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XVe Dimanche du Temps Ordinaire (B)

Secouez la poussière de vos pieds



L’apparition aux Douze sur le mont Galilée

Duccio Buoninsegna (Sienne, 1250 - Sienne, 1318).

Tempera sur bois 36,5 x 47,5 cm, 1308-1311

Maestà, face postérieure couronnante, haut du panneau

Museo dell’Opera del Duomo, Sienne (Italie)


Évangile de Jésus-Christ selon Saint Marc (Mc 6, 7-13)

En ce temps-là, Jésus appela les Douze ; alors il commença à les envoyer en mission deux par deux. Il leur donnait autorité sur les esprits impurs, et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture. « Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. » Il leur disait encore : « Quand vous avez trouvé l’hospitalité dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ. Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez et secouez la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage. » Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir. Ils expulsaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient.


L’artiste

Duccio di Buoninsegna était le premier grand peintre siennois, et il est en relation avec l’école siennoise comme Giotto à l’école florentine, mais sans le naturalisme puissant qui rend l’art de Giotto si révolutionnaire. Au contraire, Duccio résume la beauté grave et austère des siècles de tradition byzantine et lui insuffle un souffle de la nouvelle humanité qui se répandait par les nouveaux ordres franciscains et dominicains.


Duccio est d’abord connu en 1278 et 1279, travaillant pour la Commune, puis en 1280 il a été lourdement condamné pour une infraction non précisée, probablement politique : ce fut la première des nombreuses amendes qui lui furent infligées.. En 1285 une grande Madone lui a été commandée pour l’église florentine de Santa Maria Novella : elle est très proche de la Vierge Rucellai (maintenant aux Offices), mais l’image est parfois attribuée come une œuvre du 'Maître de la Vierge Rucellai', et Vasari, dans une de ses tirades patriotiques, l’attribua à Cimabue. Le tableau a probablement été peint à Sienne, où Duccio est enregistré entre 1285 et 1299, jusqu’à ce qu’il soit de nouveau condamné à une amende pour avoir refusé de jurer fidélité au Capitano del Popolo, un fonctionnaire civique. En 1296 et 1297, cependant, un Duccio de Sienne est enregistré à Paris, ce qui peut expliquer l’influence gothique dans certaines de ses œuvres et dans celles de ses disciples.


En 1302, à Sienne, il fut à nouveau condamné à une amende, probablement pour dettes, mais il reçut aussi la commission de peindre une Maestà pour la mairie de Sienne, aujourd’hui perdue. Il a également été condamné, cette fois pour avoir refusé le service militaire, puis une autre fois pour une activité apparemment liée à la sorcellerie. Cette dernière accusation ne semble pas avoir été très grave, car en 1308 Duccio a atteint l’acmé de sa carrière avec le contrat pour la grande Maestà du maître-autel de la cathédrale. Sa peinture terminée en 1311 fut transportée en procession solennelle de son atelier à la cathédrale. La plus grande partie se trouve encore à Sienne (Musée de la Cathédrale), mais il manque quelques petits panneaux, et les autres petits panneaux, tous de la prédelle, se trouvent dans plusieurs musées étrangers.


Dans sa forme originale, la Maestà proprement dite - c’est-à-dire la Madone et l’Enfant intronisés entourés de saints et d’anges - occupait tout le panneau principal face au chœur. Au-dessus et au-dessous étaient peintes des scènes de la vie du Christ et de la Vierge, avec de petites figures de saints. La plupart de ces petites scènes n’auraient été visibles que par le prêtre qui officiait. L’ensemble de l’arrière du panneau principal est composé de vingt-six scènes de la Passion, tandis que au-dessus et en-dessous, comme sur le panneau avant, étaient des panneaux plus petits avec des scènes de la vie du Christ. Alors que l’avant est principalement une icône pour la contemplation et la dévotion, le cycle narratif ne peut avoir été visible que pour ceux qui sont dans le sanctuaire, voire le déambulatoire. Le récit agit alors comme un commentaire sur l’Écriture.


Du point de vue artistique, les deux côtés révèlent Duccio comme un innovateur profond, face à ce qui se peignait à cette époque à Sienne ; tandis que l’arrière de la Maestà le révèle comme un maître de la narration, égal de Giotto dans son pouvoir de conter, même s’il fait preuve de moins de fraîcheur dans l’invention iconographique : Duccio se contentait d’utiliser les anciens modèles byzantins pour la plupart des scènes du Nouveau Testament. Le superbe savoir-faire, l’utilisation de l’or comme décoration et un style caractéristique de composition, la couleur riche et subtile, et surtout l’utilisation de contours variés et élégants comme motif de surface ainsi qu’une description de la forme : tous ces traits ont caractérisé l’École siennoise pendant près de deux siècles. Dans la prochaine génération d’artistes aussi différents que Simone Martini et le Lorenzetti, on peut repérer divers aspects de l’œuvre de Duccio, bien que l’influence de la sculpture de Giovanni Pisano a également été un facteur puissant dans le développement des Lorenzetti.


D’autres œuvres de, ou attribuées à, Duccio sont dans la Collection Royale, Windsor et à Badia a Isola près de Sienne (une Madone souvent attribuée à la Badia a Isola Maître plutôt qu’à Duccio lui-même), Berne, Turin, Londres, Bologne, Pérouse, Sienne.


Le retable de la Maestà




Quelques explications encyclopédiques


À Sienne, aux archives publiques, est conservé le contrat de commande de la « Maestà », conclu le 4 octobre 1308 entre le fabricien de la cathédrale Jacopo Gilberto Mariscotti et Duccio : le peintre doit peindre de sa main tout le tableau (« laborabit suis manibus »), en mettant en œuvre tout le talent reçu de Dieu (« pingere et facere dictam tabulam quam melius poterit et sciverit et Dominus sibi largietur »), il doit travailler de façon continue, sans accepter d'autres engagements jusqu'à ce qu'il ait terminé la grande œuvre. Il jure sur l'Evangile qu'il respectera les pactes « bona fide, sine fraude ».


Pour Agnolo di Tura del Grasso, un chroniqueur du milieu du XIVe siècle, la « Maestà » « fut le plus beau tableau qu'on ait jamais vu ni fait et coûta plus de trois mille florins d'or » Une chronique de l'époque, raconte ce qui se passa à Sienne le 9 juin 1331 déclaré pour l'occasion jour de fête dans toute la ville : « et le jour du transfert à la cathédrale, les boutiques restèrent fermées et l'évêque ordonna une solennelle procession composée d'une grande et dévote compagnie de prêtes et de frères, des neuf seigneurs et officiers de la commune et de tous les gens du peuple ; l'un après l'autre, tous les hommes le plus dignes venaient à la suite du tableau avec des cierges allumés à la main ; les femmes et les enfants suivaient avec une grande dévotion ; et l'on accompagna la « Maestà » jusqu'à la cathédrale, en faisant la procession autour du « Campo » selon l'usage, tandis que les cloches sonnaient « à gloria » en hommage à une image aussi noble que celle-ci... »


La signification religieuse est immédiate, surtout lorsqu’en 1260 la Vierge est proclamée protectrice absolue de Sienne ; mais elle se double d'une signification politique en rapport avec une réalité locale précise. Parmi les saints flanquant Marie sont inclus les quatre patrons de la ville Ansano, Savinien, Crescentius, Victor, reconnaissables à leurs noms écrits. L'attention est portée à la réalité urbaine, collectivité génériquement homogène mais passablement variée dans sa composition sociale et divisée en pouvoirs laïques et ecclésiastiques. À la procession, avec la communauté de fidèles et le clergé, défilent aussi ceux qui constituent le gouvernement (« les neuf seigneurs ») et leurs officiers. La commune avait pris en charge une partie des frais relatifs aux festivités, comme la rémunération des « joueurs de trompettes, de chalumeaux et de cliquettes » qui accompagnèrent le cortège de leurs musiques. Tout cela semble poser les jalons de ce qui adviendra quelques années plus tard, en 1315, lorsque la « Maestà » de Simone Martini sera peinte à fresque non dans une église mais dans la salle de la Mappemonde du Palais Public, où le Conseil des Neuf exerce le gouvernement : l'élément sacré, accueilli dans un milieu profane comme celui-là, conflue avec la dimension terrestre, devenant la référence et le symbole de la ville.


Dans sa forme originale, la Maestà occupe l'ensemble du panneau principal face à la foule. Au-dessus et en-dessous de ce panneau central, l’artiste a peint des scènes de la vie du Christ et la Vierge, et de petits portraits de saints. La plupart de ces petites scènes étaient uniquement visibles à l’officiant.



Au dos du panneau principal, Duccio a réalisé vingt-six scènes de la Passion du Christ, elles aussi encadrées au-dessus et au-dessous par de petits panneaux représentant des scènes de la vie du Christ. Alors que la façade principale de l’oeuvre est une icône destinée à la pieuse contemplation de la foule, le cycle narratif de la face arrière pourrait avoir été une sorte de commentaire de l'Écriture, visible uniquement à ceux, privilégiés, qui se trouvaient dans le chœur et le déambulatoire.



Du point de vue artistique les deux parties de la Maestà révèlent un Duccio profondément novateur par rapport à la peinture existant alors à Sienne : les personnages de la face principale ont a plus de poids et de la solidité, s’individualisent de plus en plus ; la face arrière révèle en lui un maître de la narration, à légal de Giotto dans son pouvoir de la narration, de façon moins fraîche cependant dans l’invention iconographique, Duccio se contentant d'utiliser les anciens modèles byzantins pour la plupart de ses scènes du Nouveau Testament. La superbe exécution, l'utilisation de l'or à la fois comme décoration et comme élément de composition, le riche et subtil jeu de couleurs et surtout l'utilisation des lignes élégantes et variées comme modèle de surface et de description de la forme, tous ces éléments vont fortement influencer et caractériser l'école siennoise pendant près de deux siècles. L’influence de Duccio sera déterminante sur des artistes aussi divers que Simone Martini et les Lorenzetti.


Le panneau

L’apparition dans la montagne de Galilée est très simple et les détails sont délibérément laissés de côté : le Christ confie aux apôtres la tâche de répandre la foi (les livres que tiennent deux des disciples sont un rappel de la prédication), et rien ne doit détourner l'attention de ses paroles.



Ce que je vois



Sur un fond or craquelé, une petite montagne aux rochers gris. À droite, le groupe des onze apôtres (Judas est mort et n’a pas encore été remplacé, nous sommes après la résurrection de Jésus). On peut distinguer Pierre, le premier à gauche avec sa barbe caractéristique ; à sa gauche, Jean, je disciple bien-aimé. Ensuite, peut-être André puis Jacques. Remarquons au dernier rang cet apôtre échevelé qui nous fait penser à Élie. Ils sont tous couverts d’un manteau bleu ou rouge, signe de la fidélité et signe du martyr ou de l’Esprit.


Devant eux, Jésus se tient debout leur montrant ses mains. Sur sa tunique rouge, un grand manteau vert.


Qui sommes-nous ?

Suivons l’évangile pas à pas, comme les apôtres partiront, eux aussi, pas à pas !


D’abord, il les appelle. Jésus vient de sortir de la synagogue de Nazareth (dimanche dernier) où sa parole a tellement choqué qu’il n’a pu faire aucun miracle. N’a-t-il pas essayer d’appeler à la conversion ceux qu’il l’écoutaient ? Aucun n’a répondu à son appel. Tous sont restés drapés dans leur arrogance et leur doute. Le vrai miracle, celui de la conversion, n’a pu se faire...


Appelés

Les apôtres, eux, répondent à l’appel de Jésus. Il les convoque, ils viennent. Il faut dire qu’ils sont les colonnes de l’Église. Et église, Ecclesia (ἐκκλησία) en grec, se traduit « convoqué »,, « appelé ». Ne sommes-nous pas appelés, ne serait-ce que par la cloche, convoqué à venir écouter la Parole de Dieu et partager le pain descendu du ciel ?


Envoyés

Et il les envoie. Là encore, le verbe a du sens. « καὶ ἤρξατο αὐτοὺς ἀποστέλλειν δύο δύo » : il les envoya deux par deux. Vous ne lisez peut-être pas le grec mais le verbe utiliser pour « envoyer » se construit sur la racine apostolos. L’apôtre est donc, par nature, un envoyé. Et tout envoyé par Dieu est un apôtre. Ne sommes-nous nous-mêmes des envoyés, des apôtres ? En effet, lors de la messe, deux réponses aux questions posées par le prêtre l’attestent :

Le prêtre : Prions ensemble au moment d’offrir le sacrifice de toute l’église.

Toute l’église, nous venons de voir que c’est nous. Et nous allons nous offrir en sacrifice. Et ce, pour la Gloire de Dieu et le salut du monde. C’est bien à cela que nous sommes appelés, c’est vers ce sacrifice que nous sommes envoyés.

Le prêtre : Allez dans la paix du Christ.

Allez, partez... Et partez dans la paix, celle que le Christ vient de vous donner. Cette paix qui vous habite depuis que vous avez communié au Christ. Soyons heureux, rendons cette grâce à Dieu. Jésus nous avait déjà dit qui nous étions, ce qu’il nous demandait... (Jn 15, 12-17) :

Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera. Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres.

Pouvoir

« Et il leur donna pouvoir sur les esprits impurs ». Nous pourrions nous demander ce que sont ces esprits ? En tous les cas, ils sont impurs. Ils n’ont peut-être pas participer à ce geste d’humilité que fut le lavement des pieds... Impurs car orgueilleux. Purs car humbles. N’est-ce pas ce que dit la béatitude (Mt 5, 8) ? :

Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.

Les cœurs impurs ne peuvent pas voir Dieu. Les cœurs impurs ne le reconnaissent pas (Jn 1, 10-13) :

Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu.

Les cœurs impurs sont ceux qui suivent les règles du monde plutôt que la Loi d’amour de Dieu. Est-ce cette Loi dont nous avons fait notre programme ? Thérèse de Lisieux nous disait :

« C’est l’amour seul qui compte » et « Je ne me repens pas de m’être livrée à l’amour ».

L’amour peut nous faire chasser toute impureté...


Ne rien prendre

Mais pour tout cela, Jésus ne conseille pas, il commande de ne rien prendre. Seulement un bâton et des sandales. Mais pas de pain, ni besace, ni monnaie, ni tunique de rechange. Un bâton et des sandales : les seules choses vraiment utiles aux marcheurs : être bien chaussé et un soutien. Quand on envoie des routiers scouts en mission, ils ont droit à la même chose. Avec une boule de pâte à pain en plus ! Allez lire en annexe le rituel du départ routier. En fait, on ne peut vraiment être apôtre, être un routier de Jésus que si l’on est dépouillé, et dépouillé de tout. C’est la dixième station qui est le basculement de la vie chrétienne :


10ème Station : Jésus est dépouillé de ses vêtements.

  • Évangile selon Saint Matthieu : Arrivés à l'endroit appelé Golgotha, c'est-à-dire : Lieu-du-Crâne, ou Calvaire, ils donnèrent à boire à Jésus du vin mêlé de fiel ; il en goûta, mais ne voulut pas boire.

  • Évangile selon Saint Marc : Et ils amènent Jésus à l'endroit appelé Golgotha, c'est-à-dire : Lieu-du-Crâne, ou Calvaire. Ils lui offraient du vin aromatisé de myrrhe ; mais il n'en prit pas.

  • Évangile selon Saint Luc : On emmenait encore avec Jésus deux autres, des malfaiteurs, pour les exécuter. Lorsqu'on fut arrivé au lieu dit : Le Crâne, ou Calvaire, on mit Jésus en croix, avec les deux malfaiteurs, l'un à droite et l'autre à gauche.

Comme Jésus, être dépouillé de tout... Je repense à cette prière de Thérèse d’Avila,

Nada te turbe...
Que confiance et vive foi maintiennent l'âme, celui qui croit et espère obtient tout. Même s'il se voit assailli par l'enfer, il déjouera ses faveurs, celui qui possède Dieu. Même si lui viennent abandons, croix, malheurs, si Dieu est son trésor, il ne manque de rien. Allez-vous-en donc, biens du monde ; allez-vous-en, vains bonheurs : même si l'on vient à tout perdre, Dieu seul suffit. Amen.

Pour le pain, la besace avec le sac de couchage et l’argent... faites confiance. On saura vous accueillir...


Accueil

Et les conditions d’accueil sont précisées. Il n’est nulle question d’étoiles du guide Michelin. Ni des règles d’hospitalité. Simplement, vous écoute-t-on ? Si l’on vous écoute, restez. Si la Parole n’a pas de prises, partez et secouer la poussière de vos pieds. Car vous n’êtes pas là pour vous installez. Vous êtes continuellement en route. Comme un scout qui « campe et décampe » !


Résultats

ls partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir. Ils expulsaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient.

Bardés de tous ces conseils, ils partirent. Et leur mission fut un succès ! Malgré le peu de moyens. Il faut dire que Jésus leur avait donné une obligation de résultats sans moyens ! Souvent l’inverse de notre monde où l’on lie l’obligation de résultats au nombre de moyens mis à notre disposition. C’est là la folie de la Parole de Dieu. La folie qui nous prend et qui fait de nous des fols en Dieu, prêt à annoncer une parole de conversion à temps et contretemps, à expulser les mauvais esprits, à soulager les malades...


Jésus ne nous invite qu’à une chose : DEVENIR DES FOLS EN CHRIST ! Et si vous avez le temps, allez voir le film « L’île » de Pavel Lungin, en 2006.



Le fol en Christ, article extrait de la revue « Lumière et vie »



Le fol en Christ

Paval Svedomskiy (Saint-Pétersbourg, 1849 — Suisse, 1904)

Huile sur toile, fin XIXe siècle

Regional Art Museum, Kirovograd (Russie)

La folie de ceux que l’on nomme « fols en Christ », peu connue en Occident, mais familière à l’Orient chrétien, est d’un type bien particulier : c’est une folie feinte, une simulation. Le fol en Christ -salos (agité, troublé) en grec, yourodivi (avorton) en russe – n’est pas un malade mental, mais une sorte d’acteur, revêtant face aux hommes le masque de la déraison. Il n’est pas non plus un simple d’esprit, un « innocent » ou un idiot congénital : la folie en Christ est une voie spirituelle dans laquelle on s’engage volontairement, et que l’on peut quitter.


De saint Syméon d’Emèse (VIe siècle), dit « le pitre », à sainte Xénia de Saint-Pétersbourg (XVIIIe siècle), vivant comme une mendiante, vêtue des habits de son mari défunt, l’Église orthodoxe canonisa de nombreux fols en Christ. En Russie surtout, ils constituèrent une véritable catégorie hagiographique, à côté de martyrs ou des confesseurs. Mais ces saints, assurément, sont les plus difficiles à comprendre pour un esprit moderne». Poussant à l’extrême le refus de toute sagesse humaine, allant jusqu’à choquer le bon sens ou la morale ordinaire, les saints fols reçurent pourtant en récompense la sagesse divine, « mystérieuse, demeurée cachée » (1 Co 2,7), inconnue « aux sages et aux intelligents » (Lc 10,21), dont témoignent notamment leurs dons de clairvoyance, mis au service du prochain.


Absurdes en apparence, les comportements des fols, comme leurs propos, avaient bien souvent un sens spirituel précis, caché, que leurs miracles, ou la réalisation de leurs prédictions, venaient éclairer. Le masque de la folie n’était-il pas pour eux un moyen, dans un monde où l’égoïsme et la vanité prennent souvent un autre masque, celui de la bienséance, du conformisme, de témoigner d’une sagesse paradoxale, toujours scandaleuse ? Le fol en Christ n’est-il pas, en définitive, le symbole de « l’opposition irréductible entre la « sagesse de ce siècle » et la prédication de Jésus-Christ crucifié, une icône vivante du Royaume qui « n’est pas de ce monde » et que le monde ignore et rejette.


Par la folie, ou l’immoralité feinte, le fol, fuyant toute gloire humaine, ne veut trouver de repos et de justification qu’en Dieu :le jugement du monde pour lui ne compte plus, et c’est pourquoi tout doit être accompli « dans le secret » (Mt 6,17-18). Ainsi la folie, qui prémunit l’ascète contre l’orgueil spirituel, est-elle également un moyen de masquer à tout prix aux hommes sa sainteté.


« Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie de n’être pas fou », disait Pascal. Chacun se croit sage et raisonnable, doté du bon sens, universellement partagé selon Descartes. Mais le bon sens, ou la raison, est-il le critère ultime de notre humanité et la mesure de toute chose ? La folie de la Croix ne déjoue-t-elle pas toutes nos attentes, tous nos raisonnements ? Endosser la croix du Christ, n’est-ce pas, aujourd’hui comme hier, risquer d’être accusé, comme lui, d’avoir « perdu le sens » (Mc 3,21).


Les authentiques fols en Christ, leur mépris des apparences, de toute mesure et de toute forme, leur soif de l’absolu en tout, demeurent un témoignage bouleversant, qui inspira nombre d’artistes et d’écrivains : du Nikolka de Pouchkine, dans Boris Godounov, à L’idiot de Dostoïevski; plus récemment, la culture se laissa hanter par ceux qui la mettaient, elle aussi, en question, suggérant la vanité de « toute absolutisation, toute sacralisation des créations humaines », rappelant que toute œuvre humaine est mortelle et qu’à la fin « seul subsiste l’hommage rendu à l'esprit supérieur."



Cérémonial du départ routier

Le départ routier se fait de préférence à la nuit tombée, sur un chemin. Des routiers scouts (R.S.) immobiles barrent la route, autant que possible sur plusieurs rangs de profondeur. En avant, le chef, le conseiller religieux et un R.S. portant le Baussant. Le candidat, sac au dos, vient à leur rencontre accompagné de son parrain et s’arrête à une dizaine de mètres.


Tout candidat au départ-routier doit avoir reçu l’accord préalable du CNGS ou du CNR qui éventuellement délègue un chef pour recevoir le départ ; les barrettes RS ne sont délivrées qu’après cet accord.


Le Routier : Chef, s’il plaît à Dieu et à vous-même, je demande à devenir routier Scout d’Europe.

Le Chef : Tu te présentes à la route, mais sais-tu comment la route se présente à toi ?

R. : Oui, chef.

C. : As-tu songé que pour avoir accès à la route, il faut commencer par sortir de ta maison et de toi-même, renoncer à ton égoïsme, à ton confort, à ta sécurité, rechercher ce qui est difficile et vouloir vivre rudement ?

R. : Oui, je le veux.

C. : Veux-tu demeurer viril et sobre, n’être esclave ni de tes caprices, ni des modes, ni des erreurs du jour, et garder toute ta vie une âme de pauvre ?

R. : Oui, je le veux.

C. : As-tu compris, par notre amour de la nature et du camp, qu’un routier scout ne saurait s’accommoder d’un monde truqué où les tricheurs sont rois ? Promets-tu de conformer tes actes et tes pensées aux exigences du réel ?

R. : Je le promets.

C. : As-tu compris par la communion à la peine des hommes que nous avons recherchée dans nos entreprises et dans nos services, que la vie est à prendre au sérieux, que tout acte d’un routier scout compte et engage ?

R. : Oui, j’ai compris.

C. : En débouchant sur la route, sais-tu que tu consens d’avance au don de toi-même à tout venant, que tu n’appartiens plus à toi mais aux autres ? Es-tu prêt à servir ?

R. : Oui, chef, je demande d’être considéré comme étant toujours de service.

C. : As-tu songé que la route ne s’arrête pas à la frontière ? Te sens-tu prêt à parcourir la distance qu’il faudra pour rencontrer les autres ?

R. : Oui, chef, j’y suis prêt.

C. : As-tu compris à travers nos activités et nos chapitres qu’un routier scout doit aimer passionnément la vérité, qu’il ne se contente pas d’à-peu-près, ou de la possession tranquille de vérités toutes faites ? Veux-tu, en toute chose, rechercher humblement le vrai et servir librement l’ordre retrouvé sans écraser les autres sous le poids de ta découverte ?

R. : Oui, je le veux.

C. : Sais-tu enfin qu’un routier scout n’est jamais satisfait de lui-même et ne se considère jamais comme arrivé ? Veux-tu faire aujourd’hui mieux qu’hier et demain mieux qu’aujourd’hui ?

R. : Oui, je le promets.

C. : Promets-tu de ne jamais regarder la vie comme une partie de plaisir, mais comme une mission dont rien ne doit te détourner ? Es-tu décidé à travailler et à combattre sans jamais oublier que le règne du Christ est le but de ta route ?

R. : Oui, j’y suis décidé.

C. : Entre donc en routier scout dans une communauté d’hommes et renouvelle ta promesse de Scout d’Europe en sachant désormais que sur ta parole on doit pouvoir bâtir une cité. (Le baussant s’incline alors devant le routier).

R. : J’ai promis :

Sur mon honneur avec la grâce de Dieu de servir de mon mieux Dieu, l’Eglise, ma patrie et l’Europe, d’aider mon prochain en toutes circonstances, d’observer la loi scoute. Je promets en outre de soutenir le groupe de … x …. et la fédération du scoutisme européen.

C. : Reçois maintenant les signes de ton nouvel état.

  • Prends ce bâton fourchu, image de la fidélité au sol ancestral et de l’ouverture du cœur qui sont les marques du routier Scout.

  • Accepte cette hache, symbole de la volonté qui t’ouvrira un chemin à travers les difficultés. Et si jamais la route te manque, fais-la.

  • Reçois ces lettres d’argent qui montreront à tous que tu es routier Scout d’Europe. Rappelle-toi qu’elles ne doivent jamais être portées par un lâche ou un menteur.

  • Reçois, enfin, les trois couleurs portées par tous les Routiers du monde. Qu’elles évoquent ce qui en toi, de chaque âge, ne doit jamais mourir !

    • Jaune, couleur des louveteaux, image du soleil, pour que ta foi joyeuse illumine ceux qui t’entourent.

    • Vert, couleur des éclaireurs, de tout ce qui grandit, pour que l’espérance t’entraîne toujours plus loin.

    • Rouge, couleur de la route, symbole d’amour et de sang, pour que tu n’épargnes ni l’un ni l’autre au cours de ton existence.

Un routier scout qui n’a pas tout donné, n’a rien donné.

Un routier scout qui ne sait pas mourir n’est bon à rien.

Mais souviens-toi qu’il est parfois tout aussi difficile de vivre, et maintenant, frère, à Dieu vat…


Le Père : Pars donc, nourri de la parole divine et du réconfort des promesses du Christ. Que la croix scoute “à huit pointes aigues” te rappelle les huit béatitudes du sermon sur la montagne :


Heureux ceux qui ont un cœur de pauvre, car le royaume des cieux est à eux ;

Heureux ceux qui sont doux, car ils posséderont la terre ;

Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés ;

Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés ;

Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde ;

Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu ;

Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ;

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux…


Pars maintenant, derrière le Christ. Que la foule des saints et des saintes t’accompagne, aujourd’hui, demain et jusqu’en l’éternité !


Que Notre-Dame te vienne en aide et que la bénédiction du Dieu tout puissant, Père, Fils et Saint-Esprit descende sur toi et y demeure à jamais.


Tous chantent l’appel de la route.



Homélie de Théophylacte (+ 1109), Commentaire sur l'évangile de Marc, PG 123, 548-549.

En plus de l'enseignement qu'il a donné lui-même, le Seigneur a envoyé les Douze deux par deux, pour que leur zèle en soit augmenté, car, envoyés seuls, ils auraient pu manquer d'ardeur. Si, d'autre part, il les avait envoyés à plus de deux, il n'aurait pas eu assez d'Apôtres pour parcourir les nombreux villages.


Il les envoie donc deux par deux: Deux hommes valent mieux qu'un seul (Qo 4,9), dit l'Ecclésiaste. Il leur prescrit aussi de ne rien emporter, ni sac, ni pièces de monnaie, ni pain, leur enseignant par ces paroles à mépriser les richesses. Ainsi mériteront-ils le respect de ceux qui les verront et, en ne possédant rien en propre, ils leur apprendront la pauvreté. Qui donc, à la vue d'un Apôtre sans besace ni pain - qui est la chose la plus nécessaire - ne se laisserait pas fléchir et ne se dépouillerait pas pour vivre dans la pauvreté ?


Il leur ordonne de rester dans une maison pour ne pas s'acquérir une réputation d'hommes inconstants que la gloutonnerie fait passer d'une famille à l'autre. Il leur dit par ailleurs de quitter ceux qui ne les reçoivent pas, en secouant la poussière de leurs pieds. Ils leur montreront ainsi qu'ils ont parcouru un long chemin pour eux sans aucune utilité, ou qu'ils ne gardent rien d'eux, pas même la poussière, qu'ils secouent au contraire en témoignage contre eux, c'est-à-dire en signe de désaveu.


"Amen, je vous le dis, au jour du jugement, Sodome et Gomorrhe seront traitées moins sévèrement (Mt 10,15) que ceux qui ne vous auront pas reçus." Car, pour avoir subi une punition en ce monde, les habitants de Sodome seront frappés d'une peine moins sévère dans l'autre. A quoi il faut encore ajouter que les Apôtres ne leur ont pas été envoyés. Or ceux qui n'auront pas reçu les Apôtres subiront des peines plus lourdes.


Ils partirent et proclamèrent qu'il fallait se convertir. Ils chassaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d'huile à de nombreux malades, et les guérissaient (Mc 6,12-13). Marc est le seul à rapporter que les Apôtres faisaient des onctions d'huile. A propos de cette pratique, Jacques, le frère du Seigneur, dit dans son épître catholique: Si l'un de vous est malade, qu'il appelle ceux qui exercent dans l'Eglise la fonction d'Anciens. Ils prieront sur lui après avoir fait une onction d'huile (Jc 5,14). Ainsi l'huile sert-elle à soulager la souffrance. Elle donne la lumière et apporte l'allégresse; elle symbolise la bonté de Dieu, et la grâce de l'Esprit Saint par laquelle nous sommes délivrés de nos souffrances et nous recevons la lumière, la joie et l'allégresse spirituelles.


Prière

Seigneur Jésus, tes premiers missionnaires étaient des pauvres qui ne comptaient que sur ta puissance. Fais de nous des apôtres marchant sur les routes du monde avec, comme seule richesse, ta parole à faire entendre, ton amour à partager, dans la communion du Père et de l'Esprit. Toi qui règnes.

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