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IVe Dimanche de Pâques (C)

Nous sommes UN… -



La Passion selon saint Jean,

Françoise BURTZ (artiste contemporaine),

Huile sur bois, 200 x 210 cm en 21 panneaux de 45 cm × 30 cm,

Fribourg (Suisse)


Livre de l’Apocalypse (Ap 7,9.14b-17)

Moi, Jean, j’ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. L'un des Anciens me dit : « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux. Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, ni le soleil ni la chaleur ne les accablera, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. »


L’artiste

Extrait de son site : www.francoiseburtz.org

Françoise Burtz est née en Alsace, à Issenheim, d’une mère artiste-peintre et d’un père ingénieur, elle est très tôt initiée à l’art et aux couleurs. Très jeune, elle est fascinée et impressionnée par le fameux retable d’Issenheim du Maître Matthias Grünewald. Ce peintre la marquera à jamais et lui servira de maître.


Elle entre aux Beaux Arts de Paris en 1962, où elle côtoie des artistes très novateurs. A cette époque, de très nombreuses normes, notamment esthétiques, sont remises en cause : il faut couper avec les racines du passé et fuir le conformisme, c’est une source d’inspiration nouvelle.


Françoise Burtz trouve alors son absolu dans un retour à la foi chrétienne, dans la découverte des mystiques chrétiens et des Pères de l’Église.


Elle entame alors des études de théologie à Fribourg (Suisse) et s’installe ensuite dans le Nord de la France, auprès de théologiens novateurs qui commençaient à déployer une intuition nouvelle : proposer des catéchèses pour adultes fondées sur une approche artistique originale et variée. Elle intègre un ermitage, atelier de peinture, près de la Trappe du Mont des Cats dans le Nord de la France et commence à peindre des tableaux théologiques.


L’œuvre

Commentaires issus d'entretiens avec l'artiste : le tableau se lit par colonne de haut en bas puis de gauche vers la droite.


Tout commence et finit au jardin. Pour Françoise Burtz, Saint Jean exagère car il fait le lien entre le paradis terrestre et la Passion du Christ. La Passion est le mystère du deuxième Adam qui deviendra le fruit de l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal pour que l'homme soit divinisé.


Dans la première colonne, Françoise Burtz a choisi de représenté la Cène, alors qu'elle n'existe pas comme telle dans l'Évangile de Saint Jean. Elle réaffirme par là la présence réelle de Jésus dans l'Eucharistie. Lors de l'arrestation de Jésus, il y a plus de torches que d'armes. Ceux qui sont venus l'arrêter se prosternent en adoration devant Jésus. En vert, c'est Judas qui trahit Jésus par un baiser.


En dessous, un troupeau et du pain avec la main de Jésus qui tient un bâton de berger. Jésus est le bon pasteur qui prend soin de ses brebis : « ceux-là, laissez-les partir » En dessous, c'est le serviteur Malchus qui s'est fait trancher l'oreille. La coupe représente l'ancien culte qui sera remplacé par le nouveau, dans la quatrième colonne.


Entre la première et la deuxième colonne, Jésus répond à ceux qui sont venus l'arrêter : « C'est moi » c'est-à-dire le « Je suis » biblique. C'est le même « Je suis » que Dieu utilise pour se présenter à Moïse dans l'épisode du buisson ardent.


La deuxième colonne, ce sont les trois reniements de Pierre. Il répond l'inverse de Jésus, il dit « Je ne suis pas ». En lui se joue le mystère de l'Église : elle renie Jésus et réaffirme pus tard son amour pour le Christ.


La colonne du centre contient sept tableaux C'est le chiffre parfait. C'est la colonne où tout se joue. Plus le Christ est humilié, plus il est glorifié ! Il n'y a pas d'ignominie, pas de flagellation, ni de crachat. La flagellation est remplacée par le manteau de pourpre de César, Jésus est d'ailleurs debout sur la chaise de la curule romaine, symbole du pouvoir. Il y a encore une fois une référence au bon pasteur dans le deuxième panneau de la colonne. Pilate est en haut, Barabas en vert à la gauche de Jésus. Jésus rayonne avec sa couronne d'épines et se tient dans la nuée comme dans les visions de Daniel. Aux pieds de Jésus, quelqu'un tient un caillou pour le lapider. Cependant, ce n'est pas Jésus qui est jugé mais c'est le monde qui est jugé par Jésus : « Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi s'il ne t'était donné d'en haut ».


En haut de la quatrième colonne, il y a toutes les nations car le monde est jugé. Le manteau est joué aux dés car il ne peut être divisé. Les soldats regardent Jésus. De son cœur sortent l'eau et le sang du nouveau culte. Marie est accrochée à son Fils et un filet d'eau de sa part rejoint celle du calice. Marie est co-rédemptrice comme le souligne Saint Paul qui demande un complément de la croix par nos souffrances. Au pied de la croix, un agneau en référence à l'Apocalypse et à la compagnie de l'Agneau décrite dans l'Apocalypse. L'Agneau porte une bannière à l'effigie de Jésus : nous sommes sous la bannière du Christ car nous sommes ses disciples. C'est le même sacrifice de Jésus qui se déroule à la messe. La messe est le sacrifice qui enfante de nouveaux disciples.


Le dernier panneau représente l'ensevelissement du Seigneur. C'est le retour au Jardin.


L’Agneau


Visuellement, l’œuvre de Françoise Burtz, nous montre à deux reprises des agneaux : à gauche ceux que le Pasteur protège ; à droite l’Agneau de l’Apocalypse. Mais l’Agneau de Dieu n’est-il pas présent tout au long de l’œuvre en la personne de Jésus ? Ce Jésus que nous distinguons sur la bannière de la Résurrection de l’Agneau de l’Apocalypse. Cet Agneau nimbé qui chevauche le Livre de la Vie, et dont le côté ouvert laisse couler de l’eau et du sang, la fontaine de vie que représentât si brillamment le Retable de l’Agneau mystique des frères Van Eyck à Gand.


Une communauté, ce peuple de saints…

Moi, Jean, j’ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. L'un des Anciens me dit : « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux. Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, ni le soleil ni la chaleur ne les accablera, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. »

Le texte de l’Apocalypse nous parle d’une foule immense, tous vêtus de robe blanche et tenant en main les lulav, les Rameaux d’acclamation. Ne serait-ce pas nous, notre communauté, lorsque le Dimanche des Rameaux et de la Passion nous avons accompagné le Christ sur le chemin de la croix et de la vie ? Nous aussi sommes devant le Trône, ce trône vide qu’est le siège de présidence, ce trône de la présence-absence du Seigneur au sein de notre communauté. Nous, encore, sommes devant l’Agneau de Dieu, présenté à l’Eucharistie. N’est-ce pas là où il vient se donner à nous ? N’est-ce pas là où il nous revêt de sa blancheur immaculée, où il vient nous transfigurer lorsque nous communions à son Corps ?


Nous-mêmes, n’avons-nous pas traversé les épreuves, les épreuves de nos vies personnelles, les épreuves de la barque de l’Église, les chemins de croix quotidiens que nous devons affronter avec courage et détermination ? La devise du chrétien ne serait-elle pas « tenir et durer… » ? N’avons-nous pas lavé notre robe dans le bain du baptême, purifiés de nos péchés, noyant nos Égyptiens dans les eaux de la Mer Rouge ? Le Christ, en s’offrant sur la Croix pour nous sauver, ne nous a-t-il pas blanchis par son Sang ?


C’est pourquoi nous voici, à cette messe, devant son Trône. Parce qu’il nous a purifié, parce qu’il nous a aidé à traverser la grande épreuve de nos vies, parce qu’il est Celui que nous devons rejoindre, parce qu’il est Celui qui vient habiter nos vies. C’est pour cela que nous sommes devant son Trône, devant son autel. Et si nous y sommes, c’est pour le servir, jour et nuit. C’est pour le prier. C’est pour l’adorer. C’est pour le voir, Lui, l’invisible. C’est pour l’aimer, Lui, le tout-amour. Et que pourrions-nous faire d’autre, pour le servir, que de le laisser envahir nos vies, nos âmes, nos corps, nos esprits ? Que pourrions-nous faire d’autre que de lui offrir tout notre être pour qu’il le transforme en sa présence ? Que pourrions-nous faire d’autre que d’être des hosties vivantes pour lui ? Je ne peux que vous inviter à relire, ou à lire…, l’épître aux Hébreux dans son intégralité.


C’est dans son sanctuaire que nous devons le servir. Ce sanctuaire, comme le dira Paul, c’est notre corps. Ce sanctuaire, c’est son Église, église de pierre, mais aussi Église des hommes qui la composent. Servir ce Corps du Christ par nos paroles et nos actes, par notre foi et notre prière, par tout notre être, corps, âme et esprit. Pas de demi-mesure ! Alors, il viendra établir sa demeure en nous. Lui qui déjà nous avait établi comme apôtre. Aujourd’hui, c’est Lui qui vient habiter en nous. Il est à la porte et il frappe… Vais-je lui ouvrir ?


Si je lui ouvre, c’est Lui qui viendra souper chez moi. Et comme pour la veuve de Sarepta, c’est Lui qui apportera tout ce qu’il faut pour souper. Nous n’aurons plus faim, nous n’aurons plus soif. Tout s’apaisera, tout s’harmonisera. Tout sera mélodieux. Car Il sera là, avec nous, au milieu de nous. Mais ai-je encore faim ? Ai-je encore soif ? Suis-je encore altéré de Dieu ? Suis-je prêt au sacrifice pour Lui ?


Ne nous leurrons pas, il n’y a qu’en offrant totalement, sans retenue notre vie au Christ, qu’il essuiera toute larme de nos yeux. La vraie question est : ai-je encore faim et soif de Dieu ? Comme le disait Georges Bernanos :

Le démon de notre coeur s'appelle "A quoi bon !"
Le monde moderne n'a pas le temps d'espérer, ni d'aimer, ni de rêver.
La vie, même avec la gloire qui est la plus belle chose humaine, est une chose vide et sans saveur quand on n'y mêle pas toujours absolument Dieu.
Nous voulons tout ce que Dieu veut, mais nous ne savons pas que nous le voulons, nous ne nous connaissons pas, nous ne rentrons en nous que pour mourir, et c'est là qu'il nous attend.


Homélie de saint Cyrille d'Alexandrie (+ 444), Commentaire sur l'évangile de Jean, 7, 10, 26, PG 74, 20.

La marque distinctive des brebis du Christ, c'est leur aptitude à écouter, à obéir, tandis que les brebis étrangères se distinguent par leur indocilité. Nous comprenons le verbe "écouter" au sens d'acquiescer à ce qui a été dit. Et ceux-là qui l'écoutent sont "connus" de Dieu, car "être connu" signifie être uni. Il n'y a personne qui soit entièrement ignoré de Dieu. Donc, lorsque le Christ dit : Je connais mes brebis, il veut dire: "Je les accueillerai et je les unirai à moi d'une union mystique et permanente."


On peut dire qu'en se faisant homme, il s'est apparenté à tous les hommes par communauté de nature: nous sommes tous unis au Christ par une relation mystique en raison de son incarnation. Mais tous ceux qui ne gardent pas de ressemblance avec sa sainteté lui sont devenus étrangers. <>


Mes brebis me suivent, dit encore le Christ. En effet, les croyants, par la grâce divine, suivent les pas du Christ. Ils n'obéissent pas aux préceptes de la Loi, qui n'étaient que des figures, mais, en suivant par la grâce les préceptes du Christ, ils s'élèveront jusqu'à sa hauteur, conformément à leur vocation de fils de Dieu. Quand le Christ monte au ciel, ils le suivent jusque-là.


Le Christ promet à ceux qui le suivent de leur accorder le salaire et la récompense de la vie éternelle. Il leur promet aussi de les soustraire à la mort et à la corruption, ainsi qu'aux supplices que le juge réclame contre eux pour leurs transgressions. Le Christ, du fait qu'il donne la vie, montre qu'il est par nature la vie en personne, et qu'il la donne de lui-même, sans la recevoir d'un autre.


Par vie éternelle, nous ne comprenons pas cette succession interminable de jours, que tous, bons ou mauvais, posséderont après la résurrection, mais cette vie où l'on demeure dans la joie. On peut aussi comprendre "la vie" au sens de l'eucharistie. Par celle-ci, le Christ greffe en nous sa propre vie, en faisant participer les croyants à sa propre chair, selon sa parole : Celui qui mange m a chair et boit mon sang a la vie éternelle (Jn 6,54).


Prière

Dieu éternel et tout-puissant, guide-nous jusqu'au bonheur du ciel ; que le troupeau parvienne, malgré sa faiblesse, là où son Pasteur est entré victorieux. Lui qui règne.

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