top of page

25 décembre — Nativité du Seigneur

Annoncer, proclamer, éclater, consoler -



Pèlerins allant à la Mecque,

Léon Belly (Saint-Omer, 1827 - Paris, 1877),

Huile sur toile, 161 x 242 cm, 1861,

Musée d’Orsay, Paris (France)



Vierge à l’Enfant adorée par deux pèlerins,

(étude pour la Madone de Lorette),

Attribué à Michelangelo MERISI da Caravaggio,

dit Le Caravage (Caravaggio, 1571 - Port’Ercole, 1610),

Dessin à la pierre noire avec rehauts de blanc sur papier bleu, 26,3 x 17,4 cm, XVIIe siècle,

Musée du Louvre, Paris (France)


Lecture du livre du prophète Isaïe (Is 52, 7-10)

Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut, et vient dire à Sion : « Il règne, ton Dieu ! » Écoutez la voix des guetteurs : ils élèvent la voix, tous ensemble ils crient de joie car, de leurs propres yeux, ils voient le Seigneur qui revient à Sion. Éclatez en cris de joie, vous, ruines de Jérusalem, car le Seigneur console son peuple, il rachète Jérusalem ! Le Seigneur a montré la sainteté de son bras aux yeux de toutes les nations. Tous les lointains de la terre ont vu le salut de notre Dieu.


Psaume 97 (98), 1, 2-3ab, 3cd-4, 5-6

Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles ; par son bras très saint, par sa main puissante, il s’est assuré la victoire.


Le Seigneur a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations ; il s’est rappelé sa fidélité, son amour, en faveur de la maison d’Israël.


La terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu. Acclamez le Seigneur, terre entière, sonnez, chantez, jouez !


Jouez pour le Seigneur sur la cithare, sur la cithare et tous les instruments ; au son de la trompette et du cor, acclamez votre roi, le Seigneur !


Lecture de la lettre aux Hébreux (He 1, 1-6)

À bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; mais à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes. Rayonnement de la gloire de Dieu, expression parfaite de son être, le Fils, qui porte l’univers par sa parole puissante, après avoir accompli la purification des péchés, s’est assis à la droite de la Majesté divine dans les hauteurs des cieux ; et il est devenu bien supérieur aux anges, dans la mesure même où il a reçu en héritage un nom si différent du leur. En effet, Dieu déclara-t-il jamais à un ange : Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré ? Ou bien encore : Moi, je serai pour lui un père, et lui sera pour moi un fils ? À l’inverse, au moment d’introduire le Premier-né dans le monde à venir, il dit : Que se prosternent devant lui tous les anges de Dieu.


Léon Belly

Léon Belly, est un peintre né à Saint-Omer, France, et mort à Paris, France. Léon Belly appartenait au style artistique orientalisme, naturalisme, impressionnisme. Il a été principalement actif durant la période classique. Il est notamment connu pour les œuvres suivantes : Pèlerins allant à la Mecque, La pêche au filet ou la pêche des daurades, Le chamelier... qui sont autant d'illustrations de ses sujets favoris : cultures du monde, transport, marine, paysage, scène de genre, portrait... VLes œuvres de Léon Belly sont principalement conservées au musée d’Orsay. Parmi ses élèves principaux (ou apprentis), Léon Belly a notamment enseigné à Constant Troyon.


Le Caravage

Né en 1571 à Caravaggio, Michelangelo Merisi, dit « Le Caravage », vient à Rome vers l'âge de 15 ans, luttant contre la misère et une santé précaire. Installé chez le Cardinal del Monte en 1593, il ne peindra plus que des sujets religieux à partir de 1597.


Mais sa nature violente l’entraîne dans de mauvaises histoires :

  • 19 nov. 1600 : plainte pour coups et blessures sur le peintre G. Spampa da Montepulciano.

  • 7 février 1600 : plainte pour coups et blessures de Flavio Canonico, sergent du Château Saint-Ange.

  • 12 octobre 1604 : dénoncé pour avoir jeté des pierres à la garde de nuit, via del Babuino.

  • 12 mai 1605: il est arrêté pour port d'armes abusif.

  • 10 juillet 1605: il est incarcéré à Tor di Nonna pour une obscure histoire de femmes.

  • 1605: au court d'une rixe « à quatre contre quatre », il tue Ranuccio Tommasoni da Terni. Il doit fuir vers Naples, Malte, la Sicile.

  • Juillet 1610 : apprenant que sa grâce est proche, il s'embarque et arrive à Porto Ercole, passe la frontière des États Pontificaux, il y est arrêté puis relâché. Selon le témoignage de Baglione, chroniqueur de l'époque, relâché, il ne retrouve plus sa felouque. Furieux et désespéré, il parcourt la plage sous la morsure du soleil, tentant de retrouver sur la mer le bateau qui emporte ses maigres affaires. Arrivé à midi, il est pris d'un accès de fièvre et se couche. C’est la malaria. Sans aucune aide humaine, en près de trois jours, il meurt misérablement comme il a vécu, le 18 juillet. A Rome, la veille, sa grâce était accordée !

Ce que je vois (Pèlerins allant à la Mecque)

Nous voici dans un désert aride, tellement sec que les rapaces volent dans le ciel espérant se nourrir d’un cadavre ! Pourtant, cette troupe marche confiante vers son lieu de pèlerinage. Certains sont à dos de chameau, d’autres marchent à pied sur le sable brûlant. Quelques-uns, à la peau noire, peuvent se passer de se couvrir la tête, les autres, malgré les rayons ardents du soleil, se cachent sous des voiles protecteurs. Mais tous marchent déterminés. Et même s’ils vont à la Mecque, et non pas à Bethléem, on ne peut qu’être admiratif de tant une telle abnégation : tout faire pour rendre grâce à Dieu, qu’importe son Nom ! La route est longue, épuisante et dangereuse, mais rien ne peut les arrêter. Car la foi est comme l’amour, elle a ses raisons que la raison ne connaît point.


Ce que je vois (Madone de Lorette)

N’est-ce pas aussi le cas de ces deux pauvres pèlerins qui viennent déposer leur hommage aux pieds de la Vierge et de son Enfant ? Ce dessin, attribué au Caravane, serait une étude préparatoire de l’oeuvre majeure que l’on peut admirer à Rome dans la Basilique Saint-Augustin :



La Madone des pèlerins,

Michelangelo MERISI da Caravaggio,

dit Le Caravage (Caravaggio, 1571 - Port’Ercole, 1610),

Huile sur toile, 260 x 150 cm, 1604-1605,

Basilique Saint-Augustin, Rome (Italie)


Ils sont à genoux, harassé de leur voyage, le bâton négligemment appuyé sur l’épaule, et les pieds nus est ales. Mais de leurs mains jointes, ils offrent tout leur amour à cette femme et son fils, leur Sauveur et leur avocate. Eux aussi ont dû faire preuve de courage et de foi pour arriver à destination.


Méditation

Gardons en tête cette image du pèlerin, qu’il soit seul ou en communauté. Car c’est bien ce pourquoi Isaïe se réjouit :

Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut, et vient dire à Sion : « Il règne, ton Dieu ! » Écoutez la voix des guetteurs : ils élèvent la voix, tous ensemble ils crient de joie car, de leurs propres yeux, ils voient le Seigneur qui revient à Sion. Éclatez en cris de joie, vous, ruines de Jérusalem, car le Seigneur console son peuple, il rachète Jérusalem ! Le Seigneur a montré la sainteté de son bras aux yeux de toutes les nations. Tous les lointains de la terre ont vu le salut de notre Dieu.

En effet, ces pèlerins, une fois qu’ils auront rendu grâce à Dieu, qu’ils auront tourné autour de la pierre noire de la Mecque, ou qu’ils auront apporté l’offrande de leur amour et de leur action de grâce à l’Enfant-Jésus, ne vont pas en rester là : ils vont repartir ! Jésus n’a jamais demandé (et encore moins sa mère, son père putatif ou la cohorte des anges) à ce que ceux qui viennent le voir reste indéfiniment. Même les mages sont repartis le lendemain après une bonne nuit de sommeil. Le pèlerinage est à double sens : on vient voir Dieu, et on repart annoncer Dieu. On vient à pied lui rendre hommage, les pieds sales et crevassés, on repart ragaillardi, tel un message, proclamer la bonne nouvelle.


Oh, rassurons-nous, le message à transmettre n’est pas bien compliqué : annoncer le salut, proclamer que Dieu règne (en nos coeurs bien sûr, et ce depuis notre baptême : « tu participes à sa dignité de prêtre, de prophète et de roi ») et éclater de joie car il est venu nous consoler.


Arrêtons-nous un instant sur ces verbes : annoncer, proclamer, éclater et consoler.


Annoncer : c’est-à-dire porter à la connaissance de quelqu’un. Et celui qui porte le message du Christ devient un porteur de Christ, un christophore. Un message à connaître, et vous vous rappelez ce jeu de mots de Péguy : « connaître, c’est co-naître : naître avec ». En portant ce message de salut, il naît en nous et en celui qui va l’attendre. Je comprends que les pieds du messager aient tant de valeur aux yeux du Seigneur ! Car ce que nous annonçons et portons est un message de salut. Le salut ? Qu’est-ce à dire ? Nous sommes sauvés, sauvés d’un péché qui nous entraînait inéluctablement vers une mort éternelle. Sauvés d’une séparation de notre Créateur. Sauvés, au point qu’un jour nous comprendrons concrètement que « si Dieu s’est fait homme, c’est pour que l’homme devienne Dieu » comme l’écrivait saint Athanase.


Proclamer : Proclamer, c’est annoncer, mais annoncer publiquement, devant soi comme le signifie le préfixe « pro ». Et ainsi, cette annonce qui pouvait avoir un caractère personnel, voire subjectif, devient officielle et solennelle. Oui, je peux proclamer que Jésus est le Sauveur, qu’il est le Fils de Dieu et que sa Parole est vérité. Nous devrions lire plus souvent les trois lettres de saint Jean. En voici deux versets (1 Jn 5, 1) : « Celui qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est né de Dieu ; celui qui aime le Père qui a engendré aime aussi le Fils qui est né de lui. » Et (1 jn 4, 2) : « Voici comment vous reconnaîtrez l’Esprit de Dieu : tout esprit qui proclame que Jésus Christ est venu dans la chair, celui-là est de Dieu. » Qu’aurions-nous d’autre aussi important à proclamer publiquement et solennellement ?


Éclater : Quand on entend ce mot, on pense aux ballons de baudruche qui éclate sous le coup de l’aiguille. On devrait plutôt dire qu’ils explosent. Car étymologiquement, éclater signifie se séparer en de multiples éclats. Et un éclat, ça éclate de lumière ! Pensez au dernier verre en cristal que vous avez brisé lors de ce repas de Noël ! Notre joie doit être éclatante. C’est-à-dire qu’elle doit se répandre de tous côtés, et être brillante, éclatante, coruscante ! À un tel point que nous devrions faire des étincelles qui enflamment la joie des autres.


Consoler : Là encore, nous pensons à l’enfant qui pleure parce qu’il vient de casser son jouet, et de sa main qui va le prendre dans ses bras, le couvrir de baisers, le consoler. Pourtant, le mot a encore plus de profondeur : très simplement, consoler c’est ne pas laisser seul. Ou autrement dit être avec celui qui est seul. Comme réconforter : rendre fort de nouveau. « Le Seigneur console son peuple » dit Isaïe. Il ne nous laisse donc plus seul, il nous rend plus fort. Et ça, ça mérite notre joie !


Ainsi, dépassons l’imagerie populaire que l’on nous met en tête depuis des siècles pour retrouver le véritable sens de cette fête de l’Incarnation. Dieu s’est fait homme pour nous sauver, pour nous demander de proclamer solennellement cette nouvelles à tous les hommes, « jusqu’aux plus lointains de la terre » et de vivre dans une joie ineffable : un Sauveur nous est né ; une joie qui fera des étincelles et allumera l’amour dans le monde.


Et cette mission est d’abord celle des jeunes aux pieds encore lestes, car comme le disait Georges Bernanos (Les grands cimetières sous la lune, 1938) : « Hélas ! c'est la fièvre de la jeunesse qui maintient le reste du monde à la température normale. Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents. »

Pour prier


Une prière du saint Pape Jean-Paul II (Homélie du Noël 2003)


« Que la splendeur de ta naissance illumine la nuit du monde »

Ô Enfant, Toi qui as voulu avoir pour berceau une mangeoire; ô Créateur de l’univers, Toi qui t’es dépouillé de ta gloire divine; ô notre Rédempteur, Toi qui as offert en sacrifice ton corps sans défense pour le salut de l’humanité !

Que la splendeur de ta naissance illumine la nuit du monde. Que la puissance de ton message d’amour détruise les assauts orgueilleux du malin. Puisse le don de ta vie nous faire comprendre toujours davantage le prix de la vie de chaque être humain.

Trop de sang coule encore sur la terre ! Trop de violence et de conflits troublent les relations sereines entre les nations !

Tu viens nous apporter la paix. Tu es notre paix ! Toi seul peux faire de nous « un peuple purifié » qui t’appartienne pour toujours, un peuple « ardent à faire le bien » (Tt 2,14).

Un enfant nous est né, un Fils nous est donné ! Quel mystère insondable recouvre l’humilité de cet Enfant ! Nous voudrions presque le toucher; nous voudrions l’embrasser.

Toi, Marie, qui veilles sur ton Fils tout-puissant, donne-nous tes yeux pour le contempler avec foi; donne-nous ton cœur pour l’adorer avec amour.

Dans sa simplicité, l’Enfant de Bethléem nous enseigne à redécouvrir le sens véritable de notre existence; il nous apprend à « vivre dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux« (Tt 2,12).

Ô Sainte Nuit, tant attendue, toi qui as uni Dieu et l’homme pour toujours ! Tu rallumes en nous l’espérance. Tu nous remplis d’étonnement émerveillé. Tu nous assures le triomphe de l’amour sur la haine, de la vie sur la mort.

C’est pourquoi nous demeurons dans l’émerveillement et nous prions.

Dans le silence lumineux de ton Noël, Toi, l’Emmanuel, tu continues à nous parler. Et nous, nous sommes prêts à t’écouter. Amen !



Un Père de l’Église (Et après, on dira que je suis long…)


Saint Grégoire Palamas : Homélie de la Nativité selon la chair de notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ


Aujourd'hui nous fêtons l'accouchement virginal; et mon discours s'élèvera, par nécessité, conformément à la grandeur de cette fête, et pénétrera dans le mystère, autant qu'il est possible, qu'il est permis, et que le temps s'y prêtera, pour que moi aussi je révèle une part de la puissance qui réside en ce mystère. Pour vous, frères, je vous en prie, tendez et élevez tous ensemble votre intelligence; afin qu'enflammée depuis les lieux très-hauts de la divinité, elle s'attache parfaitement, avec plus de force, la lumière de la divine connaissance; car aujourd'hui je vois le ciel et la terre recevoir un même honneur, et la voie qui monte d'ici-bas à ce qui se trouve au-delà de l'univers, rivaliser avec la condescendance du monde supérieur. Oui, s'il existe un ciel des cieux, si des eaux très élevées recouvrent les étendues célestes, et s'il existe un lieu, ou un état, ou encore un ordre par-delà ce monde, rien de tout cela n'est plus admirable, ni plus honorable, que la grotte, la crèche, les vases pour les ablutions, et les langes de nourrissons, car rien, parmi les événements qui se sont déroulés depuis les siècles sous le regard de Dieu, n'est plus profitable à chacun, ni plus divin, que ce qui touche à la Naissance du Christ, que nous fêtons aujourd'hui.


Oui, le Verbe prééternel, incirconscrit, le Maître de l'univers, comme un vagabond, un sans-abri, un sans-demeure, est aujourd'hui enfanté dans une grotte; comme un nourrisson Il est déposé sur une crèche, Il est vu par des yeux, il se laisse toucher par des mains, Il est enveloppé de langes; ce n'est pas une substance intelligente qui n'existait pas encore, qui vient dans la création, ce n'est pas une chair destinée à se dissoudre peu après, qui est introduite dans le devenir, ce ne sont pas une chair et un intellect qui se joignent l'un à l'autre dans l'unité et l'organisation d'un être vivant, mais Dieu et la chair mêlés sans confusion par un intellect dans l'existence d'une seule hypostase divino-humaine, qui jusque-là était cachée dans le sein virginal en qui, et à partir de qui, par la bienveillance du Père et la coopération de l'Esprit, le Verbe suressentiel est venu à l'être. A présent, Il est délivré du ventre et engendré comme nourrisson, n'effaçant pas, mais au contraire gardant incorruptibles les signes de la virginité, enfanté sans passion car conçu sans passion; en effet, celle qui L'a enfanté s'est révélée supérieure au plaisir passionnel durant la gestation ainsi qu'aux pénibles douleurs pendant l'enfantement: "avant que le travail des douleurs vînt sur elle, elle leur échappa" (Is 66,7), selon la parole d'Isaïe, et elle enfanta dans la chair le Verbe prééternel, de la divinité duquel, non seulement on ne peut découvrir les traces, mais encore dont le mode d'union avec la chair est inconcevable, la condescendance insurpassable; enfin, la sublimité divine et ineffable de son adjonction à notre chair dépasse toute intelligence et toute parole, au point de ne pouvoir admettre la moindre comparaison avec le créé. Car bien que l'on puisse regarder avec des yeux de chair Celui qui a été enfanté d'une jeune femme n'ayant pas connu l'homme, l'Écriture refuse toute comparaison en ces termes: "tu es éclatant de beauté parmi les fils des hommes" (Ps 44,2); il n'est pas dit, en effet: 'plus éclatant", mais simplement "éclatant", pour ne pas comparer l'incomparable, la nature divine, avec le commun des mortels.


"Dieu, ton Dieu, t'a oint d'une huile d'allégresse, comme Il ne l'a jamais fait à nul de ceux qui participent à toi" (Ps 44,8). Le même est Dieu et homme parfait; le même est le Dieu qui oint, et l'Oint. Il est écrit en effet: "Dieu, ton Dieu, t'a oint"; oui, c'est en tant qu'homme qu'est oint le Verbe issu de Dieu le Père, et Il est oint par l'Esprit qui Lui est coéternel et connaturel; car Celui-ci est l'huile d'allégresse. C'est pourquoi encore le même Dieu est l'onction divine et l'Oint. Car bien qu'Il soit oint en tant qu'homme, Il a cependant en Lui, en tant que Dieu, la source de l'onction. C'est pourquoi le divin prophète a vu et annoncé à l'avance que ceux qui participent à Lui sont tous des oints de Dieu. Oui, il appartient à Dieu seul de ne pas participer, mais d'être participé, et d'avoir pour participant quiconque est dans l'allégresse, en l'Esprit. Et tel est celui qui à présent est enfanté dans une grotte misérable, et que nous louons, Lui, le nourrisson déposé dans la crèche.


En effet, celui qui a tout tiré du non-être, les réalités terrestres et les célestes, voyant que par leur désir d'être plus, ses créatures raisonnables sont devenues vaines, Se donne Lui-même à elles dans sa Grâce ; Lui à qui rien n'est supérieur, ni égal, de qui rien même n'est proche, Il se présente à qui désire participer à Lui; afin que nous puissions par la suite user sans danger de ce désir d'être plus à cause duquel, au commencement, nous fûmes cernés par un péril extrême, et que chacun d'entre nous désirant devenir Dieu, nous ne soyons pas seulement innocentés, mais obtenions la satisfaction de notre désir. Il abolit merveilleusement le motif de notre chute originelle, c'est-à-dire le supérieur et l'inférieur observables dans les êtres, ainsi que la jalousie et la ruse qui s'ensuivent, et les luttes visibles et invisibles. Car le prince du mal, voulant n'être inférieur à aucun des anges, mais voulant au contraire s'assimiler, en excellence, au Créateur Lui-même, se chargea le premier de la faute extraordinaire dont personne encore n'avait pris l'initiative. Puis, comme il s'était jeté sur Adam par jalousie et l'avait précipité par ruse au fond de l'enfer dans un même élan, il devint difficile d'en rappeler Adam, et celui-ci eut besoin de l'avènement extraordinaire de Dieu qui s'est accompli aujourd'hui pour son rappel. Mais le prince du mal avait rendu sa propre déchéance une fois pour toutes irrémédiable, car il n'avait pas acquis l'orgueil par participation, mais était devenu le mal en soi et la plénitude du mal, et se présentait à ceux qui y consentaient, pour les faire participer au mal. Par conséquent, Dieu a récemment jugé bon d'abolir le motif de l'orgueil qui avait renversé ses créatures; aussi rend-Il toute chose semblable à Lui. Et puisque par nature Il est égal à Lui-même et reçoit le même honneur, Il rend aussi sa créature égale à elle-même, et recevant le même honneur, par grâce. Comment cela? Dieu le Verbe issu de Dieu, S'est dépouillé ineffablement, Il est descendu des hauteurs jusqu'à l'extrême de l'humain, Il a assumé la même pauvreté que nous; ainsi, des réalités inférieures, Il fit des supérieures, ou plutôt, Il rassembla les deux en un, mêlant l'humanité à la divinité, et montra de la sorte à tous que la voie qui conduit vers les réalités supérieures est l'humilité, en S'offrant Lui-même en exemple aux hommes et aux saints anges, aujourd'hui.


Par là les anges aujourd'hui ont reçu l'immuable, ayant appris du Maître que le chemin, pour s'élever vers Lui et Lui ressembler, n'est pas l'orgueil, mais l'humilité; par là, les hommes ont la possibilité de se corriger aisément, sachant que la voie du rappel est l'humilité; par là, le prince du mal, qui en réalité n'est guère qu'une vaine fumée, a été confondu de honte et a été abattu, lui qui semblait d'abord se maintenir fermement, avoir quelque valeur; de sorte qu'après avoir asservi et renversé les uns par le désir d'être plus, après avoir espéré en entraîner d'autres dans la démesure de son fol orgueil, il a été tourné en dérision, pleinement confondu par ceux qu'il avait auparavant trompés avec malignité. Et à présent qu'est né le Christ, il est piétiné par ceux-là mêmes qui gisaient auparavant sous ses pieds, car ils n'ont pas, désormais, des sentiments d'orgueil extrême, comme supposait le malfaisant, mais sont au contraire attirés par ce qui est humble (cf. Rom 2,16), comme le Sauveur l'a enseigné dans ses oeuvres; et grâce à l'humilité, ils obtiennent d'être élevés au-delà du monde.


C'est pourquoi le Dieu qui trône sur les chérubins, se présente sur la terre, aujourd'hui, comme un nourrisson., Lui que ne peuvent contempler les chérubins aux six ailes, non seulement parce qu'ils ne peuvent voir sa Nature, mais parce qu'ils ne peuvent même pas soutenir des yeux l'éclat de sa Gloire, - aussi se recouvrent-ils les yeux de leurs ailes, - c'est Lui que l'on voit avec nos sens, et qui se présente à nos yeux de chair, devenu chair. Lui qui délimite toute chose, et n'est délimité par rien, est circonscrit par une crèche rudimentaire, et petite. Lui qui contient et étreint tout dans sa Main, est entouré de menus langes et serré par des noeuds ordinaires. Lui qui possède la richesse de trésors inépuisables, se soumet volontairement à une pauvreté telle qu'il n'y a pas de place pour Lui à l'hôtellerie. Ainsi entre dans la grotte, et est enfanté dans ces conditions, Celui qui a été engendré par Dieu hors du temps, impassiblement, et sans commencement. De plus, ô miracle! non seulement Lui qui est connaturel au Père très-haut, se revêt par sa Naissance, de notre nature qui gisait au plus bas, non seulement Il se soumet à cette suprême pauvreté, naissant dans une grotte misérable, mais encore, Il reçoit l'ultime condamnation de notre nature alors même qu'Il est encore dans le sein, Il se joint à ses serviteurs et se fait recenser avec eux, Lui qui par nature est maître de l'univers, sans nullement considérer la servitude comme un état plus déshonorant que la souveraineté, mais bien plutôt en rendant les serviteurs plus honorables que le maître qui régnait alors sur la terre, à condition qu'ils comprennent, et se soumettent à la grandeur de la grâce: car l'homme qui croyait alors être le maître de la terre n'est pas recensé avec le Roi des cieux; seuls le sont ceux qu'il tient en son pouvoir; ce n'est donc pas le souverain de la terre qui alors est recensé avec eux, mais celui du ciel.


David, ancêtre de Dieu grâce à Celui qui à présent est enfanté dans sa patrie, chante quelque part à Dieu: "tes mains m'ont créé et modelé, donne-moi l'intelligence et j'apprendrai tes commandements" (Ps 68,73). Pourquoi dit-il cela? Parce que seul Celui qui a modelé l'homme prodigue la véritable intelligence. Et l'homme instruit, comprenant l'honneur que notre nature, façonnée par ses Mains à sa propre Image, a reçu de Dieu, cet homme, ayant pris conscience de son Amour pour l'homme, accourra vers Lui, écoutera et apprendra ses commandements: combien plus le fera-t-il, s'il comprend autant que c'est possible, le grand mystère de notre remodelage et de notre rappel? Car Dieu a modelé de sa Main notre nature, à partir de la terre, et insufflé en elle la vie venant de Lui-même, Lui qui avait amené à l'être tout le reste en un seul mot, et Il l'a créée rationnelle et maîtresse de sa conscience, libre même de gouverner ses propres pensées, elle fut abusée par le conseil du malin, et ne put tenir tête à ses machinations; elle ne garda pas ce qui est naturel, mais glissa vers ce qui est contre-nature. C'est pourquoi, à présent, Dieu ,ne se borne pas à remodeler merveilleusement de ses Mains notre nature, mais la contient en Lui; Il ne l'assume pas seulement pour l'arracher à la déchéance, mais la revêt ineffablement, en s'unissant sans séparation, d'une femme, pour assumer la même nature, qu'Il avait modelée en nos ancêtres, d'une vierge, pour créer un homme nouveau.


Car s'Il était né d'une semence, Il n'aurait pas été un homme nouveau; étant de l'ancienne frappe, et héritier de la faute, Il n'aurait pu recevoir en Lui la plénitude de la divinité intacte, et devenir une source intarissable de sanctification. Ainsi, non seulement Il n'aurait pu laver par la profusion de sa Puissance, la souillure, due au péché, de nos premiers pères, mais Il n'aurait pas même pu pouvoir à la sanctification de ceux qui ont vécu par la suite. de même, en effet, que l'eau présentée dans un vase ne suffit pas à rassasier la soif continuelle d'une ville très importante, mais que celle-ci doit avoir sa propre source entre ses murs (car ainsi, elle ne sera jamais livrée aux ennemis par la soif), de même ne pouvait pourvoir à la sanctification continuelle de tous, ni un homme, ni un ange ayant acquis par participation la grâce de sanctifier; mais la création avait besoin d'une fontaine ayant en elle-même sa source, de telle sorte que ceux qui s'en approchent et s'en rassasient ne soient jamais vaincus par les conséquences des faiblesses et des privations innées à la création. Aussi n'est-ce pas un ange, ni un homme, mais le Seigneur Lui-même qui est venu nous sauver, devenant homme pour nous et par nous, et demeurant Dieu sans changement. Car édifiant dès maintenant la nouvelle Jérusalem, relevant pour Lui-même le temple avec des pierres vivantes, et nous rassemblant en une Église sainte et universelle, Il établit sur son fondement, - qui est le Christ (cf. Ep 2,20), - la source inépuisable de la grâce. Oui, la vie plénière, souveraine et éternelle, la nature toute-sage et toute-puissante, s'unit à la nature qui avait été trompée à cause de son imprudence, qui à cause de sa faiblesse était asservie au malin, et qui, par son manque de vie divine, gisait au plus profond de l'enfer; de sorte qu'elle peut produire en elle la sagesse, la puissance, la liberté, et une vie sans fautes.


Et voyez les symboles de cette union ineffable, du profit immédiat qui s'ensuit même pour ceux qui étaient dispersés au loin: l'étoile fait route avec les mages, s'arrêtant quand ils se déplacent; ou plutôt, elle les entraîne et les appelle sur la voie, leur ouvrant le chemin et les conduisant, s'offrant elle-même comme guide aux mages qui se déplacent, leur accordant de temps à autre un repos naturel et demeurant sur place pour ne pas les abandonner ni les affliger par l'absence de sa gloire en interrompant sa mission conductrice. Or le fait est qu'elle ne les a pas peu affligés, en se cachant à eux lorqu'ils parvinrent à Jérusalem (cf. Mt 2,9). Pourquoi donc se cacha-t-elle, une fois qu'ils furent en ce lieu? Pour faire d'eux, par les questions qu'ils poseraient, des hérauts insoupçonnables du Christ né ce jour-là dans la chair. Et s'ils ont jugé digne d'apprendre des Juifs où le Christ était né selon les saintes prophéties de la loi et des prophètes, mais à atteindre l'enseignement venant du ciel, pour que nous ne tombions plus loin de la grâce et de l'illumination déversées d'en haut sur nous. Or lorsqu'ils sortirent de la ville, l'étoile leur apparut à nouveau et les réjouit; elle les conduisit en les précédant "jusqu'à ce qu'elle vînt s'arrêter au-dessus du lieu où était l'enfant" (Mt 2,9), adorant pleinement avec eux ce nourrisson à la fois céleste et terrestre. Et c'est elle qui les offrit comme premier présent à Dieu enfanté sur la terre. Pour ces raisons, Isaïe dit de la nation assyrienne: "et le premier peuple devant Dieu, en ces jours-là, sera celui des Assyriens, et après eux, les Égyptiens; le troisième sera Israël" (Is 19,1,23-24) comme cela s'est réalisé aujourd'hui, nous le voyons: oui, à l'adoration des mages a immédiatement succédé la fuite de Jésus en Égypte, par laquelle Il détourna des idoles les Égyptiens. Après son retour de ce pays, le peuple de Dieu, digne d'acquisition, fut élu du milieu d'Israël. Tout cela, Isaïe l'a clairement proclamé à l'avance. Et les mages se prosternèrent, présentant de l'or, de l'encens et de la myrrhe à Celui qui par la mort, - dont la myrrhe était le symbole, - nous a gratifiés de la Vie divine, - dont l'encens était une image, - et de la divine illumination, - que représentait l'or offert au dispensateur de la gloire éternelle. Pour Celui qui est né aujourd'hui, même les bergers constituent un choeur commun avec les anges, et ils chantent ensemble le même chant, frappant une commune cadence; et ce n'étaient pas les anges qui prenaient les flûtes d'entre les mains des berges, mais les berges eux-mêmes qui resplendissaient de la lumière des anges et se trouvaient au milieu de l'armée céleste, et apprenaient des anges l'hymne céleste, ou plutôt céleste et terrestre à la fois. Car ils disent: "Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre" (Lc 2,14): en effet, à présent, Celui qui demeure dans les lieux très-hauts, le Maître des hauteurs célestes, a pour trône la terre; Il reçoit sur celle-ci une glorification égale à celle que Lui adressent là-haut les saints et les anges.


Mais quelle est la cause de cette glorification commune des anges et des hommes, et quelle est cette bonne nouvelle louée en tout lieu par les berges et par tous les hommes avec une si grande réjouissance? "Voici, est-il dit, je vous annonce la bonne nouvelle d'une grande joie qui est donnée à tout le peuple" (Lc 2,10). Qu'est-ce à dire, et quelle est cette joie universelle? Écoutez jusqu'au bout le chant de la bonne nouvelle, et comprenez: "paix, dit-elle, et bienveillance parmi les hommes" (Lc 1,14) Oui, le Dieu qui était en colère contre le genre humain, et qui l'avait exposé à de terribles malédictions, est venu dans la chair, pour offrir sa Paix aux hommes et les réconcilier avec le Père très-haut. Car "voici, est-il dit, Il n'a pas été engendré pour nous, les anges, même si à présent, Le voyant sur la terre, nous le louons comme dans les cieux, mais pour vous les hommes, ce qui signifie: par vous et pour vous un Sauveur est né le Christ Seigneur, dans la ville de David". Mais que signifie cette "bienveillance" ajoutée à la paix, puisqu'il est dit "paix et bienveillance parmi les hommes"? Dieu a déjà montré aux hommes des signes de paix. Oui, avec Moïse, "Il parlait comme un homme parlerait son ami" (Ex 33,11); quant à David, "Il l'a trouvé selon son coeur" (Ps 88,21), et Il a offert des symboles de paix à toute la nation des Juifs quand Il descendit pour eux sur la montagne et leur parla par le feu et la ténèbre. Mais ce n'était pas par bienveillance: car la bienveillance désigne la Volonté de Dieu, qui se complaît en elle-même, primordiale et parfaite. Or ce n'est pas la Volonté primordiale et parfaite de Dieu, que l'action bienfaitrice à l'égard de quelques hommes ou d'une seule nation, quand cette action, de plus, n'est pas achevée. Aussi Dieu a-t-Il appelé beaucoup d'hommes ses fils, mais Il n'en est qu'un en qui "Il a mis sa Bienveillance"; de même, souvent Il a donné sa Paix; or il n'y a qu'une paix qui soit accompagnée de bienveillance, celle qui est donnée par l'Incarnation de notre Seigneur Jésus Christ, parfaite et immuable, à l'ensemble du genre humain et à tous ceux qui la désirent.


Cette paix, frères, gardons-la avec nous, de toute notre force: car nous l'avons reçue comme un héritage de Celui qui vient d'être enfanté, notre Sauveur, et qui nous a donné l'esprit de l'adoption par laquelle nous devenons héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ (cf. Rom 8,17). Soyons donc en paix avec Dieu en accomplissant les oeuvres qui Lui sont agréables, l'intégrité, la vérité, l'action juste, "l'assiduité dans les prières et les supplications" (Ac 1,14), "en chantant et célébrant le Seigneur dans nos coeurs" (Eph 5,19), sans nous limiter à le faire avec nos lèvres. Soyons en paix avec nous-mêmes en soumettant la chair à l'esprit, en choisissant un art de vivre accordé à notre conscience, et en mouvant le monde intérieur de nos pensées avec mesure et saintement. Car c'est ainsi que nous mettrons fin à la véritable guerre civile, celle qui a lieu en nous-mêmes; soyons en paix les uns avec les autres, en nous supportant et nous pardonnant mutuellement si nous avons quelque motif pour nous plaindre d'autrui, tout comme le Christ nous a pardonnés, "en montrant notre mutuelle miséricorde par notre amour mutuel" (Col 3,13), tout comme le Christ, par son seul Amour pour nous, fut miséricordieux et descendit jusqu'à nous, pour nous. Car, ainsi, avec son Assistance et sa Grâce, nous serons rappelés de la déchéance du péché, et recevrons grâce à nos vertus le titre de "célestes"; alors, nous aurons notre communauté dans les cieux (cf. Ph 3,20), d'où nous avons reçu l'espérance, la libération par rapport à la corruption, et la jouissance des biens célestes et éternels, en tant qu'enfants du Père céleste. Puissions-nous tous l'obtenir, lors de l'avènement et de la manifestation glorieuse à venir, de notre Seigneur Dieu et Sauveur Jésus Christ, à qui revient toute gloire pour l'éternité. Amen.

+ Grégoire, archevêque de Thessalonique

6 vues

Posts récents

Voir tout
bottom of page