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VIIe Dimanche de Pâques (C)

Que tous soient un -



Christ orant,

Anonyme,

Bas-relief en pierre calcaire, XIVe siècle,

Cloître de la Cathédrale Saint-Trophime, Arles (France)


Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean (Jn 17, 20-26)

En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi : « Père saint, je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu, et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux. »


Le cloître

Extrait du site de la ville

Le cloître Saint-Trophime est au centre des bâtiments canoniaux de la cité épiscopale. A partir du XIIe siècle, l’espace au sud de la cathédrale Saint-Trophime est occupé par deux grands ensembles : d’une part, le palais de l’évêque, d’autre part, le claustrum, un espace réservé à la communauté des chanoines, « ceux qui vivent selon la loi de l’Eglise». Vers cette époque, le Chapitre d’Arles est touché par la réforme grégorienne. Celle-ci tente d’imposer une règle de vie commune à ces clercs chargés d’assister l’évêque et de gérer les biens de l’Eglise. On entreprit donc la construction de bâtiments conventuels organisés autour d’un cloître. Les deux premières galeries, romanes, de ce dernier, présentent des sculptures d’une exceptionnelle qualité, véritables fleurons de l’art roman provençal. L’édifice sera complété au XIVe siècle de deux autres galeries de style gothique. Les modifications ultérieures de la cité épiscopale préserveront le cloître et ses salles adjacentes. Cependant le temps, l’érosion pluviale et la pollution atmosphérique mettront à mal ces joyaux de la statuaire médiévale.


La décoration


Les galeries romanes

Le décor des galeries romanes (nord et est), est d’une richesse exceptionnelle. Pour la galerie nord le programme iconographique associe étroitement deux thèmes : une réflexion sur le mystère pascal et une exaltation des saints patrons de l’église d’Arles élevés à la dignité des Apôtres.


Dans la galerie est, plus large, l’arcade intègre de nouveaux éléments comme la mouluration des arceaux et des motifs caractéristiques de l’époque gothique, figurés dans des écoinçons : vierges sages et vierges folles ou symboles des Evangélistes.



L’iconographie y est fort différente de celle de la première galerie : tandis que l’évocation de la Passion s’inscrit sur les piliers, les chapiteaux offrent, en sens inverse de lecture, un récit vivant de l’enfance et de la vie publique du Christ.


Les galeries gothiques

Les deux dernières galeries, (sud et ouest), voûtées sur croisées d’ogives, et le grand portail gothique dans le mur sud du cloître ne furent réalisés que vers 1370-1380.


Les piles de la galerie sud, la plus ancienne des deux, sont ornées de niches qui abritaient jadis des statuettes. Le décor sculpté des chapiteaux illustre la vie de saint Trophime, d’après le récit qui en est fait dans un poème rédigé vers 1225.


Le programme iconographique de la galerie ouest est moins cohérent que dans les autres galeries. Des épisodes bibliques se mêlent à des thèmes chers aux Arlésiens, accordant une large place aux dévotions nouvelles comme le Couronnement de la Vierge ou le culte des saints de Béthanie.


Le centre du cloître de la cathédrale Saint-Trophime est constitué d’un jardin, ancien cimetière. Les voûtes de ces galeries sont soutenues vers l’intérieur par des piliers et des colonnettes et vers l’extérieur par des pilastres engagés dans les murs clôturant le cloître.


Ce que je vois

Ce médaillon se situe dans la galerie gothique. Il est taillé en moyen-relief et placé sur le haut d’un pilastre. Dans un sorte de blason, ressemblant à un drap tenu, apparaît le visage du Christ. On ne peut que penser aux représentations du Linceul de Turin qui commencent à se développer à l’époque.



La Sainte Face

Philippe de Champaigne (Bruxelles, 1602 - Paris, 1674)

Inscrit en latin dans la partie inférieure Dedi genas meas vellentibus. / Faciem meam conspuentibus. Huile sur toile, 70,2 x 56 cm

Collection privée


Mais ici, on voit plus que le visage : c’est la face du Christ avec son torse et ses deux bras. Son visage est sévère et on voit à peine sa barbe courte. Derrière sa tête aux cheveux peignés, on aperçoit l’auréole. Son torse est couvert d’une tunique d’où sortent ses deux mains levées. Il est dans la position de l’orant, celui qui prie. Telle cette fresque des catacombes Sainte-Priscilla de Rome, vers 260 :



Belle illustration de l’évangile de ce jour. Mais ici, le Christ ne lève pas les yeux vers son Père (les yeux sont accentués par une goutte de plomb ajoutée dans l’orbite par le sculpteur) : c’est nous qu’il regarde. Comme tous les icônes : Dieu nous regarde, nous contemple, car il nous aime.


Il nous regarde

Il nous regarde car il prie pour nous. Il prie pour que nous soyons unis, unis comme lui l’est avec son Père par l’Esprit, lien d’amour et donc d’unité. Ainsi, ce qui fera notre unité, ce n’est pas un consensus de nos idées, un accord, pour ne pas dire un compromis sur nos actes, sur ce que nous pourrons ou ne pourrons pas faire. Ce qui fera notre unité, c’est une simple conformation de toute notre vie, de tout notre être à l’Amour. Et même, de devenir l’Amour.


Rappelez-vous ce qu’écrivait sainte Thérèse de Lisieux (Manuscrit B) :

La Charité me donna la clef de ma vocation. Je compris que si l’Eglise avait un corps, composé de différents membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que l’Église avait un Cœur, et que ce Cœur était BRULANT d’AMOUR. Je compris que l’Amour seul faisait agir les membres de l’Eglise, que si l’Amour venait à s’éteindre, les Apôtres n’annonceraient plus l’Evangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang… Je compris que l’AMOUR RENFERMAIT TOUTES LES VOCATIONS, QUE L’AMOUR ETAIT TOUT, QU’IL EMBRASSAIT TOUS LES TEMPS ET TOUS LES LIEUX … EN UN MOT, QU’IL EST ETERNEL ! … Alors, dans l’excès de ma joie délirante, je me suis écriée : O Jésus, mon Amour… ma vocation, enfin je l’ai trouvée, MA VOCATION, C’EST L’AMOUR !… Oui j’ai trouvé ma place dans l’Eglise et cette place, ô mon Dieu, c’est vous qui me l’avez donnée… dans le Cœur de l’Eglise, ma Mère, je serai l’AMOUR… ainsi je serai tout… ainsi mon rêve sera réalisé !… Pourquoi parler d’une joie délirante ? non, cette expression n’est pas juste, c’est plutôt la paix calme et sereine du navigateur apercevant le phare qui doit le conduire au port…Ô Phare lumineux de l’amour, je sais comment arriver jusqu’à toi, j’ai trouvé le secret de m’approprier ta flamme. Je ne suis qu’une enfant, impuissante et faible, cependant c’est ma faiblesse même qui me donne l’audace de m’offrir en Victime à ton Amour, ô Jésus !

Thérèse trouvera son unité intérieure en Jésus-Amour. Car avant de chercher l’unité avec les autres, il nous faut d’abord trouver notre propre unité...


Unifie mon cœur

J’aime beaucoup ce verset du psaume 85 (verset 11) :

Montre-moi ton chemin, Seigneur, que je marche suivant ta vérité ; unifie mon coeur pour qu'il craigne ton nom.

Être d’abord unifié en nous-mêmes. Comment, me direz-vous ? Je me rappelle alors la distinction que fait Platon, résumant l’homme en un corps (sa chair dans l’ensemble), un esprit (son intelligence) et une âme (sa vie). L’unité intérieure se fait donc sur ce trépied, en donnant d’abord une égale part à chacune.


Excès du corps

Qui donne trop de place à son corps finit par en être dépendant : ou par excès (voire addiction), ou par narcissisme physique au détriment de son intelligence et encore plus de son âme : il en oublie que le Corps est le Temple de l’Esprit (1 Cor 6, 19) :

Ne le savez-vous pas ? Votre corps est un sanctuaire de l’Esprit Saint, lui qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ; vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes...

Non, nous ne nous appartenons plus : nous appartenons à Dieu et ce corps n’est que le moyen pour le rejoindre, non le but !


Excès de l’intelligence

On pourrait croire qu’ils sont moins nombreux en notre temps... Et pourtant, ce n’est peut-être pas l’intelligence telle que nous l’entendons habituellement : le quotient intellectuel. Ce serait plutôt cette main-mise de la raison sur chacun de nos actes. Qui fait que nous perdons alors toute spontanéité, et encore plus toute grâce, toute gratuité... Jésus nous invite pourtant à taire parfois ce raisonnement qui a souvent fait murmurer les Juifs. Il aime plutôt que notre raison s’articule à notre cœur, et qui par là rend nos actes généreux (Mt 10, 8) :

Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons. Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement.

Oui, il nous faut prendre conscience que nous avons reçu gratuitement, même notre capacité de raisonnement, notre intelligence. Alors, autant il ne faut pas la gaspiller ou l’enterrer telle une perle dans le champ, ni même la donner aux pourceaux ; autant il ne faut pas en faire notre maître. Car même nos forces et nos grâces, Jésus (Rm 3, 24) :

...gratuitement, les fait devenir justes par sa grâce, en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus.

Car, comme le dit l’Apocalypse (Ap 21, 6) :

Moi, je suis l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin. À celui qui a soif, moi, je donnerai l’eau de la source de vie, gratuitement.

Excès d’âme

Ça peut paraître surprenant. Et pourtant, ça existe ! Déjà, Thérèse d’Avila disait à ses novices qu’il était trop facile d’abandonner la vaisselle pour aller faire oraison. Le devoir d’état avant tout !

« Quand l’obéissance vous occupera aux choses extérieures, ne vous affligez pas. Si c’est à la cuisine qu’elle vous emploie, comprenez bien que Notre-Seigneur est là, au milieu des marmites, qui vous aide et à l’intérieur et à l’extérieur. » (Livre des Fondations)

Quand Charles de Foucauld était dérangé dans sa prière, il disait qu’il quittait Dieu pour accueillir Dieu. Voilà une âme équilibrée ! Un autre excès d’âme serait de vouloir tout donner à Dieu au détriment des autres. Je n’ai jamais compris pourquoi l’Église avait pu faire d’Alexis de Rome un saint, lui qui avait abandonné sa famille, l’avait mise dans la misère, pour aller vivre pendant 17 ans sous un escalier ! Mais, je dois manquer de foi... Ainsi, dans le Dialogue des Carmélites de Georges Bernanos, l’écrivain insiste sur ce vœu de martyre comme étant choisi parce qu’aucune autre porte de sortie n’est possible, mais non de le choisir comme pour être sûr d’obtenir la sainteté. La sainteté n’est pas de choisir la souffrance, mais de l’accepter quand elle nous est donnée...


Un juste équilibre

Alors, le juste équilibre est de laisser place à nos trois composantes : corps / esprit / âme. Mais en les ordonnant, en les mettant en ordre sacré (en hiérarchie).


Le corps est soumis à l’esprit, c’est lui qui lui donne les ordres, qui le maîtrise. Mais l’esprit doit être soumis à l’âme. Car c’est elle qui maintient la vie et l’être. Comme le rappelle l’épître aux Éphésiens (4, 14-16) :

Alors, nous ne serons plus comme des petits enfants, nous laissant secouer et mener à la dérive par tous les courants d’idées, au gré des hommes qui emploient la ruse pour nous entraîner dans l’erreur. Au contraire, en vivant dans la vérité de l’amour, nous grandirons pour nous élever en tout jusqu’à celui qui est la Tête, le Christ. Et par lui, dans l’harmonie et la cohésion, tout le corps poursuit sa croissance, grâce aux articulations qui le maintiennent, selon l’énergie qui est à la mesure de chaque membre. Ainsi le corps se construit dans l’amour.

Car ce qui fait la cohésion et la stabilité de ce triangle, c’est son objectif, son objet propre : vivre dans la vérité de l’amour du Christ.


La Gloire

Et, comme le rappelle l’évangile, si nous vivons dans cette vérité de l’amour unificateur, alors, les fruits seront nombreux :

  • Nous recevrons la gloire du Père (verset 22),

  • Nous serons « consommés » (c’est-à-dire totalement unis à elle) dans l’Unité divine (verset 23),

  • Nous contemplerons la Gloire éternelle du Christ (verset 24),

  • Nous connaîtrons le Père des siècles (verset 25),

  • Et par le Nom de Jésus, son amour sera en nous, nous serons en-theos, enthousiastes (verset 26).

Alors, nous pourrons dire avec saint Paul (Ga 2, 20) :

Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi.


Homélie de saint Cyrille d'Alexandrie (+ 444), Commentaire sur l'évangile de Jean, 11, 11; PG 74, 553.557-560

Notre Seigneur Jésus Christ ne prie pas seulement pour les douze disciples. Il prie pour tous ceux qui, à toutes les époques, croiront à leur prédication et voudront bien se sanctifier par la foi et se purifier en communiant à l'Esprit Saint. <>


Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi, pour qu'eux-mêmes soient un en nous (Jn 17,21). <> Le Fils unique est le rayonnement de la substance même de Dieu le Père, et il contient le Père tout entier dans sa propre nature. Il s'est fait chair (Jn 1,14) selon les Écritures, se mêlant en quelque manière à notre nature, par une union et conjonction indicible avec ce corps terrestre. Ainsi sont unies en lui des réalités qui, par nature, sont éloignées au maximum, et il accorde à l'homme de communier et de participer à la nature divine (2P 1,4). En effet, la communication et l'habitation du Saint-Esprit se sont propagées jusqu'à nous, et elles subsistent en nous, alors qu'elles ont commencé par le Christ.


Devenu semblable à nous en devenant homme (cf. Ph 2,7), on comprend qu'il a été consacré et sanctifié, bien qu'il soit Dieu par nature, en tant qu'il est apparu comme issu du Père. Et lui-même, par son Esprit, sanctifie son temple et toute la création dont il est l'artisan, sur laquelle rejaillit la sanctification.


C'est pourquoi le mystère du Christ est comme le principe et le chemin par lequel nous obtiendrons d'être participants de l'Esprit (He 6,4) et unis à Dieu. Nous sommes tous sanctifiés en lui, de la manière que nous venons de dire. Par sa propre sagesse et par la décision du Père, le Fils a inventé une certaine manière de nous faire progresser dans l'union avec Dieu et entre nous, malgré les différences corporelles et spirituelles qui nous caractérisent.


Dans un seul corps, qui est évidemment le sien, il bénit tous ceux qui croient en lui. Par l'échange sacramentel, il les rend un même corps avec lui (Ep 3,6) et entre eux. Qui donc pourrait diviser, en brisant leur union naturelle, ceux qui, par ce saint corps, ont été amenés à l'unité avec le Christ ? Car, si nous avons tous part à un seul pain, la multitude que nous sommes devient un seul corps (1Co 10,17). Le Christ ne peut être divisé. C'est pourquoi l'Église est appelée le Corps du Christ, et nous, ses membres particuliers, comme le dit saint Paul (Ep 4,30). Car nous sommes tous totalement unis à l'unique Christ par son saint Corps. Lorsque nous prenons dans notre propre corps ce Corps unique et indivisible, c'est à lui plutôt qu'à nous que nos membres appartiennent.


Prière

Entends notre prière, Seigneur: nous croyons que le Sauveur des hommes est auprès de toi dans la gloire; fais-nous croire aussi qu'il est encore avec nous jusqu'à la fin des temps. Lui qui règne.

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