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24 décembre — Nuit de Noël

« Naissance eucharistique » -




La Nativité,

Nicolas de VERDUN (Verdun, 1130 – Tournai, 1205),

Plaque en cuivre doré d’émail champlevé,

Abbaye de Klosterneuburg, Autriche


Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 2, 1-14.

En ces jours-là, parut un édit de l'empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre - ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. - Et chacun allait se faire inscrire dans sa ville d'origine. Joseph, lui aussi, quitta la ville de Nazareth en Galilée, pour monter en Judée, à la ville de David appelée Bethléem, car il était de la maison et de la descendance de David. Il venait se faire inscrire avec Marie, son épouse, qui était enceinte. Or, pendant qu'ils étaient là, arrivèrent les jours où elle devait enfanter. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l'emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n'y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Dans les environs se trouvaient des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L'ange du Seigneur s'approcha, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d'une grande crainte, mais l'ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : Aujourd'hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Et soudain, il y eut avec l'ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu'il aime. »


L’artiste et son œuvre :

En 1181, Nicolas de Verdun a réalisé 51 plaques de cuivre en émail champlevé pour un ambon, devenu ensuite au XIVe siècle un retable d’autel de près de cinq mètres, pour les religieux Augustiniens de l’abbaye de Klosterneuburg en Autriche. Chaque plaque est encadrée par un arc trilobé sur laquelle court une inscription narrative. Elles sont disposées verticalement par groupe de trois : une du Premier Testament, une du Nouveau Testament et une de l’histoire de Moïse éclairant la vie sacramentelle.


Cette œuvre utilise une méthode typologique, courante à cette époque, mettant en regard les scènes des deux Testaments, s’éclairant ainsi l’une l’autre sous forme de triade (ante legem - avant la remise de la Loi à Moïse / sub gratia - sous la grâce / post legem - après la remise de la Loi). Ainsi, en-dessous de la nativité du Christ est représentée celle de Samson (Juges 13, 24 : il est comme Jésus le consacré de Dieu, le nazir) et au-dessus la naissance d’Isaac (La naissance virginale de Jésus fut aussi mystérieuse que celle d’Isaac né d’une femme stérile).



L’ensemble démontre alors l’unité des deux Testaments. Une inscription de Nicolas de Verdun nous l’explique : « Comme s’accordent dans les âges les événements du sacré, tu en vois les images qui sillonnent cette œuvre. Les origines du monde, cherche-les dans la première zone en haut ; en bas, sont les ombres de la Loi. Posé entre les deux, le temps que nous foulons reçoit sa place de la grâce ». La représentation de la Nativité au Moyen-âge utilisait souvent les mêmes canons et dispositions, que l’on retrouve gravées plus tard dans les Bibbia Paupertum, les Bibles des Pauvres, ouvrages apologétiques et scripturaires diffusées grâce à l’imprimerie. Ainsi, cette plaque de cuivre pourrait aisément être rapprochée du vitrail de Chartres du XIIe siècle. Représentations semblables pour une vision théologique et spirituelle identique.



Ce que je vois :

Au premier plan, Marie est allongé sur une sorte de triclinium (lit romain où l’on s’allongeait à moitié pour manger), enroulé dans une longue robe aux plis nombreux. Devant elle, Joseph assoupi, se repose en s’appuyant d’une main sur son menton, et de l’autre sur son bâton de marche. Derrière eux, l’enfant Jésus, emmailloté telle une momie repose dans un précieux berceau posé sur un autel d’église soutenu par des colonnes décorées. L’âne et le bœuf veillent sur lui. Derrière sa tête, un rideau est ouvert, attaché sur une pointe du mur. En haut, un ange, paumes en avant, dans une demi-lune, présente un phylactère où il est écrit « Gloria in excelsis Deo ». Cinq flammes semblent sortir de cette demi-lune. La scène est entourée d’une citation latine où l’on peut lire en bas : « Nativitas Domini : Nativité du Seigneur » ; et autour : « Nascitvr Absqve Patre Deus Infans Virgine Matre - Un enfant est né sans Dieu le Père, la Mère de la Vierge » Les tons or (cuivre), bleu (de cobalt) et vert (marbre) dominent.


En suivant l’évangile…

La scène représente le verset 7 : « Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. » Marie vient de donner naissance. Elle se repose. Même Joseph semble fatigué ! Comme tous les pères, sûrement… L’enfant est couché dans une mangeoire richement décorée. Elle ressemble presque à un reliquaire. Jésus est emmailloté, serré dans des linges et des bandelettes, comme une momie, ou comme lorsqu’il sera mis au tombeau.


Des éléments surprenants…

Bien d’autres éléments viennent s’ajouter à la scène biblique. D’abord, ce rideau… Que vient-il faire là ? Il est levé, accroché au mur, comme pour nous dévoiler la scène. N’est-ce pas un dévoilement pour chacun d’entre nous que la naissance de Jésus, une révélation que la venue du Sauveur ?


Ce Sauveur est couché dans une mangeoire, même si elle paraît plus rutilante que celle que nous pourrions imaginer. Tous les enfants le savent : si Jésus est né dans une mangeoire, c’est pour être mangé ! N’est-il pas vrai qu’il est né à Bethléem (la maison du pain en hébreu) ? N’est-il pas vrai que nous le mangeons sous la forme de ce pain descendu du ciel. Et cette nouvelle manne, ne nous est-elle pas donnée sur l’autel ? Ce Jésus eucharistique s’offre ainsi à nous sur l’autel. Déjà il se sacrifie « pour nous les hommes et pour notre salut ».


Même l’âne et le bœuf semblent prêts à y goûter ! Ils ne sont pas là pour simplement nous montrer que nous sommes dans une étable. Bien sûr, ils doivent réchauffer de leur haleine tiède l’atmosphère glaciale de l’étable. Leur présence est bien plus significative. Saint Luc, en effet, n’en parle pas. Ils n’apparaîtront qu’au IVe siècle dans l’évangile apocryphe du Pseudo-Matthieu. Mais en fait, on les trouve d’abord dans le livre d’Isaïe (1, 3) : « Le bœuf connaît son propriétaire, et l’âne, la crèche de son maître. » Ne sont-ils pas les préfigures des deux larrons entre lesquels Jésus fut crucifié, ou encore des Juifs et des païens ? « Le bœuf, dit Grégoire de Nysse, c’est le juif enchaîné par la Loi ; l’âne, qui est une bête de somme, porte le lourd fardeau de l’idolâtrie. » À moins qu’ils ne soient l’image de nous-mêmes… Certains viennent voir Jésus, tel le bœuf, uniquement pour entendre sa voix… D’autres, comme l’âne, espérant une récompense !


Du haut du ciel tombent ces sortes de flammes de feu. Curieusement, elles nous rappellent l’événement de la Pentecôte. Noël n’est-il pas déjà une descente de l’Esprit de Dieu par nous. « L’Esprit de Dieu repose sur moi… ». À moins qu’elles ne soient les lampes du tabernacle ?


Dans une église…

Car nous semblons bien être là dans la nouvelle église. L’autel est dressé. Le rideau du tabernacle (qui veut dire tente en latin, comme la tente de la rencontre) est ouvert. La lampe de la tente est allumée. Il est vrai que Jésus n’est pas venu habiter parmi nous, mais y dresser sa tente. Et nous nous venons à cette eucharistie, nous venons à la maison du pain (Bethléem), un peu âne, un peu bœuf… Parfois, écrasé par ce que nous avons eu la grâce de vivre, nous méditons comme Marie sur sont lit. Parfois, écrasé de sommeil, nous nous assoupissons comme Joseph, nous rêvons. Mais rappelons-nous que durant quatre de ses songes, Joseph eut la visite de l’ange ! Cette image, c’est celle de Noël, c’est celle de la messe. C’est encore plus criant dans l’image du vitrail. Marie nous y montre même Jésus de la main, avec deux doigts dressés comme pour nous rappeler sa double nature humaine et divine. Même son lit paraît être une cathédrale. N’est-elle pas la Mère de l’Église ?


Chaque jour peut être Noël…

En fait, à chaque fois que nous allons à la messe, nous allons à Bethléem. À chaque fois nous recevons celui qui se fait pain descendu du ciel. À chaque fois, Dieu se dévoile pour nous. À chaque fois, il change notre esprit d’âne en cœur de bœuf !


Ce soir, cette nuit, laissons-nous transformer par cette action de grâce, cette eucharistie. Ce soir, cette nuit, il descend en nos cœurs. Ce soir, cette nuit, il se fait eucharistie pour nous. Ce soir, cette nuit, il se donne pour que « nous devenions ce que nous recevions » (Saint Augustin), le Corps du Christ. Ce soir, cette nuit, il se fait manne pour nous afin que nous allions après, tels les bergers annoncer sa Parole. Ce soir, cette nuit, il proclame par la voix de l’ange la Gloire de Dieu à tous les hommes que Lui aime avant que les hommes n’arrivent à l’aimer. Ce soir, cette nuit, un Sauveur nous est né, un Sauveur vient habiter parmi nous, un Sauveur vient dresser sa tente dans le désert de ma vie pour l’illuminer, pour devenir l’étoile qui me guidera, pour lever le voile sur mes doutes, pour me réveiller de mon assoupissement, pour faire de moi et de ma vie une eucharistie ! Ce soir, cette nuit, c’est ma naissance à une nouvelle vie.


Les plaques adjacentes :


La naissance de Samson :


La naissance d’Isaac :


La naissance de Jésus :



Homélie de saint Basile le Grand (+ 379), Homélie sur la sainte génération du Christ, 2.6; PG 31,1459-1462.1471-1474.

Dieu sur terre, Dieu parmi les hommes ! Cette fois il ne promulgue pas sa loi au milieu des éclairs, au son de la trompette, sur la montagne fumante, dans l'obscurité d'un orage terrifiant, mais il s'entretient d'une façon douce et paisible, dans un corps humain, avec ses frères de race. Dieu dans la chair ! Ce n'est plus celui qui agit par intermittence comme les prophètes, mais celui qui assume pleinement la nature humaine et, par sa chair qui est celle de notre race, ramène à lui tout le genre humain.


Comment donc, direz-vous, sa splendeur s'est-elle étendue à tous à partir d'un seul ? Comment la divinité peut-elle habiter la chair ? Comme le feu habite le fer, non pas en se déplaçant, mais en se communiquant. En effet, le feu ne se jette pas sur le fer mais, en demeurant à sa place, il lui communique sa propre vertu. En cela il n'est nullement diminué, mais il remplit entièrement le fer auquel il se communique. De la même manière, Dieu, le Verbe, qui a habité parmi nous (Jn 1,14), n'est pas sorti de lui-même ; le Verbe qui s'est fait chair (Jn 1,14) n'a pas été soumis au changement : le ciel n'a pas été dépouillé de celui qu'il contenait, et pourtant la terre accueillit dans son propre sein cet être céleste. <>


Pénètre-toi de ce mystère : Dieu est dans la chair afin de tuer la mort qui s'y cache. En effet, si des médicaments capables de chasser les poisons sont introduits dans un corps, ils en chassent les causes de corruption, afin que les ténèbres qui règnent dans cet organisme se dissipent quand paraît la lumière. Et de même que, dans l'eau, la glace l'emporte sur le liquide aussi longtemps que règne l'obscurité de la nuit, mais se met à fondre sous le rayon du soleil qui la réchauffe, de même la mort a régné jusqu'à la venue du Christ. Mais quand la grâce de Dieu s'est manifestée pour notre salut (Tt 2,11), quand s'est levé le soleil de justice (Ml 3,20), la mort a été engloutie dans la victoire (1Co 15,54) parce qu'elle ne supportait pas la cohabitation avec la vie véritable.


O profondeur de la bonté et de l'amour de Dieu pour les hommes ! Rendons gloire avec les bergers, dansons avec les choeurs des anges, car il est né aujourd'hui un Sauveur qui est le Messie, le Seigneur (Lc 2,11-12).


Dieu, le Seigneur, nous illumine (Ps 117,27), non sous son aspect de Dieu, pour ne pas épouvanter notre faiblesse, mais sous son aspect de serviteur, afin de conférer la liberté à ceux qui étaient condamnés à la servitude. Qui aurait le coeur assez lâche et assez indifférent pour ne pas se réjouir, exulter d'allégresse, rayonner de joie devant cet événement ? C'est une fête commune à toute la création. Tous doivent y contribuer, nul ne doit se montrer ingrat. Nous aussi, élevons la voix pour chanter notre allégresse.


Prière

Père, toi qui as merveilleusement créé l'homme et plus merveilleusement encore rétabli sa dignité, fais-nous participer à la divinité de ton Fils, puisqu'il a voulu prendre notre humanité. Lui qui règne.

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