 et -140. Les dirigeants de cette révolte sont Mattathias et ses fils, notamment Judas Maccabée et Simon Maccabée. Et de cet événement fondamental pour l’histoire d’Israël, va naître une interprétation qui s’appuie sur le récit du :


2ème livre des Martyrs d’Israël au chapitre 7 :

Sept frères avaient été arrêtés avec leur mère. À coups de fouet et de nerf de bœuf, le roi Antiocos voulut les contraindre à manger du porc, viande interdite. L’un d’eux se fit leur porte-parole et déclara : « Que cherches-tu à savoir de nous ? Nous sommes prêts à mourir plutôt que de transgresser les lois de nos pères. » Fou de rage, le roi ordonna que l’on chauffe des poêles et des chaudrons. Dès qu’ils furent brûlants, il ordonna de couper la langue de celui qui s’était fait leur porte-parole, de lui arracher la peau de la tête et de lui couper les mains et les pieds, sous les yeux de ses autres frères et de sa mère. Lorsqu’il fut complètement mutilé, le roi ordonna de l’amener près du brasier et de le faire passer à la poêle, alors qu’il respirait encore. Tandis que des vapeurs abondantes se répandaient autour de la poêle, les autres s’exhortaient mutuellement, avec leur mère, à mourir avec noblesse. Ils disaient : « Le Seigneur Dieu nous voit et, en vérité, nous apporte le réconfort, comme Moïse l’a clairement affirmé dans son cantique où il témoigne, à la face de tous, que Dieu réconfortera ses serviteurs. » Lorsque le premier fut mort de cette manière, on amena le deuxième pour le torturer. On lui arracha la peau de la tête avec les cheveux, puis on lui demanda : « Mangeras-tu, plutôt que d’être châtié dans ton corps, membre par membre ? » Mais il répondit, dans la langue de ses pères : « Non ! » C’est pourquoi lui aussi subit aussitôt les mêmes sévices que le premier. Au moment de rendre le dernier soupir, il dit : « Tu es un scélérat, toi qui nous arraches à cette vie présente, mais puisque nous mourons par fidélité à ses lois, le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle. » Après cela, le troisième fut mis à la torture. Il tendit la langue aussitôt qu’on le lui ordonna et il présenta les mains avec intrépidité, en déclarant avec noblesse : « C’est du Ciel que je tiens ces membres, mais à cause de ses lois je les méprise, et c’est par lui que j’espère les retrouver. » Le roi et sa suite furent frappés de la grandeur d’âme de ce jeune homme qui comptait pour rien les souffrances. Lorsque celui-ci fut mort, le quatrième frère fut soumis aux mêmes sévices. Sur le point d’expirer, il parla ainsi : « Mieux vaut mourir par la main des hommes, quand on attend la résurrection promise par Dieu, tandis que toi, tu ne connaîtras pas la résurrection pour la vie. » On amena aussitôt le cinquième pour le tourmenter. Fixant les yeux sur le roi, il dit : « Tout mortel que tu es, tu as autorité sur les hommes et tu fais ce que tu veux. Ne t’imagine pas pour autant que notre race soit abandonnée de Dieu. Mais toi, attends : tu verras combien sa puissance est grande et de quelle manière il sévira contre toi-même et ta descendance ! » Après celui-là, on amena le sixième, et lorsqu’il fut sur le point de mourir, il dit : « Ne te fais pas de vaine illusion : c’est à cause de nous-mêmes que nous endurons ces souffrances, pour avoir péché contre notre propre Dieu. De là viennent ces malheurs surprenants. Mais toi, ne va pas croire que tu resteras impuni, pour avoir entrepris de faire la guerre à Dieu. » Leur mère fut particulièrement admirable et digne d’une illustre mémoire : voyant mourir ses sept fils dans l’espace d’un seul jour, elle le supporta vaillamment parce qu’elle avait mis son espérance dans le Seigneur. Elle exhortait chacun d’eux dans la langue de ses pères ; cette femme héroïque leur parlait avec un courage viril : « Je suis incapable de dire comment vous vous êtes formés dans mes entrailles. Ce n’est pas moi qui vous ai donné l’esprit et la vie, qui ai organisé les éléments dont chacun de vous est composé. C’est le Créateur du monde qui façonne l’enfant à l’origine, qui préside à l’origine de toute chose. Et c’est lui qui, dans sa miséricorde, vous rendra l’esprit et la vie, parce que, pour l’amour de ses lois, vous méprisez maintenant votre propre existence. » Antiocos s’imagina qu’on le méprisait, et soupçonna que ce discours contenait des insultes. Il se mit à exhorter le plus jeune, le dernier survivant. Bien plus, il lui promettait avec serment de le rendre à la fois riche et très heureux s’il abandonnait les usages de ses pères : il en ferait son ami et lui confierait des fonctions publiques. Comme le jeune homme n’écoutait pas, le roi appela la mère, et il l’exhortait à conseiller l’adolescent pour le sauver. Au bout de ces longues exhortations, elle consentit à persuader son fils. Elle se pencha vers lui, et lui parla dans la langue de ses pères, trompant ainsi le cruel tyran : « Mon fils, aie pitié de moi : je t’ai porté neuf mois dans mon sein, je t’ai allaité pendant trois ans, je t’ai nourri et élevé jusqu’à l’âge où tu es parvenu, j’ai pris soin de toi. Je t’en conjure, mon enfant, regarde le ciel et la terre avec tout ce qu’ils contiennent : sache que Dieu a fait tout cela de rien, et que la race des hommes est née de la même manière Ne crains pas ce bourreau, montre-toi digne de tes frères et accepte la mort, afin que je te retrouve avec eux au jour de la miséricorde. » Lorsqu’elle eut fini de parler, le jeune homme déclara : « Qu’attendez-vous ? Je n’obéis pas à l’ordre du roi, mais j’écoute l’ordre de la Loi donnée à nos pères par Moïse. Et toi qui as inventé toutes sortes de mauvais traitements contre les Hébreux, tu n’échapperas pas à la main de Dieu. Car nous, c’est à cause de nos propres péchés que nous souffrons. En effet, notre Seigneur qui est vivant s’est irrité un moment contre nous, en vue de nous réprimander et de nous éduquer, mais de nouveau il se réconciliera avec ses serviteurs. Et toi, impie, le plus infâme de tous les hommes, ne t’enfle pas d’orgueil sans raison en te berçant d’espoirs incertains, alors que tu portes la main sur les serviteurs du Ciel, car tu n’as pas encore échappé au jugement du Dieu tout-puissant qui voit tout ! Nos frères, maintenant, ont supporté une épreuve passagère, pour une vie intarissable : ils sont tombés à cause de l’alliance de Dieu. Mais toi, par le jugement de Dieu, tu recevras le juste châtiment de ton arrogance. Quant à moi, comme mes frères, je me livre corps et âme pour les lois de nos pères, en suppliant Dieu de se montrer bientôt favorable à la nation et de t’amener, par des épreuves et des fléaux, à confesser que lui seul est Dieu. Je prie aussi pour que la colère du Tout-Puissant, justement déchaînée sur l’ensemble de notre race, prenne fin avec ma mort et celle de mes frères. » Fou de rage, exaspéré par la moquerie, le roi s’acharna contre ce dernier plus cruellement encore que contre les autres. Le jeune homme mourut donc, pur de toute souillure, mettant toute sa confiance dans le Seigneur. Enfin, après tous ses fils, la mère mourut la dernière.

Retenons simplement ce que dit cette mère : « C’est le Créateur du monde qui façonne l’enfant à l’origine, qui préside à l’origine de toute chose. Et c’est lui qui, dans sa miséricorde, vous rendra l’esprit et la vie, parce que, pour l’amour de ses lois, vous méprisez maintenant votre propre existence. »


Votre mort ne peut être inutile. Dieu vous rendra l’esprit et la vie. La résurrection des morts n’a jamais été aussi clairement affirmée dans le Premier Testament. Et il est même surprenant de mettre en parallèle cet évangile de la femme aux sept maris avec cette mère aux sept enfants assassinés... Mais, les Sadducéens ne s’en tenant quasiment qu’au Pentateuque ne pouvait qu’affirmer qu’aucune mention de la résurrection n’était faite dans la Bible, et donc ne pas y croire et même la contester.


La loi du lévirat

Et alors, ils veulent prendre Jésus en défaut sur une loi issue du Pentateuque : la loi du lévirat (Dt 25, 5-10) :

Lorsque des frères habitent ensemble, si l’un d’eux meurt sans avoir de fils, l’épouse du défunt ne pourra pas appartenir à quelqu’un d’étranger à la famille ; son beau-frère viendra vers elle et la prendra pour femme ; il accomplira ainsi envers elle son devoir de beau-frère. Le premier-né qu’elle mettra au monde perpétuera le nom du frère défunt ; ainsi, ce nom ne sera pas effacé d’Israël. Mais si l’homme ne désire pas épouser sa belle-sœur, celle-ci ira trouver les anciens à la porte de la ville et leur dira : « Mon beau-frère refuse de perpétuer le nom de son frère en Israël ; il ne veut pas accomplir envers moi son devoir de beau-frère. » Les anciens de la ville le convoqueront et lui parleront. Il se tiendra devant eux et dira : « Je ne veux pas épouser ma belle-sœur. » Alors sa belle-sœur s’avancera vers lui, sous les yeux des anciens ; elle lui retirera la sandale du pied et lui crachera au visage ; puis elle déclarera : « C’est ainsi que l’on traite l’homme qui ne rebâtit pas la maison de son frère. » Et dorénavant, en Israël, on l’appellera : « Maison du déchaussé ».

Cette loi permettait d’assurer la perpétuation du nom de famille et de l’héritage. Et Jésus doit lui-même se rappeler que cette loi fut appliquée dans sa propre famille et assura ainsi sa généalogie davidique, ne serait-ce que pour Ruth et Booz... C’est donc sérieux ! Et les Sadducéens sont trop contents de le coincer sur cette question, d’où leur ton narquois, pour ne pas dire un peu trivial...


Changement de point de vue

Il est intéressant de noter qu’à la question au futur des Sadducéens, Jésus répond au présent. Ce n’est pas une allusion à une vie éternelle post-Jugement, mais pour aujourd’hui, pour ceux qui déjà bénéficient de cette résurrection. Ne le promettrait-il pas au bon larron ? « Aujourd’hui, tu seras avec moi au Paradis » (Luc 23, 43)


La question reste de savoir qui aura été jugé digne de cette résurrection... Je ne peux que penser, une nouvelle fois, à la page de Dostoïevski dans Crime et châtiment, et cette vison du Jugement Dernier par Marmeladov. Ce n’est pas nous qui jugeons de notre dignité, mais Dieu seul !


Pourquoi se marier ?

Cela pourrait être, de fait, la question sous-jacente. Beaucoup répondront par amour (il suffit de se rappeler le sempiternel débat que nous avons subi lors du mariage pour tous). Bien sûr, mais d’abord pour la perpétuation de l’humanité. Dieu a même fait de cette urgente génération humaine le principe du Salut. La preuve en est que l’Église n’aborde pas la question de l’amour dans sa théologie du mariage. Bien sûr, elle est nécessaire, mais non suffisante. Par contre, un couple qui refuse d’engendrer ne peut se marier. Et si la théologie sponsale s’appuie sur cette idée de procréation, il est logique que lorsque cette possibilité d’engendrement disparaît, le lien disparaît aussi. Et c’est bien pour cela que les veufs et veuves peuvent se remarier.


Au ciel, nulle question de procréation. Un seul objectif : tourner notre regard vers Dieu, le laisser rayonner sur nous pour nous transformer en lui.


Il est le Dieu des vivants

Et non des morts. Des vivants sur terre, et des vivants au ciel. Et devant Dieu, que peut-on faire d’autre que le contempler ? Notre Dieu est le créateur, le rédempteur et le régénérateur de la Vie. Il n’est que Vie et vivifiant par son Esprit, comme nous le confessons.


Concluons avec Athanase d’Alexandrie, De l’incarnation du Verbe (I, 6-10) :

La mort sévissait de toutes ses forces contre les hommes... mais par la nature humaine qu’assumait le Verbe de Dieu, la mort fut vaincue et la résurrection de vie fut assurée... Désormais, ce n’est pas comme des condamnés que nous mourons, mais comme des gens qui se réveilleront ; et nous attendons la résurrection que Dieu manifestera en son temps, lui qui l’a décrétée et qui l’a donnée.

Traité de saint Irénée (+ 200), Contre les hérésies, 4, 5, 2-4; d'après la traduction d'A. Rousseau, Paris, Cerf, 1984, 416-417.

Quand notre Seigneur et Maître répondit aux sadducéens qui niaient la résurrection et, à cause de cela, méprisaient Dieu et ridiculisaient la Loi, il a tout à la fois prouvé la résurrection et fait connaître Dieu: Au sujet de la résurrection des morts, n'avez-vous pas lu ce que Dieu vous a dit : Moi, je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob (Mt 22,31-32) ? Et il ajoute : Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants (Mt 22,32 Lc 20,38). Par là il a fait connaître clairement que celui qui, du sein du buisson, parla à Moïse et déclara être le Dieu des pères, c'est lui le Dieu des vivants. Or qui donc serait le Dieu des vivants, sinon le vrai Dieu, au-dessus duquel il n'y a pas d'autre Dieu ? C'est lui qu'avait annoncé le prophète Daniel. À Cyrus, le roi des Perses, qui lui demandait: Pourquoi n'adores-tu pas Bel ?, celui-ci répondait : Parce que je ne vénère pas des idoles faites de main d'homme, mais le Dieu vivant qui a créé le ciel et la terre et qui a pouvoir sur toute chair (Da 14,5). Il disait encore : J'adorerai le Seigneur, mon Dieu, parce que c'est lui le Dieu vivant (Da 14,25).


Ainsi le Dieu qu'adoraient les prophètes, le Dieu vivant, c'est lui le Dieu des vivants, ainsi que son Verbe, qui a parlé à Moïse, qui a aussi confondu les sadducéens et accordé la résurrection; à partir de la Loi, il a démontré à ces aveugles deux choses: la résurrection et Dieu. Car s'il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants, et si lui-même est appelé le Dieu des pères qui se sont endormis, sans aucun doute ils sont vivants pour Dieu et n'ont pas péri, puisqu'ils sont fils de la résurrection (Lc 20,36).


Or la résurrection, c'est notre Seigneur en personne, ainsi qu'il le dit lui-même : Je suis la résurrection et la vie (Jn 11,25). Et les pères sont ses fils, car il a été dit par le prophète : Au lieu de pères qu'ils étaient, ils sont devenus tes fils (d'après Ps 44,17). Le Christ lui-même est donc bien, avec le Père, le Dieu des vivants qui a parlé à Moïse et qui s'est manifesté aux pères.


C'est précisément ce qu'il enseignait, lorsqu'il disait aux Juifs : Abraham votre père a tressailli d'allégresse dans l'espoir de voir mon Jour. Il l'a vu, et il a été dans la joie (Jn 8,56). Qu'est-ce à dire ? Abraham eut foi en Dieu, et de ce fait, Dieu estima qu'il était juste (Rm 4,3 Ga 3,6 ; cf. Gn 15,6). Il crut, en premier lieu, que c'était lui l'Auteur du ciel et de la terre, le seul Dieu (cf. Gn 14,22) ; ensuite, qu'il rendrait sa postérité pareille aux étoiles du ciel (cf. Gn 15,5). C'est le mot même de Paul : Vous brillez comme des astres dans l'univers (Ph 2,15).


C'est donc à juste titre que, laissant là toute sa parenté terrestre, il suivait le Verbe de Dieu, se faisant étranger avec le Verbe afin de devenir concitoyen du Verbe (cf. Gn 12,1-5). C'est à juste titre aussi que les Apôtres, ces descendants d'Abraham, laissant là leur barque et leur père, suivaient le Verbe (cf. Mt 4,22). C'est à juste titre enfin que nous, qui avons la même foi qu'Abraham, prenant notre croix comme Isaac prit le bois (cf. Gn 22,6), nous suivons ce même Verbe. Car, en Abraham, l'homme avait appris par avance et s'était accoutumé à suivre le Verbe de Dieu.


Prière

Seigneur, Dieu des vivants, par le Christ vainqueur de la mort tu nous appelles à une vie sans déclin. Fais de nous tes fils et les héritiers de la résurrection, pour que nous puissions, avec les anges, contempler ta gloire à jamais. Par Jésus Christ.

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