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IVe dimanche de Pâques (B)

Non nobis Domine, non nobis, sed nomini tuo da gloriam !



Psaume 115 (113B),

Anonyme,

Plaque commémorative sur le mur extérieur, 1692,

Église Saint-Jocob, Peine (Allemagne)


Lecture du livre des Actes des Apôtres (Ac 4, 8-12)

En ces jours-là, Pierre, rempli de l’Esprit Saint, déclara : « Chefs du peuple et anciens, nous sommes interrogés aujourd’hui pour avoir fait du bien à un infirme, et l’on nous demande comment cet homme a été sauvé. Sachez-le donc, vous tous, ainsi que tout le peuple d’Israël : c’est par le nom de Jésus le Nazaréen, lui que vous avez crucifié mais que Dieu a ressuscité d’entre les morts, c’est par lui que cet homme se trouve là, devant vous, bien portant. Ce Jésus est la pierre méprisée de vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d’angle. En nul autre que lui, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver. »


Psaume 117

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !

Éternel est son amour !

Mieux vaut s’appuyer sur le

de compter sur les hommes ;

mieux vaut s’appuyer sur le

de compter sur les puissants !


Je te rends grâce car tu m’as exaucé :

tu es pour moi le salut.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs

est devenue la pierre d’angle :

c’est là l’œuvre du Seigneur,

la merveille devant nos yeux.


Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient !

De la maison du Seigneur, nous vous bénissons !

Tu es mon Dieu, je te rends grâce,

mon Dieu, je t’exalte !

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !

Éternel est son amour !


Lecture de la première lettre de saint Jean (I Jn 3, 1-2)

Bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. Voici pourquoi le monde ne nous connaît pas : c’est qu’il n’a pas connu Dieu. Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est.


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 10, 11-18)

En ce temps-là, Jésus déclara : « Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire n’est pas le pasteur, les brebis ne sont pas à lui : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse. Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »


Changement de psaume !

Ayant déjà commenté ce psaume, je me suis reporté à la citation de Pierre dans les Actes des Apôtres : « En nul autre que lui, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver. » L’évangile lui-même rappelle ce psaume : le pasteur connaît ses brebis par leur nom, et elles-mêmes reconnaissent le son de sa voix. Je me suis donc reporté au psaume 113B :


01 Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom, donne la gloire, pour ton amour et ta vérité.

02 Pourquoi les païens diraient-ils : « Où donc est leur Dieu ? »

03 Notre Dieu, il est au ciel ; tout ce qu'il veut, il le fait.

04 Leurs idoles : or et argent, ouvrages de mains humaines.

05 Elles ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas,

06 des oreilles et n'entendent pas, des narines et ne sentent pas.

07 Leurs mains ne peuvent toucher, leurs pieds ne peuvent marcher, pas un son ne sort de leur gosier !

08 Qu'ils deviennent comme elles, tous ceux qui les font, ceux qui mettent leur foi en elles.

09 Israël, mets ta foi dans le Seigneur : le secours, le bouclier, c'est lui !

10 Famille d'Aaron, mets ta foi dans le Seigneur : le secours, le bouclier, c'est lui !

11 Vous qui le craignez, ayez foi dans le Seigneur : le secours, le bouclier, c'est lui !

12 Le Seigneur se souvient de nous : il bénira ! Il bénira la famille d'Israël, il bénira la famille d'Aaron ;

13 il bénira tous ceux qui craignent le Seigneur, du plus grand au plus petit.

14 Que le Seigneur multiplie ses bienfaits pour vous et vos enfants !

15 Soyez bénis par le Seigneur qui a fait le ciel et la terre !

16 Le ciel, c'est le ciel du Seigneur ; aux hommes, il a donné la terre.

17 Les morts ne louent pas le Seigneur, ni ceux qui descendent au silence.

18 Nous, les vivants, bénissons le Seigneur, maintenant et pour les siècles des siècles !


Un peu d’histoire

Même si le psaume est attribué à David, il dut, cependant, être écrit au VIe siècle avant Jésus-Christ. Le premier verset deviendra cette hymne chrétienne qui a longtemps accompagné les fidèles désireux de rendre gloire à Dieu de ses victoires : c’est bien à Lui, à son Nom, qu’elles reviennent.


Certains l’ont donné comme chant principal, voire comme devise des Chevaliers du Temple, mais rien n’est sûr. Par contre, Shakespeare raconte dans sa pièce de théâtre Henry V, que le roi anglais éponyme la fit chanter la veille de la tristement célèbre bataille d’Azincourt en 1415, qui vit la destruction de la fine fleur de la chevalerie française, trop orgueilleuse et confiante en sa supériorité. C’est Henry V qui vainquit et qui fit rechanter cette hymne après la bataille, attribuant sa victoire au Nom divin. Patrick Doyle en a réalisé une superbe musique pour le film « Henry V » de Kenneth Branagh (cliquez ici).


Rendez à César

Jésus n’en fera-t-il pas une sorte de ré-interprétation lorsque, confronté aux hérodiens et pharisiens qui veulent le mettre en défaut, il leur clouera le bec (Mt 22, 16-22) :

Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode : « Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ; tu ne te laisses influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens. Alors, donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? » Connaissant leur perversité, Jésus dit : « Hypocrites ! pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ? Montrez-moi la monnaie de l’impôt. » Ils lui présentèrent une pièce d’un denier. Il leur dit : « Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ? » Ils répondirent : « De César. » Alors il leur dit : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » À ces mots, ils furent tout étonnés. Ils le laissèrent et s’en allèrent.

Rendre à Dieu ce qui est à Dieu, comme rendre à son Nom la gloire qui lui revient. Mais avons-nous encore idée de ce qu’est la gloire ?


Gloire

Le mot, à l’origine, ne se rapporte qu’à Dieu et signifie « célébrer la béatitude céleste ». Malheureusement, au cours des siècles, nous avons déplacé cette gloire du monde divin au monde humain. On a glorifié le souverain du pays, aujourd’hui on glorifie la République. Là est peut-être la source de tous nos maux actuels…  Le psaume nous dit tout ce qui fait la gloire de Dieu. Et ce n’est pas une gloire égoïste, qu’il se réserve à lui-même, mais ce que j’appellerais trivialement une « gloire-miroir ». Car toute la gloire que nous rendons à Dieu nous revient de lui :


11 Vous qui le craignez, ayez foi dans le Seigneur : le secours, le bouclier, c'est lui !

12 Le Seigneur se souvient de nous : il bénira ! Il bénira la famille d'Israël, il bénira la famille d'Aaron ;

13 il bénira tous ceux qui craignent le Seigneur, du plus grand au plus petit.

14 Que le Seigneur multiplie ses bienfaits pour vous et vos enfants !

15 Soyez bénis par le Seigneur qui a fait le ciel et la terre !

16 Le ciel, c'est le ciel du Seigneur ; aux hommes, il a donné la terre.

18 Nous, les vivants, bénissons le Seigneur, maintenant et pour les siècles des siècles !


Alors que la gloire des hommes n’est souvent que gloriole ou gloriette… Et comment pourrait-elle se tourner vers nous, alors que le psaume la décrit ainsi :


02 Pourquoi les païens diraient-ils : « Où donc est leur Dieu ? »

04 Leurs idoles : or et argent, ouvrages de mains humaines.

05 Elles ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas,

06 des oreilles et n'entendent pas, des narines et ne sentent pas.

07 Leurs mains ne peuvent toucher, leurs pieds ne peuvent marcher, pas un son ne sort de leur gosier !

08 Qu'ils deviennent comme elles, tous ceux qui les font, ceux qui mettent leur foi en elles.


Le comte répondait à Don Rodrigue, dans Le Cid de Pierre Corneille (1636) : « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Mais quand cette gloire ne s’offre plus qu’aux hommes, si valeureux soient-ils, comment pourrait-on vaincre les dérives de notre humanité ? Saint François de Sales ne disait-il pas que « Là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie » ?! Et pourtant, nous avons un profond besoin de célébrer cette gloire…


Du faste à la liturgie

Cette année encore, notre pays va célébrer moult événements entre les Jeux Olympiques et l’anniversaire du Débarquement. Ces célébrations seront parfois déjantées, parfois fastueuses, parfois émouvantes, mais rarement glorieuses. Car elles ne se tourneront que sur notre propre gloire, et très vite se transformeront en tribune politique. Bien sûr, il est important de rendre grâce pour tous ces soldats étrangers qui sont venus mourir sur notre sol pour notre liberté ; bien sûr il est nécessaire de faire monter sur le podium les meilleurs des athlètes ; mais doit-on leur rendre gloire ? N’avons-nous pas troqué trop rapidement le héros, tel que l’Antiquité le célébrait, pour une gloire qui ne devrait s’accorder qu’à Dieu ?


Et cette dérive peut même infuser dans nos liturgies… Quand on dispose l’autel au centre de la nef afin que tous les fidèles se voient et voient le prêtre, regardent-ils encore l’autel, signe de la mort et de la résurrection du Christ ? Le célèbre-t-on ou nous célébrons-nous ? Contrairement à ce que j’ai entendu à la radio, de la part d’un évêque, la messe n’est pas un moment de convivialité, ce n’est pas un repas sympa entre amis. Non, c’est la célébration de la Gloire de Dieu. Certains veulent la dépouiller de tous les artifices accumulés au cours de siècle. C’est louable. À condition de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain ! Se dépouiller du faste, d’accord, mais pour que tout en revienne à Dieu, tel le dépouillement d’une célébration monastique. Mais pas pour y ajouter des chants sans queue ni tête, ou des panneaux réalisés par les enfants du caté ! « Rien n’est trop beau pour Dieu » disait le saint Curé d’Ars. La beauté n’a pas besoin d’être clinquante pour être réaliste ; elle peut être sobre, belle et vraie.


Gloire hébraïque

Voilà un mot, « gloire », que l’on trouve plus de deux cents fois dans la Bible : כָּבוֹד (kabowd). Mais le premier sens de ce mot est « poids », ce qui est lourd et dense. Les sens dérivés expriment tous la même idée : « ce qui donne du poids », « ce qui en impose ». Par exemple, la richesse et le pouvoir donnent du poids à un homme, de la renommée, de l'honneur, de la puissance, de la considération ou de l'influence. On dirait, dans notre langage, que cet homme est « pesant ». L'hébreu, lui, parlera de la « gloire » de cette homme. « Rendre gloire à quelqu'un », c'est reconnaître son importance ou son autorité.


 On voit donc se dessiner la signification particulière que ce mot peut prendre quand il est appliqué à Dieu. De façon générale, la « gloire » de Dieu est ce qui le rend important et en conséquence impose le respect à l'être humain. Cette gloire est la manifestation éclatante de sa sainteté et de sa puissance. Quand Dieu agit, il y met tout le « poids » de sa sainteté, en particulier lors de l'Exode.


Et donc, ne serait-ce que dans nos liturgies (qu’elles soient communautaires ou lors de nos prières personnelles), si nous devons rendre gloire à Dieu, il faut surtout que nous donnions du poids à ce que nous célébrons, de la densité dans nos gestes, du poids dans nos paroles et nos chants. Un certain faste peut nous aider « à en imposer », à condition qu’il ne soit jamais au détriment du poids de ce que nous célébrons : l’amour de Dieu pour les hommes, amour que nous lui retournons dans l’eucharistie (l’action de grâce). Et parfois, le sobre, le dépouillé ont plus de poids et de densité que « les flonflons » !


À la fin du prologue de son Évangile, saint Jean, après avoir décrit le chemin parcouru par le Verbe de Dieu, - c'est-à-dire le Fils de Dieu -, depuis son intimité avec le Père jusqu'à son incarnation, déclare solennellement: « Le Verbe s'est fait chair et nous avons vu sa gloire, (...) cette gloire que le Fils unique tient du Père » (Jean 1, 14). Saint Jean veut faire comprendre que la venue dans la condition humaine du Fils de Dieu est la manifestation par excellence de Dieu, qui met tout le « poids » de son Amour pour ouvrir aux êtres humains le chemin du salut et leur offrir le partage de sa vie intime. Jésus étant la manifestation de la gloire, cela signifie que Dieu va agir avec puissance à travers ses paroles et ses actes.


Et dans nos vies personnelles

« Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom, donne la gloire, pour ton amour et ta vérité » disions-nous au début. Et la question qui peut ainsi se poser à nous au terme de ce petit parcours est de savoir comment je peux rendre gloire au Nom divin ?


  • D’abord, me semble-t-il, en faisant preuve de densité dans nos liturgies. Une densité qui tient à notre intériorité. Si notre ferveur (certains diront notre concentration) est toute orientée vers Dieu, alors notre cœur célébrera la Gloire de Dieu. Et surtout ce petit geste (petit en temps, pas en force) de la communion doit nous faire ressentir cette même densité, ce même poids intérieur : Dieu vient habiter en moi, son Nom vient se graver en mon cœur. Et je ne peux m’empêcher de vous remettre cette enluminure à laquelle je pense à chaque fois que je communie (Livre d’heures, Johann Siebenhirter, MS A 225, folio 158v, avant 1469, Librairie royale de Suède, Stockholm) :




  • Car à chaque fois que nous communions, notre âme devient le siège de la Jérusalem céleste, comme le décrit Jean dans l’Apocalypse (Ap 21, 10-12) :

En esprit, il m’emporta sur une grande et haute montagne ; il me montra la Ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu : elle avait en elle la gloire de Dieu ; son éclat était celui d’une pierre très précieuse, comme le jaspe cristallin. Elle avait une grande et haute muraille, avec douze portes et, sur ces portes, douze anges ; des noms y étaient inscrits : ceux des douze tribus des fils d’Israël.

Nous devenons sa demeure (Ap 3, 20) : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. »


  • Puis de comprendre pourquoi nous devons rendre cette gloire à son Nom. Le psalmiste nous le dit : « pour son amour et sa vérité ». Ce sont les deux éléments principaux qui rendent gloire à Dieu. D’abord, le double commandement du triple amour (Mc 12, 28-31) :

Un scribe qui avait entendu la discussion, et remarqué que Jésus avait bien répondu, s’avança pour lui demander : « Quel est le premier de tous les commandements ? » Jésus lui fit cette réponse : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur.  Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force.  Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. »

Et la vérité dans nos vies, nos actes et nos propos car (Jn 8, 32) : « la vérité vous rendra libres ».


  • Enfin, en donnant de la densité à nos vies quotidiennes. Je reprends ce que j’écrivais dans l’homélie du IVe dimanche de Carême :

La fameuse citation de Ronsard : « Carpe Diem » ? En fait, le verset est tiré d’Horace (Odes, I, 11, 8) : « Carpe diem, quam minimum credula postero » (Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain). Ce qui importe est de donner du poids à ce que nous vivons à l’instant. (…) Donnons-du poids, de la densité, à chaque instant, chaque minute, chaque seconde. C’est peut-être la dernière…
  • Et pour finir, rappelons-nous le piège dénoncé par Blaise Pascal dans ses Pensées (§ 470)

La plus grande bassesse de l’homme est la recherche de la gloire, mais c’est cela même qui est la plus grande marque de son excellence ; car, quelque possession qu’il ait sur la terre, quelque santé et commodité essentielle qu’il ait, il n’est pas satisfait, s’il n’est dans l’estime des hommes. Il estime si grande la raison de l’homme que, quelque avantage qu’il ait sur la terre, s’il n’est placé avantageusement aussi dans la raison de l’homme, il n’est pas content. C’est la plus belle place du monde, rien ne le peut détourner de ce désir, et c’est la qualité la plus ineffaçable du cœur de l’homme.

Et il ajoutera que « la vraie question n’est ni de se sous-estimer, ni de se sur-estimer, mais de s’estimer à sa juste valeur, car c’est la seule façon de rendre gloire à Dieu pour ce que nous sommes » !



Louange au vrai Dieu - Jean-Paul II. Mercredi 1er septembre 2004

1. Le Dieu vivant et l'idole sans vie s'affrontent dans le Psaume 113/B que nous venons d'entendre et qui appartient à la série des Psaumes des Vêpres. L'antique traduction grecque de la Bible, appelée des Septante, suivie de la version latine de l'antique Liturgie chrétienne, a uni ce Psaume en l'honneur du vrai Seigneur au Psaume précédent. Il en résulte une unique composition qui est cependant nettement partagée en deux textes distincts (cf. Ps 113/A et 113/B).


Après une parole initiale adressée au Seigneur pour en attester la gloire, le peuple élu présente son Dieu comme le créateur tout-puissant : « Notre Dieu, il est dans les cieux, tout ce qui lui plaît, il le fait » (Ps 113/B, 3). « Fidélité et grâce » sont les vertus typiques du Dieu de l'alliance dans sa relation avec le peuple qu'il a choisi, Israël (cf. v. 1). Ainsi, le cosmos et l'histoire se trouvent sous sa souveraineté, qui est puissance d'amour et de salut.


2. Le Dieu véritable adoré par Israël, est immédiatement opposé aux « idoles » des païens (v. 4). L'idolâtrie est une tentation de toute l'humanité dans tous les pays et à toutes les époques. L'idole est une chose inanimée, née des mains de l'homme, une froide statue privée de vie. Le Psalmiste la décrit ironiquement avec ses sept attributs complètement inutiles : la bouche muette, les yeux aveugles, les oreilles sourdes, les narines insensibles aux odeurs, les mains inertes, les pieds paralysés, la gorge qui n'émet aucun son (cf. vv. 5-7).


Après cette critique impitoyable des idoles, le Psalmiste exprime un souhait sarcastique : « Comme elles, seront ceux qui les firent, quiconque met en elles sa foi » (v. 8). Il s'agit d'un souhait exprimé sous une forme efficace pour produire un effet de dissuasion radicale à l'égard de l'idolâtrie. Celui qui adore les idoles de la richesse, du pouvoir, du succès perd sa dignité de personne humaine. Le prophète Isaïe disait : « Néant, tous ceux qui modèlent des idoles, leurs meilleures œuvres ne servent à rien ! Elles sont leurs témoins, qui ne voient ni ne savent rien, en sorte qu'ils seront couverts de honte » (Is 44, 9).


3. En revanche, les fidèles du Seigneur savent qu'ils ont dans le Dieu vivant « leur secours » et « leur bouclier » (cf. Ps 113/B, 9-13). Ces derniers sont présentés selon une triple catégorie. Il y a tout d'abord « la Maison d'Israël », c'est-à-dire tout le peuple, la communauté qui se réunit dans le temple pour prier. Il y a également la « Maison d'Aaron » qui se réfère aux prêtres, gardiens et annonciateurs de la Parole divine, appelés à présider le culte. Puis on évoque pour finir ceux qui craignent le Seigneur, c'est-à-dire les fidèles authentiques et constants qui, dans le judaïsme successif à l'exil babylonien et plus tard, dénotent également les païens qui s'approchaient de la communauté et de la foi d'Israël avec un cœur sincère et en effectuant une recherche authentique. Ce sera, par exemple, le cas du centurion romain Cornelius (cf. Ac 10, 1-2.22), ensuite converti par saint Pierre au christianisme.


Sur ces trois catégories de véritables croyants descend la bénédiction divine (cf. Ps 113/B, 12-15). Celle-ci, selon la conception biblique, est une source de fécondité : « Que Yahvé vous fasse croître, vous et vos enfants » (v. 14). Puis les fidèles, joyeux en raison du don de la vie qu'ils ont reçu du Dieu vivant et créateur, entonnent un bref hymne de louange, répondant à la bénédiction efficace de Dieu par leur bénédiction reconnaissante et confiante (cf. vv. 16-18).


4. De façon très vivante et suggestive, un Père de l'Église d'Orient, saint Grégoire de Nysse (IV siècle), dans sa cinquième Homélie sur le Cantique des cantiques reprend notre Psaume pour décrire le passage de l'humanité du « gel de l'idolâtrie » au printemps du salut. En effet, rappelle saint Grégoire, la nature humaine s'était elle-même transformée « dans les êtres immobiles » et sans vie « qui furent faits objets de culte », comme il est précisément écrit : « Comme eux seront ceux qui les firent, quiconque met en eux sa foi ». « Et il était logique qu'il en aille ainsi. En effet, de même que ceux qui se tournent vers le vrai Dieu reçoivent en eux les caractéristiques de la vie divine, celui qui s'adressa à la vanité des idoles se transforma et se fit conforme à ce qu'il regardait et devint pierre, alors qu'il était homme. La nature humaine étant donc devenue de pierre à cause de l'idolâtrie, elle resta immobile à l'égard du bien, bloquée dans le gel du culte des idoles, c'est pourquoi naît sur ce terrible hiver le Soleil de la justice, qui fait venir le printemps avec la brise du milieu du jour, qui fait fondre ce gel, et réchauffe, avec l'apparition des rayons de ce soleil, tout ce qui se trouve au-dessous. Ainsi l'homme, qui avait été transformé en pierre par la glace, réchauffé par l'Esprit et par les rayons du Logos, redevint de l'eau qui jaillissait pour la vie éternelle ».

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