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XVe Dimanche du Temps Ordinaire (C)

Vêtement, huile et vin -



Le bon samaritain,

Aimé-Nicolas Morot (Nancy, 1850 - Dinard, 1913),

Huile sur toile, 268,5 x 198 cm, 1880,

Signé et daté en bas à gauche : "Aimé MOROT 1880",

Musée du Petit Palais, Paris (France)


Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 10, 25-37)

En ce temps-là, un docteur de la Loi se leva et mit Jésus à l’épreuve en disant : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Jésus lui demanda : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Et comment lis-tu ? » L’autre répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. » Jésus lui dit : « Tu as répondu correctement. Fais ainsi et tu vivras. » Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » Jésus reprit la parole : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort. Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté. De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l’autre côté. Mais un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de compassion. Il s’approcha, et pansa ses blessures en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, et les donna à l’aubergiste, en lui disant : ‘Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai.’ Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? » Le docteur de la Loi répondit : « Celui qui a fait preuve de pitié envers lui. » Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais de même. »


Le peintre

Issu d’un milieu modeste et activement républicain, Aimé Morot va suivre une carrière exemplaire après avoir reçu une formation académique dans l’atelier d’Alexandre Cabanel. Prix de Rome en 1873, il profite de son séjour à la Villa Medicis pour vagabonder dans la campagne romaine à cheval. Il était aussi le gendre du peintre jean-Léon Gérôme. Ses deux influences sont très nettes.


Son goût des voyages et de la chasse le conduira par la suite en Afrique et en Inde.


L’œuvre

Au retour de son pensionnat romain, le jeune Morot s’inspire de l’Évangile selon saint Luc pour peindre Le Bon Samaritain. Son tableau est présenté à Paris, au Salon des Artistes français où il obtient la consécration d’une médaille d’honneur octroyée par ses pairs.


Fortement marqué par l’art espagnol du XVIIe siècle, Morot traite la parabole du Samaritain secourant un blessé avec un réalisme grave. Son style vigoureux plaît à la critique de son temps qui salue la virtuosité de ce beau morceau de peinture. Marie Bashkirtseff note avec enthousiasme dans son journal : « c’est le tableau qui m’a fait le plus complètement plaisir depuis que j’existe. Rien n’accroche, tout est simple, vrai, bien. »


D’abord peinte dans un format plus large, l’oeuvre a été réduite par le peintre sur ses quatre côtés afin de recentrer la composition sur le groupe des deux hommes représentés grandeur nature. Grand amateur de sujet animalier, Morot donne à la modeste figure de l’âne écrasé par son fardeau une présence émouvante.


Marie Bashkirtseff (1858-1884) note son admiration pour Le Bon Samaritain dans son Journal, en 1880 :

« Je me suis assise en face du Morot avec une lorgnette et je l'ai étudié. C'est le tableau qui me fait le plus complètement plaisir depuis que j'existe. Rien n'accroche, tout est simple, vrai, bien ; tout est fait d'après nature et ne rappelle en rien les affreuses beautés académiques et convenues. C'est adorable à regarder ; la tête de l'âne est bien, le paysage, le manteau, les ongles des pieds. C'est heureux, c'est juste, c'est bien ».

Ce que je vois

La composition est dominée par les tons bruns et ocres. La scène se déroule dans une sorte de défilé rocheux où n’apparaissent que quelques rares plantes. Un âne, courbé sous le poids de sa charge, porte sur ses paniers d’osier un homme nu, la chair blême, la tête ceinte d’un bandeau blanc. Il porte une barbe blonde courte. Ses yeux sont clos. Dort-il ou est-il mort ? Ses mains sont inertes et pendent de chaque côté. L’artiste n’a tenu à aucune pudeur, laissant apparaître la toison pubienne de cet homme et l’esquisse de son sexe. Il est soutenu par un homme plus âgé, simplement vêtu d’un pagne en tissu noir serré par une ceinture. Il s’est glissé sous l’épaule de l’homme inanimé et le soutien de ses mains, dont la droite apparaît près des fesses. La scène est triste, presque choquante de par la nudité et le dépouillement.


Une parabole unique

Une parabole unique car elle fait partie des hapax que l’on trouve chez saint Luc. Comme les paraboles de miséricorde du chapitre 15. Mais elle est aussi unique par ses interprétations possibles. On pourrait se limiter à la dimension explicative la plus courante, mais moralisatrice : aider son prochain. On peut aussi y voir une interprétation plus politique...


Vision politique

Le voyageur de la Parabole pourrait symboliser l’humanité perdue par la faute d’Adam, abandonnée par l’ancienne Loi et sauvée par Jésus-Christ. Le prêtre et le lévite seraient alors l’image du judaïsme dur, intransigeant et inhumain, impuissant à guérir l’humanité malade. Le Samaritain compatissant serait ainsi l’image du Christ qui panse les plaies de l’humanité et la conduit en lieu sûr à l’hôtellerie, c’est-à-dire dans l’Église où elle fera son salut. Assimilation somme toute très ancienne, j’en veux pour preuve la deuxième image, cette miniature de l’Évangile de Rossano du VIème siècle où le Christ nimbé est substitué au Samaritain. Vision typologique intéressante, mais, à mon goût, insuffisante.



Les quatre sens de l’Écriture

Une nouvelle fois, j’en reviens à cette quadruple lecture mise en valeur décrite avec brio par le Cardinal Henri de Lubac (Cambrai, 1896 - Paris, 1991) dans sa thèse Exégèse médiévale : les quatre sens de l’Écriture, Paris, 1959.


J’ai déjà abordé à plusieurs reprises la question des quatre sens de l’Écriture, résumée en cette sentence en vers par Augustin de Dacie (mort en 1282) :


« Littera gesta docet, quid credas allegoria,

Moralis quid agas, quo tendas anagogia. »


ce qui signifie :


« La lettre instruit des faits qui se sont déroulés,

L’allégorie apprend ce que l’on a à croire,

Le sens moral apprend ce que l’on a à faire,

L’anagogie apprend ce vers quoi il faut tendre. »


J’aimerais aujourd’hui reprendre cette méthode pour sortir d’une lecture de cette parabole souvent moralisante. Ces quatre sens sont comme des marches. En sauter une, c’est risquer de se fouler la cheville. Ne pas les prendre toutes, c’est risquer de ne pas atteindre le sommet, la « substantifique moelle » de l’Écriture, pour reprendre l’expression de Rabelais (Gargantua, 1534). Bien sûr, c’est mon interprétation. Je ne la prétends pas unique, encore moins absolue. À chacun de voir ce que Dieu lui dit...


Lecture littérale, le contexte

Nous aurions tendance à oublier un peu vite le préambule à cette parabole. Relisons donc :

En ce temps-là, un docteur de la Loi se leva et mit Jésus à l’épreuve en disant : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Jésus lui demanda : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Et comment lis-tu ? » L’autre répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. » Jésus lui dit : « Tu as répondu correctement. Fais ainsi et tu vivras. » Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? »

Ce docteur de la Loi pose une question précise, d’autant plus qu’il veut piéger le Maître : Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle. Il cherche le « comment » pour obtenir l’éternité. Et Jésus répond bien ! Il est le Fils de Dieu, le Logos, quand même ! Il répond en maïeute, en accoucheur. À l’image de la méthode socratique, il lui renvoie la question (aujourd’hui, on dirait comme un jésuite !) car il est toujours mieux que la personne trouve d’elle-même la réponse que de lui souffler. Au moins, elle se l’approprie. Jésus sera un grand « accoucheur » de réponses.


Mais il ne lui répond pas, que lis-tu dans la Bible, mais dans la Loi, la Torah. C’est donc dans la Loi que se trouve la réponse. Ce serait elle qui nous permettrait d’obtenir la vie éternelle ? Et le Docteur répond, comme il se doit, en résumant la Loi à ses deux articles essentiels, qu’il réunit. Jésus déjà avait donné cette réponse (Mt 19, 19 - Mt 22, 37) en Mc 12,29-31 :

Jésus lui fit cette réponse : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. »

Avec quelques variantes, ce sont deux versets que l’on retrouve dans les livres du Lévitique et du Deutéronome :

Tu ne te vengeras pas. Tu ne garderas pas de rancune contre les fils de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis le Seigneur. (Lc 19, 18)
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. (Dt 6, 05)

Et déjà, si je vis tout simplement ces deux articles, j’obtiens la vie éternelle, je suis sauvé. Et voilà que tombe la deuxième question. Veut-il faire le malin ? Ou désire-t-il vraiment mieux comprendre l’Écriture ? La question se rapporte au sens du mot prochain.


Qui est mon prochain ?

Avant d’aborder la parabole semble répondre à cette question, je voudrais faire un excursus étymologique. Je résume ceux que l’on peut lire dans le Dictionnaire Historique de la langue française, sous la direction d’Alain Rey, Paris. Le prochain est celui qui est proche, qui est près de moi, à côté. Ce n’est qu’au XIVe siècle que le mot a pris un sens plus large : celui qui m’est semblable. Et c’est dans la première acception du terme, celui qui est près de moi, qu’il faut traduire le mot grec πλησίον.


D’un peu plus près...

Regardons d’un peu plus près le texte de la parabole.

  • Verset 30 : cet homme est laissé pour mort.

  • Versets 31 et 32 : le passage du prêtre et du lévite se fait par hasard. Ils passent tous deux outre.

  • Verset 33 : le Samaritain est « ému aux entrailles » (ἐσπλαγχνίσθη) Consultez le texte sur l’enfant prodigue (XXIVe dimanche du temps ordinaire, année C) mais aussi sur la Mère de miséricorde (VIIe dimanche du temps ordinaire, année C).

  • Verset 34 : comment soigne-t-il cet homme ? Dans un ordre précis : il panse les blessures (sûrement avec un linge), puis (καὶ) il verse de l’huile sur la plaie, puis du vin...

Petite surprise allégorique

Luc est médecin, d’après la tradition. Je sais bien qu’à l’époque ils n’avaient ni scanner, ni IRM, ni même les instruments de soin les plus banals qui soient aujourd’hui, mais quand même ! Pour un médecin, ce n’est pas fort... Hippocrate, père de la médecine, avait quand même bien dû laisser quelques idées là-bas, ne serait-ce qu’avec l’invasion romaine. Alors, personnellement, si je n’avais à ma disposition que trois choses pour soigner un blessé, un linge, de l’huile et du vin, je les utiliserais dans un ordre différent. D’abord le vin pour désinfecter la plaie, grâce à l’alcool qu’il contient. Puis de l’huile pour l’adoucir et favoriser la cicatrisation. Et enfin, je couvrirais d’un linge. Et voici que Luc donne un autre ordre. Un linge sur la plaie, puis de l’huile. Elle sera ralentie par le linge. Et enfin du vin. L’huile l’empêchera d’atteindre la plaie. Mauvais médecin ! À moins que...


À moins que !

À moins qu’il faille avoir une lecture plus spirituelle. D’abord, réglons le problème de ces deux « méchants », le prêtre et le lévite. Ils auraient pu s’arrêter quand même, non ? Et bien non. En fait, cela risquait de compliquer sérieusement leur quotidien... Mais le Lévitique est implacable (Lv 21, 1-4) :

Le Seigneur dit à Moïse : « Parle aux prêtres, fils d’Aaron. Tu leur diras : Aucun de vous ne se rendra impur pour un mort de sa parenté, sauf pour son parent le plus proche : sa mère, son père, son fils, sa fille et son frère. Pour sa sœur vierge, qui habitait auprès de lui puisqu’elle n’appartenait pas à un homme, pour elle, il pourra se rendre impur. Lui qui est un chef dans sa parenté, il ne se rendra pas impur : sinon il se profanerait.

Il leur est interdit de s’approcher d’un mort, et rappelons-nous que cet homme est laissé pour mort. Bien sûr, si leur lecture de l’ancienne Loi avait un peu de coeur, ils y seraient quand même allés, se rappelant que le Talmud avait dit (Traité Sanhedrin, chapitre 5, Mishna 5)

C’est pour cela que l’homme a été créé seul, pour t’apprendre que celui qui ôte la vie à un fils d’Israël, détruit un monde entier; et celui qui sauve la vie d’un fils d’Israël, sauve un monde entier.

Mais ils se détournent de lui, comme la Loi et les Prophètes, incapables de secourir l’homme dans sa condition actuelle (cf. Rom 3, 20 - Rom 7, 7-13 - Gal 3, 19-24). Et pourtant, cet homme qui descendait de Jérusalem (ville sainte) à Jéricho (ville mondaine) et que des brigands dépouillent et laissent pour demi-mort n’était-Il pas la figure d’Adam, sorti du Paradis, qui reste blessé de son péché, privé de la grâce et sans forces pour reprendre la route. Ils sont passés à côté du salut, et du salut de toute l’humanité... Mais était-il un fils d’Israël à leurs yeux ?


Le Samaritain

Revenons-en à notre Samaritain. D’abord, qui est-il ? Sur le site de l’Église Catholique de France, nous pouvons lire :

Nom porté par les Israélites habitant une région de Palestine: la Samarie. Au temps de Jésus, les Juifs considèrent les Samaritains comme des schismatiques et même comme des païens qu’il est interdit de fréquenter et auxquels on ne doit demander aucun service. Dans la rencontre de Jésus avec la Samaritaine Jésus franchit les frontières mises en place par les Juifs excluant certaines personnes du Peuple de Dieu. Il rappelle que les Juifs n’ont pas de relations avec les Samaritains (Jean 4,9) et dans l’évangile selon saint Luc, il rend hommage à un Samaritain, le faisant même un modèle de charité envers le prochain (Luc 10,25-37).

J’ajouterai un point, pomme de discorde avec les Juifs. Trois piliers fondent le judaïsme : la Parole de Dieu (la Bible hébraïque), le Temple et le Peuple (parfois avec son Roi). Et les Samaritains ont abimé ses trois piliers. Ils ne retiennent qu’un Pentateuque (cinq livres) samaritain, ils ont construit un autre temple sur le mont Garizim et se sont donné un roi en se séparant du reste du peuple. Comment pourrait-on les aimer !?


Et ce Samaritain, ne serait-ce pas le Christ lui-même ? N’est-il pas ému aux entrailles, comme Jésus (Mc 1, 40-42) :

Un lépreux vient auprès de lui ; il le supplie et, tombant à ses genoux, lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » À l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié.

Ce sont ses entrailles, sa miséricorde qui parlent. N’est-il pas celui qui, comme le précise curieusement le Samaritain au verset 35, va revenir, dans sa gloire ? Comme pour le retour du Maître dans la parabole des mines (Lc 19) que Jésus raconte à Jéricho, ou celle des Vignerons homicides (Lc 20) ?

Que leur fera donc le maître de la vigne ? Il viendra, fera périr ces vignerons et donnera la vigne à d’autres. » Les auditeurs dirent à Jésus : « Pourvu que cela n’arrive pas ! » (Lc 20, 15b-16)

Et on comprend un peu mieux pourquoi l’enlumineur a donné au Samaritain le visage de Jésus dans la deuxième image introductive à ce texte.


Lecture mystique ou sacramentelle

Et, pour finir, nous pourrions pousser encore un peu plus loin l’interprétation. Il me semble que Jésus répond en fait aux deux questions du Docteur de la Loi. Celle sur le prochain, c’est clair. Mais pour éviter une lecture moralisatrice, rappelons-nous d’abord que le prochain est à ma porte. Il est parfois plus facile d’envoyer de l’argent aux indigènes qui sont loin de chez moi que d’accueillir le clochard qui sonne à ma porte. Pourtant, le prochain, c’est le clochard ! Mais rappelons-nous aussi que cette parabole répond aux deux questions, dont la première : comment obtenir la vie éternelle ?


Jésus y répond, de façon masquée, certes, mais il y répond. En indiquant la nouvelle Loi. Celle de l’Amour. Mais un amour qui a besoin d’être soutenu, et même enfoui en Dieu. Comment ? Par les sacrements. Tu veux obtenir la vie éternelle ? Très bien ! Revêts-toi du tissu blanc, ton vêtement de baptême. Reçois cette huile qui fait de toi l’égal du Christ et qui te confirme dans la foi de l’Église (celle où le Samaritain emmène l’homme se reposer dans l’attente de la Venue dans la Gloire) et bois le vin du ciel, l’eucharistie. Alors, tu auras la vie éternelle. Et en prenant soin de ton prochain, tu vous ouvriras les portes du Paradis !



Contre les Hérésies, Irénée de Lyon (IV, 20, 7)

Dès le commencement, le Fils est le Révélateur du Père, puisqu'il est dès le commencement avec le Père : les visions prophétiques, la diversité des grâces, ses propres ministères, la manifestation de la gloire du Père, tout cela, à la façon d'une mélodie harmonieusement composée, il l'a déroulé devant les hommes, en temps opportun, pour leur profit.


En effet, où il y a composition, il y a mélodie ; où il y a mélodie, il y a temps opportun ; où il y a temps opportun, il y a profit. C'est pourquoi le Verbe s'est fait le dispensateur de la grâce du Père pour le profit des hommes : car c'est pour eux qu'il a accompli de si grandes actions, montrant Dieu aux hommes et présentant l'homme à Dieu.


Il sauvegardait ainsi l'invisibilité du Père pour que l'homme n'en vînt pas à mépriser Dieu et qu'il eût toujours vers quoi progresser. En même temps, il rendait Dieu visible aux hommes par de multiples « actions », de peur que, privé totalement de Dieu, l'homme ne perdît jusqu'à l'existence.


En effet, la gloire de Dieu c'est l'homme vivant, et la vie de l'homme c'est la vision de Dieu. Et si la révélation de Dieu par la Création procure déjà la vie à tous les êtres qui vivent sur la terre, combien plus la Manifestation du Père par le Verbe procure-t-elle la vie à ceux qui voient Dieu !



"Le Christ, bon Samaritain", un commentaire d'Origène (vers 185-253), prêtre et théologien.

D'après un ancien qui voulait interpréter la parabole du bon Samaritain, l'homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho représente Adam, Jérusalem le paradis, Jéricho le monde, les brigands les forces hostiles, le prêtre la Loi, le lévite les prophètes, le Samaritain le Christ. Par ailleurs, les blessures symbolisent la désobéissance, la monture le corps du Seigneur Et la promesse de revenir, faite par le Samaritain, figure, selon cet interprète, le second avènement du Seigneur.


Ce Samaritain "porte nos péchés" (Matthieu 8,17) et souffre pour nous. Il porte le moribond et le conduit dans une auberge, c'est-à-dire dans l'Église. Celle-ci est ouverte à tous, elle ne refuse son secours à personne et tous y sont invités par Jésus : "Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous procurerai le repos" (Matthieu 11,28). Après y avoir conduit le blessé, le Samaritain ne part pas aussitôt, mais demeure toute la journée dans l'hôtellerie auprès du moribond. Il soigne ses blessures non seulement le jour, mais encore la nuit, l'entourant de toute sa sollicitude empressée Vraiment ce gardien des âmes s'est montré plus proche des hommes que la Loi et les Prophètes "en faisant preuve de bonté" envers celui "qui était tombé dans les mains des bandits" et il s'est montré son "prochain" moins en paroles qu'en actes.


Il nous est donc possible, en suivant cette parole : "Soyez mes imitateurs comme je le suis moi-même du Christ" (1 Corinthiens 11,1), d'imiter le Christ et d'avoir pitié de ceux qui "sont tombés dans les mains des bandits", de nous approcher d'eux, de verser de l'huile et du vin sur leurs plaies et de les bander, de les charger sur notre propre monture et de porter leurs fardeaux. Aussi, pour nous y exhorter, le Fils de Dieu a-t-il dit en s'adressant à nous tous, plus encore qu'au docteur de la Loi : "Va, et toi aussi, fais de même".


Origène - Homélies sur l'évangile de Luc, 34, 3.7-9; GCS 9, 201-202.204-205. (in Delhougne, Les Pères commentent, p. 419-420)

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