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VIème dimanche de Pâques (A)

Entrons dans la danse trinitaire !



La Sainte Famille avec Dieu le Père et l’Esprit-Saint

Carlo DOLCI (Florence, 1616 - Florence, 1686)

Huile sur cuivre, 23 x 28 cm, vers 1630

Collection privée


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 14, 15-21

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous. L’Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. »


Le peintre

Carlo Dolci fut le peintre principal à Florence au milieu du XVIIème siècle, mais aussi un des représentants du style baroque tardif comparable aux œuvres romaines de Sacchi. Dolci était extrêmement précoce et l’un de ses plus beaux tableaux est le portrait, peint quand il avait 16 ans, de Fra Ainolfo dei Bardi (1632, Florence, Pitti). Néanmoins, il est devenu plus tard très névrosé et se sentait lui-même professionnellement mauvais. La plupart de ses œuvres ultérieures sont de petites peintures de dévotion souvent peintes sur cuivre d’une manière extrêmement délicate et détaillée. Lorsque Giordano était à Florence en 1682, il disait, sans modestie et en plaisantant, que son propre style virtuose lui avait apporté une fortune de 150.000 scudi, mais qu’en passant tant de temps sur ses œuvres, Dolci serait vite affamé !


Une de ses meilleures œuvres est le Martyre de saint André de 1646 (Florence, Pitti), pour lequel existe un croquis de 1643 à Birmingham. On peut voir aussi deux splendides portraits à Cambridge (Fitzwilliam Museum). D’autres œuvres sont à Glasgow, Londres (National Gallery, Victoria and Albert Museum, Wallace Collection et Dulwich) et Oxford.


L’œuvre

Le sujet de cette peinture est inhabituel, une variation sur le thème traditionnel de la Sacra Conversazione, sujet vénérable pour les peintres florentins. Dans cette représentation, le Christ mûr se manifeste entre la Vierge et son père saint Joseph. Il regarde vers le haut l’Esprit Saint et, au-dessus de lui, Dieu le Père. La combinaison des figures, donc, sans autres saints, représente ensemble les Trinités "célestes" et "terrestres".


Ce que je vois

Sur un fond noir se détachent d’abord les trois premières figures au premier plan : la Vierge Marie, Jésus et saint Joseph. Marie, revêtue d’une tunique parme, d’un manteau bleu roi et d’un voile gris-bleuté, se penche vers son Fils, les mains disposées comme si elle portait encore son enfant dans ses bras. Jésus, en homme mûr, porte son regard vers le ciel. Il porte une tunique rouge et un manteau bleu comme celui de sa mère. Il ne porte pas d’auréole mais un halo lumineux où se dessine une croix. Sa main gauche se porte sur sa poitrine, tel un geste d’obédience, alors que sa main droite désigne le ciel. Puis saint Joseph. Vêtu d’une tunique bleu ciel et d’un manteau aux tons jaunes, il regarde son fils, la main gauche soutenant sa tête, dans un geste de méditation. N’est-il pas l’homme du silence qui méditait ce qui lui arrivait ? Nous avons là la sainte Famille, telle une sainte « Trinité » terrestre et horizontale


Au-dessus d’eux, une seconde Trinité, verticale. En bas, Jésus le Christ. Au-dessus de lui, dans une lumière éblouissante, on distingue la colombe blanche de l’Esprit-Saint.


Et encore au-dessus, émergeant d’un nuage d’orage, Dieu le Père, en homme âgé et barbu, bénit son Fils. Il est entouré des angelots qui chantent la gloire de Dieu.

Ce tableau est intéressant à double titre : d’abord par cette représentation assez rare. Mais aussi et surtout pas sa structure en croix (cette double « Trinité » et en pyramide qui donne ce désir de rejoindre le ciel.


Les dernières recommandations

Peu de temps avant de rejoindre le Jardin des Oliviers où il sera livré aux soldats du Grand-Prêtre, Jésus donne ses dernières recommandations spirituelles à ses amis. Il ne les appelle plus apôtres, mais amis (Jn 15, 15). Et ces recommandations sont simples. Elles nous concernent nous aussi. Ne sommes-nous pas ses amis, ceux qu’il aime ?


1- D’abord : gardez mes commandements

Jean l’a bien compris. Quelques années plus tard, il écrira à ses disciples (2 Jn 6) :

Or l’amour, c’est que nous marchions selon ses commandements. Tel est le commandement selon lequel vous devez marcher, comme, depuis le commencement, vous l’avez appris.

Toute la Bible insiste sur cette « garde » . La Loi se garde car elle nous garde. Le livre de la Sagesse ira même jusqu’à dire (Sg 6, 18-19) :

l’amour, c’est de garder ses lois ; observer les lois, c’est l’assurance de l’incorruptibilité, et l’incorruptibilité rend proche de Dieu.

Mais quelle est cette loi, quel commandement Jésus nous demande-t-il de vivre ? À l’inverse de l’Ancien Testament qui nous demande de « ne pas faire », Jésus, lui, nous demande de « faire », de nous engager. Nous engager dans la loi de l’amour (Mc 12, 28-31) :

Un scribe qui avait entendu la discussion, et remarqué que Jésus avait bien répondu, s’avança pour lui demander : « Quel est le premier de tous les commandements ? » Jésus lui fit cette réponse : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. »

Un double commandement : aimer Dieu et aimer son prochain. Et un triple amour : aimer Dieu, aimer son prochain (celui qui m’est proche) et s’aimer soi-même (non par narcissisme mais parce que nous sommes le Temple de l’Esprit-Saint).


2- Nous allons recevoir un Esprit de vérité

Car Jésus sait ce qu’est le cœur de l’homme, nos manques de courage et de ténacité. Il connaît la faiblesse de l’homme. Alors, il ne nous abandonne pas, même s’il va disparaître à nos yeux. Il nous promet un Esprit, un souffle de Vie, un Esprit vivifiant.


Et cet Esprit ne fera pas que demeurer à nos côtés, comme Raphaël, l’archange, reste aux côtés de Tobie. Mieux que cela, il va demeurer en nous. Et cela devrait nous enthousiasmer ! Curieux mot que celui-ci, enthousiasme.

Emprunté au grec ε ̓ ν θ ο υ σ ι α σ μ ο ́ ς « possession divine », formé sur le verbe ε ̓ ν θ ο υ σ ι α ́ ζ ω « être inspiré par la divinité », lui-même dérivé de l'adjectif ε ́ ν θ ο υ ς, forme contractée de ε ́ ν θ ε ο ς « inspiré par un dieu ou par les dieux » (ε ̓ ν « dans » θ ε ο ́ ς « dieu »).

Et le dictionnaire continue ainsi :

État d'exaltation de l'esprit, d'ébranlement profond de la sensibilité de celui qui se trouve possédé par la Divinité dont il reçoit l'inspiration, le don de prophétie ou de divination

Ainsi, la présence de cet Esprit en nous, nous transforme en personnes enthousiastes, habités par Dieu ! Bien sûr, cet enthousiasme est différent du bonheur, joie passagère, mais nous permet de rejoindre la joie profonde en Dieu, une joie éternelle. Nous devenons le Temple de l’Esprit, comme le décrit saint Paul (1 Cor 6, 19-20) :

Ne le savez-vous pas ? Votre corps est un sanctuaire de l’Esprit Saint, lui qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ; vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes, car vous avez été achetés à grand prix. Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps.

3- Il vient à nous

Phrase assez surprenante de la part de Jésus : Je viens à vous. Le monde ne le verra plus. Mais l’a-t-il déjà vraiment vu ? Saint Jean le disait dans son prologue (Jn 1, 10-11) :

Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu.

Ainsi, aujourd’hui encore, beaucoup dans le monde ne voient pas le Christ. Mais nous, nous pouvons le voir. Comment ? Il y a tant de manières. Ne le voyons-nous avec les yeux du cœur dans les Écritures ? Ne le voyons-nous pas avec les yeux de la foi dans l’eucharistie ? Nous pouvons, le voir, le toucher et y communier ! Existe-t-il plus grand miracle que celui-là ? Et nous pouvons le voir en chacun de nos frères. « Qui me voit, voit le Père » dit Jésus (Jn 14, 9) :

Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : “Montre-nous le Père” ?

Mais qui voit ses frères voit le Christ, et donc le Père. Il nous l’avait annoncé (Mt 25, 40) :

Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”

4- Entrez dans la circulation d’amour de la Trinité

Car c’est bien ce qu’il nous propose. Si nous aimons, Jésus, c’est par l’Esprit. Et si nous aimons en Esprit et en Vérité le Christ, alors, nous aimons le Père. Alors, il vient faire en nous sa demeure. Il ? Non, eux, toute la Trinité ! Nous devenons la demeure de Dieu, Père, Fils et Esprit.


En ces derniers jours avant l’Ascension où il disparaîtra à nos yeux, rappelons-nous ce qu’il nous dit dans l’Apocalypse (Ap 3, 20) :

Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi.

Ô mon Dieu, Trinité que j'adore (Bienheureuse Elisabeth de la Trinité)

Ô mon Dieu, Trinité que j'adore, aidez-moi à m'oublier entièrement pour m'établir en vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l'éternité. Que rien ne puisse troubler ma paix, ni me faire sortir de vous, ô mon Immuable, mais que chaque minute m'emporte plus loin dans la profondeur de votre Mystère. Pacifiez mon âme, faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos. Que je ne vous y laisse jamais seul, mais que je sois là tout entière, tout éveillée en ma foi , tout adorante, toute livrée à votre Action créatrice.

Ô mon Christ aimé crucifié par amour, je voudrais être une épouse pour votre Coeur, je voudrais vous couvrir de gloire, je voudrais vous aimer... jusqu'à en mourir ! Mais je sens mon impuissance et je vous demande de me « revêtir de vous même », d'identifier mon âme à tous les mouvements de votre âme, de me submerger, de m'envahir, de vous substituer à moi, afin que ma vie ne soit qu'un rayonnement de votre Vie. Venez en moi comme Adorateur, comme Réparateur et comme Sauveur. Ô Verbe éternel, Parole de mon Dieu, je veux passer ma vie à vous écouter, je veux me faire tout enseignable, afin d'apprendre tout de vous. Puis, à travers toutes les nuits, tous les vides, toutes les impuissances, je veux vous fixer toujours et demeurer sous votre grande lumière ; ô mon Astre aimé, fascinez-moi pour que je ne puisse plus sortir de votre rayonnement.

Ô Feu consumant, Esprit d'amour, « survenez en moi » afin qu'il se fasse en mon âme comme une incarnation du Verbe : que je Lui sois une humanité de surcroît en laquelle Il renouvelle tout son Mystère. Et vous, ô Père, penchez-vous vers votre pauvre petite créature, « couvrez-la de votre ombre », ne voyez en elle que le « Bien-Aimé en lequel vous avez mis toutes vos complaisances »

Ô mes Trois, mon Tout, ma Béatitude, Solitude infinie, Immensité où je me perds, je me livre à vous comme une proie. Ensevelissez-vous en moi pour que je m'ensevelisse en vous, en attendant d'aller contempler en votre lumière l'abîme de vos grandeurs.

21 novembre 1904 (Notes Intimes 15)


Homélie de saint Jean Chrysostome (+ 407), Homélie 75, 1; PG 59, 403-405.

Si vous m'aimez, vous resterez fidèles à mes commandements (Jn 14,15-18). Je vous ai donné ce commandement de vous aimer les uns les autres, de pratiquer entre vous ce que moi-même ai fait pour vous. C'est cela l'amour : obéir à ces commandements, et ressembler à celui que vous aimez. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur. Nouvelle parole, pleine de délicatesse. Parce que les disciples ne connaissaient pas encore le Christ d'une manière parfaite, on pouvait penser qu'ils regretteraient vivement sa société, ses entretiens, sa présence selon la chair, et que rien ne pourrait les consoler de son départ. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur, c'est-à-dire: un autre tel que moi. <>

C'est quand le Christ les eut purifiés par son sacrifice que l'Esprit Saint descendit en eux. pourquoi n'est-il pas venu pendant que Jésus était avec eux ? Parce que le sacrifice n'avait pas été offert. C'est seulement lorsque le péché eut été enlevé et que les disciples furent envoyés affronter les périls du combat, qu'il leur fallut un entraîneur. Mais alors, pourquoi l'Esprit n'est-il pas venu aussitôt après la résurrection ? Afin qu'ayant un plus vif désir de le recevoir, ils l'accueillent avec une plus grande reconnaissance. Tandis que le Christ était avec eux, ils n'étaient pas affligés ; lorsqu'il fut parti, leur solitude les plongea dans une crainte profonde ; ils allaient donc accueillir l'Esprit avec beaucoup d'ardeur.

Il sera pour toujours avec vous. Cela signifie clairement qu’il ne vous quittera jamais. Il ne fallait pas qu'en entendant parler d'un Défenseur, ils imaginent une seconde incarnation et espèrent la voir de leurs yeux. Il rectifie donc leur pensée en disant : Le monde est incapable de le recevoir parce qu'il ne le voit pas. Car il ne sera pas avec vous de la même manière que moi, mais c'est dans vos âmes qu'il habitera, comme le signifient ces paroles : Il est en vous. Et il l'appelle l'Esprit de vérité parce qu'il leur fera connaître le vrai sens des préfigurations de la Loi ancienne.

Il sera pour toujours avec vous. Qu'est-ce que cela veut dire ? Ce qu'il dit de lui-même : Voici que je suis avec vous. Mais d'une façon différente, et il insinue que le Défenseur ne souffrira pas comme le Christ, et que lui ne vous quittera pas. Le monde est incapable de le recevoir parce qu'il ne le voit pas. Quoi donc ? Serait-il visible pour les autres ? Nullement. Il parle ici de la connaissance par l'esprit, puisqu'il ajoute aussitôt : Et ne le connaît pas. Nous savons qu'il emploie le mot "voir" au sens de connaissance très claire. Par "le monde" il entend ici les méchants, et c'est là un réconfort pour les disciples, que leur soit accordé un don de choix. <>

Il annonce un Défenseur autre que lui ; il affirme que ce Défenseur ne les quittera pas ; il ajoute qu'il viendra uniquement pour eux, comme le Christ lui-même est venu. Il déclare enfin qu'il va demeurer e n eux, mais ce n'est pas ainsi qu'il dissipe leur chagrin, car c'est lui qu'ils veulent, c'est sa compagnie. Et il dit pour les apaiser : Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous.

Ne craignez pas, dit-il. Si j'ai promis d'envoyer un autre Défenseur, ce n'est pas que je veuille vous abandonner pour toujours. En disant : Pour qu'il soit toujours avec vous, ce n'est pas en ce sens que je ne vous verrai plus. Car, moi aussi, je reviens vers vous, je ne vous laisserai pas orphelins.


Prière

Dieu tout-puissant, accorde-nous, en ces jours de fête, de célébrer avec ferveur le Christ ressuscité: que le mystère de Pâques dont nous faisons mémoire reste présent dans notre vie et la transforme. Par Jésus Christ.

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